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Opération d’intérêt national Guyane : un OVNI à 7 000 km de Paris, posé dans la forêt amazonienne

News Tank Cities - Paris - Analyse n°138127 - Publié le 22/01/2019 à 12:02
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©  Valérie Liquet
Un « squat » en Guyane française - ©  Valérie Liquet

La Guyane, Département français planté en Amérique du Sud, entre le Brésil et le Suriname, dispose de la boîte à outils complète de l’aménageur moderne. L’opération d’intérêt national (OIN Opération d’intérêt national - Permet une gouvernance collégiale renforcée et la mise à disposition des moyens de l’État et de ses opérateurs aux collectivités. ) en est l’instrument le plus ambitieux, aux côtés du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU Nouveau programme national de renouvellement urbain ), du plan Action Cœur de Ville, des baux réels solidaires (BRS Bail réel solidaire - Créé par la loi ALUR : le ménage est propriétaire de sa maison mais locataire du terrain. Contient des clauses de prix de revente et des plafonds de ressources des acheteurs ) et organisme de foncier solidaire (OFS Organisme de foncier solidaire - Créé par la loi ALUR, agréé par le préfet de région et dédié au portage foncier pour réaliser des logements en accession ou location à usage de résidence principale ), sans compter les traditionnels Masters Plans, ZAC Zone d’aménagement concerté - procédure d’urbanisme qui permet aux collectivités ou aux établissements publics y ayant vocation, de réaliser ou de faire réaliser des opérations d’aménagement urbain et éco-quartiers… Or dans ce « bout de France » qui compte 260 000 habitants, grand comme la Nouvelle-Aquitaine, situé à 7 000 km de Paris et couvert à 95 % par la forêt amazonienne, rien ne se passe comme prévu depuis la métropole ou laisse perplexe.

Créée par décret du 14/12/2016, l’opération d’intérêt national Guyane vise la construction de 30 000 logements à horizon 2030, avec les équipements qui vont autour, sur les 3 pôles urbains du territoire : celui de Cayenne, de Saint-Laurent-du-Maroni, de Kourou. Soit une OIN multi-sites de 5 800 hectares au total.

Les 6 600 logements à construire par an, en moyenne, doivent « rattraper le retard et anticiper les besoins de la Guyane pour loger ses habitants et résorber l’habitat informel », explique Denis Girou, directeur de l’établissement public foncier et d’aménagement (Efpa) Guyane chargé de sa mise en œuvre. Aujourd’hui, il en faudrait déjà entre 4 000 et 5000 pour toute la Guyane. Dans les faits, 2 000 sont construits chaque année avec permis. « Le reliquat se construit dans la sphère informelle », indique Rémi Charrier, responsable des études de l’Insee Guyane. Cet « habitat informel » se compose aussi bien de baraques de fortune sans eau ni assainissement, abritant des familles pauvres et/ou sans papier, que de villas avec piscine logeant des artisans, des fonctionnaires ou des élus locaux. Il se forme en diffus dans la campagne et le péri-urbain, ou vient densifier les centres-villes en s’installant dans les dents creuses ou dans des friches. On les appelle « squats » quand il s’agit de quartier de baraques insalubres, même si les occupants paient un loyer au propriétaire du terrain.

Officiellement, la situation n’est pas acceptable. Mais force est de constater qu’on ne voit personne dormir à la rue en Guyane. C’est peut-être pour cela qu’aujourd’hui, les évacuations de squats sont assez rares, comme le laisse entendre le commandant-officier de police, Frédéric Leduc. Elles ne surviennent qu’en cas d’alerte de danger naturel ou sanitaire pour ses occupants ou pour libérer un terrain sur lequel il y a un projet d’aménagement. 2 motifs qui sont amenés à se multiplier avec l’OIN.

Selon Frédéric Leduc et Serge Manguer, chef du service aménagement à la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL), les pouvoirs publics savent faire : les familles bénéficieraient (quand elles sont en situation régulière sur le sol français) d’un accompagnement au relogement (les autres ont en général quitté les lieux le jour J, après avoir démonté les murs et les toits pour reconstruire leur « maison » à quelques centaines de mètres).

L’OIN parviendra-t-elle à imposer une autre forme de régulation du « marché » de l’habitat en Guyane, dans la légalité, et à impulser ce que le préfet, Patrice Faure, appelle « le développement endogène de la Guyane » ? Peut-on construire la Guyane du futur en gommant d’un trait d’aménageur son tragique passé ? Empire colonial agricole, puis colonie pénitentiaire, le foncier de la Guyane a longtemps appartenu exclusivement à l’État. Pour peupler le territoire, il a concédé gratuitement des parcelles aux esclaves rendus libres et aux colons, en échange d’une mise en valeur des terres. Sur les 5 800 hectares de l’OIN, 1 800 lui appartiennent encore. Le reste, l’État s’apprêterait à les racheter « à prix d’or », s’insurge un de ses représentants. Celui-ci voit mal comment passer de cet « urbanisme d’occupation qui a construit la Guyane » à un « urbanisme de planification ». Denis Girou, l’actuel directeur de l’Epfa Guyane, admet que comme partout le phénomène de spéculation foncière touche l’OIN. Mais il dément tout excès. Lui est porté par sa mission : « faire la ville amazonienne durable ». Aux franges de l’OIN, sur les rives du fleuve Maroni et de l’océan Atlantique, les amérindiens Kali’na de la commune d’Awala-Yalimapo ne se posent pas la question de la valeur du foncier. Pour eux, la propriété de la terre est inconcevable, la terre n’a pas de prix.

Dans ce contexte, la collectivité a inventé, en toute légalité (en droit français, on dit « expérimenté »), le « cadastre coutumier ». C’est sur cette base que le conseil des chefs coutumiers accorde aux familles le droit d’usage d’un terrain pour y construire leur maison, conformément à un arrêté préfectoral signé en 1988. C’est seulement après que le conseil municipal délivre les permis de construire. Pour que les familles Kali’na se sentent « chez elles, le terrain doit faire a minima 1 000 m2 et accueillir 2 bâtiments : une maison  »principale «  (dans laquelle, par exemple, il est inimaginable d’installer des waters) et un  »carbet« , grande hutte en bois, sans mur, aux piliers desquels on accroche les hamacs. Autant dire que ces constructions sont loin des normes HLM. Et, plus généralement, que la  »boîte à outils" d’aménagement imaginée à Paris ne répond pas à tous les usages.

Valérie Liquet, journaliste


Cartographie de la Guyane française - ©  D.R.

Urbanismes et aménagement du territoire, en Guyane française

Établissement public foncier et d’aménagement de Guyane (EPFAG)

• Établissement public foncier
• Création : 2017
• Missions : contribuer à l’offre de logements, aménagement foncier des espaces ruraux en faveur d’un habitat durable, de jardins et d’espaces commerciaux proches des habitations.
• Partenaires : Réseau Scet, Adil, Audeg, Deal de Guyane.
• Activité (2021) : cessions foncières (95,88 hectares), acquisitions foncières (1431,03 hectares)
Président du CA : Gabriel Serville (depuis octobre 2021)
Directeur : Denis Girou (depuis 2017)
Effectif : 51 personnes
Tél. : 05 94 38 77 00

Contact


Catégorie : Etat et autorités publiques


Adresse du siège

14, Esplanade la Cité d’Affaire
CS30059
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Fiche n° 8133, créée le 22/01/2019 à 10:40 - MàJ le 14/11/2022 à 11:03

Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales

• Ministère en charge des politiques du logement, de la ville et de l’aménagement des territoires
• Création : octobre 2018 (remaniement) : Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ; 2017 : Cohésion des territoires
• Ministre de la Cohésion des territoires : Joël Giraud
• Ministre chargée de la ville : Nadia Hai
• Secrétaire d’État en charge de la transition numérique et des communications électroniques : Cédric O
• Contact : Agnès Callou, conseillère communication et presse
• Tél. : 01 40 81 21 22

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Entité(s) affiliée(s) : Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)


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20 avenue de Ségur
75007 Paris France


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Fiche n° 6221, créée le 09/01/2018 à 06:12 - MàJ le 30/05/2022 à 16:33

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Un « squat » en Guyane française - ©  Valérie Liquet