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Logement et vieillissement : double objectif de proximité et de simplicité (M. Boulmier, URHlm N-A)

News Tank Cities - Paris - Tribune n°260508 - Publié le 05/08/2022 à 09:00
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Muriel Boulmier - ©  D.R.

Les Français aspirent à la mise en œuvre du double objectif de proximité et de simplicité, rassurant, vertueux, qui convient à tous les âges, partageant, en outre le souhait d’une solidarité sincère. La période estivale laisse la liberté d’approcher cet équilibre complexe de manière plus légère tant il est vrai que notre histoire est parsemée d’injonctions contradictoires. Autant faire le choix de quelques exemples qui les mettent en perspective. La tentation réside dans la mise à l’index de ces contradictions, sans proposer de solution, écrit Muriel Boulmier Conseillère @ Région Nouvelle-Aquitaine (Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine) • Présidente @ Association régionale Hlm de Nouvelle Aquitaine
, présidente URHlm Nouvelle-Aquitaine et conseillère régionale de Nouvelle-Aquitaine, dans une tribune adressée à News Tank le 03/08/2022.

Pourtant, dans les domaines qui nous réunissent (urbanisme, habitat, démographie, mobilité) et qui appartiennent à la sphère politique, nous aurions tout à gagner à proposer des solutions transversales et équitables. Force est de constater qu’il n’en est rien.

Si nous abordons le thème du logement lié au vieillissement sous l’angle « nous voulons vieillir à domicile », c’est que cette répétition n’est jamais démentie. La moitié des centenaires vivent encore à leur domicile. L’enjeu réside à raisonner le déni de vieillesse quand il s’agit d’aborder l’indispensable adaptation de l’habitat.

Voici la tribune de Muriel Boulmier.


Proximité, simplicité : une terre promise

Les Français aspirent à la mise en œuvre de ce double objectif de proximité et de simplicité, rassurant, vertueux, qui convient à tous les âges, partageant, en outre le souhait d’une solidarité sincère. La période estivale laisse la liberté d’approcher cet équilibre complexe de manière plus légère tant il est vrai que notre histoire est parsemée d’injonctions contradictoires, autant faire le choix de quelques exemples qui les mettent en perspective. La tentation réside dans la mise à l’index de ces contradictions, sans proposer de solution.

Pourtant, pour les domaines qui nous réunissent, urbanisme, habitat, démographie et mobilité, qui appartiennent à la sphère politique nous aurions tout à gagner à proposer des solutions transversales et équitables. Force est de constater qu’il n’en est rien.

En effet à côté de la simplicité, la proximité, la sobriété, quelle place se profile pour la solidarité qui, dans les faits, notamment dans l’accès aux droits, ne semble plus aussi naturelle. J’illustrerai l’interpellation par quelques exemples tenants au vieillissement, l’aménagement du territoire et le logement.

Plateformes censées permettre une consultation réactive

Sans refaire la destinée de la République, quelques thèmes permettent la réflexion et la discussion. Celui du vieillissement de la population, s’envisage sous l’angle prometteur de l’espérance de vie, cet espace à conquérir, que se sont appropriés de nombreux seniors. En effet, l’âge de 65 ans, celui des chignons blancs, qui voisinait dans l’après-guerre avec l’espérance de vie, créant un amalgame avec celui de la retraite est désormais révolu. Même les mannequins ne sont plus en fin de carrière à 25 ans et les footballeurs à 35 !

Il y a plusieurs vies après la retraite, citoyenne, associative par exemple, qui pallient fréquemment la défaillance d’initiatives plus collectives ou publiques. Le vieillissement, phénomène naturel et progressif, s’analyse en étapes dont l’ultime, la vieillesse qui survient tard, après 80 ans, et suscite la vraie préoccupation de la dépendance. Pour eux, classe d’âge difficile à nommer, nouvelle génération intermédiaire si diverse, approchons le sujet de la proximité, de la simplicité au regard de l’accès aux droits.

Il est heureux qu’il n’y ait pas de questionnaire de satisfaction »

L’hypothèse est posée que les territoires sont désormais équipés, il n’existerait plus de zones blanches, que tous les services publics sont accessibles. Cependant, les services publics ne maillent plus le territoire, laissant la place aux plateformes censées permettre une consultation réactive sur des plages horaires allongées. Pourtant, le rapport du défenseur des droits de 2021 a jugé nécessaire de rappeler que lesdites plateformes à disposition du public doivent être complétées par un n° de téléphone, dont elles doivent afficher un taux de décrochés de 85 %. Le taux est en réalité de 16 % et encore il n’est mesuré que par 43 % des sites publics. Il est heureux qu’il n’y ait pas de questionnaire de satisfaction.

Le dernier chantier du grand âge

Revenons au concret, qui a tenté l’utilisation des plateformes, fermées au dialogue, ou eu recours au précieux numéro de téléphone injoignable comme alternative à un internet peu fluide ou stressant, sans en sortir exaspéré et découragé ? Un Français sur deux n’utilise pas internet. La fracture n’est pas que générationnelle, mais elle l’est aussi.

Comment évoquer l’équité dans l’accès aux droits. Après le constat, quelques propositions pratiques. Simplifier les accès, les faire tester par des potentiels utilisateurs peu familiers de l’outil, restaurer les contrats aidés à disposition des plus âgés, créer des lignes de téléphone dédiées où ils peuvent exprimer leur préoccupation, et parfois leur inquiétude.

Transition démographique perceptible »

Le dernier chantier du grand âge date de 2012, la loi vieillissement du quinquennat suivant n’a pas été complétée par son deuxième volet. Alors à quand une vraie loi qui embrasse de manière transversale cette nouvelle génération entre l’âge de la retraite et celui de la vieillesse (environ 25 ans), dont le nombre s’accroît pour devenir équivalent aux moins de 20 ans ? Cette transition démographique est suffisamment perceptible puisqu’elle est entrain d’inverser la pyramide des âges.

Si nous abordons le thème du logement lié au vieillissement « nous voulons vieillir à domicile », c’est que cette répétition n’est jamais démentie. La moitié des centenaires vivent encore à leur domicile. L’enjeu réside à raisonner le déni de vieillesse quand il s’agit d’aborder l’indispensable adaptation de l’habitat.

Pourtant salle de bains, lumière défaillante, marche usée ou glissante… causent d’innombrables chutes. Que faire lors du retour à domicile lorsque l’adaptation fait défaut ? Les établissements sont onéreux, la famille n’est plus configurée pour l’accueil, se pose alors la question se reloger où et à quel prix, dans l’environnement connu et familier, quand tous doivent faire face à la pénurie de logements.

Les retraités sont considérés comme nantis, cependant il convient de faire mention du nouveau visage de la pauvreté, celui des femmes de plus de 75 ans. Elles représentent 80 % des bénéficiaires de l’ASPA Allocation de solidarité aux personnes âgées - Prestation mensuelle accordée aux retraités ayant de faibles ressources et vivant en France . Faute d’une politique volontariste ce sont les personnes âgées qui s’adaptent à l’inadaptation du logement inconfortable et dangereux quand l’inverse devrait être la règle. À défaut d’entrée dans les établissements, la colocation favorise la proximité, l’accompagnement, cette piste en est à ses balbutiements. Elle mérite d’être encouragée.

Repenser le crédit d’impôts pour ceux qui financent

Dans l’esprit de solidarité, il serait utile de repenser le crédit d’impôts au bénéfice des enfants ou neveux qui financent l’adaptation du logement de leurs parents âgés. Enfin, les délais actuels de traitement des dossiers d’aides ne sont toujours pas compatibles avec l’âge. Six mois, un an, n’ont pas la même valeur à 40 ans qu’à 80, cette différence n’est pas suffisamment abordée dans l’élaboration des procédures de l’accès aux droits.

Quant à l’APA Allocation personnalisée d’autonomie (allocation personnalisée d’autonomie) qui date de 2002, bien qu’elle soit ouverte aux travaux d’aménagement comme à l’aide à domicile, elle ne peut être utilisée pour que pour l’un ou l’autre. Cela revient à choisir entre sécuriser la salle de bains ou l’aide humaine à domicile, quand la vérité du besoin suppose l’intervention des deux. Une évolution réglementaire apparaît nécessaire.

Enfin, que penser dans cette période de canicule où la proximité avec les personnes âgées est un devoir de solidarité mais que la réglementation sur la protection des données ne permet pas, sauf à être en infraction, de contacter les personnes âgées qui ne se sont pas signalées.

Intérêt général et équité

Ces deux premiers exemples montrent que proximité et simplicité ne sont pas toujours au rendez-vous de la solidarité. Resterait à évoquer la frugalité, fil rouge de la loi climat et résilience qui, elle aussi, sera mesurée à l’aune de la fracture territoriale.

Comment joindre ces injonctions qui relèvent de l’intérêt général sans mettre à mal l’équité dans l’accès au droit fondamental qu’est le logement en protégeant comme l’équité territoriale pour endiguer le sentiment de délaissement. En un mot, la frugalité a un coût quand le logement demande d’être abordable. Il ne s’agit pas de renoncer, il s’agit de développer une perception pratique et concertée.

L’idée ne consiste pas à jouer les Cassandre, mais à mettre en perspective le lien entre la solidarité et les objectifs de notre temps, les solutions existent pour lever les contradictions. Nous possédons une véritable compétence de conceptualisation, il convient désormais d’apprivoiser l’esprit et le goût de l’exécution.

La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. La prochaine édition a eu lieu le 26/08/2022 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) sur le thème de l’urgence à agir. Jean-Luc Berho est également président de la Coopérative de l’immobilier, à Toulouse. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.

Muriel Boulmier


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Parcours

Association régionale Hlm de Nouvelle Aquitaine
Présidente
Ciliopée Habitat (ex-Cil 47)
Directrice générale

Fiche n° 35624, créée le 18/06/2019 à 12:30 - MàJ le 02/09/2022 à 10:19