Changement climatique : ménageons notre territoire (Pierre Hurmic, maire de Bordeaux)
Le changement climatique et sa traduction concrète sur notre territoire avec les incendies, la sécheresse, la canicule de l’été dernier, montrent qu’il ne faut pas des réponses ponctuelles à ces pseudo accidents, mais des réformes structurelles courageuses et rapides. Nous avons besoin que l’État révise ses orientations en matière d’aménagement du territoire et de production de logements par des actions fortes à court terme, écrit Pierre Hurmic
Maire (LUG) @ Ville de Bordeaux • Avocat associé @ SCP Pierre Hurmic Smail Kaci
, maire de Bordeaux, dans une tribune adressée à News Tank le 12/01/2023.
Depuis deux ans, à Bordeaux, j’ai initié un virage écologique pour ménager le territoire et le rendre plus frugal. Ce sont désormais les 3R qui orientent nos actions en matière d’urbanisme et de logement : renaturation, régulation, résilience. Toutes ces ambitions sont portées par notre label bâtiment frugal bordelais, que nous avons lancé dès mai 2021.
Le label a été testé en amont sur 10 projets concrets et a fait l’objet d’échanges avec la Fédération des promoteurs immobiliers
• Organisation professionnelle représentant les promoteurs du secteur privé, avec 660 membres dans 18 Chambres régionales
• Création : 1971 (sous le nom de fédération nationale des…
, la Fédération française du bâtiment
• Organisation professionnelle. Regroupe 100 unions départementales (métropole et outre-mer), 18 fédérations régionales et 32 unions et syndicats de métiers
• Création : 1904
• Missions …
(FFB
• Organisation professionnelle. Regroupe 100 unions départementales (métropole et outre-mer), 18 fédérations régionales et 32 unions et syndicats de métiers
• Création : 1904
• Missions …
) et les architectes et paysagistes. Cela a débouché sur la signature d’un manifeste de la frugalité en novembre 2021 par la FPI
Fédération des promoteurs immobiliers - Instance professionnelle représentant les promoteurs immobiliers du secteur privé en France
. C’est un référentiel vivant, qui s’ajuste en fonction des retours d’expérience. Il demande de privilégier la réhabilitation plutôt que la construction neuve.
Voici la tribune de Pierre Hurmic.
Les 3R : renaturation, régulation, résilience
Le changement climatique et sa traduction concrète sur notre territoire avec les incendies, la sécheresse, la canicule de l’été dernier, montrent qu’il ne faut pas des réponses ponctuelles à ces pseudo accidents, mais des réformes structurelles courageuses et rapides. Nous avons besoin que l’État révise ses orientations en matière d’aménagement du territoire et de production de logements par des actions fortes à court terme.
Depuis deux ans, à Bordeaux, j’ai initié un virage écologique pour ménager le territoire et le rendre plus frugal. Ce sont désormais les 3R qui orientent nos actions en matière d’urbanisme et de logement : renaturation, régulation, résilience.
- Renaturation. Bordeaux est une magnifique ville de pierre classée à l’Unesco Organisation des National Unies pour la science, la culture et l’éducation , mais la nature aussi est notre patrimoine, et il faut la chérir tout autant. Pour renforcer sa place dans la ville, nous avons donc défini une trame verte qui nous sert de guide pour les aménagements d’espace public comme privé. Nous avons sanctuarisé nos grands espaces naturels dont certains étaient destinés à l’urbanisation. Nous avons décrété le zéro artificialisation des sols. Nous avons multiplié par quatre le budget des plantations et sommes passés de 600 à 13 000 arbres plantés par an. Enfin, nous avons intégré dans notre PLU Plan local d’urbanisme une augmentation significative des coefficients de pleine terre à la parcelle.
- Régulation. Bordeaux est devenu dans les années 2010 le « nouvel Eldorado » des promoteurs (le Figaro 21/10/16) : ils ont été très peu encadrés. Nous avons donc réorganisé le système de pré-instruction des permis de construire (PC Permis de construire ), en rencontrant les promoteurs dès la réservation du terrain sur la programmation et l’insertion urbaine et paysagère. Nous leur avons également demandé de rencontrer les riverains le plus tôt possible, pour une meilleure qualité du projet, un « vivre ensemble » mieux enclenché et des délais de réalisation raccourcis.
- Résilience. Nous avons souhaité que nos logements offrent à leurs résidents du confort, de l’intimité, de la nature, des « communs » et un bilan carbone le plus neutre possible. Mais aussi qu’ils soient accessibles aux ménages et s’adaptent à leurs trajectoires résidentielles plus complexes : nous avons ainsi développé fortement les BRS Bail réel solidaire - Créé par la loi ALUR : le ménage est propriétaire de sa maison mais locataire du terrain. Contient des clauses de prix de revente et des plafonds de ressources des acheteurs (baux réels solidaires). Toutes ces ambitions sont portées par notre label bâtiment frugal bordelais, que nous avons lancé dès mai 2021.
Testé en amont sur 10 projets concrets
Le label a été testé en amont sur 10 projets concrets et a fait l’objet d’échanges avec la Fédération des promoteurs immobiliers, la Fédération française du bâtiment (FFB) et les architectes et paysagistes. Cela a débouché sur la signature d’un manifeste de la frugalité en novembre 2021 par la FPI Fédération des promoteurs immobiliers - Instance professionnelle représentant les promoteurs immobiliers du secteur privé en France . C’est un référentiel vivant, qui s’ajuste en fonction des retours d’expérience.
Le label demande de privilégier la réhabilitation plutôt que la construction neuve. Conserver des bâtiments existants préserve la ressource mais permet aussi de « rendre hommage à ce qui a été construit, à l’histoire du lieu et des gens », comme le dit très justement Patrick Bouchain
Architecte, fondateur @ Atelier Construire, Paris
Les principales réalisations de Patrick Bouchain
• 1982 : les Ateliers. École nationale supérieure de création industrielle (Paris)
• 1984 …
.
Le label exige de préserver les espaces de nature existants, de limiter très fortement l’artificialisation des sols et un coefficient de pleine terre de 25 %. Un îlot de fraîcheur végétalisé est requis autour du bâtiment et, notamment, en frontage, pour apporter de la biodiversité. Le label requiert aussi d’assurer un confort d’été par ventilation naturelle, sans dispositif high tech consommateur d’énergie, avec des logements traversants. Les besoins de chauffage ne dépassent pas 15 kWh/m²/an en logements neufs, 20 en tertiaire.
1e labels définitifs décernés durant l’été 2023 »Le label vise à renforcer les filières locales : les matériaux doivent être en quantité limitée, produits à 200 km maximum de Bordeaux, et à faible impact (biosourcés, géo-sourcés ou réemployés). Pour favoriser la qualité de vie de leurs occupants, les logements doivent être évolutifs, comporter un extérieur d’au moins 10 m² et favoriser la mutualisation des espaces.
Ce label ambitionne de générer demain une évolution du tissu urbain et donc en cours d’intégration dans notre PLU. Il est attribué provisoirement à la délivrance du permis de construire et doit être confirmé à la livraison de l’ouvrage, en réunion publique, associant les habitants. Les 1ers labels définitifs seront décernés durant l’été 2023. La Ville de Bordeaux a été gratifiée, pour son manifeste du label bâtiment frugal, du Premier prix du logement lors du Forum zéro carbone de décembre 2022.
Ville frugale en osmose avec son arrière-pays
Nous appliquons, bien sûr, ces mêmes principes à notre patrimoine municipal, en mutualisant et en foisonnant progressivement les usages : ouverture les soirs et week-ends des cours d’école que nous sommes en train de végétaliser, utilisation des réfectoires pour des buffets de quartier ou des pièces de théâtre, mise à disposition des salles de réunions aux associations de quartier… tout en les rénovant sur le plan thermique et en en faisant des sites de productions d’énergie renouvelables.
Avec l’ensemble de ces actions, nous souhaitons transformer Bordeaux, qui se voulait jusqu’à peu « magnétique », en une ville frugale en osmose avec son arrière-pays et métamorphoser en acteurs écoresponsables des professionnels trop souvent enfermés dans un réseau de contraintes, d’habitudes et un modèle économique périmés.
Au fond, il s’agit pour moi d’être un maire « embellisseur » de ma ville, expression que j’emprunte à Philippe Bihouix (directeur général de l'AREP • Société filiale 100 % de Gares & Connexions (groupe SNCF) Missions : bureau d’études, ingénierie, contrôles et analyses techniques Création : 1997Patrimoine : 3 000 gares et 1000 hectares… ). Dans son ouvrage co-écrit avec Sophie Jeantet et Clémence de Selva intitulé « La ville stationnaire » (éditions Actes Sud), il souligne que la ville trop dense n’est pas écologique : elle mobilise des surfaces à l’extérieur de son territoire pour la consommation, les déchets, les eaux usées, la production d’énergie, l’extraction des matériaux… et génère des mobilités avec un besoin de s’évader pendant le temps libre pour « échapper à la ville ».
Nos ressources naturelles ponctionnées au-delà du raisonnable »De plus, il démontre qu’en bâtissant autant qu’aujourd’hui, même en appliquant strictement les principes de l’écoconstruction portés par exemple par notre label bâtiment frugal, nos ressources naturelles seront ponctionnées au-delà du raisonnable. Et il faut du temps et un engagement de l’État et des collectivités pour aider à structurer des filières locales du bois, de la construction en terre… En outre, je suis convaincu depuis longtemps, comme lui, que la compensation environnementale d’une part ne reconstituera jamais totalement la qualité des espaces détruits, mais aussi que les terrains vont très vite manquer de même que la prise en charge financière.
Ainsi, Philippe Bihouix nous alerte : il faut « construire moins et accueillir mieux ». Tous les scénarios prospectifs de l’État (stratégie nationale bas carbone), de l’Ademe Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie , d’ailleurs, se fondent sur une diminution des constructions neuves. Pourtant, très étonnamment, l’État ne le prend pas en compte dans ses politiques actuelles. Cela suppose de concentrer davantage nos actions sur la réhabilitation. Les grandes entreprises ne s’y trompent pas, qui sont en train de renforcer leurs équipes dans ce domaine.
Soigner la ville en optimisant son utilisation
L’essentiel de la ville du futur est déjà là et il faut donc la soigner en optimisant son utilisation. Comme le dit justement Christine Leconte
Directrice @ ENSA de Paris-Belleville • Membre @ Conseil national de l’ordre des architectes (CNOA) • Gérante @ Atelier K.N. Architecture • Architecte @ Conseil de l’État DRAC Normandie
• Christine…
, la présidente de l’Ordre des architectes (CNOA
Conseil national de l’ordre des architectes
), tout projet doit contribuer à réparer le quartier où il s’implante et à en faire un meilleur endroit de partage.
Cela nous oblige, nous tous les acteurs de la ville, à inventer le modèle économique qui l’accompagne, notamment pour la renaturation. Nous devons ensemble intensifier les usages de la ville existante : logements vacants, sous occupés, zones d’activités, parkings, équipements publics, toitures inutilisées… Enfin, nos villes doivent réserver des espaces à tous les nouveaux usages de l’ère post carbone (réemploi, réparation, logistique dernière kilomètre, circuits courts alimentaires, agriculture, énergies renouvelables…).
Cela suppose, ainsi, que l’État revisite profondément l’aménagement du territoire, de manière massive et volontariste, pour que les métropoles essaiment dans les contrées voisines, coopèrent avec elles, avec un objectif commun de non artificialisation, d’optimisation de l’utilisation du parc de logements existants, et de bien être pour nos habitants.
Rubrique dirigée par Jean-Luc Berho
La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. La dernière édition a eu lieu le 26/08/2022 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) sur le thème de l’urgence à agir. Jean-Luc Berho est également président de la Coopérative de l’immobilier, à Toulouse. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.
Pierre Hurmic
Maire (LUG) @ Ville de Bordeaux
Avocat associé @ SCP Pierre Hurmic Smail Kaci
Consulter la fiche dans l‘annuaire
Parcours
Maire (LUG)
Avocat associé
Conseiller municipal
Conseiller métropolitain
Conseiller régional
Établissement & diplôme
Diplômé
Fiche n° 39831, créée le 29/06/2020 à 14:11 - MàJ le 29/06/2020 à 14:39
Ville de Bordeaux
Préfecture située dans le département de la Gironde en région Nouvelle-Aquitaine
• Population : 260 958 habitants
• Superficie : 49,36 km²
• Intercommunalité : Bordeaux Métropole
• Budget primitif 2023 : 599 M€, dont 181 M€ d’investissements
• Maire : Pierre Hurmic, depuis juin 2020
• Adjoint chargé de l’urbanisme résilient, du service public de l’habitat et de l’économie sociale et solidaire : Stéphane Pfeiffer
• Tél. : 05 56 10 20 30
Catégorie : Collectivités
Adresse du siège
Place Pey Berland33000 Bordeaux France
Consulter la fiche dans l‘annuaire
Fiche n° 8354, créée le 11/03/2019 à 11:12 - MàJ le 13/04/2023 à 16:17