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Île-de-France : « Seule une demande sur dix de logement social est satisfaite » (Cour des comptes)

News Tank Cities - Paris - Actualité n°390609 - Publié le
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©  Thibault Penin
©  Thibault Penin

« Avec 1,4 million de logements sociaux au 01/01/2024, soit un quart du parc social national, l’Île-de-France ne parvient pas à satisfaire les 837 129 demandes en attente », écrit la Chambre régionale des comptes d’Île-de-France • Activité : Rattachée à la Cour des comptes, la chambre régionale des comptes d’Île de France est une juridiction financière de l’ordre administratif compétente pour contrôler la gestion des… dans un rapport publié le 07/03/2025.

L’organisme relève que seule une demande de logement social sur dix est satisfaite, contre une sur quatre à l’échelle nationale. Le nombre de demandeurs franciliens a doublé depuis 2010, et a augmenté de 6,8 % entre 2023 et 2024. « Les logements ne se libèrent plus. En 10 ans, le parc social est devenu un parc d’ancrage. »

La Chambre régionale des comptes donne cinq facteurs expliquant cette situation et cette inadéquation entre le nombre de logements disponibles et le nombre de demandeurs :
• la nouvelle règlementation sur les passoires énergétiques ;
• une gouvernance « complexe et inaboutie » ;
• les intercommunalités qui « peinent à s’emparer du sujet » ;
• les effets attendus des regroupements d’organismes HLM Habitation à loyer modéré - logement géré par un organisme d’habitations à loyer modéré, public ou privé, qui bénéficie d’un financement public partiel, direct ou indirect qui « ne se font pas encore sentir » ;
• l’inertie « volontaire » des communes carencées en logements sociaux.


Les 5 facteurs de la carence de logements sociaux en Île-de-France

L’interdiction de location des passoires énergétiques

Avec les lois Énergie-climat de 2019 et Climat et résilience de 2021, les logements à étiquette énergétique E F et G, qualifiés de “passoires énergétiques” sont progressivement interdits à la location (G+ au 01/01/2023 ; les G au 01/01/2025, les F au 01/01/2028 et les E au 01/01/2034). La Chambre régionale des comptes indique qu’à fin 2024, ces logements représentent 7,4 % du parc social en France.

  • « Le parc social bénéficie globalement d’un meilleur niveau d’entretien que le parc locatif privé, où ce taux s’élève à 16 % ».

« Compte-tenu de l’ancienneté du parc social en Île-de-France, pour moitié âgé de plus de 50 ans, l’enjeu pour les bailleurs sociaux est d’éviter l’interdiction de louer et, plus largement, de mieux maîtriser le poids des charges locatives et les risques d’impayés. Dans ce contexte, la mise à jour des diagnostics de performance énergétique, pour se conformer à une réglementation devenue plus exigeante, doit conduire les bailleurs sociaux à chiffrer et planifier les impacts budgétaires des besoins de rénovation », écrit la Chambre, qui souligne que si ces efforts transforment et améliorent durablement les logements, ils n’augmentent pas l’offre totale du parc.

Une gouvernance « complexe et inaboutie »

Ni les collectivités locales, chargées de la planification stratégique, ni les acteurs de sa mise en œuvre, bailleurs sociaux, EPFIF EPF d’État, né de la fusion des EPF départementaux franciliens• Création : 2006• Missions : contribuer à l’offre de logements (dont les logements locatifs sociaux) et au développement économique… , n’ont réussi à atteindre l’objectif du SDRIF et du SRHH Schéma régional de l’habitat et de l’hébergement de produire chaque année 70 000 logements, dont 37 000 logements sociaux. Les années 2023 et 2024 sont les années comptant le plus faible niveau d’agréments depuis 2006, avec respectivement 18 499 et 16 000 logements.

« Les réformes, nombreuses et successives, de la gouvernance de l’habitat et du logement social n’ont pas permis de concrétiser le choc d’offre attendu, qu’il s’agisse de la création du Grand Paris, ou des lois Maptam, Notre ou ELAN. »

La difficulté pour les intercommunalités à s’emparer de la compétence du logement

En Île-de-France, les intercommunalités « peinent à s’emparer de la compétence du logement, alors que les enjeux de mixité sociale et d’équilibre de peuplement se situent au delà de l’échelon communal et souvent au-delà d’un seul bailleur ».

La Chambre recommande que l’intercommunalité intervienne à l’étape des commissions d’attribution de logement ou de relogement, et souligne que les programmes de relogement de l’Anru • Établissement public à caractère industriel et commercial • Création : 2004 • Missions : apporter son soutien financier aux collectivités locales, aux établissements publics et aux organismes… s’inscrivent dans cette perspective.

L’absence d’effet des regroupements d'OPH Office public de l’habitat - Créé en 2007, est un organisme public qui construit et gère les habitations à loyer modéré (HLM). Succède à l’office public d’HLM (OPHLM) et à l’office public…

Les regroupements des OPH en sociétés de coordination, exigés depuis 2017, ont été achevés en 2021. Ils « devaient apporter aux bailleurs sociaux des marges de manœuvre pour concilier besoins accrus en rénovation et production d’offre nouvelle, mais leurs effets attendus (meilleure allocation des investissements, mutualisation des risques et économies d’échelle), ne se font pas encore sentir ».

La Chambre observe à l’inverse des stratégies locales de contournement de l’esprit de la loi, avec un maintien de facto de structures dans un périmètre communal, « ce qui nuit à leur développement comme à une gestion intercommunale des attributions de logements ».

L’inertie « volontaire » des communes carencées au titre de la loi SRU Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, du 13/12/2000, dont l’article 55 impose un quota de 25 % de logements sociaux en 2025, dans chaque commune de 3 500 habitants

Le déficit en logements sociaux dans certaines communes au titre de la loi SRU persiste, comme l’a souligné le bilan triennal 2020-2022. La Chambre régionale note que certaines communes d’Île de-France n’ont pas souhaité mobiliser les leviers à leur disposition et que par conséquent, le déficit en logements sociaux persiste.

« À l’inverse, d’autres communes, elles aussi déficitaires dans les années 2000, ont réussi à revenir à un bon rythme de rattrapage, à atteindre leurs objectifs et à résorber leur retard, malgré des prix de foncier tout aussi élevés sur leur territoire. L’atteinte du taux de 25 % de logement social dans chaque commune dépend davantage de la volonté des élus locaux que de contraintes techniques de faisabilité », souligne la Chambre.

Une ségrégation spatiale qui se maintient

Si les ménages entrants sont de plus en plus modestes depuis 2020 (64 % en-dessous des plafonds PLAI Prêt locatif aidé d’intégration - permet la construction de logements locatifs sociaux pour les personnes se trouvant dans une situation de grande précarité ), ils sont souvent logés en quartiers prioritaires de la politique de la ville, dans le parc social des années 1960 et 1970, d’après la Chambre régionale des comptes d’Île-de-France.

Le ratio d’attribution de logements situés en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville à des demandeurs du premier quartile de revenus est de 12,6 % en moyenne en Île-de-France, alors que la loi demande 25 %. Par département, ce taux oscille entre 10,9 % dans les Hauts-de-Seine et 16,4 % en Seine-et-Marne. Au sein de la Métropole du Grand Paris, les taux varient de 8,5 % sur l’EPT Établissement public territorial Grand Paris Seine Ouest à 18,9 % sur l’EPT Plaine Commune.

« Moins une collectivité a de quartiers prioritaires sur son territoire, moins elle fait l’effort de loger les ménages modestes en dehors de ces quartiers sensibles. Ni la MGP • Établissement public de coopération intercommunale (EPCI) qui regroupe 131 communes • Création : 2016 • Population : 7,2 millions d’habitants sur 12 territoires (EPT) • Superficie : 814 km² et… , ni les établissements publics territoriaux n’ont renversé la ségrégation spatiale. En l’absence de plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement, la MGP se prive elle-même des compétences étendues que la loi lui attribue pour coordonner la politique du logement à l’échelle métropolitaine, pourtant l’une des raisons de sa création », écrit la Chambre.

Quatre principaux leviers d’amélioration

La Chambre régionale des comptes liste quatre leviers possibles d’amélioration pour répondre à l’enjeu de la carence de logements sociaux en Île-de-France :

  • Elle recommande que les procédures d’attributions soient adoptées et délibérées par les instances intercommunales pour assurer leur transparence.
    • « En 2024, sur les 39 intercommunalités concernées en Île-de-France, seuls 16 ont établi leur plan partenarial de gestion de la demande, et 14 parmi elles disposent d’une cotation opérationnelle. La loi Élan a confié aux commissions d’attribution de logements la réévaluation de l’occupation locative tous les trois ans. Elles doivent se prononcer alors sur les dossiers des locataires qui se trouvent dans l’une des situations suivantes : sur-occupation, sous-occupation, dépassement du plafond de ressources. »
  • Dans le cas du dépassement du plafond de ressources, l’application des surloyers (en moyenne de 100 € à 277 € par mois à Paris et en première couronne) « ne produit pas les effets espérés pour remettre en location le logement », selon la Chambre.
  • Dans le cas de la sous-occupation (de plus en plus fréquente en Île-de-France, la Chambre souligne que des dispositifs existent et doivent être encouragés pour inciter les ménages à échanger un logement devenu trop grand contre un plus petit, pour contribuer à la rotation des logements :
    • des contreparties financières ;
    • une garantie d’absence de hausse du loyer ;
    • une prise en charge sous conditions de ressources des frais liés au déménagement.
  • Le bail réel solidaire permet d’offrir un parcours résidentiel aux locataires et d’introduire un peu de fluidité dans le logement social. Il est « encore expérimental mais en expansion en Île-de-France ».

Chambre régionale des comptes d’Île-de-France (CRC IDF)

• Activité : Rattachée à la Cour des comptes, la chambre régionale des comptes d’Île de France est une juridiction financière de l’ordre administratif compétente pour contrôler la gestion des collectivités et organismes de la région Île-de-France et de Saint-Pierre-et-Miquelon. Les travaux de la chambre recouvrent 3 missions :
- Le contrôle des comptes et de la gestion des collectivités et organismes relevant de sa compétence
- Le contrôle juridictionnel des comptes publics qui lui sont produits
- Le contrôle des budgets locaux, le plus souvent sur saisine des préfets. Tous ces travaux, qu’elle exécute dans le cadre d’un programme annuel, permettent à la chambre d’apprécier de façon indépendante, de multiples facettes de la gestion des collectivités et organismes de la région Île-de-France et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
• Création : 1982
• Président : Nicole Turon-Cherrat
Contact
• Tél. : 01 64 80 88 88

Catégorie : Etat et autorités publiques


Adresse du siège

6, cours des Roches
77315 Marne la vallee Cedex 2 France


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Fiche n° 8416, créée le 21/03/2019 à 03:00 - MàJ le 10/03/2025 à 13:52