'La sfida della casa’ (le défi du logement) : un aperçu des problématiques en Italie (R. Bocognani)
L’Italie se caractérise par une forte propension des ménages à accéder à la propriété par rapport à d’autres pays européens où la part de marché de la location est beaucoup plus élevée. Selon Eurostat, les trois quarts des italiens sont propriétaires de leur logement et seulement 25 % des italiens sont locataires, écrit Romain Bocognani
Membre du conseil d’administration @ Digital Italian Hub for ConstrUcction and Built Environment (Dihcube) • Directeur des Relations institutionnelles et des affaires étrangères @ Associazione…
, directeur des Relations institutionnelles et des Affaires étrangères de l’ANCE (Associazione nazionale costruttori edili - Association nationale italienne des entreprises de BTP), dans une tribune intitulée “La sfida della casa (le défi du logement), un aperçu des problématiques liées au logement en Italie”, adressée à News Tank le 10/05/2024.
La crise du logement, qui touche actuellement de très nombreux pays d’Europe, n’épargne pas l’Italie. Dans un pays où les familles sont plus qu’ailleurs propriétaires de leur logement, les dernières années ont été marquées par le manque de solutions offertes par les pouvoirs publics aux besoins exprimés par les jeunes et liés à la rapide évolution de la composition des familles italiennes. Le Gouvernement actuel a réuni depuis quelques mois les principaux acteurs du logement pour essayer d’apporter des premiers éléments de réponse et d’adopter les premières mesures avant l’été.
Accès des jeunes au logement, logement social, “Piano Casa” (plan logement)… Voici la tribune de Romain Bocognani.
De nouvelles politiques sont nécessaires en Italie pour soutenir le logement et encourager la rénovation urbaine
L’Italie se caractérise par une forte propension des ménages à accéder à la propriété par rapport à d’autres pays européens où la part de marché de la location est beaucoup plus élevée. Selon Eurostat, les trois quarts des italiens sont propriétaires de leur logement et seulement 25 % des italiens sont locataires. La location est plus fréquente dans les familles à bas revenus et chez les célibataires, en particulier les jeunes, les familles monoparentales avec des enfants mineurs et les familles d’origine étrangère.
L’Italie a peu de jeunes - c’est le pays où les jeunes entre 18 et 34 ans sont les moins nombreux en Europe (17,4 % de la population contre une moyenne de 19,4 % dans l'UE Union européenne ) - et leur accès au logement est particulièrement complexe : ils sont très souvent contraints de rester longtemps dans leur famille en raison d’un manque de ressources.
Leurs difficultés d’accès au logement sont nombreuses.
D’une part, les loyers sont élevés et représentent une part importante des faibles revenus perçus lorsqu’ils entrent dans le monde du travail, ce qui fait payer aux jeunes générations le plus lourd tribut à l’absence de redistribution des richesses.
De nombreuses données permettent d’appréhender ce phénomène : les données 2023 d’Eurostat montrent que l’Italie se situe au dernier rang des principaux pays européens en termes de taux d’emploi des jeunes (15-29 ans) : 35 % contre une moyenne européenne d’environ 50 %.
Les deux tiers de jeunes italiens (18-34 ans) vivent encore dans leur famille d’origine en Italie. Parmi eux, 37 % étudient et 22 % sont à la recherche d’un emploi. Les jeunes âgés de 15 à 34 ans qui n’étudient pas et ne travaillent pas ('NEET') représentent 16 % de la population jeune, le chiffre le plus élevé parmi les principaux pays européens.
Même pour les étudiants, l’accès au logement est difficile : l’offre de logements publics disponibles pour les étudiants est actuellement insuffisante. C’est pourquoi le Plan de relance italien (PNRR) a financé la création de 60 000 lits supplémentaires pour les étudiants universitaires, pour un montant de 960 M€.
La situation des logements sociaux gérés par les pouvoirs publics n’est pas meilleure.
Le dernier rapport « The State of Housing in the EU » publié par l’Observatoire européen du logement montre qu’en Italie, seulement 3,8 % des familles vivent dans des logements sociaux publics, un chiffre très inférieur à celui d’autres pays européens (29 % aux Pays-Bas, 24 % en Autriche, 16 % en France).
Le système de construction résidentielle publique (ERP) en Italie reste limité malgré un besoin croissant : selon les dernières données publiées par Federcasa, environ 360 000 demandes de logement social sont en attente et il faudrait construire au moins 250 000 nouveaux logements sociaux, un chiffre qui augmente chaque année.
Ces dernières années, l’ERP est devenu un mode d’intervention résiduel suite à la forte réduction des financements publics depuis la fin des années 90 et aux différents processus de vente des logements sociaux. Les personnes les plus fragiles se sont donc tournées vers le marché locatif privé, ce qui a entraîné des difficultés toujours plus importantes pour les familles -pas seulement celles à bas revenus- pour faire face aux dépenses de logement.
L'augmentation des coûts liés au logement (effet de la pandémie, de la hausse du chômage et de l’augmentation généralisée des prix, y compris des prix de l’énergie) et la rareté de l’offre de logements sociaux en location sont les principaux facteurs qui ont alimenté une dynamique du logement relativement faible en Italie.
Cette dynamique faible est également le fruit d’un manque d’offre de logements adaptés, en termes de coût et de typologie, aux nouveaux besoins de mobilité résidentielle et de flexibilité liés en particulier à l’augmentation du nombre de personnes âgées, d’étudiants qui étudient en dehors de leur département d’origine, de jeunes qui veulent quitter le domicile de leurs parents, de jeunes couples, de personnes qui doivent déménager pour travailler.
De nouvelles politiques sont donc nécessaires en Italie pour soutenir le logement et encourager une nouvelle dynamique de rénovation urbaine (les lois en la matière datent de l’après-guerre en Italie).
Du premier Plan « Fanfani » des années 50 aux mesures prévues par le Plan de Relance italien (PNRR) financé dans le cadre de NextGenerationEu, toute une série d’initiatives se sont succédé au fil du temps pour répondre à la problématique du logement en Italie.
Malgré ces mesures, la pénurie de logements reste importante, notamment en raison de l’absence d’une politique du logement adéquate au niveau national, dans un pays où depuis la crise économique de 2008 le marché de la construction est focalisé sur la réhabilitation et où la barre des 60 000 nouveaux logements par an (permis de construire délivrés) n’a pas été franchie depuis de nombreuses années.
Pour tenter de relancer la politique nationale, le Gouvernement a réuni depuis quelques mois les principaux acteurs du logement pour travailler sur le « Piano casa » (Plan logement), lancé par le Ministre des infrastructures et des transports avec l’objectif de trouver des solutions partagées.
Un premier objectif est la publication d’instructions pour la mise à disposition de « modèles expérimentaux de logements sociaux » prévus par la loi de finances 2024, avec pour but de requalifier les immeubles publics, dans le cadre du programme national de revalorisation de l’immobilier sous la responsabilité du Comité de pilotage mis en place par le Ministère de l’Économie et des Finances ; d’utiliser les logements invendus pour en faire des logements sociaux, en accord avec leurs propriétaires ; de réaliser des logements sociaux en Partenariat public-privé.
Mais les moyens financiers restent très limités : le fonds national de lutte contre les difficultés de logement a une dotation de 100 M€ (50 M€ pour l’année 2027 et 50 M€ pour l’année 2028).
C’est pourquoi le ministère des infrastructures travaille également sur une analyse plus précise des besoins en logement et des actifs immobiliers publics et privés à récupérer (désaffectés, en état de dégradation et d’abandon) et/ou qui pourraient être reconvertis en logements.
Les premières mesures devraient être approuvées au début de l’été 2024.
En parallèle, les entreprises du BTP de l’ANCE soulignent la nécessité de créer une nouvelle vision des politiques de logement et d’adopter une loi sur la rénovation urbaine.
Rubrique dirigée par Jean-Luc Berho
La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. La prochaine édition est prévue le 30/08/2024 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) sur le thème du logement. Jean-Luc Berho est président du conseil de surveillance de la Coopérative de l’immobilier à Toulouse, administrateur de l’association Aurore, administrateur d’Espacité et membre du Conseil national de l’habitat. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.
Romain Bocognani
Membre du conseil d’administration @ Digital Italian Hub for ConstrUcction and Built Environment (Dihcube)
Directeur des Relations institutionnelles et des affaires étrangères @ Associazione Nazionale Costruttori Edili (ANCE)
Directeur général adjoint @ Associazione Nazionale Costruttori Edili (ANCE)
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Parcours
Membre du conseil d’administration
Directeur des Relations institutionnelles et des affaires étrangères
Directeur général adjoint
Directeur des relations internationales
Directeur des Affaires européennes
Adjoint au chef de bureau Réseaux transeuropéens de transport (RTE-T)
Responsable du bureau Études, déplacements, transports
Ingénieur-économiste stagiaire
Ingénieur stagiaire chez Steer Davies Gleave
Établissement & diplôme
DEA Économie des Transports
Diplôme d’ingénieur des Travaux publics de l’État
Fiche n° 51537, créée le 10/05/2024 à 10:50 - MàJ le 10/05/2024 à 11:13