Exclusif« Des conséquences immobilières et urbaines importantes, encore sous-estimées » (H. Peskine, PUCA)
« Le Plan Urbanisme Construction Architecture
• Activité : Organisme interministériel de recherche et d’expérimentation dans les domaines de l’urbanisme, de la construction et de l’architecture, rattaché au ministère de la Transition écologique…
a conçu ce programme sur la ville productive à partir d’un constat : les évolutions du travail sont nombreuses et ont des incidences sur les pratiques urbaines, qui transformeront la manière dont on pense et aménage la ville. Paradoxalement, alors que l’habitat fait l’objet d’une quantité importante de réflexions et d’expérimentations, le travail semble un impensé quand bien même les évolutions des usages y sont probablement plus fortes : types d’emplois occupés, féminisation des salariés, évolution des durées et des rythmes du travail, impacts du numérique sur les métiers et les organisations, éclatement des statuts et des situations d’activité, nouvelle géographie industrielle, brouillage entre lieu de vie et lieu de travail… », indique Hélène Peskine
Directrice générale adjointe et directrice des programmes, de la recherche et de l’innovation @ Cerema • Membre du conseil d’administration @ Ademe • Secrétaire permanente @ Plan urbanisme…
, directrice du PUCA
Plan urbanisme construction architecture
(organisme interministériel de recherche et d’expérimentation), le 09/04/2021
« Ces évolutions sociales et sociétales ont des conséquences immobilières et urbaines importantes, probablement encore sous-estimées et difficiles à anticiper dans le temps long de la fabrique urbaine. Les aménageurs français, réunis au sein du Club Ville Aménagement, ont interpelé le PUCA à ce sujet, constatant que la place du travail dans les projets d’aménagement urbain était trop peu conceptualisée, en termes de programmes, comme d’espaces d’accueil », déclare Hélène Peskine.
Les « Mercredis de la ville productive », organisés par le PUCA avec l’Institut CDC pour la Recherche et la Fabrique de l’Industrie, consacrent leur 1e webinaire, le 14/04/2021, sur les effets de la crise sanitaire sur les lieux du travail. « La crise pose la question de l’avenir des lieux du travail tertiaire, dans un contexte de télétravail massif et probablement durable, quoique sous des modalités difficiles à déterminer », dit-elle.
Hélène Peskine répond aux questions de News Tank.
« Les entreprises s’interrogent quant à leurs stratégies en matière d’immobilier tertiaire »
Vous organisez un cycle de conférence en ligne dédiées à la ville productive, d’où vient ce besoin de travailler sur ce thème ? Quel sera le format de ces webinaires (partenaires, contenus académiques…) ?
Le Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA), organisme interministériel de recherche et d’expérimentation, a conçu ce programme sur la ville productive à partir d’un constat : les évolutions du travail sont nombreuses et ont des incidences sur les pratiques urbaines, qui vont transformer la manière dont on pense et aménage la ville. Paradoxalement, alors que l’habitat fait l’objet d’une quantité importante de réflexions et d’expérimentations, le travail semble un impensé quand bien même les évolutions des usages y sont probablement plus fortes : types d’emplois occupés, féminisation des salariés, évolution des durées et des rythmes du travail, impacts du numérique sur les métiers et les organisations, éclatement des statuts et des situations d’activité, nouvelle géographie industrielle, brouillage entre lieu de vie et lieu de travail…
La place du travail dans les projets d’aménagement urbain était trop peu conceptualisée »Ces évolutions sociales et sociétales ont des conséquences immobilières et urbaines importantes, probablement encore sous-estimées et difficiles à anticiper dans le temps long de la fabrique urbaine. Les aménageurs français, réunis au sein du Club Ville Aménagement, ont interpelé le PUCA à ce sujet, constatant que la place du travail dans les projets d’aménagement urbain était trop peu conceptualisée, en termes de programmes, comme d’espaces d’accueil. D’autres questions se posent sur les rapports du travail à la ville : à quelles conditions maintenir des qualifications de tous niveaux en ville, dans un objectif de cohésion sociale ? Comment favoriser le maintien, voire le retour, de l’industrie dans les tissus urbains constitués et selon quelles modalités d’insertion environnementale, urbaine et architecturale ? La transformation des ressources locales peut-elle donner jour à de nouveaux lieux de production « de proximité » ?
Comment hiérarchiser ces questions de fond et formaliser des tentatives de réponse ?
Pour répondre à ces questions, le PUCA a initié à l’automne 2019 une réflexion partenariale avec des représentants de l’industrie, de la logistique, de la promotion immobilière, de l’aménagement, des collectivités locales et de plusieurs laboratoires de recherche sur la ville et le travail, sous la forme d’une plateforme d’échanges. Un appel à projets de recherche sur la ville productive, fruit de la réflexion collective, a été lancé au printemps 2020. Nous nous sommes adressés à des équipes de chercheurs invitées à proposer des lieux, des secteurs d’activités ou des entreprises au sein desquels développer l’observation et l’analyse, en lien avec les collectivités concernées, pour faire vivre sur le terrain le dialogue entre la recherche et l’action. 9 projets de recherche ont été retenus qui illustrent principalement 2 thèmes d’analyse : le retour et le maintien des activités productives dans les territoires ; et les lieux du travail.
9 projets de recherche ont été retenus illustrant 2 thèmes d’analyse »Pour faire vivre et partager ces réflexions au fil de l’eau, nous avons souhaité organiser, dès le début des travaux de recherche, un cycle de webinaires thématiques : les « Mercredis de la ville productive ». Organisés par le PUCA Plan urbanisme construction architecture , l’Institut CDC pour la Recherche et la Fabrique de l’Industrie, les webinaires se dérouleront chaque mois sur une durée d’une heure, en début de journée. Ils permettront de présenter l’avancement des recherches et de les confronter aux expériences et aux analyses des professionnels issus des mondes de l’aménagement et du développement économique. Au fil du programme, des temps d’échanges plus longs et nourris seront proposés, via l’organisation de séminaires et de journées d’études thématiques. Le 1e webinaire, le 14 avril 2021, porte sur les effets de la crise sanitaire sur les lieux du travail.
Quelles sont les grandes tendances post-Covid qui se dégagent ? Sur quelles thématiques vous apprêtez-vous à travailler ?
Sur ces sujets de la ville productive, nous avons identifié 2 grandes thématiques que la crise sanitaire a fortement mises à l’agenda. D’une part, cette crise a ouvert le débat sur la capacité productive des territoires en montrant la dépendance des économies occidentales à des biens de 1e nécessité produits principalement en Asie. Les pénuries de médicaments, de masques, de respirateurs ont rendu visibles les fragilités de certains pays. Ainsi, la crise a amené de plus en plus d’auteurs à questionner les modèles économiques de la production. La perspective de la réindustrialisation, envisagée comme une stratégie économique post-Covid, fait l’objet de beaucoup de débats et nécessite un examen approfondi, filière par filière, et territoire par territoire. Elle pourrait concerner autant le retour de manufactures dans des métropoles que contribuer à dynamiser des villes moyennes ou des territoires ruraux.
D’autre part, cette crise pose la question de l’avenir des lieux du travail tertiaire, dans un contexte de télétravail massif et probablement durable, quoique sous des modalités qui restent difficiles à déterminer. Les entreprises s’interrogent quant à leurs stratégies en matière d’immobilier tertiaire : ira-t-on vers un affaiblissement de l’immobilier d’entreprise au profit d’un « couple télétravail/espaces de coworking » ? Quid des quartiers d’affaire ? Faut-il décloisonner les bureaux ? Faciliter l’accès des salariés à des espaces de coworking ? Comment transformer les espaces du travail pour offrir plus de flexibilité et pour donner envie aux travailleurs d’y revenir ? Ces questions seront débattues lors du 1e webinaire ville productive.
Comment comptez-vous aborder cette diversité du tertiaire que recouvre la dimension urbaine de la « production » : télétravail, « fab lab », espaces partagés, petites industries… ?
Les sujets abordés, et les territoires étudiés, sont en effet très variés. Toutes les recherches ont néanmoins en commun de s’interroger sur les conditions d’un développement urbain plus attentif aux conditions de vie des travailleurs. Que l’on réfléchisse aux raisons pour lesquels l’industrie du luxe subsiste au cœur de la métropole francilienne ou encore aux phénomènes de dissociation croissante entre lieux de travail et habitat des classes populaires, il s’agit pour nous de produire des connaissances nouvelles et utiles aux professionnels de l’urbanisme pour mieux prendre en compte les évolutions du travail et les besoins des entreprises.
Lors du jury de sélection des recherches, nous avons, avec Pierre Veltz
Président @ Pierre Veltz Conseil
• Pierre Veltz est chercheur, urbaniste, économiste, « grand défenseur des villes, des métropoles et du Grand Paris ». Il a été chargé de diriger depuis 2008 le…
, été attentifs à sélectionner des cas d’études diversifiés qui illustrent la variété des problématiques rencontrées sur les territoires :
- les cœurs métropolitains et leur risque de muséification (donnant lieu à des recherches sur l’insertion urbaine et architecturale des activités productives ou les stratégies de maintien d’activités de fabrication) ;
- les villes moyennes en déclin économique (avec des travaux sur le foncier économique et les modalités de détermination d’une « charge foncière admissible », ou une recherche sur les conséquences immobilières de l’essor du e-commerce) ;
- les zones d’activités économiques et les conditions de leur requalification durable.
Pour chaque recherche, nous serons attentifs aux conditions de la montée en généralité, ainsi qu’à la mise en débat des résultats chemin faisant. Ce qui constitue, à nos yeux, les 2 conditions d’une bonne appropriation des travaux par le plus grand nombre d’acteurs des territoires et des milieux professionnels.
Comment analysez-vous ce paradoxe qui est qu’alors même que les usines quittent nos villes, la production n’a a jamais autant été concentrée dans les métropoles, comme l’écrit Laurent Davezies dans son dernier ouvrage « L’État a toujours soutenu ses territoires » ?
L’industrie a beaucoup évolué ces dernières décennies et on assiste à une hybridation croissante du secteur industriel avec celui des services. Si l’on reprend l’exemple d’Amazon, doit-on considérer que l’entreprise vend des biens ou des services ? Autre exemple, convoqué cette fois-ci par Pierre Veltz
Président @ Pierre Veltz Conseil
• Pierre Veltz est chercheur, urbaniste, économiste, « grand défenseur des villes, des métropoles et du Grand Paris ». Il a été chargé de diriger depuis 2008 le…
dans son ouvrage sur la « société hyper-industrielle », celui de l’aviation : les grandes entreprises du secteur déclarent aujourd’hui vendre des heures de vols de réacteurs. Michelin vend des pneus au kilomètre parcouru, Air Liquide vend la fourniture de gaz nécessaire au fonctionnement d’un procédé. L’utilisateur achète une fonctionnalité. Il en est de même pour des services de mobilité les vélos ou les voitures en libre service dont de plus en plus de villes se dotent. Ce brouillage, ces formes d’hybridation, expliquent les paradoxes, tels que celui que vous pointez en citant le dernier ouvrage de Laurent Davezies.
Si l’on s’inquiète de la désindustrialisation de notre pays, où l’emploi manufacturier ne représente plus qu’environ 10 % de la main d’œuvre, ce constat du déclin de l’industrie s’explique pour au moins 2 raisons : l’augmentation de la part des services dans la production industrielle (les entreprises externalisent certaines tâches qu’elles assuraient jadis elles-mêmes) d’un côté, les très importants gains de productivité de l’industrie de l’autre. On produit donc davantage, tout en constatant un déclin des emplois industriels. On observe néanmoins un regain de l’activité industrielle depuis plusieurs années, dont les modalités d’ancrage territorial restent à étudier plus finement.
Quel est selon vous, y compris en Europe, l’esprit qui doit guider les politiques publiques locales et nationales dans ce domaine, les rythmes de l’aménagement de la ville et ceux de la production n’étant pas les mêmes ?
Sur ce sujet, nous avons organisé une journée d’étude à Bruxelles, avec notre partenaire belge Citydev, afin de mieux comprendre les stratégies publiques d’attraction des entreprises sur le territoire métropolitain. On y a découvert des parcs d’activités pour PME innovants, une stratégie publique d’offre de fablabs, des expériences de mixité fonctionnelle verticale, et des institutions, à l’image de Citydev qui est une structure publique hybride entre un aménageur et une agence de développement économique, inédite dans le contexte français et source d’inspiration.
Créer les conditions du retour de la production dans les territoires »Mais les collectivités françaises disposent déjà de dispositifs nombreux pour créer les conditions du retour de la production dans les territoires. Elles peuvent retrouver des marges par densification, en particulier dans les ZAE Zone d’activité économique - Site réservé à l’implantation d’entreprises dans un périmètre donné, créé et géré par une collectivité , jouer sur la variable foncière (à l’image de ce qu’expérimente l’EPF Établissement public foncier - leur mission est d’acquérir des terrains (portage de terrains) en vue d’y construire des logements ou de nouveaux quartiers ou encore des équipements publics 74), utiliser les documents réglementaires pour supprimer la concurrence des programmes alternatifs plus rentables (micro zonages, gabarits préférentiels, surfaces de plancher réservées, linéaires de protection…), inciter les acteurs privés à investir dans l’immobilier productif (comme l’AMI Appel à manifestation d’intérêt Ville Productive lancé par Bordeaux Euratlantique ou ce que réalise l’agglomération de Grand Orly Seine Bièvre), voire utiliser l’urbanisme transitoire comme levier de transformation urbaine (on pense aux « box services » à destination d’artisans à Angers).
Nous sommes convaincus qu’il existe des marges de progrès en la matière. C’est pour cette raison que le Lab’URBA, laboratoire de l’École d’Urbanisme de Paris, réalise pour le programme « Ville productive » un benchmark des dispositifs d’action publique déployés dans d’autres pays européens afin d’attirer, ou de maintenir, des activités productives. Comment fonctionnent-ils ? Ciblent-ils plus précisément qu’en France les types d’activités productives bénéficiaires ? En quoi peuvent-ils contribuer à l’élaboration de nouveaux dispositifs qui pourraient être mis en œuvre en France ? Cela fera l’objet d’un webinaire spécifique.
Hélène Peskine
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Fiche n° 34434, créée le 01/03/2019 à 07:55 - MàJ le 02/10/2024 à 13:00
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