Luc Belot (consultant) : « La ville connectée intègre de vrais enjeux de souveraineté »
« J’ai constaté deux visions et deux approches bien différentes de la ville connectée et numérique, visibles lors des congrès internationaux sur les smart cities. L’une est asiatique, l’autre européenne », indique à News Tank Luc Belot, le 14/02/2018.
Présent au 9e Forum mondial urbain, du 07 au 13/02/2018 à Kuala Lumpur (Malaisie), animateur d’une table ronde sur les « stratégies digitales, challenge pour les smart cities », Luc Belot est consultant en gouvernance et stratégies numériques des territoires. Ancien député de Maine-et-Loire, il est l’auteur du rapport parlementaire sur la Ville connectée intitulé « De la Smart city au Territoire de l’intelligence(s) », paru en avril 2017.
La “smart city” est un modèle de ville en expansion sur les 5 continents. Mais prend-il le même sens partout ?
Nous devons instaurer un cadre de confiance »Non. J’ai constaté deux visions et deux approches bien différentes de la ville connectée et numérique, visibles lors de congrès internationaux sur les smart cities. L’une, asiatique, donne les pleins pouvoirs aux capteurs, superviseurs, algorithmes, datas… Avec l’idée que le numérique et, demain, l’intelligence artificielle se suffisent à eux-mêmes et prendront les commandes. L’autre approche, européenne, tient compte de la place de l’humain et des citoyens. Ces deux approches, qui s’opposent, montrent qu’il y a de vrais enjeux de souveraineté en matière de politique publique. La place des citoyens dans la ville connectée est une question majeure. Pour moi, la question de la confiance est centrale. Nous devons instaurer un cadre de confiance. Nous avons vu avec le compteur numérique Linky qu’il faut avec les usagers et consommateurs prendre le temps d’expliquer les dispositifs, la récupération et l’exploitation des données, et comment ils doivent améliorer les usages.
L’ouverture des données publiques entre dans une phase active en 2018. Qu’en attendez-vous ?
La data au plan local doit améliorer les politiques publiques. Elle doit aider à prendre les bonnes décisions en toute connaissance. C’est dans cet esprit que j’ai été rapporteur du projet de loi pour une République numérique, en 2016, et de la transposition directive PSI Directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 17/11/2003 sur la réutilisation des informations du secteur public , sur la réutilisation en open data des informations du secteur public, dans le cadre du règlement européen sur la protection des données (RGPD). L’open data publique va concerner les collectivités locales de +3 500 habitants à compter d’octobre 2018. Cette échéance est un tournant. Les décideurs publics doivent s’approprier les outils numériques, en sachant qu’ils n’ont pas toujours les moyens ni les compétences du secteur privé. Néanmoins la collectivité ne peut pas être à la merci d’un opérateur qui garderait la haute main sur un jeu de données au terme d’un contrat.
Sur ce sujet sensible de la propriété des données, le rôle de la CNIL Commission nationale de l’informatique et des libertés s’en trouve-t-il renforcé ?
La CNIL fait un travail de grande qualité, notamment sur le principe du consentement, qui est essentiel dans l’exploitation de la donnée. Elle pousse loin les réflexions et son accompagnement est indispensable des sujets qui peuvent être complexes juridiquement. Ce ce point de vue, le dernier ouvrage du laboratoire d’innovation numérique de la CNIL sur les “données personnelles au cœur de la fabrique de la smart city” est très pertinent.
Dans votre rapport parlementaire paru en 2017, vous regrettez des problèmes de gouvernance territoriale. Pourquoi ?
Il arrive que la collectivité cherche à atteindre des objectifs contradictoires »Quand il manque une vue d’ensemble, il arrive que la collectivité publique cherche à atteindre des objectifs qui sont contradictoires. C’est le résultat de raisonnements par silos. Exemple : une collectivité va favoriser une offre de transports publics importante et, dans le même temps, faire en sorte que les parkings privés soient remplis et laisser faire le tout-voiture. C’est typique d’une approche par silos, où il manque une transversalité des vues et de l’action publique. Heureusement, ce n’est pas le cas dans toutes les métropoles. Prenez l’exemple de Dijon. Cette métropole doit inaugurer, à la fin 2018, un poste de commandement centralisé qui pilotera la gestion des services de voirie, de l’énergie et de la vidéosurveillance. Elle a déjà été précurseur dans les domaines de l’éclairage public, du stationnement intelligent et des feux tricolores connectés. En matière de mobilités, ce qui s’est fait à Rennes, avec le bureau des temps, est aussi intéressant. Depuis plus de 10 ans, le bureau des temps de la Ville cherche à favoriser l’harmonisation des temps sociaux sur le territoire et donc à améliorer la qualité de vie collective des habitants et usagers. Le temps y est abordé sous toutes ses facettes : temps de travail, temps de transport, temps pour soi, temps citoyen, temps de loisirs, temps domestique… C’est une façon intelligente d’essayer de limiter la congestion dans les transports, en invitant les citoyens et les acteurs de la villes à changer leurs habitudes.
Avec votre expérience d’élu et au regard des transformations numériques, quelles sont les lignes directrices nécessaires ?
Il faut éviter la privatisation de la ville »Pour que la “smart city” soit plus qu’un slogan et devienne une réalité pour les citoyens, il faut garder à l’esprit trois grands principes. Le premier concerne l’organisation d’une réelle gouvernance. Chaque structure intercommunale doit pouvoir se doter d’une structure de gouvernance associant à minima élus et administration, et plus efficacement l’enseignement supérieur et des acteurs économiques, permettant de sortir des politiques de silo vers une réelle transversalité. Le 2e, c’est la souveraineté. Il faut éviter la privatisation de la ville. Les enjeux de souveraineté doivent être appropriés à tous les niveaux de décisions pour s’assurer que les territoires gardent la maîtrise de la donnée, des outils, applications smartphone, des logiciels métiers, et que la standardisation et la réversibilité soient des préalables. Enfin, nous devons garantir la construction d’une ville inclusive. Donner une place à chaque citoyen, sans fracture sociale ni numérique. Aller de l’avant dans une vraie logique de partage d’informations et de démocratie participative. Ce qui veut dire mettre le citoyen au cœur des projets en passant d’une approche centrée “usager” à une approche centrée “citoyen”. La civi tech ne peut pas être qu’un effet de communication.
Luc Belot
Directeur général de HUB 5 @ Réalités Hub 5
Consultant en stratégies numériques et SmartCities @ Consultant
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Parcours
Directeur général de HUB 5
Consultant en stratégies numériques et SmartCities
Membre
Député de la 1re circonscription de Maine-et-Loire
Président
Vice-président Transports et Stratégie numérique du territoire
Adjoint au maire
Attaché parlementaire auprès du sénateur socialiste Daniel Raoul
Conseiller municipal
Fiche n° 28609, créée le 06/02/2018 à 10:52 - MàJ le 18/05/2018 à 11:10
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