Attractivité territoriale : revitaliser un quartier relève de l’artisanat (Gildas Roger, Ploërmel)

News Tank Cities - Paris - Tribune n°419283 - Publié le
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Gildas Roger, directeur de cabinet du président de Ploërmel Communauté (Morbihan) - ©  D.R.

Le sentiment partagé de dévitalisation des centres-villes se nourrit autant de constats objectifs que d’impressions subjectives. Dans la recherche en responsabilité, les débats incriminent l’ensemble des acteurs locaux : la municipalité a fermé les accès aux voitures, les propriétaires bailleurs louent en fonction du seul critère financier immédiat, les commerçants n’ont pas su renouveler leur offre, les habitants privilégient les centres commerciaux et le commerce en ligne…, écrit Gildas Roger Directeur de cabinet du président @ Ploërmel Communauté (Morbihan)
, directeur de cabinet de Patrick Le Diffon, président de Ploërmel Communauté (Morbihan), maire de Ploërmel, dans une tribune adressée à News Tank le 13/11/2025.

Les sondages successifs témoignent du désir des Français de vivre une expérience urbaine riche, variée et conviviale. Habitants et visiteurs plébiscitent une diversité d’usages des pieds d’immeubles mêlant commerce traditionnel et services de proximité, tout en utilisant chaque jour davantage la vente en ligne. Un quartier proposant la mixité fonctionnelle verra sa fréquentation augmentée, gage de prospérité et d’installation pérenne. La composition patiente d’un parcours marchand dense et fluide garantira la rentabilité des acteurs économiques et, par effet de ricochet, autorisera la valorisation immobilière du quartier.

De nombreux opérateurs proposent des statistiques de flux, des chiffres d’affaires, des dépenses dans les commerces, auxquels sont agrégées des données publiques comme la composition des ménages, leur pouvoir d’achat ou l’ancienneté des occupations en pied d’immeuble. Croiser ces données avec celles des bailleurs sociaux et des collectivités est fondamental, indispensable mais non suffisant.

Voici la tribune de Gildas Roger.


Revitaliser un quartier relève de l’artisanat : profusion d’outils pour des œuvres uniques

Le sentiment partagé de dévitalisation des centres-villes se nourrit autant de constats objectifs que d’impressions subjectives. Dans la recherche en responsabilité, les débats incriminent tour à tour l’ensemble des acteurs locaux : la municipalité a fermé les accès aux voitures, les propriétaires bailleurs louent en fonction du seul critère financier immédiat, les commerçants n’ont pas su renouveler leurs marchandises, les habitants privilégient les centres commerciaux et le commerce en ligne…

Derrière cette chasse aux culpabilités affleure une réalité bien française : nous sommes attachés à nos quartiers et à nos centres urbains. Nous leur demandons d’être le reflet d’une société idyllique avec des commerces attrayants en pied d’immeuble, des rues sécurisées et des paysages harmonieux.

S’accorder sur le fait qu’une crise de la dynamique locale s’est aujourd’hui propagée demande l’honnêteté de se rappeler que l’environnement urbain n’a jamais été aussi merveilleux que dans notre souvenir. Pour redonner souffle à ces espaces partagés, tout un arsenal d’outils est disponible. Pour autant, une revitalisation réussie restera l’apanage d’un savoir-faire artisanal, engagé sur le terrain, à l’échelle de chaque territoire.

Du choix, encore du choix, toujours du choix !

Les sondages successifs témoignent du désir des Français de vivre une expérience urbaine riche, variée et conviviale. Habitants et visiteurs plébiscitent une diversité d’usages des pieds d’immeubles mêlant commerce traditionnel et services de proximité, tout en utilisant chaque jour davantage la vente en ligne. Un quartier proposant cette mixité fonctionnelle verra sa fréquentation augmentée, gage de prospérité et d’installation pérenne. La composition patiente d’un parcours marchand dense et fluide garantira la rentabilité des acteurs économiques et, par effet de ricochet, autorisera la valorisation immobilière du quartier.

Vacance commerciale passée de 32 % à 6 % »

À Ploërmel, l’ancien tribunal, vacant depuis plusieurs décennies, avait suscité l’intérêt d’un promoteur immobilier. Mais l’affectation du bâtiment en logements seuls ne permettait pas d’atteindre le point d’équilibre de l’opération. C’est pourquoi la collectivité l’a soutenu en favorisant la création d’une brasserie en rez-de-chaussée. La coordination des deux activités a apporté satisfaction aux deux acteurs privés. Se saisissant de cette opportunité et considérant ce nouvel établissement comme une locomotive (nouveaux logements, façade rafraîchie, pieds d’immeuble attractif, création d’une terrasse accueillante…), la Ville a poursuivi la mise en œuvre de sa stratégie de mixité entre occupations tertiaires et pas-de-porte commerçants autour de ce bâtiment emblématique, dans le centre ancien. En quatre ans, la vacance commerciale dans le vieux Ploërmel est passée de 32 % à 6 % (de 14 % à 4 % à l’échelle du centre-ville), cinq locaux ont été créés et 18 commerçants sont arrivés.

Cette séquence illustre comment une intervention ciblée et coordonnée crée un effet levier sur l’ensemble du tissu urbain : une seule implantation bien pensée peut déclencher rénovations, attractivité et nouvelles installations. Cette stratégie de dynamisation s’avère d’autant plus vertueuse qu’elle n’a pas coûté un bras à la ville de Ploërmel : la collectivité a évité les subventions multiplicatives qui ne sont pas gage d’installation pérenne d’activités commerciales.

Le centre-ville n’est pas une île au milieu de l’océan

Un centre-ville, tout comme un quartier, ne saurait être envisagé comme une entité isolée. La réflexion sur sa revitalisation doit intégrer les interactions entre l’hyper-centre et les espaces périphériques. La complémentarité de l’offre commerciale entre les différents pôles de chalandise constitue un enjeu majeur pour la pérennité des commerces, et l’expérience visiteur.

Les zones commerciales périphériques ne sont pas forcément les fossoyeurs des centres-villes. Depuis sept ans, à Ploërmel, non seulement la vacance en périphérie est nulle, mais une dizaine de nouvelles enseignes s’y est implantée, parmi lesquelles trois sont des transferts provenant du centre-ville. Si les efforts de revitalisation du centre-ville s’étaient bornés aux frontières du cadastre napoléonien, l’expérience aurait certainement échoué. Notre approche élargie et intégratrice, favorisant les circulations inter-quartiers, a généré davantage de vitalité et de résilience économique pour l’ensemble de la zone de chalandise.

Analyse fine de la typologie des offres et de leur segmentation »

Dans cette perspective visant à repositionner l’activité commerciale au-delà des seuls rez-de-chaussée du centre-ville, la stratégie de dynamisation doit s’appuyer sur une analyse fine de la typologie des offres et de leur segmentation. À Ploërmel, comme dans de nombreuses villes moyennes, le centre s’est spécialisé dans la restauration et les commerces de gammes moyenne et haute, tandis que la périphérie développe une offre davantage orientée vers l’alimentaire et l’entrée de gamme.

Cette méthodologie a préféré adopter un regard positif sur l’offre existante et sur les usages des visiteurs, plutôt qu’une approche prescriptive déconnectée des dynamiques locales. Elle a révélé deux constats contre-intuitifs. D’une part, la concurrence entre le centre et la périphérie peut devenir un moteur de complémentarité à même d’accroître l’attractivité territoriale. D’autre part, la voiture n’est pas à bannir partout et tout le temps, elle facilite l’accès à des équipements ou commerces spécifiques, sans forcément nuire à la qualité de l’expérience urbaine. Ces enseignements montrent que la posture gagnante est empirique : travailler avec les usages vécus et orchestrer la complémentarité plutôt que de formater le réel à des modèles préfabriqués.

Les outils sont nombreux, chaque situation est unique

Mener une démarche de dynamisation d’un quartier ou d’un centre-ville appelle donc à interroger l’ensemble de l’unité urbaine. De nombreux opérateurs proposent des statistiques de flux, des chiffres d’affaires, des dépenses dans les commerces, auxquels sont agrégées des données publiques comme la composition des ménages, leur pouvoir d’achat ou l’ancienneté des occupations en pied d’immeuble. Croiser ces données avec celles des bailleurs sociaux et des collectivités est fondamental, indispensable mais non suffisant.

Pourquoi ? Parce que vérité en-deçà des Pyrénées, erreurs au-delà pour reprendre l’adage de Blaise Pascal. Redresser la vitalité d’un quartier impose de prendre du recul et du temps. Si les données statistiques permettent de dresser un paysage, elles sont inopérantes pour y intégrer les réalités vécues. Il est tout aussi fondamental et indispensable de rencontrer les acteurs de la vie locale, de considérer globalement le bassin de vie, les typologies d’entreprises présentes, le fonctionnement des services publics…

Rien ne remplacera le dialogue de terrain »

De même, parmi les leviers existants, le cadre législatif et réglementaire offre une grande diversité de textes et de dispositifs d’urbanisme pour venir en aide aux centres-villes, mais rien ne remplacera le dialogue de terrain. Par ailleurs, les documents prescriptifs comme le PLU Plan local d’urbanisme ou le SCoT Schéma de cohérence et d’organisation territoriale - Créé par la loi SRU du 13/12/2000 : outil de planification stratégique intercommunale à l’échelle d’un large bassin de vie ou d’une aire urbaine ne constituent pas une traduction automatique d’une stratégie de dynamisation, mais des instruments appelés à évoluer au service d’une politique locale vivante et adaptable. Renouveler une réalité profondément humaine ne saurait se limiter à l’application de règles. À l’inverse, les normes locales et règlements nationaux doivent être maniés de sorte à servir l’ambition territoriale.

Valorisation des pieds d’immeuble

À Ploërmel, une modification du règlement du PLU a permis de renforcer l’occupation des locaux vacants du centre historique par des activités seules commerciales et artisanales, afin de restaurer une véritable mixité fonctionnelle et de renforcer l’attractivité des parcours visiteurs, jusqu’alors fragilisée par la prépondérance d’activités tertiaires. Dans le même temps, la Ville n’a pas souhaité actionner la possibilité de contrecarrer le déménagement de commerces du centre-ville vers les périphéries, au motif de la diversification des offres marchandes.

La valorisation des pieds d’immeuble est un levier majeur de vitalisation d’un quartier ou d’un centre-ville. Elle engage un mouvement de fond qui associe et impacte tous les acteurs de la cité, de la collectivité aux bailleurs en passant par les associations, les habitants et les visiteurs. Si des outils éprouvés accompagnent cette action, ils ne sauraient à eux seuls en garantir le succès. L’observation fine, le diagnostic sur-mesure et la réévaluation continue de la situation permettent d’agir efficacement sur la santé de l’ensemble urbain. Derrière des situations parfois jugées dégradées, voire désastreuses, se cachent souvent des opportunités pour réinventer un cadre de vivre ensemble économiquement viable.

La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. La dernière édition le 29/08/2025 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) a été dédiée au logement en Europe. Jean-Luc Berho est président de Soliha Solidaires pour l’habitat, réseau PACT et réseau Habitat & Développement Pays basque, président du conseil de surveillance de la Coopérative de l’immobilier à Toulouse, administrateur de l’association Aurore, administrateur d’Espacité et membre du Conseil national de l’habitat. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.

Gildas Roger


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Ploërmel Communauté (Morbihan)
Directeur de cabinet du président

Fiche n° 55317, créée le 13/11/2025 à 22:55 - MàJ le 13/11/2025 à 23:36

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Gildas Roger, directeur de cabinet du président de Ploërmel Communauté (Morbihan) - ©  D.R.