ExclusifHLM : « La clause de revoyure est indispensable, il faut un sursaut » (Marianne Louis, Dg de l’USH)
« La clause de revoyure sur la trajectoire de la RLS
Réduction de loyer de solidarité
est indispensable. Il faut un sursaut, une prise de conscience sur ce qui nous arrive. Ce n’est pas juste pour le bien d’un secteur. La population française augmente, le besoin de qualité dans le logement augmente, il y a de réels besoins de logements », indique à News Tank, Marianne Louis, directrice générale de l’Union sociale pour l’Habitat (USH
Union sociale pour l’habitat - organisation représentative du secteur HLM : 720 organismes à travers 5 fédérations
), le 30/10/2018.
« La clause de revoyure est programmée au début 2019. C’est très important pour nous parce que la trajectoire budgétaire prévoit 1,5 Md€ de RLS à partir de 2020. La trajectoire budgétaire prévoit de mettre toutes les économies sur la RLS et de repasser la TVA sur le logement social à 5,5 %. On passe donc à 1,5 Md€ de prélèvements sur l’autofinancement des organismes, ce n’est pas soutenable. Ce n’est pas la même chose d’avoir cette charge sur l’investissement, plutôt que sur le fonctionnement. Si vous portez la charge sur l’investissement, via une hausse de la TVA sur le logement social, c’est loin d’être agréable. Mais c’est lissé sur 40 ans et cela peut se compenser par des mesures sur les prêts, les taux par exemple. »
« Julien Denormandie a ouvert la porte au réexamen de manière à construire cette trajectoire budgétaire dans le cadre de la RLS. Nous allons nous préparer à la discussion et la mettre en perspective avec d’autres sujets : la TVA sur le logement social, la RLS et la réforme de la fiscalité locale. La question se pose de savoir si nous allons aller jusqu’à la révision des bases locatives pour le secteur du logement social. Une part importante du parc est très pénalisée par les bases locatives, établies dans les années 1970. C’est précisément dans cette période que le secteur a beaucoup construit de logements, alors considérés comme de bonne qualité et cela donne lieu à une fiscalité désavantageuse pour le secteur. »
« Nous aurons aussi un sujet sur l’évolution globale des APL
Aide personnalisée au logement - aide financière destinée à réduire le montant du loyer
qui vont subir cette année une indexation à 0,3 %, ce qui paupérisera nos locataires. Et puis nous aurons une discussion sur les modalités de financement. Dans le cadre de la loi ELAN
Évolution du logement et aménagement numérique - Loi « Logement » adoptée le 23/11/2018 par le Parlement
, les organismes vont devoir se doter d’ici à 2021 d’un plan stratégique de patrimoine (PSP
Plan stratégique de patrimoine - Plan en 3 étapes de valorisation du patrimoine des organismes de logement social : Recueil de données de marché, analyse et synthèse/stratégie pluriannuelle
) consolidé à l’issue de la réorganisation. Il serait intéressant qu’ils aient des informations précises sur le contexte financier du PSP
Plan stratégique de patrimoine - Plan en 3 étapes de valorisation du patrimoine des organismes de logement social : Recueil de données de marché, analyse et synthèse/stratégie pluriannuelle
. Pour l’instant, nous sommes sur des modalités transitoires avec les prêts de haut de bilan prévus pour 3 ans. La question se pose pour l’après, de savoir si ces dispositifs vont être prolongés ou non, et selon quelles modalités. Essayons d’obtenir, pour 5 ou 10 ans, un cadre stable ».
Marianne Louis répond aux questions de News Tank.
« La vente HLM questionne l’avenir de la fonction de bailleur »
Quel bilan dressez-vous du congrès de l’USH Union sociale pour l’habitat - organisation représentative du secteur HLM : 720 organismes à travers 5 fédérations à Marseille, du 09 au 11/10/2018 que vous avez qualifié de « studieux » ?
Malgré les questions qui pouvaient se poser sur l’attractivité et le dynamisme du secteur HLM Habitation à loyer modéré - logement géré par un organisme d’habitations à loyer modéré, public ou privé, qui bénéficie d’un financement public partiel, direct ou indirect , après la loi de finances de 2018, la question de la RLS Réduction de loyer de solidarité , la loi ELAN Évolution du logement et aménagement numérique - Loi « Logement » adoptée le 23/11/2018 par le Parlement et la recomposition du tissu HLM, nous avons observé au contraire une progression dynamique de l’ordre de 2 % du nombre de visiteurs au congrès de l’USH à Marseille. Nous avons accueilli énormément de monde sur l’ensemble des ateliers et des rencontres, notamment sur le décryptage juridique de la loi ELAN, les regroupements d’organismes et les SAC Société anonyme de coordination , la RLS Réduction de loyer de solidarité et les mesures de compensation à laquelle participait notamment Denis Burckel, directeur général de la CGLLS Caisse de garantie du logement locatif social et également un atelier sur la vente HLM. Enfin, nos congressistes ont longuement échangé sur la fonction et le développement du métier de syndic.
Comment appréhendez-vous la question de la vente HLM, à l’heure où Action Logement a bouclé un 1e appel à manifestation d’intérêts, le 19/10/2018 ?
La loi ELAN confirme la possibilité pour les organismes HLM d’exercer la fonction de syndic »La vente HLM questionne l’avenir de la fonction de bailleur. La loi ELAN confirme la possibilité pour les organismes HLM d’exercer la fonction de syndic. Le plan de compétence de l’Union autour de ce métier se veut constructif, notamment la fédération des Coop’HLM et le réseau Procivis UES-AP qui travaillent sur la certification d’un syndic responsable de type Quali-SR. En résumé, il existe d’une part, un plan d’action de l’USH sur la question de la vente pour les organismes qui veulent développer des outils en direct et, d’autre part, il y a l’outil national de vente créé par le groupe Action Logement, avec un 1e appel à manifestation d’intérêt (AMI), qui a connu un certain succès. La loi ne rend pas exclusif cet outil. D’autres opérateurs pourraient créer un outil de vente.
Action Logement dit pouvoir faire 10 000 ventes, sur un total de 18 000 ventes HLM en rythme annuel moyen. Ce chiffre vous semble-t-il conforme au potentiel du parc social ?
Après l’acquisition de logements, le sujet pour Action Logement va très vite devenir la vente aux occupants »Nous sommes assez en phase avec ces chiffres. L’objectif d’Action Logement est de réaliser 40 000 ventes HLM en 3 ans. Cela prendra plutôt 4 ans. C’est ce que nous disons depuis le début, c’est que passer à 40 000 ventes par an était impossible. Mais il est envisageable d’amplifier le mouvement. Toutes nos projections se situent aux alentours de 20 000 ventes annuelles. Après l’acquisition de logements, le sujet pour Action Logement va très vite devenir la vente aux occupants. Le modèle repose sur l’achat aux bailleurs qui sont déchargés de leur fonction de vente, mais vient ensuite la revente qui doit s’effectuer selon les règles de la vente HLM. Dans ce cadre ils vont se retrouver confrontés aux mêmes problématiques que les bailleurs et nous serons sans doute amenés à travailler ensemble à des solutions métier. La loi ELAN va ainsi donner la possibilité aux bailleurs de réaliser du conseil en financement. Reste qu’un quart du parc est occupé par des personnes de plus de 65 ans. Cela représente un million de locataires. Quand bien même il est possible d’aider les locataires les plus défavorisés, la capacité d’endettement et d’accès au crédit des locataires de plus de 65 ans sera un réel sujet.
La vente HLM ne doit pas faire obstacle au droit au maintien dans les lieux du locataire qui est sous plafond de ressources »Nous sommes très vigilants sur la vente HLM. Elle ne doit pas faire obstacle au droit au maintien dans les lieux du locataire qui est sous plafond de ressources, c’est-à-dire qui remplit les critères pour occuper le parc social. Le logement HLM à vie n’existe pas. Si on gagne trop ou si on est en situation de sous-occupation, on doit quitter son logement ou en changer. Mais à l’inverse, ceux qui disposent du droit de louer dans le parc ne doivent pas être précarisés dans leur logement. Nous ne sommes pas défavorables au principe de la vente, je rappelle que nous en réalisons environ 9 000 pour 100 000 mises en vente chaque année, tant que les principes de la vente HLM sont respectés.
Que pensez-vous du modèle de dissociation entre l’usufruit et la nue-propriété, notamment le bail réel solidaire (BRS) mis en avant par Jean-Louis Dumont et l’ULS institutionnel créé par Tonus Territoires, présenté au congrès de Marseille ?
Nous sommes très hostiles au principe de dissociation nue propriété-usufruit dans le stock »Nous sommes très hostiles au principe de dissociation propriété-usufruit dans le stock. Dans ce cadre, le locataire n’a rien demandé et au bout de 15 ans son logement est déconventionné et le loyer devient libre. Cela n’est pas acceptable. Le bail réel solidaire, pour le coup, n’a rien à voir avec l’usufruit locatif social. Il s’agit plutôt d’un démembrement entre le foncier et le bâti, qui permet d’alléger intelligemment le financement des opérations. Ce n’est pas du tout la même logique, car au bout de l’opération il y a un remembrement global dans le cadre du BRS Bail réel solidaire - Créé par la loi ALUR : le ménage est propriétaire de sa maison mais locataire du terrain. Contient des clauses de prix de revente et des plafonds de ressources des acheteurs , là où la dissociation nue propriété-usufruit est un démembrement qui se traduit aussi par un regroupement mais au profit d’un propriétaire privé.
Il existe déjà de l’usufruit locatif social mais nous ne sommes pas favorables à sa massification. Cela se pratique uniquement sur du PLS Prêt locatif social - Les bailleurs bénéficient d’une TVA à taux réduit (taux identique aux PLUS et PLAI) et d’une exonération de Taxe foncière de 25 ans, contre conventionnement APL avec l’État et c’est une bonne chose. On peut considérer que des locataires en PLS, si l’offre intermédiaire se développe, peuvent devenir propriétaires ou trouver des offres de logement par ailleurs compte tenu de leurs revenus. Tandis que si vous faites du démembrement sur du PLAI Prêt locatif aidé d’intégration - permet la construction de logements locatifs sociaux pour les personnes se trouvant dans une situation de grande précarité , la capacité à se reloger dans de bonnes conditions n’est pas du tout la même. Prenons le cas des pensions de famille, tout d’abord il s’agit de logements qui font l’objet de subventions. Au bout de 15 ans, ces pensions de familles risquent de se voir transformées en résidences universitaires à 900 € par mois et de devenir des produits de marché classique.
Quels dangers voyez-vous apparaître ?
Les politiques publiques du logement souffrent parfois d’une vision court-termiste »Les politiques publiques du logement souffrent parfois d’une vision « court-termiste ». Il est vrai qu’à court terme, avec cet exemple, on produit du logement social. Mais 15 ans, dans le logement, est un temps moyen. Je ne pense pas, malheureusement, qu’à une échelle de 15 ans la question de la pauvreté sera réglée en France et que nous n’aurons plus besoin de PLAI Prêt locatif aidé d’intégration - permet la construction de logements locatifs sociaux pour les personnes se trouvant dans une situation de grande précarité , de pensions de famille, de résidences HVS… Ceux qui font ce pari-là font un pari hasardeux. Il ne faut pas gager l’avenir. C’est ce que nous montrons avec l’exemple allemand. Il y a 3 ans les fonds de pension investissaient dans le logement social allemand. Or aujourd’hui, les Allemands sont obligés de réinvestir de l’argent public. En France, il y a zéro euro d’aides à la pierre au profit du logement social. Il y a toujours le système d’exonération de TFPB Taxe foncière sur les propriétés bâties mais le secteur est quasiment auto-porteur. Il ne peut le faire que grâce à son stock de logements. Si ce stock vient à être dégradé, comme dans une situation de crise comme en Allemagne ou à Londres, ce n’est pas une bonne perspective.
Pensez-vous que le modèle de logement social résiduel « à l’anglaise » puisse se développer en France ?
C’est le risque. Si l’on basculait vers le modèle résiduel du logement social, cela ferait porter sur les générations futures et les finances publiques, dans 15 ans, le besoin d’investissements. Ou alors il faudra assumer une augmentation du mal-logement en France.
Qu’en est-il de la place de l’innovation au sein du Mouvement HLM ?
Si l’on basculait vers le modèle résiduel du logement social, cela ferait porter le besoin d’investissements sur les générations futures et finances publiques dans 15 ans »Il existe une culture de l’intérêt général dans le Mouvement HLM, qui est assumée et qui lui permet de prendre des risques techniques. Nous avons, par exemple, des bailleurs sociaux qui travaillent à titre expérimental sur l’impression 3D. Quel propriétaire privé va se dire, je lance ma maison en 3D et je verrais le résultat ? Il faut être un opérateur public pour pouvoir prendre le risque de lancer 10 maisons en 3D, dotées de capteurs solaires, en liaison avec le CSTB Centre scientifique et technique du bâtiment et le Cerema Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement par exemple. Par ailleurs, nous travaillons beaucoup en ce moment avec la CDC Caisse des dépôts et consignations - Institution financière publique qui assure un service d’intérêt général et de développement économique pour le compte de l’État français et des collectivités sur les appels à projets E+C Énergie positive et bas carbone - Label lancé par l’État sous forme d’expérimentation nationale pendant 2 ans. Il doit remplacer en 2020 la réglementation thermique 2012 (RT 2012) . La conviction militante est importante sur les questions de transition énergétique. À partir du 19/11/2018, nos associations régionales seront outillées. L’USH publiera un guide très détaillé pour mieux comprendre le décryptage de la loi ELAN après sa promulgation, attendue fin novembre 2018.
Où en est-on des 3 engagements pris par Julien Denormandie au congrès HLM : clause de revoyure d’ici à début 2019, garantie de demander des cotisations CGLLS
Caisse de garantie du logement locatif social
au plus près des besoins des bailleurs, et le fait de ne pas établir d’objectif de vente HLM ?
Le fait de ne pas donner d’objectif chiffré de ventes contribue à crédibiliser la parole politique car l’objectif hypothétique de 40 000 était inatteignable. Même des bailleurs, comme 3F, très engagés sur la question en sont à 0,6 % de vente. Cela donne à penser que Julien Denormandie s’est vraiment imprégné du sujet du logement social et s’est écarté de positions relevant d’un pilotage par pourcentage, traditionnellement plutôt portées par Bercy.
Qu’en est-il de la CGLLS Caisse de garantie du logement locatif social ?
La commission des aides demande toujours un plan de redressement en 3 volets »Nous avions alerté, dès le PLF Projet de loi de finances 2018, sur les difficultés d’un certain nombre d’organismes, en lien avec la RLS. Il y a 2 commissions à la CGLLS : la commission des aides et la commission de réorganisation. La commission de réorganisation peut distribuer des aides à des organismes en phase de réorganisation, par exemple pour financer un nouveau schéma informatique, ou encore des investissements hors normes. Cela fait longtemps qu’elle accompagne les organismes qui se regroupent. La commission des aides intervient de manière plus lourde, dans le temps, auprès des organismes qui connaissent de réelles difficultés financières. Il existe un mécanisme d’alerte sur ce sujet qui s’appelle l’auto-contrôle. Il est réalisé tous les 2 ou 3 ans sur la base de déclarations individuelles de situation des bailleurs, par les fédérations d’organismes de logement social. Les raisons de la dégradation peuvent être multiples. Elle relève souvent, soit d’un phénomène de vacance des logements, soit de bailleurs disposant de nombreux logements en rénovation urbaine qui ont dû opérer de lourds investissements en fonds propres pour porter le PRU. Il existe des cas de gestion compliquée. La commission des aides demande toujours un plan de redressement en 3 volets : un plan d’économie interne, un plan de réinvestissement associant la collectivité locale pour le cas des offices ou l’actionnaire pour les ESH Entreprise sociale pour l’habitat , et une aide de la CGLLS Caisse de garantie du logement locatif social . Grâce à ces dispositifs, il n’y a pas de faillites d’organismes HLM.
Quelles sont vos relations avec Bercy, qui garde la haute main sur l’ensemble des dispositifs ?
Hors de question que cet argent, pour lequel un appel à cotisation a eu lieu, soit prélevé en fin d’année »Depuis plusieurs années, lorsque la CGLLS bénéficie d’un reliquat sur les fonds perçus et non utilisés dans l’année, ceux-ci ne sont pas rendus aux organismes qui ont cotisé. Il y a un prélèvement de Bercy. A fortiori, un appel de cotisation pour une commission dont le décret de création n’est pas encore paru nous semble compliqué. Comme la loi ELAN modifie les règles de fonctionnement de la nouvelle commission, il va falloir attendre sa promulgation. Il est donc hors de question que cet argent, pour lequel un appel à cotisation a eu lieu, soit prélevé en fin d’année.
Les cotisations sont appelées en 2 fois, la cotisation principale puis la cotisation additionnelle. Nous avions proposé qu’avant de calculer la cotisation additionnelle, ce taux soit revu à la baisse en cas de non consommation des crédits. Nous avions fait voter une motion au conseil d’administration de la CGLLS, mais nous n’avions pas encore de réponse de la tutelle. Pour rappel, la CGLLS est sous cotutelle de Bercy et du ministère de la Cohésion des territoires. Le directeur de la DHUP Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages - direction ministérielle en charge notamment des réglementations liées à la construction et à la rénovation des bâtiments (RT, RE) s’était plutôt montré favorable à notre proposition, mais il était important pour nous de l’acter, dans la mesure où les cotisations CGLLS représentent 700 M€. Par ailleurs, il va falloir ajouter à cela la prise en charge de l’ANRU par la CGLLS.
Quelle est la position de l’USH sur les programmes de l'ANRU Agence nationale pour la rénovation urbaine ?
Il est tout à fait souhaitable que la CGLLS fasse office de caisse de péréquation du secteur »Nous finançons historiquement 30 M€ par an pour l'ANRU Agence nationale pour la rénovation urbaine , et allons ajouter 154 M€ à partir de 2019, plus les cotisations CGLLS. Il y a aussi le fonctionnement du SNE Système national d’enregistrement - Système informatisé regroupant l’ensemble des données relatives aux demandes de logement social couvert par la CGLLS, même si nous ne en plaignons pas car il s’agit d’un outil pour les bailleurs. Il est tout à fait souhaitable que la CGLLS fasse office de caisse de péréquation du secteur. C’est le cas de l’ANRU par exemple, mais tant que l’on reste dans le périmètre de l’ANRU. S’il s’agit de financer l’agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), c’est un autre sujet. Le financement des commerces en centre-ville est une bonne chose mais ce n’est pas du logement. Si l’ANRU, par convention, finance le volet logement dans le cadre de l’ANCT, ça reste acceptable. Mais il ne faut pas que cela dérive sur d’autres sujets non directement liés à notre activité. Donc, cette annonce de 100 M€ pour 2018 dans le cadre de la CGLLS et d’une gestion au plus près des besoin par Julien Denormandie, dès 2019, est une très bonne chose.
La loi de finances de 2018 a créé une commission de « péréquation ». Dans les faits, qu’en pensez-vous ?
Dans le cadre de la RLS Réduction de loyer de solidarité , nous avons alerté d’une possible arrivée de nombreux bailleurs en commission des aides. La loi de finances de 2018 a créé une nouvelle commission dite de péréquation. Au départ, nous pensions que les 2 commissions allaient être fusionnées en une seule. Mais en réalité, les pouvoirs publics en ont créé une 3e spécifique pour les organismes HLM en difficulté du seul fait de la RLS. Nous avons écrit au ministre, à l’époque, pour indiquer que la création d’une 3e commission n’était pas nécessaire et qu’il suffisait de la rattacher à la commission des aides ou au comité de réorganisation déjà existants. Le ministère a maintenu la création d’une commission. Le décret n’est pas encore publié. Lors de la création de cette commission dans le PLF 2018, le ministère a souhaité lui allouer 200 M€. Après discussions, le montant a légèrement baissé. Cela se traduit mécaniquement par un appel de cotisations auprès des bailleurs pour couvrir le montant.
Concernant le FNAP Fonds national des aides à la pierre , privé de présidence depuis 9 mois, allez-vous prochainement organiser un conseil d’administration ?
Le FNAP est une double déception pour le mouvement HLM »Si au début novembre 2018, nous n’avons pas une convocation, nous allons écrire pour demander officiellement une réunion physique, avec un ordre du jour établi. Il n’y a pas de président, donc pour l’instant c’est le DHUP Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages - direction ministérielle en charge notamment des réglementations liées à la construction et à la rénovation des bâtiments (RT, RE) qui convoque. La DHUP assurait déjà traditionnellement le secrétariat du FNAP Fonds national des aides à la pierre . Emmanuel Couet (ancien président du FNAP qui a démissionné en octobre 2017 et président de Rennes Métropole, NDLR) ne souhaite pas revenir. Pour trouver un nouveau président, il faut aussi qu’il y ait une volonté. Le FNAP Fonds national des aides à la pierre est une double déception pour le Mouvement HLM. D’abord parce qu’il y avait un vrai sujet de financement autour des aides à la pierre et que les engagements de l’État n’ont pas tenu 5 ans. L’engagement de départ était de doubler les aides à la pierre. Les 4 millions de logement du parc social constituent un stock. Les marges de manœuvre doivent contribuer à son développement et à sa qualité. Il y avait cette idée de cofinancement des aides à la pierre par l’État et le mouvement HLM. Une première accroche a été portée à cette volonté sous le quinquennat de François Hollande, le fonds est ainsi passé à 150 M€ de la part de l’État et 280 M€ de la part du mouvement HLM. L’an passé il est finalement passé à 50 M€ puis finalement à zéro.
Le FNAP Fonds national des aides à la pierre avait un autre intérêt qui consistait en une nouvelle approche de la programmation des aides, pas uniquement descendante de la part de la DHUP Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages - direction ministérielle en charge notamment des réglementations liées à la construction et à la rénovation des bâtiments (RT, RE) . Nous souhaitions que la programmation soit issue d’un dialogue local dans les CRHH Comité régional de l’habitat et de l’hébergement - Instance de concertation au niveau régional de l’ensemble des acteurs intervenant dans le domaine de l’habitat et de l’hébergement , avec une remontée des propositions à la DHUP et un examen de ces propositions, voire un réajustement si nécessaire. Puis in fine une programmation actée, issue de ce dialogue. Cela nécessite des réunions du FNAP et un investissement intellectuel de l’État pour que le FNAP ne soit pas simplement une caisse financière mais un vrai lieu de réflexion sur la programmation et l’adaptation de l’offre aux besoins. Il faut avoir un dialogue avec l’État et les collectivités locales. Nous n’estimons pas avoir la science infuse sur ces sujets.
Que demande l’USH au Gouvernement ?
Si le Gouvernement souhaite avancer sur ces sujets, nous trouverons un compromis. Cela nécessite un travail sur le SNE Système national d’enregistrement - Système informatisé regroupant l’ensemble des données relatives aux demandes de logement social , de faire communiquer les données dont on dispose pour adapter au mieux l’offre aux besoins de logement. Il y a eu un rapport du sénateur Philippe Dallier sur le sujet, qui pointe le désengagement de l’État et indique ce qu’aurait pu être le FNAP si on était allé au bout de la démarche, à savoir un lieu d’élaboration d’une programmation territorialisée, sur la base d’une analyse des besoins et des capacités des collectivités territoriales et des organismes. Mais tout cela nécessite encore que l’État s’implique pour trouver un président et pour animer le FNAP.
Où en êtes-vous sur la clause de revoyure prévue dans le cadre de la RLS Réduction de loyer de solidarité et évoquée par Julien Denormandie au congrès HLM de Marseille ?
La clause de revoyure est programmée au début 2019. C’est très important pour nous car la trajectoire budgétaire prévoit 1,5 Md€ de RLS à partir de 2020 »La clause de revoyure est programmée au début 2019. C’est très important pour nous parce que la trajectoire budgétaire prévoit 1,5 Md€ de RLS Réduction de loyer de solidarité à partir de 2020. Normalement, la trajectoire budgétaire prévoit de mettre toutes les économies sur la RLS et de repasser la TVA sur le logement social à 5,5 %. On passe donc à 1,5 Md€ de prélèvements sur l’autofinancement des organismes, ce qui n’est pas soutenable. Ce n’est pas la même chose d’avoir cette charge sur l’investissement plutôt que sur le fonctionnement. Si vous portez la charge sur l’investissement, via une hausse de la TVA, c’est loin d’être agréable, mais c’est lissé sur 40 ans et cela se compense plus par des mesures de prêt (taux par exemple). Quand ce 1,5 Md€ pèsent sur l’exploitation, sauf à donner des subventions d’équilibre aux organismes qui n’est pas le modèle français, cela ne marche plus.
Julien Denormandie a ouvert la porte au réexamen de manière à construire cette trajectoire budgétaire. Nous allons nous préparer à cette discussion et la mettre en perspective avec d’autres sujets »Julien Denormandie a ouvert la porte au réexamen de manière à construire cette trajectoire budgétaire. Nous allons nous préparer à cette discussion et la mettre en perspective avec d’autres sujets : la TVA, la RLS Réduction de loyer de solidarité mais aussi la réforme de la fiscalité locale. La question se pose de savoir si nous irons jusqu’à la révision des bases locatives pour le secteur du logement social. Une part importante du parc est très pénalisée par les bases locatives, ces bases ayant été établies dans les années 70. C’est précisément dans cette période que le secteur a beaucoup construit de logements, alors considérés comme de bonne qualité et cela donne lieu à une fiscalité désavantageuse pour le secteur.
Comment jugez-vous l’évolution globale des APL ?
Sur le financement, essayons d’obtenir, pour 5 ou 10 ans, un cadre stable »Évidemment, nous aurons un sujet sur l’évolution globale des APL Aide personnalisée au logement - aide financière destinée à réduire le montant du loyer qui vont subir cette année une indexation à 0,3 %, ce qui va paupériser nos locataires. Et puis nous aurons une discussion sur les modalités de financement. Dans le cadre de la loi ELAN les organismes vont devoir se doter d’ici à 2021 d’un plan stratégique de patrimoine consolidé à l’issue de la réorganisation, il serait intéressant qu’ils aient des informations précises sur le contexte financier de ce PSP Plan stratégique de patrimoine - Plan en 3 étapes de valorisation du patrimoine des organismes de logement social : Recueil de données de marché, analyse et synthèse/stratégie pluriannuelle . Pour l’instant, nous sommes sur des modalités transitoires avec les prêts de haut de bilan prévus pour 3 ans. La question se pose pour l’après, de savoir si ces dispositifs vont être prolongés ou non et selon quelles modalités. Essayons d’avoir pour 5 ans ou 10 ans, un cadre stable. D’autres sujets devront être abordés, parmi lesquels l’évolution du nombre de PLAI, fortement consommateurs d’aides. Nous avions demandé, dans le cadre de notre plateforme pour les élections présidentielles Cap’HLM, le doublement de la programmation des PLAI au regard de la demande exprimée auprès de nos bailleurs.
La refonte des APL Aide personnalisée au logement - aide financière destinée à réduire le montant du loyer au sein d’un revenu unique est-elle toujours d’actualité ?
Si les organismes HLM pratiquaient les loyers plafonds, cela coûterait donc 1 Md€ de plus en APL »Ce n’est pas un sujet qui semble sortir. Il ne fait en tout cas pas partie de la feuille de route du logement. Sur les APL Aide personnalisée au logement - aide financière destinée à réduire le montant du loyer plus largement, Pierre Madec, présent au congrès, livre une analyse intéressante. Il démontre que l’État économise 1 Md€ d’APL parce que les logements du parc HLM ne sont pas aux loyers plafonds réglementés. Autrement dit, si les organismes HLM pratiquaient les loyers plafonds, cela coûterait 1 Md€ de plus en APL. Par ailleurs, je note que la charge de la réduction des APL n’a porté que sur le logement social, sans que rien ne soit demandé au secteur privé. Au plan des revenus, nous sommes de plus en plus confrontés à des personnes en situation précaire : intermittents, intérimaires…
L’accélération du NPNRU Nouveau programme national de renouvellement urbain doit logiquement avoir votre soutien ?
Nous croyons en notre métier, nous ne pouvons pas être le témoin d’une dégradation du parc social »Nous croyons en notre métier et ne pouvons pas être le témoin d’une dégradation du parc social. L’USH approuve la rénovation urbaine et son accélération. La première vague de rénovation urbaine a produit ses effets et a été apprécié par les habitants des quartiers. Les enquêtes de satisfaction qui ont été menées sont très parlantes de ce point de vue. Malgré tout, le premier PNRU n’a pas pu traiter l’ensemble des sujets. Des quartiers ont basculé dans la difficulté notamment dans les villes moyennes. Nous avons beaucoup travaillé pour permettre l’accélération et la refonte du règlement général de l’agence et avons accepté, dans une conjoncture économique difficile, que les organismes contribuent via la CGLLS au financement du NPNRU. Nous faisons un pari d’avenir. Tout ce qui a été investi dans le parc, c’est après normalement des économies de gestion et d’entretien.
Quel regard portez-vous sur les statistiques du ministère de la Cohésion des territoires publiées, le 29/10/2018, enregistrant un « recul » du nombre de permis de construire de 10,2 % au 3e trimestre 2018 vs. 2017 ?
Avant tout, c’est un sentiment d’énervement. Nous l’avons dit et redit. Le secteur de la promotion privée, en l’occurrence, Alain Dinin, Pdg de Nexity, a lancé les premiers signaux d’alerte, avec la FFB Fédération française du bâtiment et la Capeb Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment , dans la foulée. Pas un professionnel du secteur n’affirme que cette loi de finances va permettre de relancer la construction. N’oublions pas que 2,57 millions de personnes attendent, au 31/10/2018, des logements dont environ 500 000 demandes de mutations. Par ailleurs, c’est l’emploi du bâtiment qui est en jeu. Il s’agit d’emplois non délocalisables.
Si la trajectoire RLS se poursuit, craignez-vous un tassement durable de la production de logements sociaux ?
La population française augmente, le besoin de qualité dans le logement augmente, il y a de réels besoins en matière de logement »C’est pour ça que la clause de revoyure sur la trajectoire de la RLS Réduction de loyer de solidarité est indispensable. Il faut qu’il y ait un sursaut, une prise de conscience sur ce qui nous arrive. Ce n’est pas juste pour le bien d’un secteur : la population française augmente, le besoin de qualité dans le logement augmente, il y a de réels besoins en matière de logement. En euros constants sur une base 100 de revenus, l’étude menée par Dominique Hoorens pour l'USH Union sociale pour l’habitat - organisation représentative du secteur HLM : 720 organismes à travers 5 fédérations montre une évolution claire : les propriétaires accédants bénéficient de l’inflation de la valeur patrimoniale, les locataires du parc privé et les locataires du parc social voient le fossé se creuser de plus en plus. En particulier les locataires HLM voient leurs revenus évoluer à la baisse en euros constants. Il y a donc urgence à faire une clause de revoyure. Il y a urgence pour le secteur HLM mais c’est une priorité qui dépasse le mouvement HLM et porte sur l’ensemble du secteur du logement parce qu’il y a une forte demande.
Marianne Louis
Directrice générale @ Union sociale pour l’habitat (USH)
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Fiche n° 28859, créée le 15/02/2018 à 19:09 - MàJ le 14/10/2024 à 14:22
Union sociale pour l’habitat (USH)
• Association de loi 1901 représentant 593 organismes Hlm autour de 5 fédérations (FESH, FOPH, FNAR, Coop’Hlm et Procivis)
• Création : 1929 sous le nom d’Union nationale des Fédérations d’organismes Hlm
• Missions : représenter et contribuer à la politique du logement ; agir avec les acteurs du logement (élus locaux, associations, habitants) ; accompagner, conseiller, former : appui professionnel aux organismes HLM ; connaître et comprendre (analyses économiques et financières, enquêtes, pilotage d’observatoires)
• Filiales et structures associées : Habitat et territoires conseil groupe, l’Association pour la formation professionnelle des organismes de logement social, l’école du renouvellement urbain, H’Prom et la société de garantie de l’accession des organismes d’Hlm
• Présidente : Emmanuelle Cosse (depuis 2020, réélue le 16/10/2024)
• Directrice générale : Marianne Louis
• Directeur des études économiques : Christophe Bellégo
• Directeur de la communication : Joachim Soëtard
• Contact : Anne Dechaumont, direction de la communication - 01 40 75 79 39
Catégorie : Fédération professionnelle
Adresse du siège
14, rue Lord Byron75384 Paris Cedex 08 France
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Fiche n° 6294, créée le 22/01/2018 à 04:09 - MàJ le 20/11/2024 à 16:36
© News Tank Cities - 2024 - Code de la propriété intellectuelle : « La contrefaçon (...) est punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. Est (...) un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur. »