ExclusifRésidentiel : « Il va falloir innover dans la distribution des crédits » (O. Colonna d’Istria, IFPimm)
« Il va falloir innover dans la distribution des crédits pour éviter de restreindre le champ des possibles et, in fine, assigner une part croissante des ménages au locatif. Les futurs schémas de financement vont devoir répondre à deux évolutions. Premier point : les profils des emprunteurs changent. Il n’y a pas que des salariés. Les auto-entrepreneurs, travailleurs indépendants représentent des catégories de plus en plus importantes. Il faut tenir compte du cas des ménages solvables non finançables. Second point : les revenus des ménages au fil du temps évoluent et la valeur de l’actif acheté devrait être prise en compte dans l’établissement des plans de financement », déclare à News Tank Cities Olivier Colonna d’Istria
Président @ IFPImm • Président du directoire @ Socfim
, président de l’IFPimm (Institut du financement des professionnels de l’immobilier
• Association loi de 1901 qui regroupe l’ensemble des professions de l’immobilier commercial et de son financement. Revendique une cinquantaine d’adhérents (banques, investisseurs, foncières…
), le 25/02/2023 à Paris.
Le dernier IFPimm Live, le 23/11/2022 à Paris, s’est focalisé sur le thème « Comment repenser le financement du parcours résidentiel ? » et le besoin de nouveaux schémas de financement pour re-solvabiliser les ménages. Selon le président de l’Ifpimm, des « solutions existent comme le crédit rechargeable, le co-achat, l’achat progressif (LOA
Location avec option d’achat
immobilière) et la dissociation… Mais l’organisation de la distribution n’a pas encore embrayé sur ces dispositifs. Le crédit, c’est aussi de l’industrie. Nous avons besoin de savoir-faire qui ont été perdus avec les disparitions du Crédit immobilier de France en 2013 et du Crédit Foncier en 2019 ».
Olivier Colonna d’Istria répond aux questions de News Tank.
« Rendre flexibles et réversibles les projets immobiliers »
En conclusion du dernier IFPimm Live en novembre 2022, vous avez incité le système bancaire à imaginer de nouveaux schémas de financement pour re-solvabiliser les ménages français. Quelle suite voulez-vous donner à cet appel à la mobilisation ?
Il va falloir innover dans la distribution des crédits pour éviter de restreindre le champ des possibles et, en quelque sorte, assigner une part croissante des ménages au locatif. Les futurs schémas de financement vont devoir répondre à deux évolutions. Premier point : les profils des emprunteurs changent. Il n’y a pas que des salariés. Les auto-entrepreneurs, travailleurs indépendants représentent des catégories de plus en plus importantes. Il faut tenir compte du cas des ménages solvables non finançables. Second point : les revenus des ménages au fil du temps évoluent et la valeur de l’actif acheté devrait être pris en compte dans l’établissement des plans de financement, ce que font les Anglo-saxons par exemple. Pour une voiture, on lui trouve une valeur résiduelle. Pourquoi pas ne pas appliquer le même raisonnement pour le logement qui, lui, prend de la valeur. Rien n’est jamais linéaire et cette prise en compte, à la fois d’un profil de revenus futurs des emprunteurs et d’une valeur résiduelle du bien financé, aurait un fort pouvoir resolvabilsateur.
Les offres ne correspondent plus aux profils des ménages en demande »Il ne s’agit pas, bien sûr, de remette en cause le modèle du crédit immobilier « à la française » qui a montré son efficacité et sa protection des emprunteurs. Le risque existe, les banquiers sont bien placés pour le savoir. Mais l’excès de protection devient un obstacle au parcours immobilier souhaité par les ménages. Malgré les recommandations du HCSF Haut conseil de stabilité financière et la hausse des taux d’intérêt, en tenant compte du taux d’usure actualisé tous les mois, les banques sont conscientes que les offres actuelles ne correspondent plus aux profils et historiques des ménages en demande, qu’ils soient primo-accédants mais aussi déjà propriétaires. Le patrimoine est chez les seniors, il faut en tenir compte dans les réflexions autour du financement de la dépendance ou de la rénovation énergétique.
Quelles sont les pistes que vous préconisez ?
Des solutions existent comme le crédit rechargeable, le co-achat, l’achat progressif (LOA Location avec option d’achat immobilière) et la dissociation… Mais l’organisation de la distribution n’a pas encore embrayé sur ces dispositifs. Le crédit, c’est aussi de l’industrie. Nous avons besoin de savoir-faire qui ont été perdus avec les disparitions du Crédit immobilier de France en 2013 et du Crédit Foncier en 2019. Il y a urgence. La démographie, qui est une valeur cardinale, est encore porteuse dans les 20 ou 30 ans en France.
Il y a besoin d’agilité dans la conception et l’offre de crédits. Les start-ups ont ce pouvoir d’innovation et de souplesse, les banques ou les assureurs peuvent ensuite les porter dans leurs bilans. Nous voyons même des grands groupes, publics et privés, qui ont décidé d’accompagner leurs salariés dans leurs parcours résidentiels et de les sécuriser en plus de ce qui est mené par Action Logement (anciennement 1 %). Ce type de service renforce leur attractivité et, plus généralement, répond au diptyque emploi-logement dont on a beaucoup avec les travailleurs de 1e ligne.
De quelle « crise du logement » est-il question en 2023 : crise de l’offre, de la demande, ou les deux ?
La fin annoncée du PTZ nécessite de trouver une suite au dispositif »On a connu une crise de l’offre avec la restriction des permis pour le neuf et qui se poursuivra avec les effets du ZAN Zéro artificialisation nette - Objectif de réduction de la consommation d’espace à zéro unité nette de surface consommée en 2050, fixé par le plan Biodiversité du Gouvernement en juillet 2018 . Maintenant, c’est la demande qui flanche avec la perte de confiance, la baisse du pouvoir d’achat liée à l’inflation et la hausse des taux de crédit. La fin annoncée du PTZ Prêt à taux zéro , qui a montré sa pertinence par son effet solvabilisateur, nécessite de trouver une suite à ce dispositif. Le pouvoir d’achat est au cœur du sujet. Mais en réalité, avec des taux d’intérêt à 3 %, il n’y a rien de toxique sur le moyen terme. Personne ne peut affirmer qu’il y aura une récession forte même si le contexte est anxiogène. Nous manquons surtout d’une politique du logement qui est d’abord budgétaire. Et concernant l’offre, la réponse ne peut pas être que quantitative à la fois sur le neuf mais aussi en massifiant la transformation d’usage d’actifs obsolètes.
Comment rapprocher les acteurs publics et privés pour la production de logements libres, intermédiaires et sociaux ?
Le dialogue avec les élus et ces acteurs du social est plus que jamais nécessaire pour réussir un projet immobilier ou d’aménagement, le rendre acceptable par les élus et les riverains et supportable financièrement. Tout est plus lourd à porter quand il y a des enjeux de fonciers. Ce type de projet, souvent avec des portages fonciers, mobilise des capitaux longs bien différents des capitaux à rotation rapide. Cette tendance va accentuer la concentration du secteur.
« Perte de liquidité immédiate des actifs, arbitraire du pastillage, grand flou sur les règles, perte de valeur massive potentielle, sursis à statuer sur les permis de construire… » : le futur PLU
Plan local d’urbanisme
bioclimatique de Paris concentre les critiques de la part des professionnels de l’immobilier. Êtes-vous d’accord avec elles ?
Un PLU plus politique que bioclimatique à Paris »
Le PLU bioclimatique est l’exemple typique de ce qu’il faut éviter de faire. Tel qu’il est présenté, ce PLU ajoute des contraintes supplémentaires à des objectifs que peuvent avoir des propriétaires fonciers en matière de rénovation énergétique ou de transformation d’usage et risque de tout figer. À tendance décroissantiste, il va à l’encontre des besoins et risque de rendre frileux tous les propriétaires. Par exemple le fait de pastiller 40 % de logements sociaux rend impossible tout équilibre économique d’un projet de transformation d’usage. Résultat : du bureau obsolète ne deviendra jamais du logement, à l’inverse de l’objectif louable du PLU. Cela n’a rien à voir avec l’environnement. Ce PLU est plus politique que bioclimatique.
Pourquoi défendez-vous, à l’instar d’autres fédérations professionnelles, le statut du bailleur privé ?
Ce n’est aujourd’hui qu’un statut fiscal et c’est insuffisant. Un autre raisonnement s’impose. Un propriétaire bailleur est un micro-entrepreneur, il prend des risques, investit. Il faut rendre actif l’amortissement des biens. La fin du Pinel en 2024 oblige, je le rappelle, à cette évolution.
Les changements d’usage des bâtiments existants ou de destination de projets doivent-ils être facilités au plus vite ?
La réglementation, sous toutes ses formes, est devenue un problème. Sans revenir aux lois de la jungle, sortons des carcans pour libérer les énergies. Il faut aider à rendre flexibles et réversibles les projets immobiliers. Un PLU ne peut pas figer l’usage d’un bien. Il faut pouvoir changer sa destination, simplifier sa transformation. Le temps du PLU est trop long. Il faut accélérer les projets comme cela a été fait pour Notre-Dame à Paris et les Jeux Olympiques en 2024 dans sa phase d’héritage. Les permis de construire sans affectation ou à double état commencent tout juste à être utilisés. Cette souplesse est nécessaire autant pour l’activité de promotion que pour les réhabilitations.
Pensez-vous que nous allions en France vers un encadrement des prix du foncier qui se met en place au travers des dispositifs OFS
Organisme de foncier solidaire - Créé par la loi ALUR, agréé par le préfet de région et dédié au portage foncier pour réaliser des logements en accession ou location à usage de résidence principale
, BRS
Bail réel solidaire - Créé par la loi ALUR : le ménage est propriétaire de sa maison mais locataire du terrain. Contient des clauses de prix de revente et des plafonds de ressources des acheteurs
logement et activité, limitation des enchères… ?
Le bail à construction est un bon exemple »
La question du foncier est déterminante et la dissociation bâti-foncier apparaît comme une solution pertinente. Le BRS est promis à un bel avenir, mais il ne faut pas se limiter au logement social. Le bail à construction est un bon exemple. Les promoteurs pourraient monter leurs opérations différemment, garder le terrain, commercialiser les logements dans un premier temps et progressivement recéder la partie foncière à leurs acquéreurs. L’effet solvabilisateur serait très important, ce qui nous ramène aux modes de financement. Le sujet du foncier et de sa régulation n’est pas nouveau. Pour mémoire, les prêts conventionnés dans les années 70, avec des prix de revient gérés et des prix de foncier maîtrisés, avaient connu un certain succès.
Quels seront les rendez-vous de l’Ifpimm en 2023 et vos sujets prioritaires ?
Le groupe d’experts, que nous avons créé pour travailler sur une grille ESG Sigle international utilisé par la communauté financière pour désigner les critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG), à la base de l’analyse extra-financière. , va rendre ses travaux durant l’automne 2023. Il aboutira à une grille de cotation partagée sur la place. Ce travail est important. Les banques cherchent à favoriser les projets immobiliers décarbonés. Dans ce contexte, nous avons besoin de critères communs et d’instruments de mesure cohérents et homogènes. Le risque climatique reste un fil rouge de nos réflexions et de nos travaux.
Ce sujet va de pair avec une réflexion sur la manière d’utiliser la data immobilière dans les différents métiers de cette industrie. Nous travaillons également sur les sujets de simplification administrative pour accélérer la transformation des friches foncières ou tertiaires ainsi que sur les pistes de réformes envisageables pour gérer la flexibilité dans les relations bailleurs/preneurs. Nous apporterons ces contributions dans le cade de notre participation au CNR Conseil national de la refondation - grande consultation publique dans le cadre du CNR lancé par le chef de l’État le 08/09/2022 Logement.
« Parc de bureaux obsolètes : gisement ou mirage de la transformation urbaine ? » (Ifpimm Live)
Institut du financement des professionnels de l’immobilier
Le
11 avril 2023
de
08:30
à
10:00
Cercle de l'Union Interalliée : 33 rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris (75008)
Olivier Colonna d’Istria
Président @ IFPImm
Président du directoire @ Socfim
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Parcours
Président
Président du directoire
Groupe BPCE
Directeur central
Fiche n° 44490, créée le 06/10/2021 à 16:27 - MàJ le 29/10/2024 à 16:46
Institut du financement des professionnels de l’immobilier (IFPIMM)
• Association loi de 1901 qui regroupe l’ensemble des professions de l’immobilier commercial et de son financement. Revendique une cinquantaine d’adhérents (banques, investisseurs, foncières, fonds, promoteurs, notaires, avocats…)
• Création : 2014
• Mission : valoriser et rendre attractive la place immobilière française (notamment auprès des pouvoirs publics aux niveaux français et européen)
• Président : Olivier Colonna d’Istria
• Président fondateur : Philippe Thel
• Vice-président, administrateur délégué : Patrick Lesur
• Président du conseil scientifique : Christian de Boissieu (économiste)
• Conseiller du président : Jean-Michel Royo (06 24 22 54 03)
Catégorie : Fédération professionnelle
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Fiche n° 12690, créée le 06/10/2021 à 15:51 - MàJ le 29/10/2024 à 16:46