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Rénovation énergétique : nous sommes dans l’obligation de réussir (D. Chouraqui, Crédit Agricole SI)

News Tank Cities - Paris - Tribune n°279687 - Publié le 10/02/2023 à 13:00
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David Chouraqui, directeur général de Crédit Agricole Services Immobiliers - ©  D.R.

La rénovation énergétique des logements est la grande affaire de l’immobilier pour les 20 ans qui viennent. C’est un impératif sociétal puisque les bâtiments consomment 45 % de l’énergie en France, et représentent 25 % des émissions de gaz à effet de serre. Si nous sommes responsables, nous pouvons peut-être remettre en question le calendrier, mais pas la nécessité de rénover le parc de logements pour opérer la transition énergétique. Nous sommes dans l’obligation de réussir car c’est aussi une urgence sociale. La crise du logement est déjà profonde, le mal-logement concerne près de 10 millions de personnes dans notre pays. Il est indispensable de régénérer la ville pour offrir un logement décent à tous et répondre à l’injonction environnementale, écrit David Chouraqui Directeur général @ Crédit Agricole Services Immobiliers
(MRICS Membre de la Royal Institution of Chartered Surveyors - organisation professionnelle internationale, indépendante et autorégulée ), directeur général de Crédit Agricole Services Immobiliers, dans une tribune adressée à News Tank le 09/02/2023.

Les syndics professionnels sont les seuls acteurs qui peuvent créer une dynamique concrète de rénovation à grande échelle : pour lancer les diagnostics, élaborer les plans de travaux, monter l’ingénierie de financement (mobiliser les aides et financer le reste à charge), choisir les entreprises et piloter les travaux, mais surtout, conseiller les copropriétaires et les guider pas à pas dans ce parcours du combattant. Les syndics doivent se renforcer pour assurer cette mission, mais ils en ont les compétences fondamentales (juridiques, techniques, comptables).

Voici la tribune de David Chouraqui.


Les syndics professionnels ont les clés de la rénovation énergétique des logements

La rénovation énergétique des logements est la grande affaire de l’immobilier pour les 20 ans qui viennent. C’est un impératif sociétal. Les bâtiments consomment 45 % de l’énergie en France et représentent 25 % des émissions de gaz à effet de serre. Si nous sommes responsables, nous pouvons peut-être remettre en question le calendrier, mais pas la nécessité de rénover le parc de logements pour opérer la transition énergétique. Nous sommes dans l’obligation de réussir car c’est aussi une urgence sociale. La crise du logement est déjà profonde, le mal-logement concerne près de 10 millions de personnes dans notre pays. Il est indispensable de régénérer la ville pour offrir un logement décent à tous et répondre à l’injonction environnementale.

Des mono-gestes à l’efficacité limitée »

Dans ce contexte, sortir les passoires thermiques du parc locatif (comme le prévoit la loi Climat et résilience en rendant indécents les biens étiquetés F et G), soit plus de 5 millions de logements d’ici à 2028, va accentuer le déficit de logement dans des proportions dramatiques. Pour désamorcer cette bombe à retardement dont la mèche est déjà allumée, la priorité doit être donnée à la rénovation des immeubles car ils accueillent la plus grande proportion de locataires (65 % des locataires du parc privé sont dans des copropriétés). Les planètes sont alignées : tous les acteurs semblent prêts pour agir (État, collectivités territoriales, bailleurs, locataires, banques).

Alors pourquoi rien ne bouge ? Pourquoi les projets de rénovation énergétiques ne sont que des « mono-gestes », à l’efficacité limitée et qui consomment des aides publiques dans le cadre d’un effet d’aubaine bien plus que comme un effort de fond (MaPrimeRenov a surtout subventionné l’installation de pompes à chaleur individuelles que les ménages auraient installées dans tous les cas en raison du prix croissant de l’énergie).

Politique du logement dysfonctionnelle

Si les tensions actuelles sont si fortes c’est que la politique du logement en France est dysfonctionnelle depuis de trop nombreuses années. Elle a découragé à la fois les investisseurs individuels et institutionnels (par des rendements trop faibles, par une instabilité fiscale et réglementaire), tout en créant une spirale infernale d’augmentation des prix de vente et des loyers (normes, prix des terrains, politiques d’urbanisme pour le moins hésitantes). L’immobilier est perçu par beaucoup de décideurs politiques comme une rente, un actif improductif incapable de contribuer à la croissance de l’économie réelle (d’où l’IFI Impôt sur la fortune immobilière (taxation des valeurs mobilières et immobilières au-delà du seuil de 1,3 M€ de patrimoine) ), et un levier de reproduction sociale. L’immobilier est mal aimé par les politiques… alors qu’il est plébiscité par les Français. Quel manque de compréhension de ce secteur essentiel à l’économie !

L’immobilier est un poumon pour l’économie, en termes d’emplois et de revenus fiscaux notamment, mais aussi en raison de ses nombreuses externalités positives (par exemple la mobilité des salariés, bloquée aujourd’hui dans de nombreuses régions). L’État sait mobiliser des centaines de milliards pour mettre en place un bouclier tarifaire (crise énergétique) ou accorder des aides à l’exploitation des entreprises (crise du Covid). Pour aider les propriétaires de logement, il est très sobre…

N’attendons pas tout des subventions !

Si le financement des travaux est souvent perçu comme le verrou principal, on peut parier qu’il n’y aura pas d’argent magique. Les ménages devront payer la facture, ou voir la valeur de leur bien diminuer (ce qui est une autre façon de payer la facture).

On parle de 2 à 3 milliards par an »

D’ici à 2030, il va falloir dépenser plus de 100 milliards en travaux et en ingénierie. La puissance publique va aider les propriétaires (par exemple avec MaPrimeRenov') pour inciter à déclencher les travaux et aider les plus modestes : on parle de 2 à 3 milliards par an. Pour le moment, ces aides sont trop orientées vers les mono-gestes (fenêtres, toiture…) dont l’efficacité est controversée. Mais c’est un début et il faut souligner les efforts de l’État pour rationaliser les dispositifs. Les droits à polluer permettent également d’abonder le financement de la rénovation, sans passer par le Budget de l’État : ce sont les CEE Certificat d’économie d’énergie - dispositif réglementaire obligeant les fournisseurs d’énergie à réaliser des économies d’énergie en entreprenant différentes actions auprès des consommateurs (certificats d’économies d’énergie créés en 2005), où les pollueurs (producteurs d’énergie) paient une partie des efforts de décarbonation des entreprises et des particuliers. Ici les intermédiaires se servent beaucoup au passage mais le dispositif fonctionne et joue un rôle de dynamisation avéré. Les aides publiques et les CEE ne couvriront qu’une partie de la facture pour les ménages. Donc, soyons honnêtes, les ménages vont financer. Comment ?

N’attendons pas tout des subventions, nécessaires mais insuffisantes et complexes à mobiliser. Il faut miser sur leur épargne et sur les emprunts individuels. Ou alors ils arbitreront, ce qu’ils font déjà puisque les étiquettes F et G sont deux fois plus nombreuses dans les ventes. Avec le risque d’une grave attrition de l’offre locative.

La tentation est grande d’endetter les syndicats de copropriété. C’est déjà possible, même s’il faut encore améliorer et simplifier les offres bancaires et les cautions. Mais endetter la copropriété, c’est forcer les ménages modestes, ou non, à emprunter (et donc potentiellement les mettre en difficulté), notamment les copropriétaires âgés, et c’est risquer de mettre en péril la solvabilité de la copropriété, puisque les appels de fonds seront fortement majorés par la créance bancaire. La gestion de cette créance sera très compliquée pour tenir compte des mutations liées aux ventes qui modifieront constamment les plans d’amortissement de ces emprunts.

Qui prendra la responsabilité de l’imposer de manière coercitive ? La chancellerie a toujours rechigné à ouvrir cette porte. Pour aider les ménages à faire ces investissements, il serait logique que les propriétaires puissent amortir le prix des travaux, comme le font les entreprises.

Comment encourager les copropriétaires à investir

Si l’on veut encourager les copropriétaires à investir dans les travaux énergétiques, il faut donner aux copropriétaires bailleurs la possibilité d’amortir leur bien quelle que soit la nature de la location (nue ou meublée) et aux copropriétaires occupants la possibilité d’amortir leurs travaux par une imputation des intérêts sur leur IRPP Impôt sur le revenu des personnes physiques quand ils empruntent ou par un amortissement sur IRPP Impôt sur le revenu des personnes physiques quand ils autofinancent.

La généralisation de l’amortissement pour les bailleurs, en lieu et place des niches fiscales, leur génèrerait une capacité d’autofinancement qui leur permettrait d’envisager l’emprunt. L’encouragement à réaliser des travaux passerait prioritairement et majoritairement par le financement bancaire individuel plutôt que par des subventions. Il appartient aux Pouvoirs Publics de rendre attractifs ces emprunts en les bonifiant. C’est ce qui est fait dans le parc social.

Les syndics horripilent les copropriétaires »

Les (co)propriétaires sont seuls ? Pas tout à fait. 95 % d’entre eux sont accompagnés par des syndics professionnels. L’État doit reconnaitre le rôle central des syndics pour accompagner la politique de la rénovation. Il faudrait que l’État les adoube en tiers de confiance et leur donne les moyens de réussir cette mission d’intérêt public. Or si l’immobilier est perçu comme un poids mort de l’économie, les syndics sont honnis. Les syndics horripilent les copropriétaires qui comprennent mal leur rôle, les trouvent incompétents, peu réactifs, non transparents (donc malhonnêtes) et considèrent qu’ils coutent très chers puisqu’ils pensent qu’ils empochent pour eux-mêmes la totalité des appels de fonds (alors qu’ils n’en touchent réellement que 10 à 15 % en honoraires, le reste étant dédié aux charges de l’immeuble). Et comme il est efficace politiquement de s’attaquer à cette profession mal considérée, le législateur s’en donne à cœur joie. Pourtant quelle profession est plus réglementée, contrôlée, assurée, formée, mise en concurrence, soumise à rendre des comptes ?

Médiateurs et seuls mandataires légitimes

Les syndics professionnels sont les seuls acteurs qui peuvent créer une dynamique concrète de rénovation à grande échelle : pour lancer les diagnostics, élaborer les plans de travaux, monter l’ingénierie de financement (mobiliser les aides et financer le reste à charge), choisir les entreprises et piloter les travaux, mais surtout, conseiller les copropriétaires et les guider pas à pas dans ce parcours du combattant. Les syndics doivent se renforcer pour assurer cette mission, mais ils en ont les compétences fondamentales (juridiques, techniques, comptables).

Surtout, ils sont des médiateurs dans les immeubles, seuls mandataires légitimes de l’ensemble des copropriétaires. Pour les grands immeubles, des bureaux d’études spécialisés pourront apporter leurs expertises. Mais pour les petits immeubles (50 % des copropriétés ont moins de 10 lots), seul le syndic peut être l’orchestrateur général et même l’expert technique qui pourra délivrer des solutions de rénovation.

Les syndics professionnels ont les clés de la rénovation énergétique des logements collectifs (10 millions de logements). Ils sont plus de 5 000 en France à porter une carte professionnelle. Si l’Etat veut bien l’accepter et leur faire confiance, il peut en faire les vrais accompagnateurs de cette transition. Quelle profession est plus nombreuse et plus légitime ? En échange d’un cadre juridique et commercial adéquat, les syndics pourront investir (se former, recruter, s’équiper) et être au rendez-vous de l’histoire. Les syndics sont trop mal payés aujourd’hui pour s’émanciper et aller, en avance de phase, au-devant de ces enjeux. Pour la marque employeur de la profession et pour le sens à donner à tous les collaborateurs de la filière, ce serait une chance et un privilège. L’État aura-t-il cette clairvoyance ? Il faut qu’il passe un pacte avec la profession ; elle y est prête.

La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. La prochaine édition est prévue le 25/08/2023 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques). Jean-Luc Berho est également président de la Coopérative de l’immobilier, à Toulouse. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.

David Chouraqui


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Fiche n° 48545, créée le 09/02/2023 à 16:01 - MàJ le 09/02/2023 à 18:26

Crédit Agricole Immobilier

• Filiale du groupe Crédit Agricole, Crédit Agricole Immobilier (pôle gestion de l’épargne et assurance) travaille pour le compte de particuliers, d’entreprises, de collectivités ou encore d’investisseurs institutionnels (promotion résidentielle, promotion tertiaire, administration de biens, property management et immobilier d’exploitation).
• Création  : 1993
• Effectifs : 1345 collaborateurs
• Directrice générale  : Valérie Wanquet
• Directeur promotion résidentielle et grands projets : Frédéric-Xavier Baudier
• Contact : Vanessa Feugeres, relation presse
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Catégorie : Banque et Assurance


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