L’urgence du débat démocratique sur le logement : retour sur les Entretiens d’Inxauseta (É. Dequeker)
C’est dans une atmosphère particulière que se sont tenus le 30/08/2024 les incontournables Entretiens d’Inxauseta. À la gravité de la situation en matière de logement, illustrée par le titre de l’édition 2024 (Logement : territoires en danger) a répondu une journée sereine, agréable et constructive. Élus locaux et nationaux, architectes, promoteurs, aménageurs, constructeurs, fédérations (USH
Union sociale pour l’habitat - organisation représentative du secteur HLM : 720 organismes à travers 5 fédérations
, FFB
Fédération française du bâtiment
…), professeurs-chercheurs, citoyens mobilisés et conscients de l’importance des enjeux soulevés, y ont une fois de plus débattu avec calme du moment présent, écrit Édouard Dequeker
Responsable pédagogique Management urbain et immobilier @ Essec Business School (Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales) • Ingénieur de recherche pour la chaire d’économie…
, professeur à la Chaire d’économie urbaine de l’Essec, dans une tribune adressée à News Tank le 03/10/2024.
Même si le contexte est probablement le plus morose depuis leur création en 2001, le niveau d’exigence des contributions écrites et orales, des échanges formels et informels, n’a pas cédé la place à une somme de complaintes stériles. Dans la situation politique inédite (une Assemblée nationale sans majorité et un Gouvernement Barnier à la légitimité fragile et à la pérennité incertaine), à l’heure d’arbitrages budgétaires imminents et cruciaux, les acteurs de la filière mesurent l’importance d’une parole et d’une action collectives.
Il aurait été surprenant que le terme de « crise » n’occupe pas une place majeure. Il faut dire que tous les indicateurs sont au rouge.
Voici la tribune d’Édouard Dequeker.
L’urgence du débat démocratique sur le logement
C’est dans une atmosphère particulière que se sont tenus le 30/08/2024 les incontournables Entretiens d’Inxauseta. À la gravité de la situation en matière de logement, illustrée par le titre de cette édition (« Logement : territoires en danger »), a répondu une journée sereine, agréable et constructive, parfois aux allures de réunion de famille. Élus locaux et nationaux, architectes, promoteurs, aménageurs, constructeurs, fédérations (USH Union sociale pour l’habitat - organisation représentative du secteur HLM : 720 organismes à travers 5 fédérations , FFB Fédération française du bâtiment …), professeurs-chercheurs, citoyens mobilisés et conscients de l’importance des enjeux soulevés, y ont une fois de plus débattu avec calme du moment présent. L’atmosphère tient au cadre idyllique de cet événement unique en son genre, ainsi qu’à l’expérience et l’énergie des organisateurs, tous bénévoles, auxquels il convient de rendre un hommage appuyé.
Mais elle tient aussi à la qualité intrinsèque des Entretiens. Même si le contexte est probablement le plus morose depuis leur création en 2001, le niveau d’exigence des contributions écrites et orales, des échanges formels et informels, n’a pas cédé la place à une somme de complaintes stériles. Dans la situation politique inédite - une Assemblée nationale sans majorité et un nouveau Gouvernement à la légitimité fragile et à la pérennité nécessairement incertaine - et à l’heure d’arbitrages budgétaires imminents et cruciaux, les acteurs de la filière mesurent l’importance d’une parole et d’une action collectives. Pour le fondateur des Entretiens Jean-Luc Berho Président @ Les Entretiens d’Inxauseta (rendez-vous annuel sur le logement) • Président @ Soliha Pays Basque • Directeur Analyses Débats et Tribunes Cities @ News Tank (NTN) • Président @ Supastera… , le moment présent confère une responsabilité forte à l’événement.
Exigence d’un débat démocratique serein et informé »Il est impossible de rendre justice en quelques lignes à la densité des contributions, en séance plénière comme lors des courts échanges filmés en parallèle (les “Studios des solutions') qui permettent de partager de nombreuses actions concrètes menées dans différents territoires. En revenant sur des débats saillants de cette édition, symbolisés par quelques termes régulièrement prononcés, cette tribune ré-insiste sur l’exigence mais aussi l’urgence d’un débat démocratique serein et informé sur le logement.
« Crise »
Il aurait été surprenant que le terme de « crise » n’occupe pas une place majeure. Il faut dire que tous les indicateurs sont au rouge. Les niveaux de production sont à l’étiage avec 283 000 logements autorisés en 2023 : il faut remonter à la fin des années 1980 pour retrouver un si faible volume, quand la France comptait 18 millions d’habitants de moins qu’aujourd’hui, et où le niveau des séparations, des mobilités professionnelles et de l’immigration était nettement inférieur. Président de la Fédération du BTP des Pyrénées-Atlantiques, Sébastien Labourdette
Président @ Fédération du BTP 64 • Président @ Sogeba (170 salariés)
renchérit et affirme qu’en « 2024 on sera vraisemblablement sur 240 000 logements, sachant que 250 000 était le niveau de 1959 ». Tous les segments de production sont affectés, des logements libres aux logements les plus sociaux, étant donné que les promoteurs sont les principaux producteurs de logements sociaux et que les bailleurs sociaux produisent majoritairement en Vefa. 83 000 logements sociaux ont été autorisés en 2023 contre 123 000 en 2016.
La demande de logement neuf a chuté d’environ 40 % ces dernières années, et de moitié si l’on considère le secteur des investisseurs, porté pendant des années par le dispositif Pinel. Le marché de la revente affiche une baisse de 25 %, qui cache d’importantes disparités entre territoires, le marché parisien ayant par exemple baissé de 40 à 45 % en volume. Les banques recommencent peu à peu à prêter et les taux d’intérêt ont été légèrement corrigés, mais entre-temps nous avons une demande qui ne s’exprime plus. La situation devrait commencer à s’améliorer mais continue pourtant à se dégrader.
Frein croissant à l’embauche et au maintien dans l’emploi »Qu’il s’agisse des contributions préparatoires ou des interventions de la journée, les Entretiens se sont plutôt centrés sur les conséquences économiques, sociales et politiques de cette crise. À juste titre, car force est de constater que le constat brut et chiffré, bien connu des acteurs du secteur, est souvent insuffisant pour interpeler les décideurs publics sur la gravité de la situation. La tribune préparatoire de Marie Defay
Enseignante @ ENSA de Paris-Belleville
et Jean-Claude Driant
Professeur @ École d’urbanisme de Paris
[1] a encore été remarquable de précision et de synthèse. Elle rappelle à quel point la situation du logement obère le développement économique du pays, en constituant un frein croissant à l’embauche mais aussi au maintien dans l’emploi et aux mobilités professionnelles. L’enquête de la CGPME auprès de ses adhérents publiée le 30/11/2023 confirme que près de 1 recrutement sur 5 (19 %) ne se fait pas en raison des difficultés pour se loger à proximité de l’entreprise, soit deux fois plus que six mois auparavant [2]. Marie-Christine Oghly
Membre du comité statutaire et d’éthique @ Medef • Conseillère @ Conseil économique, social et environnemental (Cese) • Vice Chair ICC- World Chambers Federation @ International Chamber of Commerce…
, présidente des Femmes chefs d’entreprises mondiales et présidente du CRAL
Comité régional d’Action Logement - représentation régionale du groupe Action Logement (ex 1 % logement). Il en existe 12 et 5 comités territoriaux en Outre-Mer
d’Ile-de-France, confirme que « le logement est une question systématique en termes de recrutements ».
Au-delà d’une seule précarité dans l’emploi [3] cette crise globale de la filière engendre des situations sociales de plus en plus préoccupantes voire déjà dramatiques pour les ménages les plus modestes. Au-delà des files du logement social qui continuent de s’allonger - 2,7 millions de demandeurs de logements sociaux en juillet 2024, soit 100 000 de plus qu’au début de l’année, et une hausse de 25 % depuis 5 ans - le nombre de mal-logés atteint le chiffre record de 4,1 millions de personnes dont près de 1,1 million de personnes privées de logement personnel (330 000 sans domicile) et près de 2,9 millions de personnes vivant dans des conditions de logement « très difficiles ». Le Rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre de 2024, dramatiquement éloquent, consacre un important développement au logement indigne : difficile à évaluer, le phénomène serait « sous-estimé » par l’État (qui évoque 420 000 logements), la Fondation évoquant au moins 600 000 logements et 1 million de personnes concernées.
« Jeunesse »
La première table ronde de la matinée a mis l’accent sur la grande fragilisation économique et sociale des jeunes, étudiants et apprentis.
Des parcours dans leur ensemble qui se précarisent »« Le logement des étudiants et des apprentis représente un enjeu majeur du développement local, et bien sûr, d’avenir des territoires. En France, il n’existe que 175 000 logements étudiants Crous Centre régional des œuvres universitaires scolaires , un chiffre à mettre en regard de près de 3 millions d’étudiants, soit une capacité à loger moins de 6 % de la population totale, alors que plus de 36 % de ceux-ci sont boursiers. Le coût moyen d’un logement étudiant s’élèverait à 550 € à l’échelle nationale et dépasserait les 900 € dans la capitale. Un sondage récent estime que 12 % des moins de 35 ans ont complètement renoncé à suivre une formation faute de pouvoir financer un logement et que 17 % des 18-24 ans auraient abandonné leurs études pour cette même raison. Ces chiffres déjà massifs ne prennent pas en compte ceux qui renoncent à décohabiter et restent chez leurs parents, renoncent à la filière de leur choix, ou se dirigent vers des établissements plus proches mais moins cotés ». (Marie Defay et Jean-Claude Driant)
Après avoir rappelé la grande hétérogénéité de la jeunesse, Marianne Auffret
Directrice générale @ Union nationale pour l’habitat des jeunes (UNHAJ)
, directrice générale de l’Unhaj
Union nationale pour l’habitat des jeunes - Fédération créée en 1956 regroupant aujourd’hui 350 associations gestionnaires de 500 FJT, soit 55 000 logements accueillant 95 000 jeunes par an
, partage le constat d’une aggravation de la situation à des degrés divers selon les catégories. « Ce sont les parcours dans leur ensemble qui se précarisent », dit-elle. Même s’il est délicat de mesurer la proportion de jeunes qui renoncent à des études pour des motifs de logement ou autres, elle précise ne pouvoir répondre qu’à 1 demande sur 12 en région parisienne, ce qui permet de supposer qu’une partie des 11 autres non-satisfaites se traduit par un renoncement. « Même dans la diagonale de sous-densité, on répond seulement à une demande sur deux ». Les effets de la crise actuelle en matière de développement économique et d’emploi se traduisent aussi par la mise en difficulté de l’appareil de formation dans son ensemble.
Au-delà de l’emploi, elles se muent progressivement dans des difficultés plus profondes à se projeter dans l’avenir. Sébastien Labourdette, président de la Fédération du BTP des Pyrénées-Atlantiques, l’affirme : « La baisse de la fécondité est liée, je pense, au manque de projets sur le logement. Le Conseil national de la refondation en appelait à de la confiance, de la trajectoire, du temps long ». « Ces politiques nécessitent d’être anticipées », abonde Marie Defay dans son introduction à la journée, rappelant que nous sommes passés de 300 000 étudiants dans les années 1970 à 3 millions aujourd’hui.
« Anticipation »
Ce plaidoyer pour l’anticipation a jalonné la plupart des échanges de la journée. Comme le notent justement Marie Defay et Jean-Claude Driant, « les territoires souhaitant plus largement accueillir de nouvelles activités et soutenir le développement de leurs entreprises, et notamment les collectivités ayant engagé la réindustrialisation sont également confrontés au défi de fournir une offre de logement adaptée, y compris en termes de qualité (dans toute la composition d’une offre d’habitat, y compris les services urbains), à l’accueil des futurs salariés. Cette anticipation se heurte à des politiques encore très peu intégrées, qu’il s’agisse de l’échelle nationale ou locale ». Marianne Auffret le regrette : « On commence à parler pas mal des saisonniers, des emplois en tension, mais on n’a pas tellement prévu le lien entre emploi et logement ».
Sur les chiffrages des besoins, on se bat »Cela renvoie à l’épineuse question, méthodologique et de principe, du chiffrage national des besoins en logement. [4] Economiste à l’OFCE
Observatoire français des conjonctures économiques
-Sciences Po, Pierre Madec
Enseignant @ Sciences Po
est revenu de manière très éclairante sur ces débats : « Ce qu’on ne sait pas réellement anticiper, ce sont les aspirations et leur évolution. Sur les chiffrages des besoins, on se bat beaucoup. Mais on est assez aveugle. Il n’y a pas de manière simple de mesurer le nombre de logements. Les objectifs locaux de production reposent le plus souvent sur des données fragiles ». Loïc Cantin
Président @ Fnaim • Membre @ Chambre nationale des experts en copropriété (CNEC) • Expert agréé (Copropriétés et gestion immobilière) @ Cour d’appel de Rennes • Professeur ICH-CNAM Economie…
, président de la Fnaim
Fédération nationale de l’immobilier
, constate qu'on « n’arrive même pas à être d’accord. Lors de la restitution des travaux du CNR
Conseil national de la refondation - grande consultation publique dans le cadre du CNR lancé par le chef de l’État le 08/09/2022
, un représentant de l’État nous parlait de 250 000 logements par an, contre 512 000 logements par l’USH, et à peu près la même chose par la Fondation Abbé Pierre ».
Démarches classiques de planification trop descendantes »« Quand on a des acteurs du logement (CNH Conseil national de l’habitat , Fondation Abbé Pierre…) qui parlent de 500 000 logements, soit 400 000 de réponses aux besoins et 100 000 pour rattraper le retard des années précédentes, et des ministères qui parlent de 200 000 ; on ne peut pas avoir de politique nationale ». (Lionel Causse Député de la 2e circonscription des Landes @ Assemblée nationale
, député des Landes et président du CNH Conseil national de l’habitat )
Si personne ne nie la difficulté de l’exercice, un relatif consensus a émergé des échanges pour le maintien de ces objectifs nationaux, moins pour le simple chiffrage que pour les vertus de l’exercice collectif et prospectif. Car comme le note justement Marianne Auffret, « on ne manque pas de chiffrage et de cap. Il y en a souvent trop. C’est plutôt la multiplicité des caps qui pose problème. Or la bataille des chiffres embolise l’énergie générale ». Pour être féconde, la démarche d’anticipation ne saurait ignorer la réflexion sur son opérationnalisation. « Je ne vois aucune réflexion sur les outils réels pour faire préférer le logement des jeunes plutôt que le logement social par exemple », dit Marianne Auffret. « Dans les différentes planifications, aujourd’hui, je ne sais pas ce que sont les outils dont je dispose. Ils ne sont pas décrits dans les plans ». Les démarches classiques de planification trop descendantes, marquées par une séparation rigide entre stratégie et mise en œuvre, montrent leurs limites. Les lignes de crêtes subtiles et complexes entre enjeux économiques, sociaux et environnementaux, largement développées par les Entretiens 2023, nous appellent à davantage d’évolutivité dans nos modes de faire.
L’État et la planification nationale ont ici toute leur place, le premier comme tiers de confiance [5] et la seconde comme socle pour la production d’une vision commune. [6] Jean-Jacques Lasserre, président du Département des Pyrénées-Atlantiques, confirme qu’on « ne perd jamais du temps à engager une réflexion collective, qui seule peut susciter de l’acceptabilité. Un peu de prospective, de prise de recul, et de prise de risque ferait du bien dans l’aménagement ». D’où l’attente largement exprimée d’un « futur Ministre de plein exercice, et non un ministre dédié, qui soit un chef d’orchestre avec une vision à 20 ans » (Lionel Causse). La nomination récente de Valérie Létard
Ministre du Logement et de la rénovation urbaine @ Ministère du Logement et de la rénovation urbaine • Conseillère départementale @ Conseil départemental du Nord (CG 59)
comme ministre de plein exercice du Logement et de la rénovation urbaine semble pour l’heure aller dans ce sens.
« Territorialisation »
L’itération entre stratégie et mise en œuvre pose la question, largement débattue durant la journée, de la « territorialisation » des politiques du logement. La diversité des territoires, de leurs trajectoires et de leurs besoins est une évidence toujours bonne à rappeler, comme le font Marie Defay et Jean-Claude Driant lorsqu’ils mettent en lumière l’obsolescence de dispositifs nationaux.
Comment justifier un discours sur le choc d’offre »« Quand l’essentiel de ce que recouvre le terme de 'territorialisation des politiques du logement” se résume à des zonages frustres déclinant une vision binaire entre marchés tendus et détendus, la marge de progrès est importante. Cette situation résulte d’une évolution inscrite dans le premier quart du siècle, caractérisée par l’affaiblissement continu de l’expertise et de la capacité d’accompagnement des services déconcentrés de l’État au profit de règles et de dispositifs nationaux appliqués mécaniquement. Elle illustre aussi l’ambiguïté des exécutifs successifs prônant d’une seule voix de nouveaux actes de décentralisation, tout en manifestant avec constance des formes de défiance à l’égard des collectivités territoriales ».
Il est vrai que nous sommes confrontés depuis de nombreuses années à ce qui s’apparente à une grande injonction contradictoire : le transfert progressif de compétences aux collectivités territoriales s’est poursuivi sur certains domaines, et les principes de différenciation et d’expérimentation ont été affichés continuellement dans les dispositifs législatifs successifs ; mais nous avons assisté en parallèle à un détricotage continu de l’autonomie budgétaire et fiscale du secteur local, toujours en cours. Comment justifier un discours sur le choc d’offre en matière de logement quelques années après avoir supprimé la taxe d’habitation, qui constituait l’une des incitations majeures des élus locaux à produire des logements mais aussi à financer les besoins induits par l’implantation de nouvelles populations ?
Crise démocratique qui touche la figure du maire »Les réformes territoriales menées sous le quinquennat Hollande ont renforcé les intercommunalités, en passant d’une logique d’incitation à des regroupements autoritaires imposés sous l’égide des préfets, concourant à la formation d’”intercommunalités XXL” parfois sur des périmètres discutables, imposant une multiplication de procédures bureaucratiques, aboutissant à des assemblées délibérantes pléthoriques, et surtout ne donnant pas à ces nouvelles structures aux compétences renforcées la légitimité démocratique du suffrage universel direct. Le décalage entre des citoyens qui continuent de placer leurs attentes dans leur commune et la réalité de l’exercice des compétences, dans un contexte de très faible lisibilité de la répartition des rôles entre strates, nourrit une crise démocratique qui touche également la figure du maire. S’agissant de l’Etat territorial, le constat de la diminution de son ingénierie et de ses moyens, ainsi que de la dégradation du niveau de service rendu aux collectivités, est aujourd’hui très largement partagé. Le processus a été entamé dans les années 2000 par la RGPP Révision générale des politiques publiques lancée en 2007 par la présidence de Nicolas Sarkozy, et dans sa filiation la Réorganisation de l’Action territoriale de l’Etat (RéATE) en 2010 : l’objectif général fixé par la RGPP consistait en une importante réduction des effectifs et dépenses de l’Etat (non-remplacement d’un départ d’agents à la retraite sur deux par exemple) qui a affecté l’Etat territorial. [7]
Statut d’AOH sans contenu ni compétences »Dans ce contexte d’hésitations et d’incertitudes continues sur l’organisation démocratique et technique de l’action publique dans son ensemble, les débats sur la territorialisation de la politique du logement recouvrent des questionnements légitimes et des risques de confusions, plus ou moins sciemment entretenus. Des questionnements légitimes car comme le rappelle justement Jean-Claude Driant dans son intervention, « peu de choses ont été décentralisées depuis la délégation des aides à la pierre en 2004 ». Le statut d’AOH Autorité organisatrice de l’habitat - compétence reconnue aux intercommunalités signataires d’un PLH, d’un PLUI, d’une convention intercommunale d’attribution et de délégation d’aide à la pierre… , créé pour les intercommunalités qui en font la demande, demeure sans contenu ni compétences véritables, alors qu’il pourrait servir de socle pour de nouvelles politiques, par exemple en matière de régulation des marchés fonciers et immobiliers. Quant à l’obsolescence de certaines grilles nationales, Lionel Causse a donné l’exemple du littoral landais, majoritairement non-soumis à la loi SRU Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, du 13/12/2000, dont l’article 55 impose un quota de 25 % de logements sociaux en 2025, dans chaque commune de 3 500 habitants et toujours pas considéré sur le plan national comme un territoire tendu.
« Je dis à l’Etat : laissez-nous faire. Que le Président du Département vienne de dire qu’il intervient sur le logement alors que ce n’est plus une obligation légale, tant mieux ». (Jean-René Etchegaray Président @ Communauté d’agglomération du Pays Basque • Maire (UDI) @ Ville de Bayonne
• Né le 6 mars 1952 , maire de Bayonne et président de la CA du Pays basque)
C’est là qu’apparaît un risque de confusion, lié aux incertitudes de notre décentralisation. Car les plaidoyers girondins même les plus pertinents, s’ils ne réaffirment pas le rôle que l’Etat doit continuer de jouer en matière de logement, arrangeront les partisans nationaux d’un désengagement politique, technique et financier. La territorialisation pourrait devenir le cache-sexe de cet abandon en rase-campagne. Cette crainte apparaît d’autant plus fondée à la lecture des sept dernières années : cinq ministres délégués au Logement dont trois les deux dernières années ; des propositions du CNR sur le logement à peine présentées et ignorées ; un secteur souvent perçu comme un vivier de rentes indues et un capital improductif [8] dont on a fait sur la période l’un des principaux leviers d’économies budgétaires de l’Etat. En la matière le président de la Féfération des OPH
Office public de l’habitat - Créé en 2007, est un organisme public qui construit et gère les habitations à loyer modéré (HLM). Succède à l’office public d’HLM (OPHLM) et à l’office public…
, Marcel Rogemont
Président (reconduit pour un 3e mandat le 12/12/2023) @ Fédération des Offices Publics de l’Habitat (FOPH) • Administrateur @ Néotoa
• Né le 03/01/1948 à Coye-La-Forêt (Oise)
, n’a pas mâché ses mots : « Quand j’étais député, le budget total du logement était de 42 Md€. Aujourd’hui c’est 36 Md€. Quel autre secteur a connu une telle baisse ? ».
« Confiance »
« Partant de là, la question de la confiance entre les parties suppose, de la part des collectivités, une capacité à s’approprier ces principes en travaillant à leur mise en œuvre et, de la part des services déconcentrés de l’État, une latitude pour introduire un minimum de souplesse dans l’application des règles. C’est l’idée d’une contractualisation fondée sur une véritable intelligence des territoires, dans une logique de coopération. Elle suppose d’être dotés, des deux côtés, d’outils partagés de connaissance et d’ingénieries ouvertes à l’échange des expertises ». Cette perspective souhaitable dessinée par Marie Defay et Jean-Claude Driant devra composer avec une situation d’incompréhension, d’ignorance mutuelle voire de défiance quasi-inédite entre les échelons nationaux et locaux. [9] Au-delà des hésitations et injonctions contradictoires sur la décentralisation, c’est la fiabilité de la parole de l’Etat qui semble s’être dégradée. « Je n’ai jamais accepté ce genre de discours sur le choc de l’offre », déclare Marcel Rogemont
Président (reconduit pour un 3e mandat le 12/12/2023) @ Fédération des Offices Publics de l’Habitat (FOPH) • Administrateur @ Néotoa
• Né le 03/01/1948 à Coye-La-Forêt (Oise)
. « La force de profération des mots ne vaut pas action ».
Plusieurs participants ont émis de sérieuses réserves quant à l’idée que la mobilisation d’une partie des logements vacants en France, couplée aux évolutions démographiques des prochaines années, permettrait de réduire considérablement les besoins en production neuve ces prochaines années. Une position prise ces derniers mois par la Direction générale du Trésor, synthétisée dans une note parue en juillet 2024 [10] et vécue, semble-t-il, par beaucoup d’acteurs du secteur comme une manière de justifier insidieusement des coupes budgétaires passées et à venir. La référence quasi-explicite et critique à cette analyse durant la journée par plusieurs intervenants traduit la défiance qui s’est installée vis-à-vis de beaucoup d’arguments venus de l’échelon national. De ce point de vue, l’idée d’intégrer dans les quotas de logements sociaux (25 % aujourd’hui) la production de LLI Logement locatif intermédiaire au nom de l’impératif de logements des classes moyennes - une autre manière de baisser artificiellement la température en cassant le thermomètre - a lui aussi fait l’objet de plusieurs billets d’humeur.
Re-tisser de la confiance sera délicat et devra passer par un exercice collectif et transparent de confrontations d’idées, à l’image de ce que les Entretiens d’Inxauseta s’attachent à produire. « On a vécu 7 à 8 ans très difficiles sur le plan du logement », admet Christophe Robert
Délégué général @ Fondation Abbé Pierre
, délégué général de la Fondation Abbé Pierre.
« La situation actuelle est une catastrophe. On a deux années utiles avec le reste du quinquennat d’Emmanuel Macron. Est-ce que le logement ne peut pas être une cause nationale et transpartisane ? Oublions ce raté pour ne pas perdre deux ans et demi en plus. Le logement doit être au-dessus des partis, de l’ordre de l’intérêt général comme la santé ». (Christophe Robert)
C’était tout le sens des échanges entre deux députés d’horizons politiques différents, destinés à jauger la possibilité d’une approche transpartisane en la matière. « On le fait depuis longtemps », précise Lionel Causse. « Il existe à l’Assemblée nationale des groupes d’études transpartisans, et nous avions déposé des amendements identiques à ceux de Stéphane Peu
Député de la 2e circonscription de Seine-Saint-Denis @ Assemblée nationale • Conseiller municipal @ Ville de Saint-Denis
• Né le 24 juillet 1962
, qui ont été votés, mais qui n’ont pas passé le filtre du 49.3 ». Et Iñaki Echaniz, député des Pyrénées-Atlantique, de confirmer : « J’ai été un féroce opposant à la politique menée ces deux dernières années. Mais s’il y a bien un sujet sur lequel nous avons essayé de faire avancer des choses de manière transpartisane, c’est bien le sujet de logement, On ne peut que regretter que le CNR Logement, en dépit de la qualité de son rendu, ait été ignoré ». La nécessité d’accords transpartisans apparaît d’autant nécessaire dans ce contexte quasi-inédit d’absence de majorité claire au Parlement et de grande fragilité politique du Gouvernement actuel.
« Avec un argent rare et cher, ne doit-on pas tout miser sur l’offre abordable ? », interpelle Christophe Robert. « Parce que c’est là que sont réellement les besoins ». Sans rouvrir les débats sur la pertinence de tel ou tel dispositif, ne pourrait-on pas collectivement reconnaître que les coupes budgétaires des dernières années se sont révélées contreproductives car ont diminué dans des proportions plus fortes les rentrées fiscales (TVA, droits de mutation…) ? « Depuis 30 ans, tous les Gouvernements successifs ont compris que la construction est un vecteur de croissance », dit Sébastien Labourdette. « Donc quand certains disent que l’on coûte, je dis que l’on rapporte. Les aides au logement ont ramené en 2023 53 Md€ à Bercy. Chaque prêt à taux 0 ramène 25 000 € à l’État ». Henry Buzy-Cazaux s’interroge : « La filière continue de croire que prévaudrait une logique à laquelle les gouvernements sont imperméables depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron : tout euro au bénéfice du logement en rapporte trois, avec un différé d’un exercice ou deux tout au plus… Le problème est que l’urgence du redressement de notre situation budgétaire risque fort d’empêcher purement et simplement ce raisonnement, encore audible il y a un an (…). À moins qu’un sursaut de conscience politique ne traverse les esprits de nos gouvernants : comment le pays va-t-il vivre sans solutions de logement pour une grande partie de sa population, et sans ressources fiscales liées à l’un des secteurs les plus productifs de notre économie ? Il ne faudrait pas que l’obsession, au demeurant bien tardive, de l’orthodoxie budgétaire ne conduise la France à mourir guérie ». [11]
En somme, une approche transpartisane pourrait déjà consister à sortir d’un dogme comptable percevant le logement comme un coût, pour en revenir à une vision économique le considérant comme un investissement. Difficile à ce stade d’anticiper les effets des annonces présentes dans le discours de politique générale du Premier ministre, Michel Barnier, le 01/10/2024 : élargissement du PTZ sur l’ensemble du territoire, mais pour quels biens (neuf, ancien, logement individuel et/ou collectif ?) ? Dans quelle mesure peut-on parler d’un réinvestissement même partiel de l’enjeu par l’État ? Comment faire en sorte qu’une relance du secteur ne soit pas obérée par des hausses d’impôts induites par la situation de nos finances publiques ? La traduction budgétaire de ces premières lignes directrices pourra seule nous donner de premiers éléments de réponse. Quant à l’« assouplissement » de la trajectoire de ZAN Zéro artificialisation nette - Objectif de réduction de la consommation d’espace à zéro unité nette de surface consommée en 2050, fixé par le plan Biodiversité du Gouvernement en juillet 2018 ou la « simplification » du DPE Diagnostic de performance énergétique - évaluation pour un logement ou d’un bâtiment, en évaluant sa consommation d’énergie et son impact en terme d’émissions de gaz à effet de serre , la pertinence et les effets des futures mesures devront être analysés de près.
« Réinvention »
La nécessité de nouveaux investissements publics sur le logement ne signifie en rien que la situation dont nous sortons était saine et viable. Certains professionnels espèrent encore un retour à la situation antérieure des années 2010, qui n’apparaît pourtant ni probable ni réellement souhaitable. Ni probable car les niveaux d’inflation, même corrigés depuis peu, ne reviendront pas à ce qu’ils étaient, et la croissance de nos économies restera structurellement plus faible, ce qui implique que les équilibres généraux du secteur ne pourront plus être les mêmes. Ni souhaitable parce que des taux d’intérêt anormalement bas ont conduit à des dysfonctionnements préjudiciables du marché, dont il est juste de dire que l’ensemble des acteurs en est collectivement responsable.
« Quand les prix montent, les propriétaires fonciers, publics comme privés, voient la valeur de leurs terrains s’envoler. Les municipalités encaissent des droits de mutation plus élevés. Les propriétaires immobiliers voient leur bien doubler ou tripler. Les banques continuent de prêter plus et les promoteurs de faire des bénéfices… Toute la chaîne, de l’agent immobilier à l’État, voit ses revenus augmenter puisqu’ils sont indexés sur les prix ». [12] (Xavier Lépine Président-fondateur @ Société des Nouveaux Propriétaires (néoproprio)
, président de Neoproprio et de Paris-Ile-de-France Capitale économique)
Maires, foncières et institutionnels, promoteurs, entreprises-employeurs, épargnants, législateur… tout le monde y a trouvé son compte. Nous avons ainsi laissé les équilibres entre le revenu des ménages et le prix des logements se dégrader, [13] au motif que la hausse des prix était digérée par l’accès facile au crédit, voire pour certains professionnels considérant qu’elle était un signe de bonne santé du secteur. Tout comme la croissance du nombre de transactions qui a longtemps servi de trompe-l’œil : 800 à 900 000 transactions, a-t-on pu clamer ces dernières années, voire plus d’un million pendant la crise sanitaire, ignorant sciemment ou non le double processus de réduction du nombre d’acquéreurs et de montée en gamme progressive de leur profil sociologique. [14] La croissance des volumes et des prix a été progressivement concomitante d’une exclusion de la majorité des classes sociales de ce marché.
Étrange de perdre 50 % de sa valeur dans une période de croissance »« On parle de crise, mais cela fait 40 ans que cela dysfonctionne », poursuit Xavier Lépine, rappelant la spécificité du modèle français, issue de notre système de retraite par répartition, qui contrairement à d’autres pays n’a pas abouti à la formation de très grandes foncières qui investissent et détiennent l’essentiel du parc de logement. « Nos promoteurs sont très faiblement capitalisés. Ils construisent et vendent mais ne détiennent pas. Et depuis la mise en place en 1967 du système de la VEFA Vente en état futur d’achèvement - Contrat de vente « sur plan » , ils ne se sont pas capitalisés et ne sont pas devenus des foncières. Or quand on prend le cours des rares foncières qui existent en France et dans d’autres pays, cela marche bien. Dans la période 2005-2020, les années étaient fastes. Pourtant, le cours de bourse de promoteurs cotés a baissé de 50 % sur la période. C’est étrange de perdre 50 % de sa valeur dans une période de croissance ».
Là où la plupart des intervenants se sont à juste titre focalisé sur l’actif - quoi produire, pour qui et où ? - Xavier Lépine nous interroge sur le passif : « Jusqu’aux milieux des années 1980, le logement était un actif d’efficacité économique, qui a joué un rôle très important dans l’après-guerre pour la réduction des inégalités économiques et sociales. C’est devenu un actif de rareté, cher, dont tous investisseurs se désintéressent depuis longtemps au profit du tertiaire. Les compagnies d’assurance, les caisses de retraites, dans lesquelles nous cotisons tous les mois, investissent dans tout sauf le logement. Cela n’intéresse personne ».
Xavier Lépine nous invite à ré-interroger en profondeur le système de détention pour remettre cet actif dans la bonne direction, celle de l’efficacité économique.
Les impératifs environnementaux sont l’occasion de repenser une politique à bout de souffle »« Nous devons repenser notre rapport à l’habitat, à la propriété et la mobilité (…). S’attaquer au patrimoine immobilisé, c’est revenir aux fondamentaux de la richesse des Français : 8 000 Md€ en immobilier sur un total de 13 000 Md€, soit plus de 6 fois le PIB Produit intérieur brut . Sur ces 8 000 Md€, 3 000 sont détenus par les plus de 65 ans, dont une partie de plus en plus importante aura du mal à vivre de sa retraite pour financer les services dont ils auront de plus en plus besoin. Nombre de Français héritent à l’âge de la retraite. Ils auraient eu besoin de cette rentrée d’argent 20 ou 30 ans plus tôt. C’est le résultat d’une politique où le logement est le fonds de pension des Français, sauf que ce fonds de pension est stérilisé, il représente un coût (on vit dans son logement et non de son logement) et pas une réserve dans laquelle le retraité peut puiser. Est-ce aux jeunes de payer, une fois de plus, pour la génération précédente, ou doit-on généraliser les prêts avance mutation ? Cela permettrait aux aînés de bien vivre leur retraite et faire des avances sur héritage à leurs enfants, et à ceux-ci, d’acquérir leur logement. Il faudrait pour cela inciter fiscalement, cantonner les risques pour les prêteurs à une quotité raisonnable de la valeur du bien… S’attaquer à l’accession, c’est passer du droit de propriété au droit à la propriété en réinventant le parcours résidentiel comme c’est le cas dans l’automobile avec la LOA Location avec option d’achat ».
Les crises sont des moments qui nous obligent à innover et à nous réinventer. Les Entretiens d’Inxauseta de 2023 ont montré que les impératifs environnementaux, loin de se positionner de manière binaire contre les enjeux économiques et sociaux, étaient l’occasion de repenser de fond en comble une politique à bout de souffle. Plutôt que de céder à la facilité en revenant purement et simplement sur les exigences collectives que nous nous sommes depuis fixées, au profit du mirage d’un retour pur et simple à l’avant.
La table ronde de Catherine Sabbah
Déléguée générale @ IDHEAL
, Dg d’Idheal, avec Letizia Delorme, Dg du SCoT
Schéma de cohérence et d’organisation territoriale - Créé par la loi SRU du 13/12/2000 : outil de planification stratégique intercommunale à l’échelle d’un large bassin de vie ou d’une aire urbaine
Pays Basque & Seignanx, a été l’occasion d’éclairer les initiatives menées sur les territoires par les entreprises-employeurs pour aider au logement de leurs salariés. Le tour d’horizon historique de Catherine Sabbah sur l’implication patronale dans le logement des salariés, depuis les lois Siegfried de la fin du XIXe siècle puis les dispositifs de participation des entreprises (1 % puis 0,45 % de la masse salariale), nous rappelle que le sujet n’est pas nouveau et que l’histoire est faite de réinventions successives nourries par la prise de recul. Les entreprises, qui se mêlent de transports ou d’alimentation, ont-elles vocation à se mêler du logement de leurs salariés (en achetant des logements, en se transformant en foncières, en bonifiant des prêts…) ? Si oui, de quelle manière et dans quelle mesure ?
« On ne sortira pas rapidement et facilement d’un fonctionnement aussi ancré depuis quarante ans. Mais il nous faut penser différemment. Le système de retraite par capitalisation existait en France jusqu’en 1945. Nous n’avons pas essayé de le réparer. Nous avons créé autre chose. Quand on a créé des crédits à taux fixes pour inventer une France de propriétaires, cela n’existait nulle part ailleurs. On n’a pas inventé l’électricité en améliorant la bougie ». (Xavier Lépine)
Reste que nous faisons face à une situation d’urgence économique et sociale sur le sujet, qui nous confronte à des risques politiques majeurs. Marie Defay et Jean-Claude Driant notent, dans leur tribune, que la crise du logement devient sur un nombre croissant de territoires un moteur du vote d’extrême droite. Le soutien public au secteur, même sous des formes classiques, est un palliatif qui semble indispensable au moins à court terme pour stopper l’hémorragie. Aucune perfusion ne se retire du jour au lendemain, et surtout sans vision et action sur la mutation du système dans son ensemble. Nous allons donc devoir gérer collectivement, prudemment et intelligemment cette transition entre deux ères. Les Entretiens d’Inxauseta peuvent et doivent participer pleinement à cette mue, en restant un lieu libre de propositions et d’expérimentations, à hauteur des enjeux présents. Dans ce momentum particulier, la « responsabilité » dont parle leur fondateur nous renvoie avec force à la très belle phrase d’Antonio Gramsci : « Le vieux monde se meurt, le nouveau est lent à apparaître, et c’est dans ce clair-obscur que surgissent les monstres ».
[1] Marie Defay et Jean-Claude Driant, « Logement ignoré, territoires en danger », tribune publiée le 26/08/20224 pour News Tank Cities.
[2] « TPE-PME, rémunération, logement et mesures sociales en débat », Enquête de conjoncture menée par la CGPME.
[3] Marie Defay et Jean-Claude Driant présentent dans leur tribune une analyse très fine des différentes situations précaires et des publics grandement fragilisés aujourd’hui, qui ne sont plus l’apanage des seules zones dites tendues : jeunes en insertion, travailleurs saisonniers, petits ménages et notamment familles monoparentales (à 80 % constituées par des femmes), agents du service public…
[4] Les chercheurs Alexandre Coulondre, Claire Juillard, Milena Larue, Bruno Marot, François Ménard et Eva Simon, ont à ce titre publié le 24/09/2024, pour l’Union Sociale pour l’Habitat et le PUCA, une étude très instructive : « 70 ans de chiffrage des besoins en logements : trajectoire d’un indicateur controversé de la politique du logement en France », Panoramas n.16
[5] L’État reste constitutionnellement garant de la cohésion du territoire, de l’égalité de traitement des personnes et des ménages, du principe de mixité sociale, du droit au logement et de la mise en œuvre de la transition écologique.
[6] Le rapport Territorialisation et décentralisation des politiques du logement du CNH (mai 2024) insiste sur l’importance de maintenir des éléments centraux de réglementation nationale ainsi que des objectifs de production de logements, aussi bien quantitatifs que qualitatifs.
[7] Dans le rapport d’information À la recherche de l’État dans les territoires déposé le 29/09/2022, les deux sénateurs Agnès Canayer et Éric Kerrouche notent que “de 2011 à 2019 les effectifs réels des préfectures et des sous-préfectures ont enregistré une baisse continue, passant de 27 765 équivalents temps plein travaillé (ETPT Équivalent temps plein annuel travaillé ) à 24 885 ETPT, soit un recul de moins 10,4 %”, avec une chute forte au sein des Directions départementales interministérielles : -36 % entre 2011 (39 796 agents) et 2020 (25 474 agents). La Modernisation de l’action publique (MAP) sous le quinquennat Hollande a maintenu cette organisation plutôt que de se lancer dans une nouvelle réforme structurelle, se concentrant sur l’amélioration du pilotage et du fonctionnement interne de l’administration déconcentrée.
[8] La suppression en 2018 et l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF Impôt sur la fortune ) et son remplacement par l’Impôt sur la Fortune Immobilier (IFI Impôt sur la fortune immobilière (taxation des valeurs mobilières et immobilières au-delà du seuil de 1,3 M€ de patrimoine) ) en est l’une des illustrations.
[9] Force est de constater que cette situation de défiance et ce cloisonnement des mondes entre le gouvernement central et les territoires a été aggravée par la fin du cumul des mandats. Rouvrir ce délicat débat, sans en revenir purement et simplement à la situation antérieure, semble aujourd’hui nécessaire.
[10] « Peut-on répondre aux besoins en logements en mobilisant le parc vacant ? », Trésor-Eco, N.347, Juillet 2024.
[11] Henry Buzy-Cazaux, « Immobilier : le budget du Logement en danger, gare à de nouvelles hausses d’impôts », tribune publiée sur le site Capital.fr le 19 août 2024.
[12] Xavier Lépine a développé ses propos tenus aux Entretiens dans une tribune publiée le 27 septembre 2024 sur le site News Tank Cities : « Mes quatre vérités sur le logement ».
[13] Xavier Lépine donne des chiffres éloquents de cette évolution croisée, désormais bien documentée. Les travaux de Jacques Friggit
(ingénieur général au Cgedd et spécialiste de l’évolution du marché immobilier) montrent, depuis 2000, que les prix de l’immobilier en France métropolitaine ont été multipliés par 250 % alors que le pouvoir d’achat a seulement augmenté de 15 à 20 %. De l’ordre de 25 % pour un propriétaire remboursant son emprunt et 30 % pour un locataire du parc privé, les taux d’effort dépassent même les 40 % pour les ménages les plus modestes.
[14] Les données fournies régulièrement par Century 21 sur le profil des acquéreurs sont à ce titre éloquentes, mais restent assez étonnement peu commentées.
Rubrique dirigée par Jean-Luc Berho
La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. La dernière édition a eu lieu le 30/08/2024 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) sur le thème du logement. Jean-Luc Berho est président de Soliha Solidaires pour l’habitat, réseau PACT et réseau Habitat & Développement Pays Basque, président du conseil de surveillance de la Coopérative de l’immobilier à Toulouse, administrateur de l’association Aurore, administrateur d’Espacité et membre du Conseil national de l’habitat (CNH). La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.