Encadrement des loyers : un outil pour que le logement reste abordable (B. Guillemot, Ville de Paris)
Dans un contexte marqué par la forte tension du marché locatif parisien et les difficultés à se loger des ménages aux revenus modestes et des classes moyennes, la Ville de Paris
• Commune et département (statut particulier), situés en région Île-de-France• Population : 2 087 577 habitants• Superficie : 105,4 km2• Intercommunalité : Métropole du Grand Paris• Maire : Anne…
a souhaité dès 2015, se saisir de la possibilité ouverte par la loi Alur
Loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové du 24/03/2014
du 26/03/2014, d’encadrer les loyers. Contesté devant le tribunal administratif, le dispositif a finalement été validé par le Conseil d’État en juin 2019 puis à nouveau mis en œuvre à Paris dans un cadre renouvelé permis par la loi ELAN
Évolution du logement et aménagement numérique - Loi « Logement » adoptée le 23/11/2018 par le Parlement
à titre expérimental à compter du 01/07/2019, écrit Blanche Guillemot
Directrice du logement et de l’habitat @ Ville de Paris
, directrice du logement et de l’habitat de la Ville de Paris, dans une tribune adressée à News Tank Cities le 17/05/2024.
L’encadrement des loyers vise à contenir l’augmentation des loyers les plus élevés, devenus hors de portée des candidats locataires, le revenu médian des parisiens ayant évolué beaucoup moins vite que les loyers sur les 20 dernières années, loyers eux-mêmes entraînés par une envolée des prix de l’immobilier sur le marché parisien, permise par un contexte de taux d’intérêt historiquement bas. Il s’inscrit dans une stratégie visant à maintenir un parc de logements abordables, favorisant l’accès au logement pour tous et la mixité au sein de territoires au marché locatif tendu comme Paris.
Voici la tribune de Blanche Guillemot.
L’encadrement des loyers, un outil pour que le logement reste abordable
Dans un contexte marqué par la forte tension du marché locatif parisien et les difficultés à se loger des ménages aux revenus modestes et des classes moyennes, la Ville de Paris a souhaité dès 2015, se saisir de la possibilité ouverte par la loi Alur Loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové du 24/03/2014 du 26/03/2014, d’encadrer les loyers. Contesté devant le tribunal administratif, le dispositif a finalement été validé par le Conseil d’État en juin 2019 puis à nouveau mis en œuvre à Paris dans un cadre renouvelé permis par la loi ELAN Évolution du logement et aménagement numérique - Loi « Logement » adoptée le 23/11/2018 par le Parlement à titre expérimental à compter du 01/07/2019.
Le dispositif permet de réguler les loyers les plus chers en instaurant un barème de loyers de référence, définis au m2 habitable, selon le type de location (meublée ou non), le nombre de pièces (T1, T2, T3…), l’époque de construction du logement et le secteur géographique. Ces loyers de référence sont des loyers médians calculés à partir des niveaux de loyers observés selon les mêmes critères, par l’observatoire des loyers de l’agglomération parisienne, selon une méthodologie rigoureuse permettant d’inclure la diversité des logements proposés à la location. Ce dispositif d’encadrement en niveau, s’ajoute au décret annuel qui limite la hausse annuelle des loyers à la relocation à l’IRL Indice de référence des loyers .
L’encadrement s’applique dans 24 villes dont Lyon et Lille »L’encadrement des loyers vise donc à contenir l’augmentation des loyers les plus élevés, devenus hors de portée des candidats locataires, le revenu médian des parisiens ayant évolué beaucoup moins vite que les loyers sur les vingt dernières années, loyers eux-mêmes entraînés par une envolée des prix de l’immobilier sur le marché parisien, permise par un contexte de taux d’intérêts historiquement bas.
Il s’inscrit dans une stratégie visant à maintenir un parc de logements abordables, favorisant l’accès au logement pour tous et la mixité au sein de territoires au marché locatif tendu comme Paris. Ces stratégies sont partagées par des collectivités de plus en plus nombreuses. Ainsi, l’encadrement s’applique dans 24 villes dont Lyon et Lille.
Premier impact avéré sur la modération des loyers
L’évaluation de l’impact de l’encadrement sera évidemment au cœur des débats visant à l’examen de sa pérennisation, prévu par la loi à l’horizon 2026. Dans la perspective de nourrir ces travaux d’évaluation, l’Atelier parisien d’urbanisme • Association loi 1901 • Création : 03/07/1967 • Mission : documenter, analyser et développer des stratégies prospectives concernant les évolutions urbaines et sociétales à paris et dans la… a souhaité, en partenariat avec la Ville de Paris, inscrire une étude d’impact à son programme de travail en sollicitant l’équipe de recherche en économie du Cesaer.
Mobilisant des méthodes économétriques d’inférence causale, appliquées aux données des annonces de location, les résultats qui viennent d’être rendus publics [1] montrent que l’encadrement a un effet de modération de la hausse des loyers à Paris, qui lui est propre, distinct de l’inflation, de l’évolution de l’IRL et de la conjoncture. Cet effet, de -4,2 % entre juillet 2019 et juin 2022, représente 768 € d’économie par an en moyenne. Il est plus fort sur les petits logements que sur les grands et se renforce dans le temps, passant de -2,5 % entre mi-2019 et mi-2020, à -5,9 % entre mi-2022 et mi-2023. Les résultats montrent également que si tous les bailleurs avaient respecté l’encadrement, l’atténuation de la hausse des loyers aurait été deux fois supérieure, avec une baisse de -8,2 % par rapport à une situation sans encadrement.
Mieux faire connaître la loi et accompagner les locataires dans leurs démarches
Le défi principal pour que la loi entraîne pleinement ses effets, est bien de la faire connaitre aux locataires et aux propriétaires, par une information largement diffusée, la transparence des annonces sur la conformité du niveau de loyer proposé, et l’implication des intermédiaires immobiliers chargés d’établir les baux.
Les premiers retours d’expérience ont montré que si le nombre de baux signés respectant l’encadrement progressait [2], il reste qu’une proportion importante d’annonces dépassent encore les loyers de référence (4 annonces sur 10 à Paris en moyenne entre juillet 2022 et juin 2023, avec un écart important entre les annonces de location pour les meublés - dont 48 % ne respectent pas le loyer de référence et 29 % les annonces pour les logements non meublés [3]).
C’est la raison pour laquelle la Ville de Paris a souhaité que la loi permette aux collectivités d’accompagner les locataires dans leurs démarches visant à faire respecter l’encadrement. Depuis le 01/01/2023, en application de la loi 3DS Loi du 21/02/2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale [4], la Ville peut, par délégation du préfet, recueillir les signalements des locataires constatant un dépassement du loyer de référence, et mettre en demeure les propriétaires afin que le bail soit mis en conformité et les trop-perçus de loyer, remboursés aux locataires.
Très majoritairement sur des logements de 1 ou 2 pièces »La Ville de Paris a mis en œuvre de larges modalités d’information et de communication auprès des propriétaires et des locataires, en mobilisant ses services de proximité et ses partenaires, ainsi qu’une procédure simplifiée de signalement en ligne sur Paris.fr. En 1 an, plus de 1 630 signalements ont été effectués, qui portent très majoritairement sur des logements d’une ou deux pièces. Au 31/12/2023, ce sont plus d’une centaine de dossiers pour lesquels les locataires ont déjà vu leur situation résolue (remboursement en moyenne de 2 313 €) ; et 7 amendes ont été prononcées à l’encontre de propriétaires n’ayant pas donné suite aux mises en demeure. En moyenne, au moment de la mise en demeure, les dépassements mensuels constatés s’élèvent à 159 € par mois.
Des évolutions attendues
Ce bilan favorable est un encouragement à mieux faire connaitre le dispositif d’encadrement des loyers pour que la loi, encore trop souvent inappliquée, soit respectée. Les procédures de recours demeurent complexes, relevant soit d’un recours « administratif » (signalement auprès de la Ville d’un dépassement du loyer de référence), soit judiciaire avec saisine préalable de la commission de conciliation (contestation du complément de loyer). Ces démarches restent souvent hors de portée pour des locataires fragilisés dans leur capacité à accéder à un logement ou s’y maintenir. L’examen des signalements témoigne aussi d’une faible appropriation, par les propriétaires comme par les locataires, des éléments constitutifs d’un bail de location.
C’est la raison pour laquelle le respect de la loi ne peut pas reposer que sur la seule vigilance et l’implication des locataires. La bonne information des propriétaires et la mobilisation des professionnels de l’immobilier sont également indispensables. Si la loi a prévu que le loyer de référence, ainsi qu’un éventuel complément de loyer, figurent sur les annonces immobilières publiées tant par les personnes physiques que par les professionnels, ces obligations sont à ce jour peu voire pas contrôlées.
Pour un enregistrement systématique des baux de location
Dans la perspective de sa pérennisation, il paraît indispensable de faire évoluer le dispositif sur plusieurs points :
- rehausser le plafond des amendes, actuellement trop limité dans certains cas (eu égard à l’importance et la durée des dépassements)
- mieux définir et encadrer le complément de loyer et revoir le délai de contestation (3 mois aujourd’hui)
- simplifier les voies de recours et s’assurer de la mise en place d’une commission de conciliation dans tous les territoires concernés et de l’harmonisation de leurs pratiques
- mieux protéger les locataires contre les congés abusifs ou frauduleux
- contrôler la conformité des annonces
L’idéal serait de prévoir l’enregistrement systématique des baux de location avec une démarche en ligne simple et rapide, garantissant aux locataires comme aux propriétaires la sécurité juridique du bail, et permettant également de mieux connaître le fonctionnement du marché locatif. L’enregistrement permettrait ainsi de connaître, par exemple, le type de bail, l’étiquette énergétique du logement, les loyers et compléments de loyer. D’expérimental, l’encadrement des loyers deviendrait un mode de fonctionnement ordinaire du marché locatif, et un outil pérenne pour faciliter l’accès au logement dans les zones tendues.
[1] Les effets de l’encadrement des loyers à Paris, APUR, note n° 247, avril 2024
[2] Voir OLAP Observatoire des loyers de l’agglomération Parisienne , l’encadrement des loyers à Paris en 2022, un effet réel mais modéré, décembre 2023
[3] Les effets de l’encadrement des loyers à Paris, APUR, note n° 247, avril 2024
[4] Loi du 21/02/2022 relative à la différentiation, la décentralisation et la déconcentration
Rubrique dirigée par Jean-Luc Berho
La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. La prochaine édition est prévue le 30/08/2024 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) sur le thème du logement. Jean-Luc Berho est président du conseil de surveillance de la Coopérative de l’immobilier à Toulouse, administrateur de l’association Aurore, administrateur d’Espacité et membre du Conseil national de l’habitat. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.
Blanche Guillemot
Directrice du logement et de l’habitat @ Ville de Paris
Consulter la fiche dans l‘annuaire
Parcours
Directrice du logement et de l’habitat
Directrice générale
Membre du cabinet
DGA
Magistrate
Fiche n° 51605, créée le 17/05/2024 à 17:04 - MàJ le 17/05/2024 à 17:10
Ville de Paris
• Commune et département (statut particulier), situés en région Île-de-France
• Population : 2 087 577 habitants
• Superficie : 105,4 km2
• Intercommunalité : Métropole du Grand Paris
• Maire : Anne Hidalgo, depuis 2014
• Adjoint à l’urbanisme : Lamia El Aaraje
• Adjoint au logement : Jacques Baudrier
• Tél. : 01 42 76 40 40
Catégorie : Collectivités
Entité(s) affiliée(s) :
- Compagnie parisienne de chauffage urbain
- Eau De Paris
Adresse du siège
Place de l’Hôtel de Ville75004 Paris France
Consulter la fiche dans l‘annuaire
Fiche n° 6228, créée le 11/01/2018 à 12:37 - MàJ le 21/11/2024 à 18:03