Les jeunes accèdent de moins en moins au parc de logement social (D. Giry, président de Résidétape)
Tous les chiffres convergent : les jeunes accèdent de moins en moins au parc de logement social en France. Parmi l’ensemble des ménages français dont la personne de référence est âgée de 25 à 29 ans, le taux de locataires du secteur social est passé de 27 % en 1988, à 16 % en 2013. Si l’on regarde les locataires du parc social, la part de ménages dont la personne de référence a moins de 30 ans est passée de 24,6 % en 1984 à 9,5 % en 2013, écrit Dominique Giry
Président @ Résidétape • Directeur général @ Espacité • président-fondateur @ Conseil de développement (Codev) du Val-de-Marne
• Né en 1948
, président de Résidétape, dans une tribune adressée en mai 2019 à News Tank.
Le logement social remplit de moins en moins son rôle d’accueil par rapport à la population jeune. Comment expliquer ce constat ? Il faut d’abord rappeler que le public jeune est assez hétérogène, marqué par une porosité forte entre les catégorie des jeunes étudiants et des jeunes actifs, et par l’existence de grandes disparités, selon le niveau d’éducation notamment, entre des jeunes qui se stabilisent rapidement dans un emploi à durée indéterminée, et des jeunes qui sont dans un processus d’insertion longue, avec des périodes prolongées de chômage, écrit le président de Résidétape, entreprise sociale qui conçoit des logements pour accompagner la mobilité des personnes et des territoires.
« Depuis plus de 15 ans, Résidétape est engagée au quotidien pour soutenir les personnes dans la réalisation de leurs projets d’avenir. Elle gère plus de 1 500 logements au travers de 14 résidences dans 4 territoires : Ile-de-France, Métropole de Lyon, Métropole de Marseille et la Loire-Atlantique (Nantes et Saint-Nazaire) », indique-t-il.
Voici la tribune de Dominique Giry.
La tribune de Dominique Giry, président de Résidétape
Tous les chiffres convergent. Les jeunes accèdent de moins en moins au parc de logement social en France :
- parmi l’ensemble des ménages français dont la personne de référence est âgée de 25 à 29 ans, le taux de locataires du secteur social est passé de 27 % en 1988, à 16 % en 2013 ; [1]
- si l’on regarde les locataires du parc social, la part de ménages dont la personne de référence a moins de 30 ans est passée de 24,6 % en 1984 à 9,5 % en 2013. [2]
Le logement social remplit de moins en moins son rôle d’accueil par rapport à la population jeune. Comment expliquer ce constat ? Il faut d’abord rappeler que le public jeune est assez hétérogène, marqué par une porosité forte entre les catégorie des jeunes étudiants et des jeunes actifs, et par l’existence de grandes disparités, selon le niveau d’éducation notamment, entre des jeunes qui se stabilisent rapidement dans un emploi à durée indéterminée, et des jeunes qui sont dans un processus d’insertion longue, avec des périodes prolongées de chômage.
Il faut néanmoins constater que, globalement, les jeunes restent sur-pénalisés dans leur accès au logement. Ils sont frappés par un taux de chômage 3,5 fois plus élevé que celui des adultes et leur entrée dans la vie active passe de plus en plus par une succession, longue, de contrats temporaires (CDD, intérim, apprentissage…). Aujourd’hui, notamment dans les villes où le marché du logement est tendu, les jeunes aux ressources modestes et en contrat précaires qui ne disposent pas d’un appui familial important, sont « exclus » du marché du logement, qu’il soit social ou privé.
Il faut enfin considérer que le parc social, pour sa part, n’a sans doute pas su répondre de manière suffisante à ces évolutions :
- Les logements spécifiques, telles que les résidences étudiantes, les résidences pour jeunes actifs sont en nombre insuffisant
-
Le logement social familial, souvent saturé, et ayant des délais d’attribution long, et des procédures d’attribution pas adaptées aux besoins des jeunes, ne répond qu’imparfaitement à ces besoins.
Agir sur deux segments : le logement social temporaire et le logement social familial
Nous sommes donc sur un problème aigu qui pèse fortement sur la jeunesse, et qui suppose d’agir sur deux segments : le logement social temporaire et le logement social familial. Sur le logement temporaire, qui est le métier de Résidétape, il est important de continuer de développer des résidences qui, par leur loyer limité et leur flexibilité, sont adaptés aux jeunes qui décohabitent de chez leurs parents et aux jeunes en mobilité professionnelle.
Ce sont des solutions de logement dont il faut bien cerner la spécificité. Chez Résidétape, nous avons ainsi un investissement très important sur l’accompagnement des résidents, qui permet :
- de maîtriser la qualité de vie et l’entretien dans la résidence,
- de maîtriser la performance de gestion en alliant un taux de rotation très élevé et une vacance réduite
- de sécuriser les résidents durant leur séjour et surtout de les accompagner vers une solution de logement durable
Ce modèle a un coût. Les financements apportés à la construction, sous forme de subvention ou de fonds propres, sont déterminants pour pouvoir développer des modèles de gestion pérenne qui ne dépendent pas de subvention d’équilibres. Le premier enjeu est donc de continuer de soutenir financièrement, dans toutes les zones tendues, la construction de résidences collectives pour les jeunes et de sécuriser dans la durée la couverture par l’APL de ces publics. Souhaitons que le nouveau cadre réglementaire « des logements jeunes », prévu par la loi Elan Évolution du logement et aménagement numérique - Loi « Logement » adoptée le 23/11/2018 par le Parlement , contribue à cet objectif.
Pour une intensification de la production de petits logements
Sur le logement social familial, « classique », il y aussi une marge de progrès importante. Les solutions passeront par :
- une intensification de la production de petits logements, les logements familiaux de type T3-T4 étant fortement surreprésentés par rapport aux petits logements dans le parc HLM existant.
- Une évolution des procédures de commercialisation des logements sociaux et de traitement des demandes, pour s’adapter aux contraintes du public jeune et rendre lisible les offres et modes de fonctionnement des bailleurs sociaux. Aujourd’hui, les jeunes, qui ont besoin parfois de délai de réponse très courts, ne pensent souvent même pas à rechercher un logement social, estimant que leurs chances sont nulles ou que l’offre n’est pas adaptée à leurs attentes.
- Enfin, il est possible de mobiliser et transformer des logements sociaux existants pour proposer des logements meublés, en colocation ou non : des logements totalement équipés, adaptés à des séjours de moyenne durée, à un coût réduit, dans lesquels un jeune peut rentrer avec sa valise sans devoir acquérir de l’équipement ou des meubles… Ces offres existent déjà. Elles sont peu nombreuses mais il serait possible, en les développant, de créer des dizaines de milliers de places dans le logement existant, adaptées aux jeunes, sans construire un seul logement…
La question du logement des jeunes, à la fois en logement temporaire et en logement familial est un enjeu majeur pour le secteur du logement social. Elle conditionne sa capacité à répondre à un besoin social central de notre société, à assurer un cadre de vie décent à la population jeune de notre pays. Elle conditionne, au delà, la capacité de cette population à accéder à un emploi. Quand on sait que 40 % des jeunes changent de zone d’emploi durant les 7 premières années de leur vie professionnelle, on mesure combien l’accès à un logement peut être un facteur décisif…
[1] et [2] source : « Les conditions de Logement en France » - édition 2017 - Insee
Rubrique dirigée par Jean-Luc Berho
La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta sur le logement, qui auront lieu le 30/08/2019 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques), et président de la Coopérative de l’immobilier, implantée à Toulouse.
Elle a vocation à mettre en exergue des avis experts sur le logement, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires.
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