Demandez votre abonnement gratuit d'un mois !

Habitat : « Comment ne pas adhérer à un modèle qui valorise la proximité » (Bernard Coloos)

News Tank Cities - Paris - Tribune n°197823 - Publié le 30/10/2020 à 16:00
- +
©  JLBPHOTO
Bernard Coloos - ©  JLBPHOTO

Impossible par ces temps bouleversés par la Covid-19 et surtout de discours sur la nécessité de « verdissement » tous azimuts, au motif particulièrement justifié de l’exigence de réduire l’empreinte carbone de chacun, de ne pas considérer le mot « Habitat » dans son sens premier d’environnement de proximité. Il est ainsi à rebours des modèles impliquant une mobilité, la plus rapide possible, qui dans ses avatars les plus extrêmes a pu conduire à prôner la mono-fonctionnalité des espaces, conjuguée avec un usage intensif de la voiture individuelle et dans la pratique s’est accompagnée d’un développement des infrastructures de transport, en particulier collectif dans les grandes villes, écrit Bernard Coloos Délégué général adjoint @ Fédération Française du Bâtiment (FFB)
, consultant et ancien directeur aux Affaires économiques, financières et internationales de la FFB Fédération française du bâtiment , dans une tribune adressée à News Tank le 28/10/2020.

Cette exaltation de la proximité et de la mobilité réduite trouve sa forme la plus aboutie dans le concept de « ville du quart d’heure » de Carlos Moreno. Cet habitat idéal, et les politiques d’aménagement qui en découlent, serait celui qui offre toutes les fonctions sociales et services utiles à 5 minutes en vélo et 15 minutes à pied, y compris l’emploi. L’expression du « village réinventé » résume assez bien l’objectif à atteindre.

Dans une telle vision qui se veut prospective et définit un idéal vers lequel il faut s’efforcer de tendre, les 2 dimensions ambition et éco-responsabilité seraient à l’évidence au rendez-vous pour les personnes qui bénéficieraient d’un tel environnement. Comment ne pas adhérer à un modèle qui valorise la proximité pour moins de stress et plus de temps libre parce que mieux maîtrisé, pour un mode vie qui permet à chacun de mieux contribuer à la sauvegarde de la planète.

Voici la tribune de Bernard Coloos, coauteur du livre « Le logement et l’État-providence », avec Jean Bosvieux (paru en mars 2020).


Une politique de l’habitat juste, ambitieuse et écoresponsable

Impossible par ces temps bouleversés par la Covid 19 et surtout de discours sur la nécessité de « verdissement » tous azimuts, au motif particulièrement justifié de l’exigence de réduire l’empreinte carbone de chacun, de ne pas considérer le mot Habitat dans son sens premier d’environnement de proximité. Il est ainsi à rebours des modèles impliquant une mobilité, la plus rapide possible, qui dans ses avatars les plus extrêmes a pu conduire à prôner la mono-fonctionnalité des espaces, conjuguée avec un usage intensif de la voiture individuelle et dans la pratique s’est accompagnée d’un développement des infrastructures de transport, en particulier collectif dans les grandes villes.

Cette exaltation de la proximité et de la mobilité réduite trouve sa forme la plus aboutie dans le concept de « ville du quart d’heure » de Carlos Moreno. Cet habitat idéal, et les politiques d’aménagement qui en découlent, serait donc celui qui offre toutes les fonctions sociales et services utiles à 5 minutes en vélo et 15 minutes à pied, y compris l’emploi évidemment. L’expression du « village réinventé » résume assez bien l’objectif à atteindre.

Adhérer à un modèle qui valorise la proximité

Dans une telle vision qui se veut prospective et définit un idéal vers lequel il faut s’efforcer de tendre, les 2 dimensions ambition et éco-responsabilité seraient à l’évidence au rendez-vous pour les personnes qui bénéficieraient d’un tel environnement. Comment ne pas adhérer à un modèle qui valorise la proximité pour moins de stress et plus de temps libre parce que mieux maîtrisé, pour un mode vie qui permet à chacun de mieux contribuer à la sauvegarde de la planète.

Un tel modèle est-il pour autant juste et permettons nous d’ajouter réaliste ? Il faut d’abord préciser que ce modèle ne trouve son opérationnalité potentielle qu’en milieu urbain dense, métropolitain pour tout dire. Les « autres », ruraux et habitants des petites et moyennes villes, se voient proposer une demi-heure à la place du quart d’heure.

Cette précision est d’autant plus d’importance que la réalité d’aujourd’hui est tout autre pour le plus grand nombre. En se cantonnant à la seule observation des distances et temps médian des trajets domicile-travail (chiffres de 2014 de l’Insee), on note que le quart d’heure ou presque de mobilité journalière pour aller travailler correspond précisément à la médiane des temps de transport hors Ile-de-France, où la médiane se trouve a contrario proche de la demi-heure. Il est vrai que les déplacements se font en voiture pour le plus grand nombre, ce qui permet de résoudre d’une toute autre manière l’équation entre une distance nettement plus conséquente (la médiane est comprise entre 7 et 10 km) et le fameux quart d’heure cible.

Corriger 2 écueils 

Certes, c’est le propre des périodes de rupture que de permettre de déplacer les lignes. Il reste que pour être juste, une politique ambitieuse et écoresponsable, qui ne peut se permettre de passer sous silence l’émancipation et le développement harmonieux de tous, se doit de corriger 2 écueils :

  • Le développement de l’exclusion par la gentrification accélérée de pans entiers des métropoles. Car la métropolisation croissante des richesses et des emplois s’accompagne aussi d’une concentration de la pauvreté, et il est plus que douteux que ces derniers trouvent du travail à quinze minutes à pied de leur domicile, ainsi que l’ensemble des services de qualité qu’ils sont en droit d’attendre, y compris au plan scolaire. Leur exclusion est d’autant plus gravement accélérée et ressentie du fait des défaillances des transports en commun. La publication récente du classement du Top 50 des villes mondiales place Paris à la 9e place, ce qui n’est pas si mal. Mais la ville pêche toutefois dans les domaines de l’impact social et de l’efficacité des systèmes. Autrement dit, elle ne « maximise  » pas les avantages engendrés par la mobilité, par exemple sur l’emploi, ses transports sont relativement chers et son réseau manque cruellement de coordination et de surveillance en temps réel, « grâce à des éléments tels que les systèmes de gestion du trafic  ». En outre, malgré le recours important des habitants aux transports, ses investissements massifs, ses innovations et sa formation de bonne qualité, Paris souffre également de « niveaux élevés de pollution sonore et lumineuse ». [1]
  • Le traitement d’une fracture territoriale croissante, avec une crise des centres villes qui frappent les communes en déclin démographique et économique, mais aussi plus largement les centres de beaucoup de villes hors métropoles. Une politique de l’habitat ambitieuse ne peut se comprendre sans une politique tout aussi ambitieuse de l’aménagement du territoire, au risque de voir se développer une France à 2 vitesses :
    • l’une valorisée qui se déplace à pied ou en vélo ;
    • l’autre en voiture et montrer d’autant plus du doigt que faute de trouver un logement adapté dans le tissu existant et sous le poids des contraintes économiques, elle opte logiquement pour la maison individuelle neuve en périphérie.

Il est alors par trop fréquent de confondre problème et solution. Au final, une politique de l’habitat juste exige a minima de créer les conditions de la mobilité des personnes, de toutes les personnes, et d’enrayer le processus de replis et de relégation, et cela à toutes les échelles géographiques. Il ne serait pas de bonne politique en particulier de masquer le caractère tragique de l’accès aux servies et aux fonctions multiples de nombre d’habitants, y compris ceux des cœurs de ville de l’armature urbaine du XIXe siècle.

[1] Le Figaro

La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. L’édition 2020 a eu lieu le 28/08/2020 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques). Il est également président de la Coopérative de l’immobilier, à Toulouse. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.

Bernard Coloos


Consulter la fiche dans l‘annuaire

Parcours

Fédération Française du Bâtiment (FFB)
Délégué général adjoint
Fédération Française du Bâtiment (FFB)
Directeur des affaires économiques

Fiche n° 36569, créée le 01/10/2019 à 16:29 - MàJ le 01/10/2019 à 16:30

©  JLBPHOTO
Bernard Coloos - ©  JLBPHOTO