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À quand une politique du logement en Outre-mer à la hauteur des besoins ? (Didier Vanoni, FORS)

News Tank Cities - Paris - Tribune n°246339 - Publié le 25/03/2022 à 09:00
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Didier Vanoni, directeur de FORS Recherche sociale - ©    D.R.

L’ampleur et les difficultés de logement dans les Départements ou Régions français d’Outre-Mer et les Collectivités d’Outre-Mer trouvent leur origine dans l’histoire institutionnelle et sociale de ces territoires. Les dysfonctionnements de l’action publique qui y est menée ces dernières décennies sont une autre cause des résultats médiocres en la matière. Les difficultés que rencontrent les habitants de ces territoires pour se loger dignement ne sont pas sans rapport avec les autres problèmes auxquels ils sont confrontés vis-à-vis de l’emploi, du pouvoir d’achat, de l’accès aux services, de la mobilité… À ce propos, deux termes caractérisent la manière dont sont appréhendés ces problèmes par les pouvoirs publics : le silence et l’ambivalence, écrit Didier Vanoni Directeur, économiste et sociologue @ FORS Recherche sociale
, directeur de FORS Recherche sociale • Association• Mission : organisme indépendant spécialisé dans l’évaluation des politiques publiques, développe une activité de conseil et de formation• Président : Alain Vulbeau• Directeur : Didier… , dans une tribune adressée à News Tank le 25/03/2022.

La politique du logement dans les Outre-mer et particulièrement l’action en faveur des mal-logés sur ces territoires pâtissent de cette gestion étatique des problèmes. En outre, elle ne recoupe pas véritablement la politique de l’habitat, avec une gestion, des financements et une mobilisation des acteurs différents. Il ne s’agit pas d’un enjeu mineur si l’on considère que les départements et régions d’Outre-mer représentent 18 % du territoire français et 3,3 % de sa population (2,2 millions d’habitants au 01/01/2020).

Directeur de FORS Recherche sociale depuis 1995, Didier Vanoni assure la réalisation et la coordination des recherches relatives aux questions urbaines ainsi qu’aux politiques de l’habitat. Il collabore à de nombreux projets urbains aux côtés d’architectes et urbanistes et s’est impliqué dans plusieurs prestations pour l’Agence nationale de rénovation urbaine. Il a conduit nombre de recherches et d’études prospectives ayant trait aux politiques du logement et collabore depuis 23 ans à la rédaction du rapport annuel du Mal-logement de la Fondation Abbé Pierre • Statut : fondation reconnue d’utilité publique• Mission : agir pour le logement des défavorisés • Création : 1988 • Présidente : Marie-Hélène Le Nedic • Délégué général : Christophe… .

Voici la tribune de Didier Vanoni.


Le silence et l’ambivalence

L’ampleur et les difficultés de logement dans les Départements ou Régions français d’Outre-Mer et les Collectivités d’Outre-Mer (DROM Département et région d’outre-mer et COM) trouvent leur origine dans l’histoire institutionnelle et sociale de ces territoires. Les dysfonctionnements de l’action publique qui y est menée ces dernières décennies sont une autre cause des résultats médiocres en la matière. Les difficultés que rencontrent les habitants de ces territoires pour se loger dignement ne sont pas sans rapport avec les autres problèmes auxquels ils sont confrontés vis-à-vis de l’emploi, du pouvoir d’achat, de l’accès aux services, de la mobilité…

À ce propos, deux termes peuvent caractériser la manière dont sont appréhendés ces problèmes par les pouvoirs publics : le silence et l’ambivalence.

Silence, car le moins que l’on puisse dire, c’est que les médias nationaux, comme les candidats aux élections nationales, parlent peu ou mal des territoires ultramarins.

Ambivalence, car lorsque la situation des Outre-mer est évoquée, c’est généralement en rappelant la spécificité des territoires, tout en faisant référence à des normes, des lois et à des outils conçus et administrés la plupart du temps, pour et par la métropole.

Lorsqu’on sort du silence et que s’engagent des réformes, c’est la plupart du temps en situation de crise aigüe, quand un point de rupture est atteint et que la colère s’exprime (mouvements sociaux, blocus, heurts avec les forces de l’ordre…). Des mesures alors sont prises par l’État, en faisant abstraction des propositions des acteurs locaux, avec des dispositions d’urgence, une multiplication des expérimentations et des crédits ad hoc destinés à pallier des dysfonctionnements qui restent structurels.

Importants phénomènes de mal-logement

La politique du logement dans les Outre-mer et particulièrement l’action en faveur des mal-logés sur ces territoires pâtissent de cette gestion étatique des problèmes. En outre, elle ne recoupe pas véritablement la politique de l’habitat, avec une gestion, des financements et une mobilisation des acteurs différents. Il ne s’agit pourtant pas d’un enjeu mineur si l’on considère que les Départements et régions d’Outre-mer représentent 18 % du territoire français et 3,3 % de sa population (2,2 millions d’habitants au 01/01/2020).

Taux de pauvreté monétaire plus élevé qu’en France hexagonale »

Au surplus, ces populations, malgré une certaine diversité d’un territoire à l’autre, apparaissent bien plus fragiles, en proportion, que la population hexagonale comme l’atteste le taux de pauvreté monétaire des DROM-COM qui est deux à cinq fois plus élevé qu’en France hexagonale.

La prégnance de la pauvreté entraîne conséquemment d’importants phénomènes de mal-logement comme en témoignent :

  • les 200 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ultra-marins (dont 22 quartiers pour le NPNRU), où habitent 500.000 personnes, soit près du quart de la population ultramarine et 10 % de la population de l’ensemble des 1.500 QPV Quartiers prioritaires de la politique de la ville de France ;
  • les 110 000 logements au moins relevant de l’habitat indigne qui ont été ainsi recensés, soit 13 % du parc des 900 000 logements présents sur les territoires ultramarins. Sachant, au surplus que cet habitat indigne recouvre plusieurs situations de mal-logement comme les bidonvilles qui sont en constant développement (15 000 personnes concernées seulement à Mayotte, soit autant que sur le reste du territoire français) ;
  • la précarité énergétique qui touche quelque 117 000 ménages qui doivent affronter des variations de température et d’humidité ainsi que des problèmes d’aération de leur logement.

Ces chiffres ne sont pas nouveaux (même s’ils ne cessent de se dégrader depuis 20 ans) et l’on ne compte plus les rapports parlementaires ou officiels et les travaux de chercheurs qui les mettent en exergue en les assortissant de propositions de réforme et de demandes de moyens supplémentaires.

Pourtant, ce n’est pas en vain que la sonnette d’alarme a été tirée puisque les deux dernières législatures ont permis de mettre en place deux plans logement Outre-Mer (PLOM) successifs dont on pouvait penser qu’ils créeraient une certaine dynamique dans la mesure où ils semblaient redonner sens à l’action de l’État en faveur du logement et pouvaient renforcer son efficacité (avec même une tentative de co-construction avec les acteurs locaux).

Nombre de constructions neuves en baisse depuis 2016

En dépit d’un effort de réorganisation, d’une simplification des règles d’instruction et malgré le financement de nouvelles actions, les résultats ne sont pas au rendez-vous. La lecture des derniers chiffres de ce qu’ont permis d’obtenir ces deux PLOM permettent de parler d’échec. Globalement, le nombre de constructions neuves a baissé depuis 2016 sur l’ensemble des territoires ultra-marins. Le niveau de la construction qui s’établissait à 6 561 logements en 2016 a été réduit à 5 230 unités en 2020, alors que, rappelons-le, l’objectif affiché s’établissait à 10 000 logements neufs à produire par an.

Parmi les constructions, le rythme de celui des logements sociaux ou très sociaux a marqué particulièrement le pas alors que ceux-ci représentent l’essentiel de la politique de l’État pour les DROM en matière de production de logement. La chute est réellement notable sur dix ans où de 7 436 logements sociaux (PLI et PLS compris) en 2010, l’on est passé à 5137 en 2020 (soit une baisse de plus de 30 %) ; les 5 dernières années ayant été marquées par un ralentissement de la production des LLS Logements locatifs sociaux et LLTS Logements locatifs très sociaux , après celle des logements intermédiaires et de l’accession à la propriété qui n’a cessé de baisser dans l’ensemble des DROM.

Il convient de souligner que la politique du Logement d’abord reste très peu active et ne semble pas prendre dans les DROM.

Coup de frein constaté en matière de réhabilitation du parc ancien »

Enfin, le bilan de cette débâcle serait incomplet si l’on n’évoquait pas le coup de frein constaté en matière de réhabilitation du parc ancien, avec un nombre de logements concernés qui a quasiment été divisé par 2 depuis 2011, tant dans le parc social que le parc privé (chacun dans des proportions semblables).

La crise sanitaire n’est sans doute pas sans effet sur la situation actuelle et il est encore trop tôt pour mesurer les effets des différents plans de relance mis en place en partenariat avec les collectivités locales. Mais il reste indéniable que la dégradation de la situation du logement dans les Outre-mer était déjà critique bien avant 2020 et qu’il y a déjà une bonne dizaine d’années que la situation est jugée préoccupante pour les acteurs locaux. Plus qu’une politique de rattrapage ou de relance, d’aucuns ont pu réclamer un plan Marshall pour aller au-delà des « mesurettes » et des « appels à projets » que proposent les instances nationales pour résoudre une crise du logement fortement ancrée et qui ne cesse de s’aggraver.

Se situant à l’articulation des transformations sociales et de la mise en œuvre de politiques publiques, FORS-Recherche sociale propose du conseil et de la formation. Ses champs d’intervention correspondent aux domaines que couvrent les politiques publiques tant en France qu’au niveau européen : politiques et dispositifs relatifs à l’habitat, hébergement et logement, aux politiques urbaines et de développement social, à la formation professionnelle et à l’emploi, à la lutte contre les discriminations, aux politiques sociales, familiale, et de la jeunesse.

Pour répondre à la multiplicité des problématiques, l'équipe a recours à des modes d’investigation diversifiés, qui peuvent se décliner en diverses prestations : diagnostic, recherche-action, observation, entretiens, enquêtes qualitatives, enquêtes quantitatives, évaluation…

L’essentiel des travaux relève de diagnostics et d’évaluations de dispositifs et de programmes d’action publique. L’activité de recherche porte sur l’analyse des groupes sociaux, de leurs pratiques et de leurs besoins. Sur la base de l’expérience acquise dans ses recherches, l'équipe de FORS-Recherche sociale joue un rôle de conseil auprès de responsables et de praticiens en charge de politiques publiques ou parties prenantes du secteur associatif.

Quatre pistes pourraient être avantageusement suivies

C’est une réforme en profondeur qu’il s’agirait de promouvoir pour ces territoires en apportant des réponses concrètes et correctement dimensionnées aux différents problèmes et impensés de la politique du logement en Outre-mer. Les changements nécessaires se situent à tous les niveaux, de la gouvernance à la transparence du financement en passant par une implication plus forte des acteurs locaux.

Quatre pistes pourraient être avantageusement suivies à cet égard. Trois sont d’ordre techniques, règlementaires et financières et une quatrième d’ordre institutionnel. A un horizon raisonnable de 5 à 10 ans, il s’agirait ainsi de :

  • Financer et mettre en œuvre une politique globale et ambitieuse visant à rénover et moderniser l’ensemble des réseaux d’eau et d’assainissement afin que les projets d’aménagement urbains et de développement-rénovation de l’habitat se structurent sur un territoire équipé en conséquence et de façon durable.
  • Engager une démarche de prévention des risques naturels pour les logements à la hauteur de l’exposition de ces territoires particulièrement vulnérables aux catastrophes naturelles (séismes, tsunamis, glissements de terrain, inondations, cyclones…) ;
  • Renforcer l’action de rénovation urbaine des centres-villes et des centres-bourgs qui permette à la fois d’enclencher une véritable politique de résorption de l’habitat insalubre et indigne, et de produire des fonciers permettant de développer une offre sociale et privée neuve adaptée aux besoins et ressources des populations (avec une attention particulière au logement des jeunes actifs et au maintien à domicile des personnes âgées).
  • Préparer les EPCI Établissement public de coopération intercommunale - structure administrative française regroupant plusieurs communes afin d’exercer certaines compétences en commun à « prendre la main » efficacement sur la programmation urbaine et la rénovation de l’habitat afin de disposer de leviers d’action pour être pro-actifs et développer, avec leurs partenaires locaux, des projets de territoire intégrant les questions relatives au logement aux côtés de celles qui regardent le développement économique.

Cet appel au « changement de braquet » comme au « changement de regard » concernant les Outre-mer, rappelle ce qui est invoqué pour les quartiers de la Politique de la ville depuis plus de 40 ans. Dans les deux cas, l’enjeu est de sortir du silence ou de l’ambivalence en instaurant les conditions permettant de produire des réponses aux aspirations et aux attentes des populations et de dépasser les cadres étroits de l’action publique réservés à ces territoires.

La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. L'édition 2021 a eu lieu le 27/08/2021 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) sur la thématique : « Présidentielle 2022 : plaçons l’habitat au cœur du projet politique ». Jean-Luc Berho est également président de la Coopérative de l’immobilier, à Toulouse. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.

Didier Vanoni


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Parcours

FORS Recherche sociale
Directeur, économiste et sociologue

Établissement & diplôme

Paris-Dauphine
Doctorat de socio-économie
Paris-I-Sorbonne
DEA d’économie publique

Fiche n° 41553, créée le 02/11/2020 à 16:44 - MàJ le 21/04/2022 à 14:46

FORS Recherche sociale

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• Directeur : Didier Vanoni
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Catégorie : Association, Fondation


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Fiche n° 13254, créée le 25/03/2022 à 07:51 - MàJ le 21/04/2022 à 14:40

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Didier Vanoni, directeur de FORS Recherche sociale - ©    D.R.