ExclusifLogement : « Le financement du parcours résidentiel est en panne » (O. Colonna d’Istria, Ifpimm)
« Le financement du parcours résidentiel est en panne. On n’est pas loin du plafond de verre à certains endroits en France alors que les besoins des ménages restent importants. Selon moi, ce n’est pas tant la hausse des taux qui pose problème que les règles contraignantes imposées aux banques par la réglementation et le Haut Conseil de stabilité financière. Le taux d’usure, qu’il ne faut pas supprimer, doit répondre à de nouvelles logiques. Ces contraintes sortent du marché des investisseurs Pinel, désolvabilisent des gens solvables. Des parcours résidentiels sont bloqués et le DPE
Diagnostic de performance énergétique - évaluation pour un logement ou d’un bâtiment, en évaluant sa consommation d’énergie et son impact en terme d’émissions de gaz à effet de serre
est en train d’appauvrir le stock locatif. L’immobilier est un secteur ultra-administré », déclare Olivier Colonna d’Istria
Président @ IFPImm • Président du directoire @ Socfim
, président de l’Ifpimm (Institut du financement des professionnels de l’immobilier
• Association loi de 1901 qui regroupe l’ensemble des professions de l’immobilier commercial et de son financement. Revendique une cinquantaine d’adhérents (banques, investisseurs, foncières…
), le 27/09/2022 à Paris.
« Il faut aller plus vite, réduire les délais d’instruction, favoriser l’expérimentation. Nous avons besoin d’une impulsion de l’État, relayée par les décideurs locaux pour répondre à l’urgence climatique et à la nécessité de reconstruire la ville. L’immobilier neuf, c’est la solution en termes d’économies et de sobriété, avec de la construction hors-site et l’usage de matériaux bio-sourcés », dit-il.
Concernant l’immobilier tertiaire et la valeur des bureaux, Olivier Colonna d’Istria prédit une « opération vérité (qui) se fera sur la base des taux d’intérêt. Le secteur du bureau fait face à plusieurs challenges qui sont de recalibrer les volumes, de faire un repricing en tenant compte des stocks disponibles et de prendre des décisions drastiques concernant les bureaux qui ne peuvent pas être remis sur le marché. Des immeubles dégradés et non adaptables aux nouvelles réglementations ou usages, s’ils ne sont pas transformés, vont devenir illiquides ».
Olivier Colonna d’Istria répond aux questions de News Tank.
« Le grand sujet, c’est de transformer de l’argent en projets »
Que devient le certificat de projet inscrit dans la loi Climat et résilience d’août 2021, que vous avez porté, dont l’un des principes est d’allonger la durée de cristallisation des droits d’urbanisme ?
C’est pour nous un projet emblématique de la loi Climat et résilience, imaginé à droit constant et pour régler plus rapidement le développement des friches, que nous avons réussi à faire passer avec le soutien du Sénat. Nous allons pouvoir l’expérimenter sur trois ans, ce qui est malheureusement un peu court car nous avions milité pour une période de cinq ans. Nous attendons depuis août 2021 les décrets d’application, mais nous ne sommes pas « sur le haut de la pile » alors que nous avons fait des propositions de rédaction du texte, avec le cabinet Cheuvreux • Étude notariale Cheuvreux (membres des Notaires de France)• Implantations : Paris, Bordeaux, Reims et Lyon• Création Cheuvreux & Associés : 1982• Présidente Cheuvreux & Associés : Murielle… notamment.
Quels projets doit-il aider à faire émerger ?
Le financement des grands projets immobiliers complexe sur ces friches se fait mal car ils sont soumis à trop d’aléas incontrôlables, qui rendent frileux les opérateurs. Prenons l’exemple des transformations de friches commerciales ou industrielles qui sont des projets au long cours. Les financeurs privés sont prêts à y investir de l’argent à condition que les règles soient claires et stables. Le grand sujet, c’est de transformer de l’argent en projets. Regardez le Fonds friches, il n’a pas généré tant de projets d’ampleur.
Nous avons repris le principe du rescrit fiscal »Avec le certificat de projet, l’idée est de sécuriser les étapes du projets, dès les phases amont. Nous avons repris le principe du rescrit fiscal. Le certificat est délivré par le préfet, comme une sorte de label qui valide les étapes à franchir pour mener à bien le projet permet de cristalliser le droit sur plusieurs années et apporte de la sécurité à tous. Il est une sorte de guichet unique qui doit faire évoluer les méthodes de travail entre les parties prenantes, porteur du projet, services de l’État et collectivités locales, en mode projet.
Pour être concrets, nous voudrions démarrer avec un projet prototype de type foncière commerciale, qui fédère plusieurs propriétaires, sous l’autorité d’un préfet.
Dans l’immobilier résidentiel, le problème de l’offre rejoind un risque sur la demande, en raison des conditions de crédits bancaires, des taux d’intérêt et de l’inflation. Qu’en pensez-vous ?
La situation de l’immobilier résidentiel doit faire face à plusieurs contextes adverses. En 2021, après les élections municipales de 2020 et la mise en place des nouvelles équipes, nous avons connu le problème des permis de construire. En 2022, c’est l’inflation et la problématique des prix de revient qui grippe la machine, doublée d’une flambée des prix des matières premières et de la pénurie de matériaux, comme l’acier. Le pic de cette crise semble être passé. La 3e couche, c’est la crise de la demande provoquée par les difficultés d’accès aux financements. C’est le sujet sensible.
Le taux d’usure doit répondre à de nouvelles logiques »Le financement du parcours résidentiel est en panne. On n’est pas loin du plafond de verre à certains endroits en France alors que les besoins des ménages restent importants. Selon moi, ce n’est pas tant la hausse des taux qui pose problème, que les règles contraignantes imposées aux banques par la réglementation et le Haut Conseil de stabilité financière. Le taux d’usure, qu’il ne faut pas supprimer, doit répondre à de nouvelles logiques. Aujourd’hui, ces contraintes sortent du marché des investisseurs Pinel, désolvabilisent des gens solvables. Des parcours résidentiels sont bloqués et, en plus, le DPE Diagnostic de performance énergétique - évaluation pour un logement ou d’un bâtiment, en évaluant sa consommation d’énergie et son impact en terme d’émissions de gaz à effet de serre est en train d’appauvrir le stock locatif. L’immobilier est un secteur ultra-administré.
Tout le monde en est conscient, mais on est lent à réagir. La réalité est que l’État n’a pas seul la main sur l’immobilier, dont la compétence a été laissée aux territoires et à l’échelon local. Nous gagnerions à avoir un environnement administratif, fiscal et réglementaire plus réactif, fondé sur la simplification, l’expérimentation et la sobriété normative. Ce que propose, par exemple, le manifeste qu’avec d’autres fédérations nous avons porté au lendemain des élections. Il faut aller plus vite, réduire les délais d’instruction, favoriser l’expérimentation. Nous avons besoin d’une impulsion de l’État, relayée par les décideurs locaux pour répondre à l’urgence climatique et à la nécessité de reconstruire la ville. L’immobilier neuf, c’est la solution en termes d’économies et de sobriété, avec de la construction hors-site et l’usage de matériaux bio-sourcés par exemple.
Comment jugez-vous l’évolution de l’immobilier de bureaux et celle de l’immobilier commercial, à la sortie du SIEC Salon de l’immobilier commercial et du retail les 21 et 22/09/2022 à Paris ?
Le secteur du bureau reste attractif et a survécu à la théorie hasardeuse que le Covid allait vider les bureaux. Pour autant, le constat est qu’il y a moins besoin de surfaces et qu’il faut s’adapter aux nouvelles normes d’usages, dans des organisations du travail plus flexibles, dans des quartiers mixtes, mieux desservis en transport. Sur la valeur des bureaux, l’opération vérité se fera sur la base des taux d’intérêt.
Le secteur du bureau fait face à plusieurs challenges qui sont de recalibrer les volumes, de faire un repricing en tenant compte des stocks disponibles et de prendre des décisions drastiques concernant les bureaux qui ne peuvent pas être remis sur le marché. Des immeubles dégradés et non adaptables aux nouvelles réglementations ou usages, s’ils ne sont pas transformés, vont devenir illiquides. C’est un enjeu surtout en Ile-de-France.
Êtes-vous en phase avec le constat de la FPI Fédération des promoteurs immobiliers - Instance professionnelle représentant les promoteurs immobiliers du secteur privé en France sur « l’inflation normative et règlementaire » et la nécessité d’une pause ?
Oui, il faut juguler cette inflation normative qui devient contre-performante. Avec deux effets évidents : elle renchérit les coûts de production et donc les prix des biens à la sortie, et elle impacte négativement la production en termes de délais. Dans l’ancien, l’exemple du DPE est caricatural si l’on regarde la difficulté à trouver des artisans, malheureusement pas assez nombreux pour faire les travaux nécessaires avec à la clé la sortie du marché locatif de nombreux logements. Dans le neuf, avec la RE 2020 Réglementation environnementale 2020 , c’est l’industrie du bois qui n’est pas assez mature pour faire face à la demande qui en découle. Quant au ZAN Zéro artificialisation nette - Objectif de réduction de la consommation d’espace à zéro unité nette de surface consommée en 2050, fixé par le plan Biodiversité du Gouvernement en juillet 2018 , on en comprend la logique mais il est inapplicable en l’état et pas en cohérence avec la volonté de loger plus de ménages sans densifier et de réindustrialiser notre pays.
Un « partenariat stratégique » avec l’IEIF IEIF - Institut de l’épargne immobilière et foncière : revendique 110 membres représentant 300 Md€, analyse 3 marchés : Marchés immobiliers, Fonds non cotés (SCPI / OPCI), Fonds cotés (SIIC / REITs) a été signé en septembre 2022. Avec quels objectifs ?
Nous avons signé une convention de partenariat de trois ans. L’IEIF est un producteur d’informations et d’enquêtes de grande qualité. Ils produisent une étude annuelle intéressante sur le financement de l’immobilier des professionnels. Elle pourrait être co-brandée. Nous fédérons différentes typologies d’acteurs de l’industrie immobilière autour des questions du financement et des solutions pour que nos métiers soient mieux financés. L’Ifpimm réunit quatre collèges : les promoteurs et foncières, les financeurs, les brokers, les notaires et juristes.
L’immobilier est un immense collecteur de données »À l’origine, nous étions axés sur le tertiaire, le bureau, le commerce, et nous avons décidé d’élargir notre panel aux acteurs acteurs du logement privé et bientôt social avec Action Logement • Missions : faciliter l’accès au logement pour favoriser l’emploi • Création : 1953 (Participation des Employeurs à l’Effort de Construction dit 1 % logement) • Organisation : - Action Logement… par exemple. C’est en discussion. Nous allons aussi accueillir les start-up de la proptech. L’immobilier est un immense collecteur de données. Mais nous n’avons pas encore les outils ni la culture pour les exploiter pleinement. Cette diversité d’acteurs donne une vision 360° de notre industrie immobilière, avec un regard large et non partisan, capable d’objectiver. Nous pouvons expliquer de l’intérieur ce qui se passe.
Cette expertise nous permet d’être dans un dialogue utile avec les régulateurs toujours très attentifs à notre impact sur l’économie et la finance car l’immobilier a pu être dans le passé un destabilisateur du système bancaire comme en 2008 quand il y a eu la crise des subprimes.
Concernant les indicateurs RSE Responsabilité sociétale des entreprises et ESG Sigle international utilisé par la communauté financière pour désigner les critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG), à la base de l’analyse extra-financière. appliqués aux actifs immobiliers, comment permettre aux financeurs d’accéder à des sources fiables ? Quels sont les critères justes et consensuels que vous recherchez ?
Arriver à définir trois ou quatre critères robustes »Nous devons favoriser les projets vertueux qui, par conséquence, permettront de meilleurs rendements. Mais pour cela, nous avons besoin de critères communs et d’instruments de mesure cohérents et homogènes. Chaque banque utilise ses propres indicateurs. L’objectif est d’arriver à définir trois ou quatre critères robustes, des datas normées, que nous pourrons partager et insérer dans nos systèmes informatiques, à l’exemple de la procédure KYC (Know your customer) mise en place en 2015 que les entreprises réalisent pour vérifier l’identité de leurs clients conformément aux exigences légales et réglementations en vigueur. Une sorte de KYC ESG en somme.
Un groupe d’experts de l’Ifpimm travaille sur ces indicateurs immobiliers et devrait rendre ses travaux à la mi-2023. Ce travail est important. Les banques cherchent à favoriser les projets immobiliers décarbonés. C’est pourquoi le risque climatique est le fil rouge de nos réflexions et de nos travaux. On ne peut ignorer qu’un pourcentage des encours de crédits est concerné par des immeubles menacés par le risque climatique, notamment par la montée des eaux. Ce que souligne le dernier rapport du GIEC Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat - Principal organe international chargé d’évaluer le changement climatique créé en 1988 par le PNUE et l’OMM d’avril 2022. Faute d’informations précises, les financeurs sont obligés de pondérer le risque, ce qui renchérit le coût du crédit. De plus en plus, le régulateur va nous demander des comptes.
Quelles sont les attentes ou demandes de l’Ifpimm en vue du PLF Projet de loi de finances 2023 ?
Nous n’avons pas d’attentes particulières. Et si nous en avions, nous risquerions d’être déçus. Le sujet n’est pas l’argent, il est de pouvoir réaliser les projets.
Les six actualités de l’Ifpimm en octobre 2022
Selon l’Ifpimm, six actualités ont et auront un impact fort sur l’industrie immobilière.
• L’urgence climatique rend incontournable l’accélération de la décarbonation de l’économie, urgence renforcée par la conscience d’une dépendance trop forte à des sources d’énergies dont le cout dépend largement de considérations géopolitiques incontrôlables.
• L’inflation a enclenché un cycle haussier qui se diffuse progressivement et qui obère le pouvoir d’achat des ménages, la rentabilité des entreprises et les anticipations de croissance.
• Le niveau des taux d’intérêt signe la fin d’une période « atypique » qui a faussé nombre de raisonnements économiques et financiers et qui conduit à une révision de la hiérarchie des valeurs.
• Accélération des règlementations environnementales exigées pour les opérations à venir, comme sur les actifs existants, alors même que l’adaptation des industries de la construction et de la législation (DPE, ZAN..) n’a pas atteint la maturité nécessaire à une mise en œuvre efficace.
• Renchérissement des couts de la construction/rénovation rendant difficile l’adaptation des budgets d’opération à des prix de sortie compatibles avec la capacité d’achat ou de location des acquéreurs/locataires.
• Tension sur les conditions de crédit et les contraintes d’accès au financement des parcours immobiliers des ménages (HCSF, Taux de l’usure…) rendant l’équilibre financier des projets d’achat et d’investissement plus difficile.
Trois phénomènes se surajoutent à ceux déjà à l’œuvre depuis de nombreuses années.
• Un malthusianisme visant la production immobilière, issu d’une réticence des populations à voir leur environnement évoluer ainsi qu’à celle d’élus locaux qui les représentent dans un contexte de ressources budgétaires raréfiées.
• Une inflation règlementaire et normative rendant toujours plus complexe et onéreuses la mise en œuvre de projets pourtant nécessaires pour satisfaire les besoins croissants (volumes et usages) des ménages et des entreprises.
• Une forte attente, de la part des professionnels, des orientations concrètes du Gouvernement en ce qui concerne le logement, l’aménagement et plus largement l’immobilier qui reste contraint par une réglementation administrative comme fiscale et par un cloisonnement des centres de décisions administratives n’incitant pas à la fluidité du marché et au développement de l’offre.
Olivier Colonna d’Istria
Président @ IFPImm
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Parcours
Président
Président du directoire
Groupe BPCE
Directeur central
Fiche n° 44490, créée le 06/10/2021 à 16:27 - MàJ le 29/10/2024 à 16:46
Institut du financement des professionnels de l’immobilier (IFPIMM)
• Association loi de 1901 qui regroupe l’ensemble des professions de l’immobilier commercial et de son financement. Revendique une cinquantaine d’adhérents (banques, investisseurs, foncières, fonds, promoteurs, notaires, avocats…)
• Création : 2014
• Mission : valoriser et rendre attractive la place immobilière française (notamment auprès des pouvoirs publics aux niveaux français et européen)
• Président : Olivier Colonna d’Istria
• Président fondateur : Philippe Thel
• Vice-président, administrateur délégué : Patrick Lesur
• Président du conseil scientifique : Christian de Boissieu (économiste)
• Conseiller du président : Jean-Michel Royo (06 24 22 54 03)
Catégorie : Fédération professionnelle
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Fiche n° 12690, créée le 06/10/2021 à 15:51 - MàJ le 29/10/2024 à 16:46