Le logement comme « facteur supplémentaire d’inégalité pour les jeunes » (Jérôme Drunat, APAGL)
Pour tout jeune, accéder à un logement, en particulier un logement abordable, représente une étape importante vers l’autonomie. Couplé avec l’accès à l’emploi c’est même une condition essentielle. S’il peut rendre autonome, le logement est aussi un lieu essentiel d’insertion dans la société. Toutefois, aujourd’hui, le logement est pour les jeunes un facteur d’inégalité et de précarité, écrit Jérôme Drunat
, directeur général de l’association pour accès aux garanties locatives (APAGL
Association pour l’accès aux garanties locatives - Organisme paritaire en charge d’organiser et piloter tout dispositif de sécurisation du parc locatif privé, dont la garantie Visale depuis 2016
), dans une tribune adressée à News Tank, le 28/10/2021.
Au-delà de la précarité des ressources, la précarité est aussi celle d’absence d’une ou plusieurs sécurités : éducation, emploi, santé, habitat, conditions de vie, familiales, relationnelles. Ainsi, l’accès au logement et, en particulier, l’accès au logement des jeunes, devrait être appréhendé à l’aune des risques sociaux, situés au croisement de l’emploi et du logement. L’accès au logement des jeunes est une question de politique publique.
L’APAGL est une association paritaire d’utilité sociale. Elle est, avec ALG
Action Logement Groupe
, ALI
Action Logement immobilier
, ALS
Action Logement Services - filiale d’Action Logement Groupe chargée de collecter la participation employeur (PEEC ex 1 % logement) et de distribuer les emplois
et AFL
Association foncière logement - Créée en 2002, chargée de la réalisation de logements locatifs libres dans les quartiers ANRU et de réaliser des logements sociaux dans les communes en déséquilibre
, l’une des 5 structures constitutives du groupe Action Logement. Elle a pour mission de concevoir, d’organiser et de piloter les dispositifs de sécurisation locative du groupe. Spécialiste du marché locatif privé, elle a conçu et pilote le dispositif Visale
Contrat de cautionnement gratuit et dématérialisé d’Action Logement, qui garantit les loyers et les charges impayés des parcs locatifs privés pour accompagner les locataires vers l’emploi
.
Voici la tribune de Jérôme Drunat.
Le logement comme facteur supplémentaire d’inégalité pour les jeunes
Une jeunesse précaire ! Pour tout jeune, accéder à un logement, en particulier un logement abordable, représente une étape importante vers l’autonomie. Couplé avec l’accès à l’emploi c’est même une condition essentielle. S’il peut rendre autonome, le logement est aussi un lieu essentiel d’insertion dans la société. Toutefois, aujourd’hui, le logement est pour les jeunes un facteur d’inégalité et de précarité. Au-delà de la précarité des ressources, la précarité est aussi celle d’absence d’une ou plusieurs sécurités : éducation, emploi, santé, habitat, conditions de vie, familiales, relationnelles.
Ainsi, l’accès au logement et, en particulier, l’accès au logement des jeunes, devrait être appréhendé à l’aune des risques sociaux, situés au croisement de l’emploi et du logement. L’accès au logement des jeunes est une question de politique publique.
14 % de la population française
En France, plus de 9 millions de personnes ont entre 18 et 29 ans inclus, soit 14 % de la population [1]. Les publics jeunes sont les publics les plus mobiles avec un taux de mobilité [2] des moins de 30 ans de 69,5 %, contre 19,8 % pour l’ensemble des ménages. Parmi les ménages dont la personne de référence a moins de 30 ans, 18,2 % sont propriétaires et 81,8 % locataires. Dans cette classe d’âge, deux publics sont ici examinés, les étudiants et les jeunes actifs.
Pour les jeunes actifs, logements et emploi constituent des facteurs étroitement liés de développement mais aussi de précarisation. Ces jeunes (15-29 ans) sont particulièrement touchés par la précarité du travail : sous-emploi (7,3 % contre 5,4 % pour l’ensemble des actif occupé), le chômage (15 % contre 8,5 % pour l’ensemble de la population active, avec des fortes variations territoriales), emplois aidés (1 salarié sur 4 âgé de moins de 26 ans occupe un emploi aidé).
Cette précarité du travail, donc des ressources, est accentuée avec la contemporanéisation de l’aide au logement, qui selon une étude de l’UNHAJ Union nationale pour l’habitat des jeunes - Fédération créée en 1956 regroupant aujourd’hui 350 associations gestionnaires de 500 FJT, soit 55 000 logements accueillant 95 000 jeunes par an , impacte négativement tous les jeunes actifs peu importe leur niveau de ressources.
Les chiffres de l’observatoire de la vie étudiante
Pour les étudiants (2,8 millions), le logement est doublement déterminant, à la fois sur leurs conditions de vie actuelles mais aussi dans la réussite des études, donc de leurs parcours futurs. Pour payer leurs loyers/redevances, les étudiants tirent principalement leurs ressources pour 27 % d’activité rémunérée, pour 26 % d’aides publiques et pour 38 % aides de la famille.
Selon l’observatoire de la vie étudiante, 40 % des étudiants exercent une activité rémunérée pendant l’année universitaire (32 % sans lien avec les études et 8 % exercent une activité dans le cadre de leur formation). Pour plus de 1 étudiant sur 2 exerçant une activité rémunérée, celle-ci leur est indispensable pour vivre. Toutefois, au-delà de 12 à 15 heures par semaine, une activité professionnelle est jugée comme possiblement concurrente à la réussite scolaire, notamment si elle n’a aucun lien avec les études.
Le constat est frappant, les jeunes, qu’ils soient jeunes actifs ou étudiants, sont nombreux parmi les publics en grande précarité. Le taux de pauvreté [3] de cette population s’élève à 22 %, contre 14,6 % pour l’ensemble des ménages. Les publics jeunes présentent, en outre, l’intensité de la pauvreté (« poverty gap ») la plus élevée de toutes les classes d’âge, traduisant un niveau de vie très inférieur au seuil de pauvreté [4].
Paupérisation qui bloque les parcours logement
À cette évolution de la paupérisation de la jeunesse, s’accompagne une baisse tendancielle de la décohabitation. En France, 53,5 % des 15-29 ans vivaient chez leurs parents en 2014 contre 41 % en 2007. La France est le pays de la zone OCDE Organisation de coopération et de développement économiques qui a connu le plus fort recul de la décohabitation des jeunes au cours des dernières années.
Le plus fort recul de la décohabitation des jeunes en Europe »Cette cohabitation parentale est subie. Selon la Fondation Abbé Pierre, 33 % des 18-34 ans et 55 % des 25-34 ans quitteraient le domicile parental s’ils en avaient les moyens [5].
Sur le marché locatif social l’offre de logement pour les jeunes est de plus en plus limitée et est structurellement déficitaire. La part des ménages de moins de 30 ans parmi les locataires du parc social a décru fortement en 3 décennies passant de 24 % en 1984 à 8 % en 2013 [6].
La capacité d’accueil des étudiants en France est inférieure à 400 000 logements par rapport à la population étudiante (2,8 millions). L’offre spécifique de logements à destination des jeunes actifs est elle aussi insuffisante.
Le taux d’effort a augmenté plus vite
Cet accès limité au logement social pousse ces populations, soit à rester chez leurs parents, soit à se loger dans un parc locatif privé dont les loyers ont plus fortement augmenté que les ressources des jeunes locataires. Les jeunes locataires qui occupent plutôt des logements de petite taille du secteur libre, font face à des dépenses au m2 globalement plus élevées que la moyenne [7]. Le taux d’effort a même augmenté plus vite pour les jeunes adultes que pour le reste de la population.
La caution Visale cherche à atténuer ces inégalités »À cela s’ajoute que pour les propriétaires bailleurs les jeunes « cochent » toutes les cases de « l’insécurité locative » : forte paupérisation, fort niveau de chômage, contrat de travail précaire, revenus irréguliers, les conduisant à augmenter leurs exigences à l’entrée du logement. Entre 2000 et 2018, la part de propriétaire bailleur du parc locatif privé demandant une caution personne physique est passée de 36 % à 47 %, celle des assurances loyers impayés de 11 % à 14 %.
Aux inégalités d’âges précédemment présentés, s’ajoute l’inégalité sociale, à savoir la capacité des parents à se porter caution. Par « une discrimination positive », la caution Visale mise en place par les partenaires sociaux de l’APAGL Association pour l’accès aux garanties locatives - Organisme paritaire en charge d’organiser et piloter tout dispositif de sécurisation du parc locatif privé, dont la garantie Visale depuis 2016 cherche à atténuer ces inégalités (depuis 2016 près de 580 000 ménages logés grâce à Visale, dont 190 000 sur cette année : 93 % ont moins de 30 ans et 94 % ne répondent pas aux critères « habituels » de sélection des bailleurs).
Accompagnement du parcours résidentiel
La hausse de la précarisation de la jeunesse couplée à un accès du marché locatif du logement, tant social que privée, de plus en plus limité pour cette classe d’âge doit nous interroger collectivement [8]. Le logement est, pour les jeunes, un catalyseur d’inégalité. Plus que des politiques du logement, en silo, segmentées selon les publics, selon les marchés, c’est un accompagnement du parcours résidentiel, du parcours professionnel qu’il faut développer.
Plus qu’une centralisation de ces politiques, c’est la recherche de synergies locales et/ou nationale entre acteurs privés, associatifs et publics qu’il faut établir. Il faut, à l’aune des risques sociaux qu’ils supportent, non dans les intentions mais dans les faits, faire de la jeunesse une réelle cause nationale. Selon un sondage récent, 19 % des jeunes de 18 à 30 ans se disent « très heureux », ils étaient 46 % en 1999 ! Conséquence de ce qui précède ?
[1] Insee, Recensement de la population 2018 (exploitation principale)
[2] Insee, Enquête nationale logement 2013. Le taux de mobilité correspond ici aux ménages ayant changé de logement dans les 4 années précédant l’enquête (entre 2009 et 2013).
[3] Le taux de pauvreté retenu ici correspond à la part de la population dont le niveau de vie est inférieur au seuil de 60 % du niveau de vie médian de France métropolitaine
[4] Sources : Insee-DGFIP Direction générale des Finances publiques -Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2018. L’intensité de la pauvreté (ou « poverty gap ») est un indicateur qui mesure l’écart relatif entre le niveau de vie médian de la population pauvre et le seuil de pauvreté. Plus cet indicateur est élevé et plus la pauvreté est dite intense, au sens où le niveau de vie des plus pauvres est très inférieur au seuil de pauvreté.
[5] FAP (2015) « La face cachée des Tanguy : les jeunes en hébergement contraint chez leurs parents »
[6] Les HLM en chiffres (Édition 2020)
[7] Insee, enquête nationale logement 2013 in Insee, Les conditions de logement en France, édition 2017
[8] Fanny Bugeja-Bloch, « L’accès au logement des jeunes », Les crises du logement, Jean-Claude Driant, Pierre Madec (PUF, 2019)
Rubrique dirigée par Jean-Luc Berho
La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. L’édition 2021 a eu lieu le 27/08/2021 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) sur la thématique : « Présidentielle 2022 : plaçons l’habitat au cœur du projet politique ». Jean-Luc Berho est également président de la Coopérative de l’immobilier, à Toulouse. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.
Parcours
Directeur général
Directeur des risques, de l’audit et du contrôle
Directeur des études et des statistiques
Directeur des études économiques et financières
Directeur des statistiques et des prévisions
Chef de projet à la direction de la politique médicale
Fiche n° 44660, créée le 29/10/2021 à 10:05 - MàJ le 29/10/2021 à 10:57
Action Logement (AL)
• Missions : faciliter l’accès au logement pour favoriser l’emploi
• Création : 1953 (Participation des Employeurs à l’Effort de Construction dit 1 % logement)
• Organisation :
- Action Logement Groupe : structure paritaire de pilotage global
- Action Logement Services : structure de collecte de la PEEC, de financement des bailleurs sociaux et de distribution des aides et services
- Association pour l’Accès aux Garanties Locatives (APAGL) : structure chargée d’organiser la diffusion de la garantie Visale
- Action Logement Immobilier : structure de portage des Entreprises Sociales de l’Habitat (ESH) et des sociétés immobilières de logements intermédiaires
- Association Foncière Logement (AFL) : opérateur du renouvellement urbain, pour la mise en œuvre de la mixité sociale dans les quartiers prioritaires de la ville
- 12 comités régionaux et 5 comités territoriaux (organes paritaires représentant le Groupe à l’échelle locale)
• Patrimoine : 1 112 783 logements (2023), dont 1 037 638 logements sociaux (ESH sous contrôle) et 75 145 logements intermédiaires et divers (hors ESH)
- 2022 : 1 090 304 logements
- 2021 : 1 069 957 logements, dont 1 001 714 logements sociaux (ESH sous contrôle) et 68 243 logements intermédiaires et divers (hors ESH)
• Financements aux bailleurs sociaux : 2 125 M€ en prêts, subventions et dotations en fonds propres des OLS (LI + PLAI +PLUS +PLS)
• Effectifs : 20 000 collaborateurs
• Président : Bruno Arcadipane
• Vice-président : Philippe Lengrand
• Directrice générale : Nadia Bouyer
• Contact : Sophie Benard, responsable de l’Expression publique
• Tél. : 07 50 60 95 78
Catégorie : Bailleurs sociaux
Entité(s) affiliée(s) :
- Action Logement Services (ALS)
- Énéal
- Flandre Opale Habitat
Adresse du siège
21 quai d’Austerlitz
CS 51456
75643 Paris Cedex 13 France
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Fiche n° 6460, créée le 02/02/2018 à 02:39 - MàJ le 25/10/2024 à 13:41