Karima Delli (députée européenne) : « En Europe, 60 % des start-up sont dans le domaine des mobilités »
« Le paquet “énergies propres” est étroitement lié à la réduction des émissions polluantes, notamment dans le secteur des transports. Si nous voulons sortir pour de bon des moteurs thermiques, il est crucial de trouver d’autres sources d’énergie (…), développer un mix énergétique incluant le gaz, l’hydrogène, mais aussi le véhicule électrique », indique Karima Delli, députée européenne (groupe des Verts), présidente de la Commission des transports et du tourisme, le 16/02/2018.
Elle souligne le rôle central joué par les élus locaux (au sujet de la pollution de l’air). « Ils sont aussi en première ligne au niveau des solutions. On le voit à Paris, à Grenoble, Bordeaux, Strasbourg… et dans de nombreuses villes européennes telles Londres, Berlin et Copenhague ».
Karima Delli répond aux questions de News Tank.
« Soutenir l’innovation en faveur d’une mobilité durable, connectée et partagée »
La pression de la Commission européenne sur la France est-elle de plus en plus forte au sujet de la pollution de l’air ?
Oui la pression de la Commission va crescendo et c’est tant mieux, car nous avons perdu trop de temps. Cela fait plus de 10 ans que le problème se pose, que Bruxelles demande des comptes et que la France se dérobe. Théoriquement, la procédure d’infraction prévoit que la Commission puisse saisir la Cour de Justice de l’Union européenne qui peut infliger une lourde sanction financière aux pays qui ne respectent pas la loi. Or cette procédure n’a jamais abouti. Malheureusement, bien que le gouvernement français en place ait adopté des mesures qui vont dans le bon sens (Plan climat, alignement de la fiscalité diesel sur l’essence, fin des moteurs thermiques en 2040…), nous payons surtout le retard accumulé depuis des années en France par rapport à nos voisins européens. Bien évidemment, le laxisme des pouvoirs publics vis-à-vis de l’industrie automobile et le scandale du diesel qui en a découlé a été un facteur aggravant pour la qualité de l’air. Et depuis, les voitures qui polluent n’ont pas été rappelées par les constructeurs. Elles sont toujours en circulation ! Autre exemple : l’abandon de l’écotaxe en 2014 puisqu’on sait que la fiscalité verte est un levier central pour développer des projets de transports durables et lutter contre la pollution de l’air.
Le paquet « énergies propres », qui façonnera la politique énergétique et climatique de l’UE, fait-il convergence ?
Développer un mix énergétique incluant le gaz, l’hydrogène et le véhicule électrique »
Le paquet “énergies propres” est étroitement lié à la réduction des émissions polluantes, notamment dans le secteur des transports. Si nous voulons sortir pour de bon des moteurs thermiques (essence et diesel), il est crucial de trouver d’autres sources d’énergie. Nous devrons notamment développer un mix énergétique incluant le gaz, l’hydrogène, mais aussi le véhicule électrique. Or pour cela, il faut s’assurer que l’électricité ne soit pas produite par du nucléaire, mais par des énergies renouvelables. À cet égard, la position du Parlement européen que nous avons récemment adoptée est plutôt positive. Elle est plus ambitieuse que ce que proposait la Commission. Nous avons, par exemple, rehaussé l’objectif de renouvelable à 35 %. Par ailleurs, nous avons voté pour la sortie des carburants à base d’huile de palme qui sont à l’origine d’une déforestation massive dans les pays du Sud. Rappelons que le diesel à base d’huile de palme est 3 fois plus nocif pour le climat que le carburant fossile.
Et quel est le rôle de la France ?
La balle est dans le camp des États membres. Nous comptons sur la France pour porter une position au moins aussi ambitieuse que celle du Parlement.
L’Europe doit-elle favoriser certains types de mobilité ?
Nous devons désengorger nos villes des voitures individuelles »Des innovations, il y en a des milliers. En Europe, 60 % des start-up se développent dans le domaine des transports. La mobilité constitue un défi immense pour la planète et pour nous. C’est dans cet état d’esprit que j’ai décidé de fédérer les plus grands acteurs européens publics et privés pour soutenir l’innovation en faveur d’une mobilité durable, connectée et partagée. Le fruit de cette coopération, European Startup Prize for Mobility, vise à construire une “Sillicon Valley” en Europe, prospère et dynamique en répondant aux enjeux d’accélération des start-up européennes de la mobilité. Notre objectif est de leur faire confiance pour répondre aux 2 grands défis de demain : la lutte contre le changement climatique et la co-construction de l’Europe des projets.
Quand seront connus les projets retenus ?
Le résultat sera rendu le 22/02/2018 à Bruxelles. Plus de 500 start-up ont candidaté, d’un peu partout en Europe. Il y a des applications de covoiturage, de ticketing, de gestion des données de transports ou encore des fauteuils roulants innovants et plus pratiques. Au-delà de ce prix, l’Europe doit être motrice pour ces entreprises innovantes. Évidemment, je pense que nous devons désengorger nos villes des voitures individuelles et supprimer les moteurs thermiques à terme. Mais cela ne peut se faire qu’avec des moyens et une volonté politique. L’ambition de ce prix est de mettre en œuvre la mobilité du XXIe siècle, c’est à une mobilité durable, inclusive, sûre et connectée.
Le diesel est-il appelé à disparaître à long terme ?
Il ne fait plus aucun doute que le diesel est dangereux pour la santé. Pour rappel, l’OMS nous dit depuis 2012 que ses vapeurs sont cancérogènes. En Europe, c’est près de 400 000 morts prématurées. Il aura fallu attendre la COP21 et surtout le dieselgate pour que le mythe du “diesel propre” s’effondre. Nous avons perdu beaucoup de temps mais il est évident qu’on ne sortira pas du diesel du jour au lendemain… L’important est d’enclencher la transition vers d’autres technologies et d’arrêter d’investir sur ce carburant du passé.
Mais à quelle échéance ?
Les élus locaux sont en première ligne au niveau des solutions »Tout l’enjeu est celui de la reconversion de la filière automobile, dont dépendent beaucoup d’emplois en Europe, afin que le secteur puisse faire sa mutation. L’usage de la voiture est amené à évoluer. Elle sera partagée, connectée, intelligente. Tout cela sera créateur d’emplois, reste à déterminer lesquels. Il faut donc que le politique anticipe ce mouvement, développe des formations, investisse dans la reconversion.
Sur ces sujets, les élus des villes (maires, président de métropoles…) ont-ils un rôle à jouer ?
Vous avez raison de souligner le rôle central joué par les élus locaux dans ce dossier. Comme ils sont directement concernés par le problème, ils sont aussi en première ligne au niveau des solutions. On le voit à Paris, à Grenoble, Bordeaux, Strasbourg… et dans de nombreuses villes européennes telles Londres, Berlin, Copenhague, pour citer les plus emblématiques. Les solutions sont multiples et portent leurs fruits partout en Europe. Ce qui prouve qu’il n’y a pas de fatalité. Ces mesures demandent du courage politique, mais elles ne sont pas forcément si difficiles à mettre en place. Par exemple, quand on cherche à réduire la place de la voiture en ville, on doit également mettre le paquet sur les transports en commun. On peut aussi miser sur le vélo qui a des bienfaits sur la santé et qui a le mérite d’être peu coûteux. Alors que 80 % de population vivra en ville d’ici à 2050, nous n’avons plus le choix. Il faut faire en sorte que l’air y soit à nouveau respirable.
Karima Delli
Conseillière régionale @ Région Hauts-de-France (Conseil régional des Hauts-de-France)
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Parcours
Conseillière régionale
Présidente de la Commission Transports et Tourisme
Députée européenne Europe Écologie - Nord-Ouest
Députée européenne Europe Écologie - Île-de-France
Assistante parlementaire de Marie-Christine Blandin, Sénatrice du Nord
Secrétaire fédérale
Fiche n° 28872, créée le 16/02/2018 à 10:53 - MàJ le 18/02/2018 à 21:34
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