Alain Cacheux (président de la FOPH) : « L’objectif des 40 000 ventes de logements est irréaliste »
« La fédération des OPH
Office public de l’habitat - Créé en 2007, est un organisme public qui construit et gère les habitations à loyer modéré (HLM). Succède à l’office public d’HLM (OPHLM) et à l’office public…
travaille à de meilleures synergies entre offices pour améliorer leurs performances. (…) Nous adhérons à la démarche à condition que le statut coopératif puisse être utilisé, sur des valeurs d’autonomie, de solidarité et d’égalité entre les différents partenaires, quelle que soit leur taille. Nous préférons le modèle coopératif à celui de la SAC
Société anonyme de coordination
. Les organismes choisiront entre les deux », indique Alain Cacheux, président de la fédération des Offices Publics de l’Habitat, le 02/03/2018.
« Bercy a toujours eu cette volonté de donner un grand coup de balai dans le monde du logement social avec l’idée de restructurer ce tissu en grands groupes nationaux, si possible adossés à des groupes bancaires », souligne le président de la FOPH
Fédération nationale des Offices Publics de l’Habitat
. Concernant la convention avec l’ANRU
Agence nationale pour la rénovation urbaine
et le 2e programme de réhabilitation, il appelle à une modification « sensible du règlement financier de l’ANRU (…) et de sa gouvernance ».
Alain Cacheux répond aux questions de News Tank.
« Depuis 30 ans, Bercy défend les 3 mêmes idées »
À propos du projet de loi ELAN Évolution du logement et aménagement numérique - Loi « Logement » adoptée le 23/11/2018 par le Parlement , dont le texte de 66 articles et l’étude d’impact sont connus depuis fin février 2018, quelles sont vos attentes et lignes rouges ?
Le recours systématique à un concours d’architectes ne se justifie pas toujours »La fédération des OPH travaille à de meilleures synergies entre offices pour améliorer leurs performances. Plutôt que de parler de lignes rouges, je préfère être dans la proposition, dans 3 domaines. Le premier, c’est la réorganisation du tissu des offices, avec la proposition faite par la fédération de créer des communautés d’organismes. Nous adhérons à la démarche à condition que le statut coopératif puisse être utilisé, sur des valeurs d’autonomie, de solidarité et d’égalité entre les différents partenaires, quelle que soit leur taille. L’argent doit circuler à l’intérieur du secteur HLM. Nous le préférons à ce qui nous a été présenté, la SAC. Les deux modèles seront dans la loi et ce sont les organismes qui choisiront entre la Coop et la SAC Société anonyme de coordination . Le 2e domaine est lié à la simplification. En particulier, le recours systématique à un concours d’architectes ne se justifie pas toujours, en raison des coûts et du rallongement constaté de délais, même si beaucoup de maires y sont très attachés. Le 3e, enfin, c’est l’élargissement des compétences des offices. En effet, dans les villes moyennes et zones rurales notamment, nous sommes souvent le seul outil auquel les maires peuvent s’adresser. Nous y sommes favorables, car nous pensons avoir un rôle important à tenir dans ces villes.
L’objectif du Gouvernement de 40 000 ventes de logements HLM par an, d’ici à la fin du quinquennat, est-il crédible ?
C’est irréaliste ! Je rappelle que nous étions, en 2016, à 8 000 ventes par an. Pour vendre, il faut qu’il y ait des acheteurs. Mais surtout, on ne peut progresser de manière spectaculaire dans les ventes de logements qu’en modifiant radicalement les conditions actuelles, avec : 1/ l’accord préalable du maire à la vente ; 2/ une pression accrue sur les locataires en place afin qu’ils libèrent leur logement.
Sinon, c’est la grande braderie et une méthode pour porter atteinte au modèle HLM qui lie, de manière indissociable, la propriété des bâtiments, au nom de la Nation et leur gestion sur 40 années. Les élus locaux, qui sont soucieux des équilibres de peuplement sur leur territoire, sont plus que vigilants sur le sujet. Le secteur du bâtiment aussi, qui sait faire ses comptes, veille au grain. Le bâti vit sur des cycles longs, et les mauvaises décisions de 2018 se paieront pendant longtemps. Les offices entendent garder la maîtrise de leur avenir.
Dans quel état d’esprit êtes-vous sur la baisse des APL et la loi de finances 2018, après des mois d’opposition et d’avertissements au Gouvernement ?
La loi de finances 2018 a été votée. Bien entendu, nous sommes républicains et nous l’appliquerons. Mais c’est une très mauvaise mesure de faire payer la baisse des APL Aide personnalisée au logement - aide financière destinée à réduire le montant du loyer par les organismes. Les OPH sont fortement impactés par cette réforme. C’est une perte très significative pour tous les organismes, ce qui hypothèque fortement leurs capacités d’autofinancement et donc leurs capacités à construire, réhabiliter et relancer la rénovation urbaine. L’activité des offices sera touchée, mais également le secteur privé du bâtiment. Comme c’est le cas de plus en plus, c’est Bercy qui décide. Les élus locaux vont en subir les conséquences et devoir gérer les difficultés sur le terrain. Édouard Philippe, au Havre, et Jacques Mézard, à Aurillac, sont bien placés pour le savoir, eux qui ont toujours suivi de près leurs organismes.
Les économies de 800 M€ cette année, 800 M€ en 2019 et 1,5 Md€ en 2020 sont-elles inscrites dans le marbre ?
92 % des sénateurs avaient voté pour, toutes tendances politiques confondues »C’est effectivement un accord signé par les ESH et les SACICAP Sociétés Anonymes Coopératives d’Intérêt Collectif pour l’ Accession à la Propriété , en décembre 2017. Mais il y a des façons très différentes d’aboutir à une économie budgétaire. L’amendement déposé par Dominique Estrosi-Sassone, sénatrice et aussi secrétaire générale de la fédération des offices, de remplacer la RLS Réduction de loyer de solidarité par une hausse des cotisations versées à la CGLLS Caisse de garantie du logement locatif social , aboutissait au même objectif. Il avait aussi l’avantage de préserver bien davantage les organismes ayant la politique d’attribution la plus généreuse. Je rappelle que 92 % des sénateurs avaient voté pour, toutes tendances politiques confondues. Seuls les sénateurs « en marche » étaient contre. Les pouvoirs publics n’ont pas retenu cette proposition quasi unanime et ont préféré s’en tenir aux positions de Bercy. Depuis 30 ans, Bercy défend les 3 mêmes idées. 1/ le monde HLM est « riche », mais surtout il est surtout riche de sa diversité. 2/ l’aide budgétaire à la pierre ne sert à rien. 3/ Bercy a toujours eu cette volonté de donner un grand coup de balai dans le monde du logement social avec l’idée de restructurer ce tissu en grands groupes nationaux, si possible adossés à des groupes bancaires. C’est le jeu de mécano habituel. Mais nous ne laisserons pas faire.
Et votre analyse des chiffres officiels ?
Rien ne dit que le dispositif actuel sera maintenu »Pour atteindre 1,5 Md€ d’économies budgétaires, les pouvoirs publics veulent que les bailleurs sociaux appliquent une RLS pour 800 M€ et une hausse TVA de 5,5 à 10 % pour 700 M€, en sachant que la TVA n’impacte qu’à la marge le compte d’exploitation des organismes. La première annuité en 2018, on n’y coupe pas. Mais pour 2019 et 2020, cela nécessite un nouveau vote du Parlement en loi de finances. Rien ne dit que le dispositif actuel sera maintenu. Le risque, je le répète, est de mettre certains organismes dans le rouge avec un autofinancement négatif, dès la fin de l’année 2018, ou être en deçà du seuil de fragilité, retenu par la CDD, de 3 %. La chute brutale de l’autofinancement aura pour résultat immédiat une baisse des projets engagés en 2018.
Les plafonds de ressources des locataires HLM visés par la loi et le montant de réduction de loyer de solidarité sont-ils un des points d’achoppement ?
220 000 attributions concernent des populations au revenu inférieur ou égal au seuil de pauvreté »Le premier point d’achoppement, c’est la réduction du loyer de solidarité. Jouer sur le plafond des ressources des locataires, c’est d’une autre nature. Dans le parc des organismes du mouvement HLM, nous avons besoin d’équilibre de peuplement, ce qui conduit à prendre des catégories de salaries variées moins modestes que ceux qui vivent du RSA Revenu de solidarité active - Il assure aux personnes sans ressources un niveau minimum de revenu variable selon la composition du foyer. , pour éviter la ghettoïsation. Les maires y sont très attentifs. Sur les 450 000 attributions par an du mouvement HLM, 220 000 concernent des populations dont le revenu est inférieur ou égal au seuil de pauvreté. Soit près de 50 % des attributions ! La tendance s’aggrave chaque année au fur et à mesure que la paupérisation augmente.
Les échanges de données entre bailleurs sociaux et la CNAF Caisse nationale des allocations familiales , sur les ressources des locataires, sont-ils difficiles à organiser ?
Oui, dans la mesure où les locataires ne bénéficiant pas de l’APL n’étaient pas interrogés par les organismes, il y aura nécessité d’interroger désormais tous les locataires. Il y aura des coûts de gestion supplémentaires et des besoins en moyens que nous n’avons pas pour récupérer des données et les traiter. Je rappelle que pour un office HLM, logements locatifs sociaux, plus de 90 % de ses recettes proviennent des loyers qu’il perçoit. Le surplus qui se dégage d’un compte d’exploitation ne fait pas l’objet de dividendes. Il sert des fonds propres intégralement réinvestis dans construction, les réhabilitations et la rénovation urbaine.
Que pensez-vous des bailleurs sociaux qui élargissent leurs missions et proposent des services nouveaux à leurs locataires ?
C’est notre métier d’être innovant avec des services rendus à nos locataires pour améliorer le cadre de vie, à des prix raisonnables, à des conditions compatibles avec leur budget. Nous savons aussi être actifs dans les domaines du soutien associatif, de l’emploi des jeunes avec insertion… Nous sommes tout à fait favorables à la mise en place de services nouveaux, qui ne nous sont pas autorisés par la loi et que l'Ancols Agence nationale de contrôle du logement social surveille de près.
Où en est la signature de la convention avec l’ANRU ?
Il faut modifier sensiblement le règlement financier de l’ANRU »Le NPNRU Nouveau programme national de renouvellement urbain perd 2 ans de plus. Pour assurer le doublement du budget, l'USH Union sociale pour l’habitat - organisation représentative du secteur HLM : 720 organismes à travers 5 fédérations avait proposé de prendre à sa charge 2 Md€ sur 12 ans du doublement du financement du 2e programme, soit 180 M€ par an. Or en 2018, nous ne serons pas sollicités pour les 180 premiers millions puisque les études ne sont pas suffisamment avancées. Il faut déjà terminer le 1e programme, lourd en termes de réhabilitation et de relogement. Dans le premier programme de rénovation urbaine (PNRU), les offices ont injecté 2 Md€ de fonds propres pour réaliser près de 13 Md€ de travaux ! Ils ne les auront plus et je ne sais pas comment les premiers signataires, à Rennes et à Pau, vont pouvoir tenir leurs engagements !
Quel regard portez-vous sur le 2e programme NPNRU ?
Pour que le 2e programme de l’ANRU soit à la hauteur du 1e, il faut modifier sensiblement le règlement financier de l’ANRU, ce qui implique aussi de modifier sa gouvernance.
Fédération des Offices Publics de l’Habitat (FOPH)
• Organisation professionnelle nationale
• Adhérents : 180 offices
• Parc immobilier : 2,2 millions de logements sociaux
• Implantation : dans tous les territoires-métropoles, villes moyennes, bourgs en lien avec les politiques locales de l’habitat
• Missions : promouvoir les intérêts de ses adhérents et les représenter auprès des instances nationales et pouvoirs publics (expertise dans les domaines juridique, RH, financier et technique)
• Président : Marcel Rogemont
• Directeur général : Laurent Goyard
• Directeur général adjoint : Jean-Christophe Margelidon
• Contact : Axelle Lebigot-Dymon, directrice de la Communication et des relations institutionnelles
• Tél. : 01 40 75 78 00
Catégorie : Fédération professionnelle
Adresse du siège
14, rue Lord Byron75008 Paris France
Consulter la fiche dans l‘annuaire
Fiche n° 6297, créée le 22/01/2018 à 04:43 - MàJ le 15/11/2024 à 15:25
© News Tank Cities - 2024 - Code de la propriété intellectuelle : « La contrefaçon (...) est punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. Est (...) un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur. »