La vente HLM : une solution dangereuse pour résorber la crise du logement (Stéphane Peu, député)
La crise du logement dans notre pays ne cesse de se creuser. Année après année, le constat s’aggrave : se loger convenablement, durablement et à un prix soutenable est devenu quasi-mission impossible. Dans ces conditions, les drames du mal-logement se banalisent : ici un immeuble s’effondre emportant ses occupants, là un incendie se déclare dans une cage d’escalier vétuste laissant prisonnier ses habitants… et quand ce ne sont pas des morts que l’on compte c’est le nombre toujours plus préoccupant de mal logés et de sans-logis qui explose : 12,1 millions de personnes sont en situation de fragilité par rapport au logement (voir le rapport de la fondation Abbé Pierre sur le mal-logement 2019). Cette situation est insupportable et indigne de la 6e puissance économique du monde qu’est la France, écrit Stéphane Peu, député (PC) de Seine-Saint-Denis, dans une tribune adressée à News Tank en juin 2019.
La mise en vente contrainte signifie que les organismes n’ont plus le choix. Ils doivent vendre coûte que coûte du patrimoine pour subvenir à leurs besoins : loger, entretenir et participer à l’effort de construction. Pour ce faire, toutes les vannes ont été ouvertes y compris en piétinant allègrement le totem du logement HLM qu’est la loi SRU
Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, du 13/12/2000, dont l’article 55 impose un quota de 25 % de logements sociaux en 2025, dans chaque commune de 3 500 habitants
. Celle-là même que l’Abbé Pierre était venu défendre dans les tribunes de l’Assemblée nationale en 2005 lorsque la majorité de droite de l’époque la menaçait déjà. A présent, les organismes peuvent vendre à tout va y compris dans les communes ne respectant pas le taux de 25 % de logements sociaux. Cette atteinte de la loi SRU est un non-sens. Il favorisera le séparatisme territorial et social, en encourageant la baisse du nombre de logements sociaux dans les villes qui n’atteignent déjà pas les 25 %. les difficultés à se loger que nous connaissons persisteront et s’aggraveront ailleurs.
Voici la tribune de Stéphane Peu.
La tribune de Stéphane Peu
La crise du logement dans notre pays ne cesse de se creuser. Année après année, le constat s’aggrave : se loger convenablement, durablement et à un prix soutenable est devenu quasi-mission impossible. Dans ces conditions, les drames du mal-logement se banalisent : ici un immeuble s’effondre emportant ses occupants, là un incendie se déclare dans une cage d’escalier vétuste laissant prisonnier ses habitants… et quand ce ne sont pas des morts que l’on compte c’est le nombre toujours plus préoccupant de mal logés et de sans-logis qui explose : 12,1 millions de personnes sont désormais en situation de fragilité par rapport au logement (1). Cette situation est insupportable et indigne de la 6e puissance économique du monde qu’est la France.
Figurant pourtant au premier rang des préoccupations de nos concitoyens, le logement est devenu au fil des ans le parent pauvre des politiques publiques. Et c’est ainsi que d’un droit à valeur constitutionnelle, il apparaît désormais comme un « bien marchand », « un bien d’usage », pire « un bien de consommation » dans les lois qui lui sont consacré. Cette dérive sémantique sur le papier se traduit concrètement sur le terrain par des décisions absurdes et dangereuses, comme celle du démantèlement du modèle HLM.
Un modèle plus que centenaire, qui a su faire ses preuves
Rappelons-le : les HLM (Habitation à Loyer Modéré) dans notre pays c’est environ 500 organismes, 4,5 millions de logements et 11 millions de personnes qui y habitent. Les HLM ce ne sont pas le logement résiduel des exclus ou des plus pauvres de la société. Ils n’ont pas été pensés comme cela dans notre modèle économique et social. Les HLM logent 75 % des salariés. Il s’agit d’un logement généraliste, creuset d’intégration et de mixité sociale. Alors si nous examinions sérieusement la crise du logement dans notre pays, nous développerions massivement des logements abordables notamment par le biais des HLM. Car, en effet, il est non seulement un moyen de préserver la dignité de ses occupants mais aussi une arme efficace contre les dérives spéculatives.
Les HLM ont des loyers conventionnés, strictement encadrés, et ne nourrissent donc pas la machine inflationniste. Son modèle repose sur trois fondements : le Livret A et la Caisse des Dépôts et Consignations, Action Logement et les aides publiques (État, collectivités locales…), c’est-à-dire l’alliance d’un interventionnisme public garant d’un droit fondamental de la personne humaine et d’une épargne populaire sécurisée. Il présente la caractéristique d’être juste socialement et efficace économiquement.
Logique qui rompt avec l’équilibre entre les actifs anciens et les actifs de court terme
Et pourtant le nouveau monde n’aime pas les HLM, il les considère comme une anomalie. Alors sous prétexte de vouloir réinventer le monde, il utilise de très vieilles recettes qui n’ont produit que des effets négatifs par le passé. Parmi ces recettes, figure la vente de ce patrimoine.
S’il est vrai que la question de la vente HLM est une marotte dans les couloirs de Bercy, elle était possible pour les organismes depuis de nombreuses années - 8000 ventes chaque année dont 3000 seulement à des locataires HLM-, elle est désormais érigée en principe au ministère du logement et gravée dans le marbre avec la loi Elan. Ainsi après avoir affaibli les organismes HLM avec la loi de finances 2018 en ponctionnant pas moins de 3 Md€ dans leur trésorerie, le gouvernement et sa majorité parlementaire les contraignent à la vente forcée d’une partie de leur patrimoine - 40 000 logements par an - afin d’assurer leur équilibre financier. Seulement pour renforcer ainsi leurs fonds propres, ils n’auront d’autre choix que de rompre avec le principe qui faisait prévaloir l’économie de long terme dans les HLM. Car pour que les ventes rapportent, ils vendront avant tout du patrimoine amorti, c’est-à-dire du patrimoine relativement ancien qui demande entretien et travaux. Une logique qui rompt avec l’équilibre entre les actifs anciens et les actifs de court terme, qui permettait justement de dégager des fonds propres et d’obtenir un équilibre de gestion. C’est ainsi que sera créé un déséquilibre durable des organismes HLM.
Cette atteinte de la loi SRU est un non-sens car cela favorisera : le séparatisme territorial et social
La mise en vente contrainte signifie que les organismes n’ont plus le choix. Ils doivent vendre coûte que coûte du patrimoine pour subvenir à leurs besoins : loger, entretenir et participer à l’effort de construction. Pour ce faire, toutes les vannes ont été ouvertes y compris en piétinant allègrement le totem du logement HLM : qu’est la loi SRU Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, du 13/12/2000, dont l’article 55 impose un quota de 25 % de logements sociaux en 2025, dans chaque commune de 3 500 habitants . Celle-là même que l’Abbé Pierre était venu défendre dans les tribunes de l’Assemblée nationale en 2005 lorsque la majorité de droite de l’époque la menaçait déjà. A présent, les organismes peuvent vendre à tout va y compris dans les communes ne respectant pas le taux de 25 % de logements sociaux. Cette atteinte de la loi SRU Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, du 13/12/2000, dont l’article 55 impose un quota de 25 % de logements sociaux en 2025, dans chaque commune de 3 500 habitants est un non-sens car cela favorisera : le séparatisme territorial et social en encourageant la baisse du nombre de logements sociaux dans les villes qui n’atteignent déjà pas les 25 %, les difficultés à se loger que nous connaissons persisteront, et s’aggraveront ailleurs.
La mise en vente forcée de HLM c’est aussi prendre le risque de favoriser l’émergence de nouvelles copropriétés dégradées car les logements invendus seront vraisemblablement par le biais de sociétés de défaisances déconventionnés et vendus sans conditions ni obligations. Il y a tout lieu de croire qu’ils deviendront la proie de marchands de sommeil. Il existe, hélas, des exemples de ce type.
Le marché n’a pas de morale, il est aveugle à l’intérêt général alors penser qu’en confiant les clés de la réponse à la crise du logement au marché est une grossière erreur. D’autres pays l’ont expérimenté et le regrettent en regardant la France et son économie mixte dans le domaine du logement avec envie. Une jambe publique et une jambe privée qui se soutiennent alternativement l’une et l’autre. Alors brader sa jambe publique pour satisfaire les appétits voraces du privé est un dangereux poison. Il faut au contraire conforter le secteur public, produire massivement des logements abordables, inciter davantage les opérations d’accession sociale à la propriété et règlementer drastiquement le secteur privé car ne l’oublions pas : le logement n’est pas une marchandise comme les autres c’est avant tout un bien de première nécessité…
[1] Rapport fondation Abbé Pierre sur le mal-logement 2019
Tribune dirigée par Jean-Luc Berho
La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta sur le logement, qui auront lieu le 30/08/2019 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques), et président de la Coopérative de l’immobilier, implantée à Toulouse.
Elle a vocation à mettre en exergue des avis experts sur le logement, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires.
Stéphane Peu
Député de la 2e circonscription de Seine-Saint-Denis @ Assemblée nationale
Conseiller municipal @ Ville de Saint-Denis
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Parcours
Député de la 2e circonscription de Seine-Saint-Denis
Conseiller municipal
Membre
Vice-président du conseil de territoire
Adjoint au maire en charge du foncier et de l’urbanisme
Président
Fiche n° 30960, créée le 31/05/2018 à 18:34 - MàJ le 30/09/2024 à 16:51
Jean-Luc Berho
Président @ Les Entretiens d’Inxauseta (rendez-vous annuel sur le logement)
Président @ Soliha Pays Basque
Directeur Analyses Débats et Tribunes Cities @ News Tank (NTN)
Président @ Supastera (association événements culturels)
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Président
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Directeur Analyses Débats et Tribunes Cities
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Fiche n° 31475, créée le 22/06/2018 à 15:03 - MàJ le 17/06/2024 à 14:08