Crise du logement : activons les leviers territoriaux (P-L Roussel, Aatiko, et E. Durand, MERC/AT)
Avec une baisse de 20 % de la production de nouveaux logements en juin 2023 (par rapport à la période de pré-Covid), la crise du logement nécessite une réponse urgente. D’ici à 2050, la France aura besoin de 7,8 millions de nouveaux logements. La crise protéiforme et complexe exige une approche multiscalaire et ciblée, avec des
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réponses adaptées aux réalités locales, écrivent Pierre-Louis Roussel
Directeur général délégué @ Aatiko Conseils
, directeur général délégué d’Aatiko Conseils
• SAS (filiale de la SCET)• Création : 2010• Activités : cabinet conseil (stratégie patrimoniale & achats, projets stratégiques et transformation ; stratégie numérique et digitalisation des…
(filiale du groupe Scet
• Société de conseil et d’appui aux territoires, spécialiste de l’économie mixte et du développement territorial, filiale de la Caisse des dépôts
• Missions : accompagne les initiatives locales…
depuis 2017), et Emmanuelle Durand
Directrice @ MERC/AT (groupe Citadia)
, directrice de la société MERC/AT (groupe Citadia), expert en matière de politique de l’habitat, de définition des besoins en logements et de programmation immobilière résidentielle et d’activité, dans une tribune adressée à News Tank le 18/04/2024.
Le débat public est focalisé sur deux types d’approches : desserrer la contrainte sur l’offre (libéraliser le secteur) ou soutenir financièrement (approche keynésienne). En complément de ces éléments de “policy-mix” traditionnel, nous recommandons l’activation de quatre leviers fondés sur une meilleure prise en compte des spécificités et des dynamiques locales.
Voici la tribune cosignée de Pierre-Louis Roussel et d’Emmanuelle Durand.
Besoin de 7,8 millions de nouveaux logements en 2050
Avec une baisse de 20 % de la production de nouveaux logements en juin 2023 (par rapport à la période de pré-Covid), la crise du logement nécessite une réponse urgente. D’ici à 2050, la France aura besoin de 7,8 millions de nouveaux logements. Quelles sont, pour les territoire, les pistes de solutions face à ce défi de taille ?
Si l’action nationale peut jouer un rôle de catalyseur, cette crise protéiforme et complexe exige une approche multiscalaire et ciblée, avec des réponses adaptées aux réalités locales. Notamment, le débat public est aujourd’hui focalisé sur deux types d’approches : desserrer la contrainte sur l’offre (libéraliser le secteur) ou soutenir financièrement (approche keynésienne). En complément de ces éléments de policy-mix traditionnel, nous recommandons l’activation de quatre leviers fondés sur une meilleure prise en compte des spécificités et des dynamiques locales.
Créer un effet signal
Il est nécessaire d’anticiper les projets structurants d’aménagement du territoire pour créer un effet signal en faveur de l’offre. L’aménagement du territoire est l’une des premières clefs pour répondre localement à la crise du logement. Pour cela, les collectivités ont tout intérêt à identifier les grands projets structurants d’aménagement de leur territoire. En mettant en place des actions spécifiques et ciblées, elles pourront alors créer un effet d’entrainement pour attirer l’ensemble des acteurs publics et privés du logement.
Ce levier s’applique particulièrement bien aux projets qui impliquent la création de nouvelles mobilités susceptibles d’attirer de nouveaux habitants. Pour les métropoles candidates, les gares de SERM Service express régional métropolitain - services de mobilité multimodaux (RER Réseau express régional d’Île-de-France métropolitain) se présentent comme une opportunité. Tout l’enjeu reste de créer un cadre spécifique qui permette l’implication des bailleurs, des entités foncières locales et des promoteurs publics et privés. Pour cela, les collectivités pourront mettre en place des conditions de financement favorables, facilitant un effet d’entraînement bénéfique pour le marché du logement.
Mettre un coup d’accélérateur sur la réhabilitation
Deuxième levier territorial face à la crise du logement, la réhabilitation reste sous-exploitée. Cette situation s’explique en partie par des dispositifs et aides qui ont montré leur limite. Il est donc crucial de donner aux collectivités et aux privés les moyens d’agir efficacement sur l’habitat existant. La création d’un droit d’acquisition de la force publique accélérerait par exemple la réhabilitation des passoires énergétiques lorsque les propriétaires ne peuvent pas assumer.
En attendant, les territoires ne sont pas dépourvus de moyens. Les foncières logements et organismes de logements social (OLS Organisme de logement social ) sont un réel atout pour faciliter le passage de logements existants dans le parc social, notamment les immeubles insalubres et les copropriétés dégradées (acquisition-amélioration). Ces entités pourront s’engager dans la réhabilitation des logements, en échange de loyers encadrés dans une logique de retour sur investissement à long terme.
Parallèlement, les collectivités et les acteurs institutionnels peuvent vendre une partie de leur patrimoine immobilier avec une décote, en échange de l’engagement de l’acheteur à rénover et exploiter le bien. Cette stratégie permettrait de revitaliser des biens sous-utilisés tout en répondant aux urgences du marché du logement.
Accès à la propriété et solution du co-investissement
Au-delà de la production, la crise du logement nécessite de faciliter l’accession à la propriété. Pour cela, le démembrement de propriété et d’usage se présente comme une solution de plus en plus évidente. Le Bail Réel Solidaire n’est alors qu’un mécanisme parmi tant d’autres.
Au-delà des logiques de démembrement, la mise en place au niveau territorial de dispositifs de co-investissement entre les particuliers et des financeurs tiers (collectivités, institutionnels, entreprises) permettrait de renforcer l’accès au logement. Notamment, des sociétés patrimoniales publiques pourraient être créées pour co-investir avec des acheteurs privés dans l’achat de leur résidence principale sous forme d’indivision.
De tels dispositifs, s’ils sont ouverts à l’investissement par des entreprises employeurs locaux, auraient également la vertu de répondre aux difficultés de recrutement de certains territoires, en soutenant le développement local. Loin d’être une fiction, les territoires ont vu se multiplier ces dernières années les entreprises qui investissent de la sorte dans des programmes immobiliers.
Optimiser l’occupation du parc de logements sociaux
Enfin, l’optimisation de l’occupation du parc existant reste un levier à fort potentiel : une amélioration de 1 % de la rotation dans le parc social équivaudrait à un an de construction de logements neufs. On observe localement de plus en plus d’initiatives de création de bourse d’échange de logements. Actuellement, de telles bourses d’échanges se mettent en place à des échelles locales, comme le modèle « Échanger Habiter » en Île-de-France et plus récemment celle du Rhône.
Pour aller plus loin, le fait de renforcer les bourses d’échange de logements par la création d’une bourse nationale apparaît pertinent et réaliste. Cette plateforme apporterait de la fluidité au parc social en facilitant la mise en relation des locataires. Chacun ayant la possibilité de faire une offre d’échange d’appartement ou d’entrer en relation avec un autre locataire. En attendant, les collectivités ont tout intérêt à accentuer leur collaboration avec les bailleurs sociaux pour favoriser la création de logements mais aussi pour en faire des partenaires globaux de l’aménagement de leurs territoires : service aux habitants, production d’énergie renouvelable, aménagement… Les collectivités peuvent soutenir les bailleurs avec un appui en ingénierie dans leurs réflexions stratégiques. Parallèlement, les collectivités pourraient envisager des mesures spécifiques avec les bailleurs pour augmenter l’offre : une ingénierie dédiée et des financements spécifiques les encourageraient à densifier leurs biens fonciers et investir dans des zones moins attractives financièrement et administrativement.
Rubrique dirigée par Jean-Luc Berho
La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. La prochaine édition est prévue le 30/08/2024 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) sur le thème du logement. Jean-Luc Berho est président du conseil de surveillance de la Coopérative de l’immobilier à Toulouse, administrateur de l’association Aurore, administrateur d’Espacité et membre du Conseil national de l’habitat. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.
SCET
• Société de conseil et d’appui aux territoires, spécialiste de l’économie mixte et du développement territorial, filiale de la Caisse des dépôts
• Missions : accompagne les initiatives locales dans les métiers de l’aménagement, du logement ou de la gestion de services publics, ingénierie financière, transition territoriale, développement économique, attractivité touristique, programmation immobilière, transition démographique, écologique et énergétique
• Création : 1955 (2012 pour le pôle conseil aux territoires)
• Présidente : Agnès Audier
• Directeur général : Romain Lucazeau
• Directeur général adjoint : Christophe Lasnier
• Directrice générale déléguée : Anne Matysen
• Réseau : 6 directions interrégionales et 13 agences territoriales
• Chiffre d’affaires (2022) : 40 M€
• Tél. : 01 55 03 30 99
Catégorie : Cabinet d'expertise, études et ingénierie
Maison mère : Caisse des Dépôts
Adresse du siège
52, rue Jacques Hillairet75612 Paris Cedex 12 France
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Fiche n° 7030, créée le 30/04/2018 à 11:52 - MàJ le 27/06/2024 à 11:32