« La loi SRU a 20 ans, c’est un anniversaire qui nous oblige » (Sophie Donzel, groupe Espacil)
Dans un mois, la loi SRU
Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, du 13/12/2000, dont l’article 55 impose un quota de 25 % de logements sociaux en 2025, dans chaque commune de 3 500 habitants
fêtera ses 20 ans. C’est assurément l’acte législatif le plus fort du demi-siècle écoulé, une forme d’aboutissement de l’appel de l’Abbé Pierre de 1954 : produire une offre de logements abordables partout, incarner dans les murs et dans les rues la fraternité d’une ville partagée et socialement mixte. Cet anniversaire nous oblige et nous interpelle : qu’est-ce qu’une politique du logement ambitieuse, juste et écoresponsable aujourd’hui ?, écrit Sophie Donzel
Directrice générale @ Néotoa
, directrice générale du groupe Espacil, dans une tribune adressée à News Tank le 25/11/2020.
Le groupe Espacil (filiale d’Action Logement Immobilier) est constitué d’Espacil Habitat
• Espacil Habitat est une filiale du groupe Action Logement
Parc : 26 744 logements locatifs (2023)
Implantation : 276 communes en Bretagne, Loire-Atlantique et Île-de-France
Chiffre d’affaires…
, ESH de 25 000 logements, et Socobret, coopérative Hlm. Espacil est un acteur du logement social familial et de l’accession à la propriété en Bretagne et un spécialiste reconnu du logement des jeunes en gestion directe en Bretagne, Loire-Atlantique et Ile-de-France. Avec ses 400 salarié.e.s, Espacil fait vivre jour après jour l’utilité sociale au service du bien habiter.
Voici la tribune de Sophie Donzel.
Politique du logement, l’avenir s’écrit aujourd’hui
Dans un mois, la loi SRU Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, du 13/12/2000, dont l’article 55 impose un quota de 25 % de logements sociaux en 2025, dans chaque commune de 3 500 habitants fêtera ses vingt ans. C’est assurément l’acte législatif le plus fort du demi-siècle écoulé, une forme d’aboutissement de l’appel de l’Abbé Pierre de 1954 : produire une offre de logements abordables partout, incarner dans les murs et dans les rues la fraternité d’une ville partagée et socialement mixte. Cet anniversaire nous oblige et nous interpelle : qu’est-ce qu’une politique du logement ambitieuse, juste et écoresponsable aujourd’hui ?
Premièrement, c’est une politique efficace… et donc une politique du logement qui s’occupe du logement. Nulle lapalissade ici. La défiscalisation de l’investissement locatif est ainsi aujourd’hui davantage un amortissement du choc des retraites qu’une politique de l’habitat. Les marchés immobiliers neufs en sont drogués, pas par cupidité excessive d’investisseurs ou de promoteurs indélicats : simplement par angoisse pour leurs vieux jours de ces ménages des classes moyennes aisées qui l’utilisent comme complément retraite pour sécuriser le dernier tiers de leur vie. Qui les en blâmerait ? Et qui prendrait le risque politique de leur retirer cette possibilité alors que les taux de remplacement s’effritent continuellement ?
Pourtant, la politique du logement doit avant tout servir à loger. L’article 55 de la loi SRU a de ce point de vue largement atteint son objectif. Alors que la production de logements sociaux s’était effondrée dans les années 90, elle a largement rebondi depuis et tout particulièrement dans des communes qui en étaient insuffisamment dotées.
Politique du plancher des vaches, une politique territorialisée
Deuxièmement, c’est une politique du plancher des vaches, une politique territorialisée. L’offre locative sociale est indispensable mais elle ne suffira jamais à répondre aux besoins si les prix de marché s’envolent et excluent de plus en plus de ménages. Or, la régulation des marchés et des prix ne peut être que locale.
L’Etat est utile pour fixer le cadre législatif et réglementaire mais il ne peut plus piloter ni définir sa mise en œuvre, faute de moyens en loi de finances et de compétences suffisantes dans ses services déconcentrés… Tout l’édifice bâti depuis la loi d’orientation pour la ville (1990) et l’instauration des PLH Programme local de l’habitat - document stratégique de programmation qui inclut l’ensemble de la politique locale de l’habitat (parc public et privé, constructions nouvelles…) concourt à l’avènement du fait territorial. C’est non seulement le sens de l’histoire mais c’est la voie de la résilience. Et cela n’implique pas de devoir renoncer à un cadre national cohérent
Intelligence locale, équilibre des pouvoirs et contre-pouvoirs
Face à la complexité des situations, seule la multiplicité des réponses et des acteurs apporte des solutions concrètes. La lutte contre l’étalement urbain, l’acceptation de la densité, la résorption des dents creuses et la reconstruction de la ville sur la ville ne peuvent se construire que par des compromis locaux eux-mêmes assis sur la confrontation des points de vue entre les élus, les citoyens, le monde économique, les corps intermédiaires, les associations… Bref, l’intelligence locale, l’équilibre des pouvoirs et contre-pouvoirs, terreau d’inventivité collective et de compromis.
De même, l’encadrement des loyers et les prix plafonds de VEFA Vente en état futur d’achèvement - Contrat de vente « sur plan » sociale ne sont acceptables que dans le dialogue entre les EPCI Établissement public de coopération intercommunale - structure administrative française regroupant plusieurs communes afin d’exercer certaines compétences en commun et les mouvements professionnels (bailleurs sociaux, promoteurs, constructeurs…), au plus près des marchés. Et ils ont alors des effets tangibles sur la production et le maintien d’une offre abordable tant dans le parc hlm que dans le parc privé. Enfin, accepter la pleine décentralisation des politiques du logement, c’est aussi sortir de la dictature des zones tendues et de la tyrannie des cartographies : par exemple, il devient très difficile d’équilibrer une opération locative sociale en collectif sur le littoral. Les besoins y sont forts, les prix y sont élevés, le foncier doit y être économisé mais les loyers de la zone C sont faibles.
L’effet ciseau est désastreux… et absurde : l’équation économique encourage l’étalement urbain par le jeu des majorations dédiées à l’habitat individuel au lieu d’encourager la production d’une densité douce ! Mais ce n’est pas une fatalité. Un État stratège et un pacte de confiance avec les territoires pourraient changer la donne. L’expérimentation du « Pinel Breton », qui redessine la cartographie de l’investissement locatif dans le respect d’une enveloppe budgétaire donnée, dessine un chemin prometteur en la matière.
Habiter ne se limite pas à 4 murs et 1 toit
Troisièmement, c’est une politique qui considère le logement au-delà du paillasson ! Habiter ne se limite pas à quatre murs et un toit, c’est aussi vivre un quartier, un bourg, un village, c’est se déplacer, ce sont des services et des équipements pour soi et pour sa famille, ce sont des voisins… Habiter, c’est dire qui l’on est et faire société. Une politique urbaine éclairée est donc indispensable. Elle doit se concevoir en partant des besoins de nos concitoyens pour les ajuster à une indispensable sobriété foncière et énergétique.
Nous y sommes collectivement plutôt prêts dans le fond : bien se nourrir, trouver des commerces et services à portée de jambes ou de pédales, soutenir la vitalité des villes moyennes et des petites centralités, vieillir chez soi, consommer local, accéder aux soins mais aussi télétravailler en haut débit, acheter à distance (et pas forcément sur Amazon)… sont des attachements largement partagés par les Français. Inventons la ville qui va avec. Tordons le cou aux zones commerciales et tertiaires qui ont torpillé la rue et la vie sociale qui l’animait.
Le partage de la valeur doit être réinterrogé
L’enjeu n’est plus de réfuter le e-commerce. Il est installé dans nos modes de consommation. Mais comment l’intégrer à la ville ? Le partage de la valeur doit être réinterrogé : le franchisé de centre-ville qui permet à la cliente d’essayer 4 modèles pour en choisir un qu’elle ira ensuite acheter en ligne pour économiser quelques euros rend un service mais n’est pas rémunéré pour cela, c’est injuste.
Il nous faudra également réinventer une logistique de la vente à distance de sorte à réconcilier pouvoir d’achat et cadre de vie : en étant moins routière, en imputant au moins une partie du coût carbone réel, en irrigant des circuits de distribution diversifiés en taille et localisation, en parcourant le dernier kilomètre exclusivement avec des modes de transport neutres en carbone… Ce défi est déjà là : la grande distribution non alimentaire sortira décimée de la pandémie de Covid et les friches d’entrée de ville commencent à se dessiner. Elles constitueront le mur de la rénovation urbaine de demain.
Dans le monde éclaté qui est le nôtre, l’idée d’un grand soir est d’un piètre secours. Plaçons plutôt notre espérance dans des solutions complexes, plurielles, résilientes du fait même de leur diversité. Demain commence aujourd’hui… et ici.
Rubrique dirigée par Jean-Luc Berho
La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. L’édition 2020 a eu lieu le 28/08/2020 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques). Il est également président de la Coopérative de l’immobilier, à Toulouse. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.
Parcours
Directrice générale
Directrice générale
Directrice territoriale Grand Ouest
Cheffe de cabinet de la ministre du logement et de l’habitat durable
Conseillère auprès du Ministre, cheffe de cabinetConseillère auprès du Ministre, cheffe de cabinet
Maire-Adjointe déléguée au développement économique, à l’emploi et au commerce
Établissement & diplôme
DESS Politiques d’entreprises en développement social et emploi
Économie - finances
Fiche n° 35779, créée le 02/07/2019 à 12:41 - MàJ le 11/10/2023 à 15:47