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« Nous estimons le coût de la désindexation des APL à 300 M€ » (M. Domergue, Fondation Abbé Pierre)

News Tank Cities - Paris - Interview n°123042 - Publié le 21/06/2018 à 10:30
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Manuel Domergue, directeur des études de la fondation Abbé Pierre - ©  D.R.

« Nous estimons le coût de la désindexation des APL Aide personnalisée au logement - aide financière destinée à réduire le montant du loyer à peu près à 300 M€. Cela va dépendre du taux de l’inflation. Si celui-ci est élevé, cela fera une grande économie pour l’État ; si l’inflation n’est qu’à 1 %, ce sera autant d’économisé. Les derniers chiffres de l’Insee L’Institut national de la statistique et des études économiques donnent un taux à 1,8 %. Si ce taux se maintient en octobre 2018 cela représentera à peu près 300 M€, c’est-à-dire 1,8 % des 17 Md€ d’APL versés chaque année. Donc ce n’est pas rien », indique à News Tank Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre le 20/06/2018.

La mesure en question est inscrite dans le PLF Projet de loi de finances  2018. Elle figure au 2°) du II de l’article 126 de la loi de finances 2018 qui stipule que « L’indexation au 1e octobre des paramètres du barème de l’aide personnalisée au logement, de l’allocation de logement familiale et de l’allocation de logement sociale prévue, respectivement, au 7e alinéa de l’article L. 351-3 du code de la construction et de l’habitation, au deuxième alinéa de l’article L. 542-5 du code de la sécurité sociale et au troisième alinéa de l’article L. 831-4 du même code, n’est pas appliquée en 2018 ».

Manuel Domergue répond aux questions de News Tank.


« Nous avons attaqué la coupe des APL de 5 € en justice par une action qui est en cours d’examen devant le Conseil d’État »

Quel est le mécanisme qui reviendrait à une nouvelle baisse des APL Aide personnalisée au logement - aide financière destinée à réduire le montant du loyer que vous avez découvert dans le PLF Projet de loi de finances 2018 ?

Chaque année les APL sont revalorisées au 1er octobre en fonction de l’inflation, pour conserver leur pouvoir “solvabilisateur” au même niveau. Le législateur a décidé de ne pas le faire dans le PLF 2018 »

C’est un mécanisme assez simple. Il s’agit d’une désindexation des APL par rapport à l’inflation. Chaque année les APL sont revalorisées au 1er octobre en fonction de l’inflation, pour conserver leur pouvoir “solvabilisateur” au même niveau. Le législateur a décidé de ne pas le faire dans le PLF 2018, donc cette revalorisation en fonction de l’inflation n’aura pas lieu au 01/10/2018. Il y aura donc une perte équivalente au niveau de l’inflation qui sera constatée à ce moment-là.

Cette mesure est-elle valable uniquement pour 2018 ou est-ce reconductible ?

C’est le législateur qui pourra décider dans le prochain PLF s’il poursuit ou non cette mesure. La Fondation Abbé Pierre va lui demander de ne pas continuer dans le même sens. C’est juste pour une année, mais il y a des arbitrages réguliers sur ce sujet qui peuvent changer. La dernière fois qu’une telle mesure a été prise, c’était en 2014 pour 9 mois seulement où les APL n’avaient pas été revalorisées.

Ce n’est donc pas un phénomène nouveau ? La Fondation Abbé Pierre avait déjà pris position sur la baisse de 5 € des APL à l’été 2017…

Les problèmes d’indexation sont en effet très récurrents. Nous sommes habitués à subir des mauvais coups plus ou moins subtils, plus ou moins techniques chaque année.

Il y a des coupes dans les APL depuis le début des années 2000, quasiment chaque année »

Il y a des coupes dans les APL depuis le début des années 2000, quasiment chaque année. Le pouvoir “solvabilisateur” des APL se réduit d’année en année et ne permet pas de payer son loyer dans le parc social et a fortiori dans le parc privé aussi bien qu’avant.

Il est impossible de distinguer une coupe parmi d’autres, le fait qu’il y ait eu une baisse de 5 € à compter du 01/01/2017 ne peut pas donc se distinguer des autres coupes ou de la précarité sociale en général. On ne peut pas dire que des gens sont tombés à la rue à cause de celle-ci en particulier. C’est l’accumulation de ces coupes qui fait qu’à la fin, des personnes ne peuvent plus, soit payer leur loyer, soit tout simplement entrer dans le parc de logement privé ou social. Même avec les APL quand le bailleur calcule le taux d’effort ou le reste à vivre, cela ne passe plus et la personne n’est donc tout simplement plus acceptée dans le logement.

Nous avons attaqué la coupe des APL de 5 € en justice par une action qui est en cours d’examen devant le Conseil d’État »

Nous avons attaqué la coupe des APL de 5 € en justice par une action qui est en cours d’examen devant le Conseil d’État. Nous reprochons à cette décision d’avoir été prise par décret et non par la loi, alors qu’il semble que c’est au législateur d’en décider. En tout cas cela a toujours été le cas par le passé. Certains parlementaires ont été assez mécontents de voir ce sujet leur échapper alors qu’il s’agit d’une décision très politique et très symbolique. Nous disons que ce n’est pas à l’exécutif de décider de cette baisse de 5 €.

Vous connaissez la date du verdict ?

Nous n’avons pas de date précise pour la décision du Conseil d’État, mais elle devrait intervenir dans les semaines ou les mois qui viennent, avant la fin de l’année 2018 »

Nous n’avons pas de date précise pour la décision du Conseil d’État mais elle devrait intervenir dans les semaines ou les mois qui viennent, avant la fin de l’année 2018.

À combien estimez-vous le coût de la désindexation des APL ?

Nous estimons le coût de la désindexation des APL à peu près à 300 M€ »

Nous estimons le coût de la désindexation des APL à peu près à 300 M€. Mais cela va dépendre du taux de l’inflation. Si celui-ci est élevé, cela fera une grande économie pour l’État ; si l’inflation n’est qu’à 1 %, ce sera autant d’économisé. Les derniers chiffres de l’Insee donnent un taux à 1,8 % en mai 2018 pour l’indice des prix à la consommation hors tabac et hors loyer. Si ce taux se maintient en octobre 2018 cela représentera à peu près 300 M€, c’est-à-dire 1,8 % des 17 Md€ d’APL versés chaque année. Donc ce n’est pas rien.

Quelle est la différence par rapport au PLF 2017 et aux PLF précédents ?

Il y a déjà eu une première désindexation des APL en 2012 sous Nicolas Sarkozy, puis la gauche a rétabli l’indexation sur l’inflation. En 2014 les APL ont été désindexées un moment, simplement pour 3 trimestres. Depuis c’est à nouveau indexé chaque année »

Il n’y avait pas de désindexation des APL par rapport à l’inflation en 2017 contrairement à cette année. L’indexation est faite chaque année. Il y a déjà eu une première désindexation des APL en 2012 sous Nicolas Sarkozy, puis la gauche a rétabli l’indexation sur l’inflation. En 2014 les APL ont été désindexées un moment, simplement pour 3 trimestres. Depuis c’est à nouveau indexé chaque année.

Les acteurs ne l’ont pas vu venir au moment du PLF 2018 ?

Comme certains parlementaires, nous l’avions vu et dénoncé dans notre rapport annuel sur le mal-logement sorti en janvier 2018, et nous l’avions dénoncé dans des communiqués de presse pendant l’examen du projet de loi de finances. Mais comme cela s’inscrivait parmi d’autres coupes dont certaines plus importantes comme la RLS Réduction de loyer de solidarité , c’est passé un peu inaperçu. En comparant avec d’autres mesures comme la baisse immédiate de 5 €, la désindexation intervenant au 01/10/2018, soit 9 mois plus tard, était à l’époque un sujet compliqué à comprendre.

Il s'agit d'une mesure très symbolique
C’est pour cela que le Gouvernement s’agace de voir revenir ce sujet dont il pensait être débarrassé. C’était une mesure bien habillée. Cela revient sur la table et représente à peu près la même chose que la baisse de 5 €. C’est un peu le sparadrap du capitaine Haddock pour l’exécutif, il n’arrive pas à s’en départir alors qu’il s’agit d’une petite somme de leur point de vue. Simplement il s’agit d’une mesure très symbolique.

Jacques Mézard semble s’être positionné sur le sujet en disant qu’il s’agissait d’une mesure parmi d’autres et que le Gouvernement ne reproduirait probablement pas cette désindexation en 2019…

L’APL est un sujet assez sensible pour le Gouvernement. En effet Jacques Mézard a rappelé qu’il y avait déjà eu d’autres mesures de rabot de ce type par le passé et que ce n’était donc pas nouveau. Il s’agit quand même d’arguments assez limités. 

La désindexation a été présentée par certains journalistes comme quelque chose de caché par le Gouvernement, ce qui n’est pas exact »

Par contre, là où je ne suis pas d’accord avec le traitement médiatique de cette affaire, c’est que la désindexation a été présentée par certains journalistes comme quelque chose de caché par le Gouvernement, ce qui n’est pas exact. Certes il se sont gardés d’en faire la publicité - naturellement - mais la mesure a été présentée, débattue et critiquée par les associations et l’opposition. Il ne s’agissait pas d’une mesure cachée.

Manuel Domergue


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Parcours

Fondation Abbé Pierre
Directeur des études
Alternatives Économiques
Journaliste
Editions La découverte
Co-auteur du livre d’histoire « Kamerun ! une histoire cachée aux origines de la Françafrique 1948-1971 »
Sénat
Assistant parlementaire du sénateur de Paris Jean Desessard ( (Les Verts)

Fiche n° 31412, créée le 20/06/2018 à 16:28 - MàJ le 20/06/2018 à 16:48

Fondation Abbé Pierre

• Statut  : fondation reconnue d’utilité publique
• Mission :
agir pour le logement des défavorisés
• Création : 1988
• Présidente : Marie-Hélène Le Nedic
• Délégué général : Christophe Robert
Conseil d’administration : 12 membres (3 au titre du collège des fondateurs, 9 au titre des personnalités qualifiées, 1 commissaire du gouvernement)
• Tél. : 01 55 56 37 00


Catégorie : Association, Fondation


Adresse du siège

3-5, rue de Romainville
75019 Paris France


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Fiche n° 6425, créée le 30/01/2018 à 08:14 - MàJ le 07/11/2024 à 08:05

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Manuel Domergue, directeur des études de la fondation Abbé Pierre - ©  D.R.