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Exclusif« On ne peut pas parler de crise nationale du logement » (D. Duband, président du réseau Batigère)

News Tank Cities - Paris - Interview n°127463 - Publié le 29/08/2018 à 13:18
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©  Batigère
Dominique Duband, président du réseau Batigère et vice-président de la fédération des ESH - ©  Batigère

« Je ne souscris pas à l’idée d’une “crise du logement” généralisée sur tout le territoire. Nous avons des besoins de logements qui ne sont pas satisfaits sur certains territoires. Ce que nous connaissons actuellement est incomparable avec le besoin de logements de la période d’après-guerre qui se trouvait dans un réel état de crise. Les problèmes de logements se situent surtout dans la région Île-de-France et dans quelques métropoles. Ailleurs, l’effort de construction existe et les citoyens arrivent à se loger dans des délais raisonnables. Le système est vraiment embouteillé en Île-de-France, qui représente certes une part importante de l’activité économique. Mais on ne peut pas parler de crise nationale du logement », déclare à News Tank Dominique Duband, président du Réseau Batigère • Structure du groupe Batigère • Missions : logement social, constructions neuves, réhabilitation de patrimoine et accompagnement social • Parc locatif : 125 000 logements (Réseau Batigère), dont… et vice-président de la fédération des ESH, le 29/08/2018.

Dominique Duband Dominique Duband interviendra lors des Entretiens d’Inxauseta, à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) le 31/08/2018, sur le thème : « Forces et faiblesses des aides au logement ».

« La force des aides actuelles au logement, ce sont toutes les politiques mises en place depuis plus de 50 ans. Nous ne partons pas de rien. Un patrimoine a été constitué à travers un parc de logement social qui compte environ 4,5 millions de logements (…). Concernant les faiblesses, il faut mentionner la désaffection des investisseurs institutionnels vis-à-vis du logement (assurances, foncières privées…). Parmi les autres faiblesses, on peut évoquer le retard de construction sur les zones tendues et la faiblesse de l’offre pour les familles les plus démunies (…). Enfin l’APL, mis en place à une époque où nous étions dans un modèle économique différent permettant un équilibre entre le nombre de sortants du dispositif et le nombre d’entrants, représente une masse très importante (près de 18 Md€). L’augmentation non maîtrisée de ce budget ne peut plus se poursuivre compte tenu de la situation des finances publiques ».

Dominique Duband répond aux questions de News Tank.


« Les problèmes de logements se situent surtout en Île-de-France et dans quelques métropoles »

Vous intervenez aux Entretiens d’Inxauseta, à Bunus, le 31/08/2018. Que souhaitez-vous apporter au débat dont le thème est : « Faut-il encore aider le logement en France ? »

Le logement, la santé et l'éducation sont les 3 piliers permettant à chacun de vivre dignement avec le maximum d’égalité des chances. Le logement, au même titre que les deux autres domaines, doit faire l’objet de politiques et d’aides publiques. Ces aides ne viennent pas toutes forcément de l’État et c’est peut-être justement aux territoires d’adapter les aides publiques.

Les besoins ont en tout cas évolué. La reconstruction des années 1950-1960 après la guerre correspondait à des besoins quantitatifs très importants dans toutes les villes. L’État avait la responsabilité et a répondu par une reconstruction massive, sur laquelle on porte désormais un regard très critique, en apportant des solutions à un fort besoin de logements dans les villes. Cette politique a fait émerger les ZUP (zone à urbaniser en priorité), les barres, les tours que nous connaissons tous et qui caractérisent le logement social. À partir du milieu des années 1970, la demande de logement a diminué. Cela a contribué à faire basculer les aides directes qui permettaient de produire des HLM avec des loyers bas à une aide à la personne permettant d’élargir la liberté de choix du locataire. Cette évolution a mené à la création des APL (aide personnalisée au logement créée en 1977 par la réforme “Barre”) octroyée aussi bien aux locataires qui se logeaient dans le parc HLM que ceux qui se logeaient dans le parc privé à condition que le logement soit conventionné. Cette période correspond à un tassement de la construction et l’on considérait même dans les années 1990 qu’il n’y avait plus besoin de construire de logements en France. Cette vision ne prenait pas en compte le vieillissement du parc, la mobilité professionnelle… lesquels ont fait prendre conscience dans les années 2000 qu’il y avait un réel besoin de logements.

Les problèmes de logements se situent surtout dans la région Île-de-France »

J’insisterai sur le point suivant lors des Entretiens d’Inxauseta : je ne souscris pas à l’idée d’une “crise du logement” généralisée sur tout le territoire. Nous avons des besoins de logements qui ne sont pas satisfaits sur certains territoires. Ce que nous connaissons actuellement est incomparable avec le besoin de logements de la période d’après-guerre qui se trouvait dans un réel état de crise. Aujourd’hui, les problèmes de logements se situent surtout en région Île-de-France et dans quelques métropoles. Ailleurs, l’effort de construction existe et les citoyens arrivent à se loger dans des délais raisonnables. Le système est vraiment embouteillé en Île-de-France, qui représente certes une part importante de l’activité économique. Mais on ne peut pas parler de crise nationale du logement.

Les deux principaux sujets en Île-de-France sont le problème de logement des personnes avec un revenu moyen qui ne peuvent pas y accéder à cause du déficit quantitatif, mais surtout le logement des familles à très faibles ressources »

Aujourd’hui l’intervention publique est indispensable, car ceux qui ont très peu de ressources ou des ressources moyennes sont confrontés à des difficultés de logement dans des zones telles que l’Île-de-France. Il y a eu un défaut de projection notamment en raison de l’organisation de l’Île-de-France qui ne s’est que très récemment structurée en intercommunalité avec la Métropole du Grand Paris. D’autres agglomérations très dynamiques comme l’Île-de-France (Lyon, Bordeaux, Strasbourg…) ne sont pas autant embouteillées au niveau du logement. L’intercommunalité a permis dans ces métropoles d’anticiper les opérations d’urbanisme avec une gouvernance adaptée au sujet du logement, alors que l’Île-de-France doit rattraper plusieurs années sans coopération intercommunale. Les deux principaux sujets en Île-de-France sont le problème de logement des personnes avec un revenu moyen qui ne peuvent pas y accéder à cause du déficit quantitatif, mais surtout le logement des familles à très faibles ressources. Elles doivent souvent passer d’abord par des solutions d’hébergement d’urgence, puis d’hébergement avant d’accéder à un logement. A l’inverse certains territoires souffrent parfois d’un nombre trop important de logements sociaux qui nécessitent des investissements importants pour remettre à niveau un patrimoine avec les mêmes caractéristiques que dans le neuf (rénovation thermique, urbaine, architecturale…).

La demande et l’intervention publique doivent donc être différenciées en fonction des territoires et de leurs besoins.

Vous êtes président du réseau Batigère et vice-président de la fédération des ESH. Plusieurs rapports (Cour des comptes, Cap 22…) recommandent une sortie progressive des dispositifs d’investissement locatif et le Gouvernement les a déjà en partie recentrées sur les zones tendues. D’un autre côté, les aides à la personne ont connu une baisse, voire une quasi-suppression concernant l’APL accession. Est-il soit souhaitable ou possible d’avoir un jour un marché du logement sans aides ?

Nous pouvons peut-être nous passer des aides actuelles à l’investissement locatif dans le privé, mais pas d’une politique publique. Il faut une politique cohérente pour offrir un logement à toutes les familles et à tous nos concitoyens.

Cela fait 20 ans que nous estimons qu’il faut arrêter de mettre sous perfusion l’investissement locatif privé »

Cela fait 20 ans que nous estimons qu’il faut arrêter de mettre sous perfusion l’investissement locatif privé qui déséquilibre, qui est un peu artificiel et génère une augmentation du prix de revient des opérations. Mais dès qu’il y a un semblant de ralentissement, nous en revenons toujours à cet avantage fiscal. Il serait sain que les avantages fiscaux rejoignent les besoins en logements, avec des avantages fiscaux qui aillent plutôt sur des zones tendues et stables dans le temps. Il n’y a pas de raison d’être là aussi universel et de favoriser la construction du logement partout, comme je l’ai évoqué auparavant. Cependant, il y a parfois des objectifs de relance du bâtiment et de maintien de l’activité qui dépassent les objectifs de base. Du point de vue du logement exclusivement, il paraît logique de concentrer l’investissement neuf sur les zones tendues et là où il y a des besoins quantitatifs.

Le patrimoine existant dans les zones moins tendues doit être soutenu par des aides à la rénovation »

Le patrimoine existant dans les zones moins tendues, quant à lui, doit être soutenu par des aides à la rénovation, thermique notamment, pour ne pas accuser un retard par rapport à la qualité des logements dans les métropoles. Nous ne pouvons pas laisser tomber des territoires qui ont déjà du mal économiquement et qui en plus disposent d’un patrimoine ancien si nous voulons les aménager et maintenir l’égalité entre eux. Il faut insister : tous les territoires n’ont pas besoin de nouveaux logements, mais tous les territoires ont besoin d’investissement dans le logement.

À cet égard, le plan Action Cœur de ville de revitalisation des centres-villes des villes moyennes, lancé en décembre 2017 par Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, va dans la bonne direction avec la prise en compte du logement. Ces villes en particulier n’ont pas besoin d’immeubles neufs à l’extérieur, mais d’un effort de rénovation du centre-ville, de politique des commerces de proximité… Pour que ces commerces de centre-ville soient attractifs, il faut qu’une partie des habitants n’aient pas à prendre leur voiture, mais résident dans le centre avec des logements rénovés.

Vous intervenez spécifiquement sur la question des forces et faiblesses des aides au logement. D’un côté, le comité d’experts Cap 22 propose de supprimer le dispositif Pinel pour lui préférer un régime de déduction des charges de copropriété et d’un amortissement pour les investisseurs, dans son rapport rendu public par un syndicat le 20/07/2018. De l’autre, le Gouvernement souhaite avancer vers une refonte des aides sociales pour aller vers un versement social unique d’ici à 2019-2020, dont la première pierre commencerait par une refonte des APL dans le PLF 2019. Dans ce contexte d'évolution des aides, quelles sont pour vous les forces et faiblesses des aides au logement en France ?

Un patrimoine a été constitué à travers un parc de logement social qui compte environ 4,5 millions logements »

La force des aides actuelles au logement, ce sont toutes les politiques mises en place depuis plus de 50 ans. Nous ne partons pas de rien. Un patrimoine a été constitué à travers un parc de logement social qui compte environ 4,5 millions de logements. Un certain nombre d’aides fiscales sont allées vers les investisseurs privés et ont permis des loyers modérés. Tout cela pèse sur le marché du logement et constitue un ensemble significatif qui permet d’équilibrer le marché du logement, y compris le marché privé. Si vous retirez tout le parc social, par exemple, tous les loyers vont grimper. Ce patrimoine à loyer modéré, voire intermédiaire, est aussi une contribution à la compétitivité économique de la France. Il est important de pouvoir attirer des salariés et de les loger correctement avec des loyers raisonnables. Par ailleurs, même si de nombreux problèmes demeurent, une grande majorité de Français est logée correctement par rapport à la situation des années 1950-1960.

Il faudrait donc réinstaurer un peu d’appétence pour les foncières privées afin qu’elles puissent constituer le logement intermédiaire qui permet de mieux réguler les tranches de logements entre le logement social et le loyer privé »

Concernant les faiblesses, il faut mentionner la désaffection des investisseurs institutionnels vis-à-vis du logement (assurances, foncières privées…). Ils avaient beaucoup de patrimoine et ont construit beaucoup de logements à loyer intermédiaire dans les années 1970. Cela s’est opéré au prix d’un basculement vers tous les dispositifs d’aide aux investisseurs privés, mais de manière très éparpillée, car on a quasiment affaire à des particuliers. L’une des faiblesses des aides fiscales vis-à-vis des investisseurs locatifs est qu’elles se diluent dans un ensemble incontrôlable. Il est difficile de savoir si le logement qui a bénéficié d’un dispositif fiscal il y a 4 ou 5 ans est encore loué au prix auquel il aurait dû être loué. Contrôler plusieurs millions de logements est impossible. Cette faiblesse n’existait pas lorsqu’il y avait des institutionnels privés, car il était alors plus facile de contrôler quand il y a une contractualisation avec des personnes morales qui doivent des comptes… Il faudrait donc réinstaurer un peu d’appétence pour les foncières privées afin qu’elles puissent constituer le logement intermédiaire qui permet de mieux réguler les tranches de logements entre le logement social et le loyer privé. Parmi les autres faiblesses, on peut également évoquer le retard de construction sur les zones tendues et la faiblesse de l’offre pour les familles les plus démunies.

Comme je l’ai évoqué précédemment pour les aides sur les territoires, il va falloir trouver le moyen de cibler l’APL en étant moins universel »

Enfin l’APL, mis en place à une époque où nous étions dans un modèle économique différent permettant un équilibre entre le nombre de sortants du dispositif et le nombre d’entrants, représente à l’heure actuelle une masse très importante (près de 18 Md€). L’augmentation non maîtrisée de ce budget ne peut plus se poursuivre compte tenu de la situation des finances publiques. Comme je l’ai évoqué précédemment pour les aides sur les territoires, il va falloir trouver le moyen de cibler l’APL en étant moins universel. La future disposition consistant à calculer les revenus sur l’année en cours et non plus à n-2 doit contribuer à cet objectif. Nous avons aujourd’hui les moyens, avec les possibilités informatiques, Internet, la data ainsi que l’impôt bientôt prélevé à la source sans décalage, de rester juste et efficace tout en maîtrisant mieux la dépense avec moins de perte en ligne sur l’APL. D’autres pistes ont été évoquées et il y a effectivement une réflexion sur un versement social unique qui consiste à rapprocher toutes les aides. Cela avait déjà été évoqué il y a plusieurs années. Sa mise en place est très compliquée, mais cela permettrait de mieux savoir ce que les personnes touchent réellement et de mieux adapter l’aide publique plutôt que d’avoir un maquis d’aides aux procédures différentes.

Dominique Duband


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Parcours

Union sociale pour l’habitat (USH)
Membre du comité exécutif
Batigère
Président
Solorem
En charge des zones d’aménagement concerté de l’agglomération de Nancy
Conseil général de Meurthe-et-Moselle
En charge des collèges et des aides à l’enseignement supérieur
Direction départementale de l'équipement de Meurthe-et-Moselle
Ingénieur

Établissement & diplôme

Institut d’administration des entreprises
DESS, administration des entreprises
ENTPE (École nationale des travaux publics de l'État)
Ingénieur des TPE, bâtiment travaux publics

Fiche n° 32471, créée le 29/08/2018 à 11:04 - MàJ le 10/06/2022 à 07:59

Réseau Batigère

• Structure du groupe Batigère
• Missions : logement social, constructions neuves, réhabilitation de patrimoine et accompagnement social
• Parc locatif : 125 000 logements (Réseau Batigère), dont 75 000 chez Batigère
- 230 000 personnes logées en France
• Création : 1985
• Président du directoire : Claude Knapik
• Président du réseau : Dominique Duband
• Effectif : 2 000 personnes
• Chiffre d’affaires Batigère Île-de-France (2016) : 100,8 M€
• Contact : Sylvie Goury
• Tél. : 03 87 39 57 57

Catégorie : Bailleurs sociaux


Adresse du siège

GIE Amphithéâtre
6, avenue André Malraux
CS 20414
57008 Metz Cedex 01 France


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Fiche n° 7507, créée le 08/08/2018 à 04:18 - MàJ le 13/06/2022 à 12:50

Fédération des entreprises sociales pour l’habitat (FESH)

• Organisation professionnelle nationale
• Création :
1927
• Activité : regroupe 175 sociétés anonymes d’habitations à loyer modéré et entreprises sociales pour l’habitat
Parc : 2,46 millions de logements familiaux
• Éléments financiers : 138 Md€ dont 35 Md€ de fonds propres
• Présidente : Valérie Fournier
• Vice-présidents : Jacques Wolfrom, Karine Julien-Elkaïm et Clément Lecuivre
• Trésorier : Jacques Ferrand
Directeur général  : Didier Poussou
Contact : Marie-Céline Durand, directrice événementiels fédéraux
• Tél. : 01 40 75 68 40


Catégorie : Fédération professionnelle


Adresse du siège

14, rue Lord Byron
75008 Paris France


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Fiche n° 6853, créée le 28/03/2018 à 12:24 - MàJ le 03/01/2024 à 16:25


© News Tank Cities - 2024 - Code de la propriété intellectuelle : « La contrefaçon (...) est punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. Est (...) un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur. »

©  Batigère
Dominique Duband, président du réseau Batigère et vice-président de la fédération des ESH - ©  Batigère