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Ile-de-France : loger les travailleurs clés et s’interroger sur les priorités partagées (B. Rousseau)

News Tank Cities - Paris - Tribune n°218897 - Publié le 28/05/2021 à 12:05
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©  bruno levy
Bruno Rousseau, dg Immobilière 3F - ©  bruno levy

Avec la crise sanitaire la question des travailleurs clés a pris une tournure différente. Les trois périodes de confinement des 12 derniers mois ont montré, plus que jamais, le rôle déterminant des activités exercées en proximité. Et les mesures gouvernementales d’exception sont venues, de façon conjoncturelle, définir quelles sont les activités essentielles pendant une pandémie. La question cruciale du logement des travailleurs clés reste entière dans les territoires les plus tendus sur le plan immobilier et particulièrement en Île-de-France, écrit Bruno Rousseau Directeur de la maîtrise d’ouvrage @ Groupe 3F
, directeur général adjoint d’Immobilière 3F (direction de la gestion du patrimoine), dans une tribune adressée à News Tank le 27/05/2021.

Une étude menée en 2014 par l’APUR Atelier parisien d’urbanisme - chargé de documenter, analyser et développer des stratégies prospectives concernant les évolutions urbaines et sociétales à paris et dans la Métropole du Grand Paris , avec l’appui de la DRIHL Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement - Service déconcentré du ministère du logement dédié au logement-hébergement en l’Île-de-France créé le 01/07/2010 et de l’Insee, définit le travailleur clé comme celui ou celle qui délivre « un service essentiel au bon fonctionnement du territoire ». Elle identifie 108 professions issues de 8 secteurs différents : santé, sécurité, éducation, social, transports, propreté, industrie-eau-énergie, fonction publique au sens large. On notera que les secteurs identifiés relèvent principalement de services publics ou d’intérêt général.  Par la suite, lors de la préparation des textes relatifs aux publics prioritaires et à la gestion en flux des projets de la loi Égalité & citoyenneté, puis de la loi ELAN Évolution du logement et aménagement numérique - Loi « Logement » adoptée le 23/11/2018 par le Parlement , le débat sur les travailleurs clés est ouvert à nouveau par les grands employeurs (groupe la Poste, SNCF, RATP…).

En mars 2021, la fédération des OPH Office public de l’habitat - Créé en 2007, est un organisme public qui construit et gère les habitations à loyer modéré (HLM). Succède à l’office public d’HLM (OPHLM) et à l’office public… , avec l’appui du cabinet de conseil CMI • Cabinet CMI Mission : conseil en stratégie (protection sociale, RH, innovation, recrutement, business plan…) Création : 1986 Direction : Philippe Bassot, François Farhi, Nicolas Kandel… , publie une étude sur « la question du logement des travailleurs clés en Ile-de-France ». Cette étude reprend les travaux de l’Insee et de l’APUR qu’elle réactualise au regard des 1e enseignements de la crise Covid. Elle élargit les secteurs d’activité en intégrant notamment les secteurs du commerce et de l’alimentation. Dans les scénarios étudiés, elle évalue de 26 000 à 45 000 ménages clés jugés les plus prioritaires dans l’attribution d’un logement social en IdF.

Voici la tribune de Bruno Rousseau.


De 26 000 à 45 000 ménages clés jugés les plus prioritaires

Avec la crise sanitaire la question des travailleurs clés a pris une tournure différente. Les trois périodes de confinement des 12 derniers mois ont montré, plus que jamais, le rôle déterminant des activités exercées en proximité. Et les mesures gouvernementales d’exception sont venues, de façon conjoncturelle, définir quelles sont les activités essentielles pendant une pandémie.

La question cruciale du logement des travailleurs clés reste entière dans les territoires les plus tendus sur le plan immobilier et particulièrement en Île-de-France.

Une étude menée en 2014 par l’APUR Atelier parisien d’urbanisme - chargé de documenter, analyser et développer des stratégies prospectives concernant les évolutions urbaines et sociétales à paris et dans la Métropole du Grand Paris , avec l’appui de la DRIHL Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement - Service déconcentré du ministère du logement dédié au logement-hébergement en l’Île-de-France créé le 01/07/2010 et de l’Insee définit le travailleur clé comme celui qui délivre « un service essentiel au bon fonctionnement du territoire ». L’étude identifie 108 professions issues de 8 secteurs différents : santé, sécurité, éducation, social, transports, propreté, industrie-eau-énergie, fonction publique au sens large. On notera que les secteurs identifiés relèvent principalement de services publics ou d’intérêt général. 

Par la suite, lors de la préparation des textes relatifs aux publics prioritaires et à la gestion en flux des projets de la loi Égalité & Citoyenneté, puis de la loi ELAN Évolution du logement et aménagement numérique - Loi « Logement » adoptée le 23/11/2018 par le Parlement , le débat sur les travailleurs clés est ouvert à nouveau par les grands employeurs (groupe la Poste, SNCF, RATP…).

Enfin, en mars 2021, la fédération des OPH Office public de l’habitat - Créé en 2007, est un organisme public qui construit et gère les habitations à loyer modéré (HLM). Succède à l’office public d’HLM (OPHLM) et à l’office public… avec l’appui du cabinet de conseil CMI publie une étude sur « la question du logement des travailleurs clés en Ile-de-France ». Cette étude reprend les travaux de l’Insee et de l’APUR qu’elle réactualise au regard des premiers enseignements de la crise Covid. Elle élargit les secteurs d’activité en intégrant notamment les secteurs du commerce et de l’alimentation. Dans les scénarios étudiés, elle évalue de 26 000 à 45 000 ménages clés jugés les plus prioritaires dans l’attribution d’un logement social en IdF selon un triple critère : profession clé, ressources, trajet domicile-travail.

Prévalence des travailleurs clés dans l’attribution des logements sociaux

Le rôle clé de ces travailleurs est bien identifié par le Gouvernement dans l’avant-projet de loi 4D Projet de loi « déconcentration, décentralisation, différenciation, décompléxification » « confortant les principes républicains ». Il établit en effet la prévalence de ces travailleurs clés dans l’attribution des logements sociaux. L’article 22 prévoit que la convention intercommunale d’attribution « fixe un objectif d’attributions aux demandeurs de logements exerçant une activité professionnelle qui ne peut être assurée en télétravail, dans un secteur essentiel pour la continuité de la vie de la nation ». Un décret en Conseil d’État aura pour but de préciser les modalités de mise en œuvre de cette disposition

Pour nous 3F, filiale d’Action Logement et bailleur social très présent en IdF avec 155 000 logements ou places de foyers, loger des travailleurs clés est déjà dans notre ADN. De longue date, nous logeons des salariés du secteur privé intervenant dans le domaine du service à la personne, du commerce, du transport, du nettoyage, de la maintenance, mais aussi des personnels hospitaliers, des agents de la fonction publique régalienne ou territoriale, des travailleurs des grands employeurs publics ou para-publics et, pour résumer, de toutes ces activités du quotidien qui font les commodités indispensables de la vie courante. C’est donc encourageant pour nous que la loi 4D porte cette priorité.

Cependant, cette nouvelle priorité vient s’ajouter à l’ensemble des priorités légales en matière d’attribution de logements sociaux dans les territoires tendus et questionne leur articulation.

Depuis 2007, on ne compte pas moins de 6 lois (DALO Droit au logement opposable - Institué en 2007, Droit reposant sur une procédure d’attribution sur les quotas préfectoraux de logements sociaux pour les personnes reconnues comme étant mal logées , Mobilisation pour le logement et de Lutte contre l’exclusion, ALUR Loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové du 24/03/2014 , Égalité et Citoyenneté, ELAN Évolution du logement et aménagement numérique - Loi « Logement » adoptée le 23/11/2018 par le Parlement , puis 4D) qui viennent préciser les obligations du bailleur social en matière d’attribution de logements. Nous sommes devenus des grands spécialistes de l’articulation entre le droit au logement, la mixité sociale et la transparence. Cependant, il faut bien reconnaître que nous avons une vision ou une maîtrise du sujet très variable suivant que l’on est simple citoyen, législateur, demandeur de logement social, maire, haut fonctionnaire, cadre territorial, dirigeant d’entreprise, travailleur social, responsable d’un réservataire, d’association ou d’un organisme HLM…

Priorités autour de 3 axes

C’est dans une volonté de clarification que 3F a entrepris en 2019 une refonte de sa charte d’attribution qui était devenue difficilement lisible au fil des ans et des réformes pour un non-praticien. Nos priorités sont désormais articulées autour de 3 axes :

  • agir avec les politiques publiques dans le respect des enjeux territoriaux,
  • accompagner les salariés dans leur parcours logement,
  • accueillir les personnes modestes dans l’accès à un logement adapté.

L’ajout des travailleurs clés comme objectif d’attribution dans les CIA Convention intercommunale d’attribution s’articule bien avec les 3 axes de notre charte d’attribution, en théorie. Il n’empêche qu’en pratique cet objectif une fois quantifié sur les territoires rendra encore plus délicat l’équilibre entre droit au logement, mixité sociale et transparence. En effet, nous devons, en Île-de-France, composer avec des enjeux déjà bien difficiles à relever pour les autres publics prioritaires et les salariés ne relevant pas d’un statut « essentiel ».

Volume des attributions de -19,3 % en 2020 en Ile-de-France

Nous sommes confrontés sur cette région à une combinaison de facteurs qui viennent contraindre toutes les ambitions quantitatives, qu’elles soient nationales ou territoriales. En voici une liste non-exhaustive destinée à éclairer le débat :

  • le volume des attributions a chuté de 19,3 % en 2020 en IdF, certes en raison de la crise sanitaire, mais des tendances plus lourdes sont à l’œuvre.
  • Le taux de rotation sur les logements sociaux existants est faible et ne cesse de décroître sur les 4 dernières années. Pour 3F, depuis 2019, il se situe désormais sous la barre des 6 %.
  • La commercialisation de nouveaux logements sociaux reste insuffisante face aux besoins et ce, malgré des efforts significatifs pour 3F : 2 250 logements neufs attribués en 2020, soit à peine moins que 2019, malgré l’interruption des chantiers.
  • La concurrence inflationniste que se livrent les promoteurs immobiliers - y compris sociaux, - pour construire ou créer du logement là où c’est encore possible, mobilise fortement les fonds propres des organismes HLM.
  • La demande de logements sociaux croît d’année en année : 742 000 ménages demandeurs à la fin 2020 à mettre en regard des 60 740 attributions des bailleurs sociaux franciliens en 2020. Mais cette demande imposante est insuffisamment qualifiée dans le SNE pour donner à tous les acteurs du logement une vision partagée des priorités et des réponses réelles aux besoins.
  • La complexité des systèmes d’information dans l’écosystème SNE rend l’exercice de la transparence aujourd’hui encore largement illusoire, et que dire de la bonne information des demandeurs pourtant appelée des vœux de tous.
  • La prudence des élus locaux en matière de densification urbaine qui donnent la priorité au climat et au voisinage. Ils accordent également, comme nous aussi, une grande vigilance en matière de mixité sociale. Dans ce domaine, les objectifs légaux en matière d’attributions ne manquent pas d’activer des craintes quand ce ne sont pas parfois des positions de blocage fort heureusement rares.

Un défi technique

Nous sommes face à plusieurs contradictions et même à un profond paradoxe : au fond tout le monde reconnaît l’utilité du droit au logement, mais chacun souhaite en maîtriser la mise en œuvre.

L’ajout d’une catégorie supplémentaire de ménage prioritaire représente également pour 3F un défi technique car même si le logement des travailleurs clés fait partie de nos priorités implicites de longue date, le traitement de cette donnée dans notre système d’information va nécessiter des adaptations qui devront s’interfacer avec l’écosystème SNE Système national d’enregistrement - Système informatisé regroupant l’ensemble des données relatives aux demandes de logement social .

Le travailleur clé se définit aussi comme un travailleur à loger au plus près de son lieu d’activité. À ce titre, nous devons être réservés sur l’extension de la définition des travailleurs clés aux personnels de soutien, aux fonctions supports de ces travailleurs car ces activités peuvent être largement télétravaillées pour peu que l’organisation (SI, matériel, process, management…) soit adaptée. Nous sommes également sensibles à ce que les métiers de la gestion et de l’exploitation immobilière entrent bien dans la définition des travailleurs clés. Ce sont des métiers de 2e ligne, souvent assurés par le secteur privé et indispensables pour assurer un usage normal du logement : l’entretien et de la maintenance des bâtiments (chauffage, plomberie, électricité, ascenseur…). Le premier confinement l’a bien démontré.

Gardons également à l’esprit que la notion de travailleur clé peut varier d’un territoire à l’autre et même d’une période à l’autre. Dans les années 2000, loger les travailleurs intérimaires des usines PSA en IDF était essentiel. De même, lorsque l’activité aéroportuaire ou l’activité touristique bat son plein, il est essentiel que les travailleurs saisonniers et les métiers opérationnels soient logés à proximité de leurs lieux de travail.

Le logement des travailleurs clés peut aussi demander une réponse conjoncturelle et limitée dans le temps. C’est ainsi que dès le mois d’avril 2020 chez 3F, encouragés par Action Logement, nous mettions à disposition des hôpitaux et des Ehpad franciliens des logements meublés pour les personnels venus en soutien. Dispositif supprimé 2 mois plus tard. Sur une échelle de temps un peu plus longue, que dire des grands chantiers franciliens du Grand Paris Express et des Jeux Olympiques qui nécessitent que les personnels de ces chantiers stratégiques soient logés au plus près des chantiers ? Pour eux aussi, une réponse adaptée est nécessaire. Chez 3F ce sont actuellement 90 solutions meublées temporaires qui sont proposées dans des immeubles voués à la démolition dans le cadre d’un partenariat avec Action Logement et Résidétapes.

Partants pour cette entreprise collective

Au final, ces orientations stratégiques et ces initiatives plus conjoncturelles peuvent paraître généreuses mais insuffisantes face à la réalité de la demande et à la difficulté à se loger en Ile-de-France, pour tout de demandeur et particulièrement lorsqu’on est demandeur prioritaire. Dans les faits, cette qualité de demandeur n’est pas un gage d’accès rapide à une solution de logement.

Face aux défis franciliens, nous devons toutefois entreprendre collectivement une nécessaire gestion partagée des priorités, mieux ancrée dans les territoires, dans le but de lever les contraintes qui pèsent lourd sur la production de logements sociaux et qui pèse sur les attributions à des ménages prioritaires, travailleurs clés ou pas. Nous sommes partants pour cette entreprise collective avec comme corollaire indispensable la modernisation de l’écosystème SNE.

La rubrique est animée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. L’édition 2021 est programmée le 27/08/2021 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques). Jean-Luc Berho est également président de la Coopérative de l’immobilier, à Toulouse. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.

Bruno Rousseau


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Groupe 3F
Directeur de la maîtrise d’ouvrage
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Immobilière Rhône-Alpes (3F)
Directeur général

Fiche n° 43719, créée le 27/05/2021 à 22:49 - MàJ le 29/01/2024 à 11:22

Groupe 3F

3F fait partie du pôle immobilier d’Action Logement
• Patrimoine : 305 402 logements sociaux, foyers et commerces.
• Mission : rendre possible des solutions de logement et d’hébergement adaptées aux différents revenus des locataires
• Création : 1928
• Actionnariat : 93,13 % Action Logement
• Président : Fabrice Le Saché
• Directrice générale : Valérie Fournier
• Effectif : 4 300 personnes
• Contact : Anne Fessan, service de presse (06 66 31 97 03)
• Tél.  : 01 40 77 15 15


Catégorie : Bailleurs sociaux
Entité(s) affiliée(s) : Clairsienne


Adresse du siège


159 Rue Nationale
75638 Paris Cedex 13 France


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Fiche n° 7638, créée le 19/09/2018 à 09:59 - MàJ le 25/10/2024 à 10:31


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