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Naviguer à vue : stop ! (Jacques Ferrand, trésorier de la FESH et membre du comex de l’USH)

News Tank Cities - Paris - Tribune n°309665 - Publié le 15/12/2023 à 14:00
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Jacques Ferrand - ©  D.R.

Prendre la mer par gros temps, balloté par des vents et courants insensés, sans phare, sans boussole, sans GPS, sans voile ni moteur, est compliqué… : c’est ce que vit le monde du logement social aujourd’hui et, au-delà du secteur du logement social, toute la planète logement. Et pourtant, on est tous d’accord : la traversée doit absolument se faire. Impossible de rester à quai, aveuglé et figé face aux besoins des Français et aux enjeux sociaux et sociétaux que porte la filière logement tout entière. Mais la situation est là et notre embarcation est dans la plus grande tourmente, écrit Jacques Ferrand Membre du comex @ Union sociale pour l’habitat (USH) • Directeur général @ SACHA (SAC avec Habitat 25) • Trésorier @ Fédération des ESH
, Dg de Neolia Entreprise sociale pour l’habitat du groupe Action Logement, membre de la société de coordination Habitat 25 et Néolia. Parc : 27 500 logements Effectif : 497 salariés Chiffre d’affaires … et de la SACHA (SAC Société anonyme de coordination ), trésorier de la FESH Fédération des entreprises sociales de l’habitat - organisation professionnelle nationale qui réunit l’ensemble des entreprises sociales pour l’habitat pour les représenter et membre du comex de l’USH Union sociale pour l’habitat - organisation représentative du secteur HLM : 720 organismes à travers 5 fédérations , dans une tribune adressée à News tank le 15/12/2023.

Alors que se passe-t-il ? Que fait le capitaine ? À quoi s’active l’équipage et, surtout, que vont devenir les passagers ? Sur les eaux agitées de cet océan hostile, trois grands défis secouent notre filière.

Voici la tribune de Jacques Ferrand.


Les trois grands défis de notre filière

Prendre la mer par gros temps, balloté par des vents et courants insensés, sans phare, sans boussole, sans GPS, sans voile ni moteur, est compliqué… : c’est ce que vit le monde du logement social aujourd’hui et, au-delà du secteur du logement social, toute la planète logement. Et pourtant, on est tous d’accord : la traversée doit absolument se faire. Impossible de rester à quai, aveuglé et figé face aux besoins des Français et aux enjeux sociaux et sociétaux que porte la filière logement tout entière. Mais la situation est là et notre embarcation est dans la plus grande tourmente. Alors que se passe-t-il ? Que fait le capitaine, à quoi s’active l’équipage et, surtout, que vont devenir les passagers ?

La métaphore est aisée et pourrait même être poétique si nous n’étions pas tous enferrés dans une véritable galère. Sans anticipation, sans prise en compte de la capacité à atteindre les objectifs plus ambitieux et impérieux que jamais.

Ainsi, sur les eaux agitées de cet océan hostile, trois grands défis secouent notre filière.

  • La transition énergétique, impérieuse nécessité pour freiner autant que faire se peut l’urgence climatique, maitriser nos consommations de ressources fossiles et, au passage, épargner le pouvoir d’achat de nos locataires, sur lesquels cet effort ne peut être que marginalement reporté.
  • La courbe démographique marquée par l’inexorable vieillissement des populations et les enjeux sociétaux que cela implique.
  • La crise immobilière et ses multiples conséquences parmi lesquelles la chute de l’offre tandis que la demande explose, au point de mettre en tension certains territoires jusqu’ici épargnés par la pénurie de logements. Résultat : l’immobilier s’engourdit. Et avec lui, c’est tout un pan de l’économie qui se paralyse.

Dans ce triangle, l’étau des possibles pour nos entreprises et organismes se resserre chaque jour un peu plus. Un constat que nous partageons tous : promoteurs, bailleurs privés et publics, particuliers, partenaires sociaux, économiques et entreprises du bâtiment.

Aucune perspective nette pour guider le monde du logement

En réponse jusqu’ici, en dehors du gel temporaire du taux du livret A, qui ne peut à lui seul répondre à cette montagne d’écumes, la seule réponse se résume à des annonces, pactes, promesse de lois …. c’est insuffisant et en plus jusqu’ici avec bien trop peu d’actes qui suivent. Le désarroi immobilier ressemble déjà à la mortifère crise des années 90, sans que nous n’ayons touché le fond et son amplitude sera d’autant plus grande que nous en resterons au registre des annonces. Aucune perspective nette pour guider le monde du logement vers un horizon raisonné et raisonnable, en phase avec les vrais besoins des territoires et leurs habitants. On est dans la brume, et le bateau prend l’eau.

Sans moyens et sans une structuration cohérente des moyens et actions, le renvoi à une future décentralisation ne résoudra rien, et aucun des défis ne sera relevé. Avant les moyens, et au-delà du constat partagé, il est impératif qu’il y ait une réelle volonté et une réelle prise en compte des enjeux du secteur, car c’est tout le secteur qui est frappé. Ensuite il faudra des moyens, des mesures pour créer les chocs de l’offre un temps promis et réussir la transition énergétique inéluctable. Le monde HLM s’étouffe, la promotion agonise, les bailleurs privés et les particuliers se perdent dans le dédale brumeux des dispositifs complexes sensés les accompagner.

MaPrimeRénov’ et ses mille et une versions et subtilités »

Comment naviguer sereinement le long d’une côte où les mesures et décrets émergent, changent, sont engloutis puis refont surface au rythme infernal des grandes marées ? Citons ici la valse chaloupée des lettres prioritaires dans l’éradication des passoires thermiques, Ma Prime Rénov’ avec ses mille et une versions et subtilités, le bâtiment non seulement confronté à un écroulement des carnets de commande mais aussi à la REP Responsabilité élargie des producteurs bâtiment et son grand et beau principe du « pollueur payeur » qui n’a finalement rien d’opérationnel puisque les entrepreneurs et artisans sont chahutés entre leurs fournisseurs et les gestionnaires de déchets, quand bien même les objectifs sont partagés. Quant aux particuliers, on imagine leur désarroi dans cette jungle de règles et dispositifs…

Si, par bonheur, quelques organismes particulièrement bien informés et outillés, tels que Soliha Solidaires pour l’habitat, réseau PACT et réseau Habitat & Développement , ont les moyens de décrypter, gérer et accompagner mais ils ne pourront malheureusement pas prendre en charge tous les dossiers. Et la chose se complexifie d’autant plus dans les copropriétés privées qui doivent elles aussi gérer ces grandes transitions. Pour certaines, engager des travaux de rénovation énergétique et d’accessibilité devient un insoluble casse-tête et la triste promesse d’une faillite annoncée. Certaines copropriétés ont renoncé en fin d’année dernière à souscrire des contrats gaz aux prix exorbitants, sans que cela ne suscite aucune réaction.

Aucune mesure d’urgence concrète

Le choc de la simplification n’a manifestement pas (encore) percuté notre monde. Et pourtant, on y a presque cru. Enfin un Comité Interministériel des Villes, un discours à Dunkerque… des espoirs… Au menu de ce comité tant attendu : la transition écologique, le plein emploi et l’accès aux services publics qu’à cela ne tienne… Des annonces : un nouveau plan de rachat auprès des promoteurs, une re-révision du zonage PTZ Prêt à taux zéro , un plan pour le logement étudiant, des conventions de territoires, une mission parlementaire sur la fiscalité locative… Mais, à ce jour, aucune mesure d’urgence concrète permettant de redémarrer le cœur de notre secteur d’activité qui est en train d’arrêter de battre…

Il y a urgence, la suppression des emplois dans la promotion et la construction de maisons individuelles, chez les notaires, les agences immobilières, et les entreprises du bâtiment s’accélère. Tous ces outils, ces acteurs une fois cassés, rendront difficile et lent le redémarrage, notre secteur d’activité a un cycle long. Il faut agir vite, sinon cela sera trop tard. Au secours ! Arrêtons de considérer le secteur du logement comme une variable d’ajustement budgétaire, arrêtons de considérer qu’il coûte à l’État alors qu’il a été démontré par tous que c’était bien l’inverse, non seulement en euro, et aussi dans la réponse aux besoins d’un logement adapté à ses besoins et envies.

La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. La dernière édition a eu lieu le 25/08/2023 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) sur le thème de la transition écologique et du logement pour tous. Jean-Luc Berho est président du conseil de surveillance de la Coopérative de l’immobilier à Toulouse, administrateur de l’association Aurore, administrateur d’Espacité et membre du CNH Conseil national de l’habitat depuis décembre 2023. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.

Jacques Ferrand


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SACHA (SAC avec Habitat 25)
Directeur général
Fédération des ESH
Trésorier
Neolia
Directeur général
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Directeur général

Fiche n° 37532, créée le 18/12/2019 à 15:47 - MàJ le 15/12/2023 à 11:57

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