« Le modèle économique des transports publics doit être conforté » (Thierry Mallet, président UTP)
Alors que la crise sanitaire perdure, la France est confrontée à des enjeux de santé publique, sociaux, économiques et écologiques. Le GIEC
Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat - Principal organe international chargé d’évaluer le changement climatique créé en 1988 par le PNUE et l’OMM
et la stratégie nationale bas carbone préconise de diminuer les émissions dans les transports de 40 % d’ici à 2030. L’Europe évoque même une baisse globale de 60 %. Relever ce défi impose une ample évolution de la mobilité dans les territoires et une adéquation des moyens à leurs ambitions. L’analyse des émissions de gaz à effet de serre montre que l’effort doit porter en priorité sur les déplacements quotidiens et locaux inférieurs à 80 km. Depuis 20 ans, les dynamiques économiques métropolitaines, la perte de substance industrielle dans les autres territoires et la multiplication par 3 des prix de l’immobilier dans les grandes agglomérations ont abouti à un éloignement croissant du lieu de travail et de l’habitat. La mobilité doit s’adapter à cette nouvelle donne territoriale, écrit Thierry Mallet
Président du conseil d’administration @ Institute for Sustainable Aviation • Coprésident de la commission Réforme de la sphère publique @ Medef • Vice-président @ Union des transports publics et…
, président de l’UTP et Pdg de Transdev
• Opérateur de transport de personnes, filiale de la Caisse des Dépôts (66 %) et de Rethmann (34 %)
Fin 2020 : présent dans 17 pays, exploite plus de 43 000 véhicules et 24 réseaux de tramway…
, dans une tribune adressée à News Tank, le 04/12/2020.
Relever les défis de la décarbonation de la mobilité et de la justice sociale ne pourra donc continuer à s’opérer que par un report modal massif des modes individuels motorisés vers les transports publics dans les agglomérations. L’offre de transport public y est souvent inférieure aux besoins pour permettre aux non-résidents qui travaillent dans les centres urbains de délaisser leur voiture. Outre l’adaptation de l’offre de transports publics et ferroviaires existante et de son développement ciblé, les opérateurs soutiennent d’autres propositions permettant un report modal massif.
Voici la tribune de Thierry Mallet.
Priorité aux déplacements quotidiens et locaux inférieurs à 80 km
Alors que la crise sanitaire perdure, la France est confrontée à des enjeux de santé publique, sociaux, économiques et écologiques. Le GIEC Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat - Principal organe international chargé d’évaluer le changement climatique créé en 1988 par le PNUE et l’OMM et la stratégie nationale bas carbone préconise de diminuer les émissions dans les transports de 40 % d’ici à 2030. L’Europe évoque même une baisse globale de 60 %. Relever ce défi impose une ample évolution de la mobilité dans les territoires et une adéquation des moyens à leurs ambitions. L’analyse des émissions de gaz à effet de serre montre que l’effort doit porter en priorité sur les déplacements quotidiens et locaux inférieurs à 80 km.
Depuis 20 ans, les dynamiques économiques métropolitaines, la perte de substance industrielle dans les autres territoires et la multiplication par 3 des prix de l’immobilier dans les grandes agglomérations ont abouti à un éloignement croissant du lieu de travail et de l’habitat. La mobilité doit s’adapter à cette nouvelle donne territoriale.
La mobilité est un outil d’équité territoriale permettant aux plus faibles de tirer parti des opportunités de la ville. Se déplacer en transport public coûte nettement moins cher que se déplacer en voiture individuelle et permet à tous ceux qui ne peuvent pas se loger en centre-ville de disposer d’un mode de transport tout en accédant plus facilement à l’emploi. Relever les défis de la décarbonation de la mobilité et de la justice sociale ne pourra donc continuer à s’opérer que par un report modal massif des modes individuels motorisés vers les transports publics dans les agglomérations.
Pour un report modal massif
L’offre de transport public y est souvent inférieure aux besoins pour permettre aux non-résidents qui travaillent dans les centres urbains de délaisser leur voiture. Outre l’adaptation de l’offre de transports publics et ferroviaires existante et de son développement ciblé, les opérateurs soutiennent d’autres propositions permettant un report modal massif :
- accroître le maillage des réseaux afin que les usagers puissent rejoindre aisément les lignes structurantes ;
- développer les services de trains urbains qui traversent les agglomérations pour en relier les périphéries ;
- déployer des parcs relais au-delà des frontières des hypercentres aux abords des gares et des pôles d’échanges multimodaux (PEM Pôle d’échange multimodal - Gares où tous les modes de transports (TER, TGV, bus, métros, tram, vélos…) sont interconnectés. ) pour encourager les automobilistes à laisser leurs véhicules en dehors des centres ;
- réserver des voies aux bus sur les pénétrantes et voies structurantes chaque fois que c’est possible afin de leur assurer une vitesse suffisante pour faire baisser leurs coûts d’exploitation et accroître leur attractivité ;
- intégrer le vélo dans la chaîne des déplacements, en l’articulant avec le transport public ;
- déployer des parcs relais vélos sécurisés dans tous les territoires et aux abords des gares ainsi que des pistes cyclables pour y accéder ;
- déployer des systèmes numériques de mobilité intégrée permettant de faciliter l’intermodalité, avec un seul moyen d’accès aux services de parcs relais, de transports publics, de vélos partagés…
Une expérience voyageur en pleine mutation
Si la régularité, le maillage et la fréquence restent des éléments essentiels de l’attractivité des transports publics, l’information l’est tout autant. Temps réel, itinéraires alternatifs, réassurance… : ces dernières années, les attentes des voyageurs en la matière se sont profondément renforcées.
Pour améliorer encore l’expérience voyageur, les opérateurs de transport public s’engagent dans plusieurs mesures :
- s’organiser pour fournir aux autorités organisatrices de mobilité les données contractuelles nécessaires au pilotage des systèmes de mobilité intégrée, appelés aussi MaaS Mobility as a service - Principe de mobilité qui réunit en une plateforme unique tous les modes de transports disponibles pour un usager ;
- mettre leur savoir-faire et leur innovation au service du développement de fonctionnalités nouvelles telles que l’accès à des itinéraires alternatifs en cas de situation perturbée ou le remplissage en temps réel des véhicules ;
- contribuer activement aux travaux des autorités organisatrices de la mobilité pour construire des services intégrés et proposer les packages de mobilité encouragés par la loi d’orientation des mobilités (LOM Loi d’orientation des mobilités du 24/12/2019, promulguée le 26/12/2019 ) ;
- encourager le report des déplacements des heures de pointe vers les heures les plus creuses quand c’est possible ;
- poursuivre les mesures de désinfection des véhicules en réponse à l’attente sanitaire des clients voyageurs, importante par suite de la crise sanitaire.
Conforter un modèle économique basé sur la contribution des bénéficiaires directs comme indirects
Déployer l’offre de transport public et ferroviaire nécessaire au fonctionnement de nos agglomérations pour décarboner les mobilités, retrouver une qualité de vie en ville et assurer les liens social et territorial suppose des financements importants tant en investissement qu’en exploitation. L’enjeu de financement est essentiel pour assurer la pérennité de l’offre actuelle et porter les investissements nécessaires à la décarbonation de la mobilité pour tous.
Cette ambition impose d’instruire tous les sujets qui peuvent l’être : de la tarification à la contribution des parties prenantes. Avec un ratio de recettes commerciales sur dépenses d’exploitation de 32 %, le transport public urbain français fait figure d’exception en Europe où ce ratio se situe autour de 50 % selon un récent rapport de la cour des comptes européenne. Cela n’a pas été toujours le cas, en effet, dans les années 1990, ce ratio était de plus de 50 % dans notre pays. La tarification des transports urbains est un levier déterminant pour travailler à la progression des taux de couverture des dépenses par les recettes. Les opérateurs soutiennent sa refonte en profondeur, à l’appui des outils numériques, selon plusieurs grands axes :
- accompagner la montée en gamme de l’offre par une tarification adaptée ;
- mettre en place une tarification différenciée en fonction des horaires, des distances, voire des revenus, ou promouvoir le post paiement sans abonnement ;
- lutter contre l’attrition de l’offre et de l’investissement en réservant la gratuité aux publics les plus fragiles ;
- rendre les nouvelles solutions tarifaires trouvées visibles et transparentes pour s’assurer de l’acceptation à payer du contributeur, facteur clef de succès pour la pérennité de ces dispositifs, notamment quand ils sont contraignants et/ou en rupture avec ce qui existait précédemment.
D’autres sources de financement méritent d’être explorées puisqu’elles relèvent des externalités positives du transport public :
- l’intégration de la voiture dans le système de tarification de la mobilité par des péages, qui permet également la régulation des flux de mobilité dans les zones les plus denses et congestionnées ;
- la mise en place d’une redevance basée sur la valeur ajoutée des parcelles situées près des gares ou des lignes structurantes auprès des promoteurs et aménageurs afin de mieux corréler mobilité et urbanisme ;
- la reconnaissance des transports publics comme des services de première nécessité, bénéficiant, à ce titre, d’un taux de TVA réduit à 5,5 % ;
- l’affectation d’une partie de la taxe GAFAM Provient à l’origine de « Google, Apple, Facebook Amazon et Microsoft » - Désigne les sociétés numériques les plus développées des États-Unis 4 aux services numériques des AOM Autorité organisatrice des mobilités afin d’accélérer leurs déploiements alors que les GAFAM ont accès gratuitement aux données de mobilité financées par l’impôt des Français.
Rendre effective la décarbonation des mobilités
Outre ces mesures, sans doute de moyen terme, l’adaptation des CPER Contrat de plan État-Région - document par lequel l’État et une région s’engagent sur la programmation et le financement pluriannuels de projets importants d’aménagement du territoire et le lancement d’appels à projets subventionnés par l’État sont nécessaires pour rendre effective la décarbonation des mobilités prenant la question climatique au sérieux, au-delà des effets d’annonce de baisse des émissions à des horizons 2030 ou 2050
L’enjeu de ces propositions est d’éviter que la crise sanitaire ne débouche sur une crise écologique et sociale avec, à la clé, une augmentation de la congestion, des émissions de gaz à effet de serre et un déclin du transport public en France au détriment des publics captifs et des plus fragiles. Ces effets viendraient à l’encontre des engagements pris par la France, des objectifs et orientations souhaités par la Convention citoyenne et le Haut conseil pour le climat et des perspectives ouvertes par le Green Deal européen.
Il ne faut pas négliger l’inertie de l’habitude et les difficultés au changement de comportement : un saut générationnel dans les investissements pour améliorer la qualité de l’offre aura des répercussions à très long terme. Ces propositions donnent l’opportunité de construire l’avenir durable et inclusif que méritent les générations futures.
Thierry Mallet
Président du conseil d’administration @ Institute for Sustainable Aviation
Coprésident de la commission Réforme de la sphère publique @ Medef
Vice-président @ Union des transports publics et ferroviaires (UTPF)
Président-directeur général @ Transdev
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Parcours
Président du conseil d’administration
Coprésident de la commission Réforme de la sphère publique
Vice-président
Président-directeur général
Directeur de l’innovation, de la performance industrielle et du marketing
Directeur de l’international, membre du comité de direction
Directeur général délégué puis directeur général
Directeur général adjoint en charge de l’Europe
President & Chief Executive Officer
Directeur général
Chargé de mission auprès du directeur financier
Directeur adjoint de la Région sud au Groupe Générale des Eaux-Région parisienne, puis chargé de mission auprès du directeur général
Directeur du département en charge de la gestion des autoroutes
Établissement & diplôme
Diplômé
Master en sciences
Diplômé
Fiche n° 28679, créée le 07/02/2018 à 14:30 - MàJ le 22/07/2020 à 18:32
Union des transports publics et ferroviaires (UTPF)
- représente 170 entreprises de transport urbain et ferroviaire (SNCF Keolis, RATP, Transdev, CarPostal France…) et des gestionnaires d’infrastructures (Getlink Group, Lisea, SNCF Réseau…).
- Depuis 2008, édite un Observatoire de la mobilité, afin de disposer d’une photographie des utilisateurs de transports publics en France
• Conseil d’administration : 24 membres
• Président : Marie-Ange Debon (Keolis)
• Délégué général : Florence Sautejeau
• Directrice Valorisation & Communication : Dominique Fèvre
• Tél. : 01 48 74 63 51
Contact
Catégorie : Fédération professionnelle
Adresse du siège
17, rue d’Anjou75008 Paris France
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Fiche n° 6730, créée le 07/03/2018 à 04:24 - MàJ le 14/01/2022 à 12:47