Crise de pouvoir d’achat liée à l’explosion du niveau des prix de l’immobilier (Fabien Roussel, PCF)
Alors que la campagne s’anime en vue des élections de 2022, un étrange paradoxe s’installe. Le pouvoir d’achat est sur toutes les lèvres, il est la première préoccupation des Français et, en toute logique, les candidats rivalisent de propositions sur ce thème. Pourtant, la question du logement a beaucoup de mal à s’installer comme un des enjeux structurants de l’élection. Voilà une lacune qui mérite d’être rapidement réparée, écrit Fabien Roussel
Secrétaire national @ Parti Communiste Français (PCF)
, candidat PCF à l’élection présidentielle 2022, dans une tribune adressée à News Tank le 10/02/2022.
Les auditions organisées à l’occasion de la remise du rapport de la Fondation Abbé Pierre (le 02/02/2022) auront au moins permis de confronter les propositions des différents candidats et de faire surgir des limbes cette question pourtant essentielle. Tant mieux. Il est clair que la crise de pouvoir d’achat est étroitement liée à l’explosion du niveau des prix de l’immobilier. Les Français paient trop cher pour leur logement. C’est vrai à l’achat et à la location, a fortiori dans les grandes métropoles les plus tendues.
Non seulement ils paient cher, mais la tendance s’accroît dangereusement au point que leur budget s’en trouve littéralement grevé. Les chiffres sont là pour en témoigner. La part des dépenses de logement dans le budget des ménages a explosé : 17 % en 1984 contre près de 25 % aujourd’hui. L’effort financier augmente en proportion inverse des revenus du ménage. On compte 5,7 millions de personnes consacrant plus de 35 % de leurs revenus au logement, chiffre qui a augmenté de 44 % depuis 2006.
Fabien Roussel (52 ans) est député du Nord et conseiller municipal de Saint-Amand-Eaux (Nord) où il vit avec son épouse et leurs 5 enfants. Journaliste de métier, il est candidat à l’élection présidentielle 2022 avec pour slogan « La France des jours heureux ».
Voici la tribune de Fabien Roussel.
La question du logement a beaucoup de mal à s’installer comme enjeu structurant
Alors que la campagne s’anime en vue des élections de 2022, un étrange paradoxe s’installe. Le pouvoir d’achat est sur toutes les lèvres, il est la première préoccupation des Français et, en toute logique, les candidats rivalisent de propositions sur ce thème. Pourtant, la question du logement a beaucoup de mal à s’installer comme un des enjeux structurants de l’élection.
Voilà une lacune qui mérite d’être rapidement réparée. Les auditions organisées à l’occasion de la remise du rapport de la Fondation Abbé Pierre auront au moins permis de confronter les propositions des différents candidats et de faire surgir des limbes cette question pourtant essentielle. Tant mieux.
Il est clair que la crise de pouvoir d’achat est étroitement liée à l’explosion du niveau des prix de l’immobilier. Les Français paient trop cher pour leur logement. C’est vrai à l’achat et à la location, a fortiori dans les grandes métropoles les plus tendues. Non seulement ils paient cher, mais la tendance s’accroît dangereusement au point que leur budget s’en trouve littéralement grevé. Les chiffres sont là pour en témoigner. La part des dépenses de logement dans le budget des ménages a explosé : 17 % en 1984 contre près de 25 % aujourd’hui.
L’effort financier augmente en proportion inverse des revenus du ménage. On compte ainsi 5,7 millions de personnes consacrant plus de 35 % de leurs revenus au logement, chiffre qui a augmenté de 44 % depuis 2006.
Londres a tourné le dos aux politiques « thatcheriennes »
Fidèle à ma ligne de conduite depuis le début de cette campagne, je souhaite m’atteler à toutes les questions qui taraudent les classes populaires et les classes moyennes. J’entends le faire en exposant des solutions pragmatiques et applicables, loin des incantations et des slogans.
Le marché de l’immobilier exclut les travailleurs essentiels »J’ai acquis dans ce domaine une conviction simple et claire : en matière de logement, le libre marché, le simple jeu de l’offre et de la demande ne produisent rien de positif. Il alimente la cherté des prix et il dégrade les conditions de logement de ceux qui n’ont que leur travail pour vivre. Le confinement de mars 2020 nous a rappelé que beaucoup des salariés de la 1ère et de la 2ème lignes, ceux qui tenaient le pays à bout de bras pendant que la France était à l’arrêt, vivaient souvent bien loin du centre de nos métropoles.
La faute aux prix trop élevés, aux loyers trop onéreux et à un marché de l’immobilier qui exclut les travailleurs essentiels. Je note, en outre, que beaucoup des grandes métropoles du monde font le choix de réguler le marché plutôt que de laisser faire. C’est vrai à New-York. C’est vrai à Londres, qui a tourné le dos aux politiques « thatcheriennes » de vente du logement social et de dérégulation du marché.
Pendant ce temps-là, le Gouvernement d’Emmanuel Macron a pris le chemin inverse. Il a fait le choix d’appliquer les politiques libérales 30 ans après nos voisins européens. Que retenir de son bilan ? La baisse des APL Aide personnalisée au logement - aide financière destinée à réduire le montant du loyer , qu’il dit regretter et qu’il s’est pourtant bien gardé de remettre en cause. Le « choc » de l’offre, tant vanté, qui s’est rapidement mué en chute de l’offre avec une production de logement sociaux au plus bas. La ponction de 1,3 Md€ par an dans la caisse des bailleurs HLM, qui a largement pesé sur leur capacité à entretenir, à rénover et à construire du logement social.
J’entends agir sur trois leviers
Il convient de tourner la page. La France des jours heureux que j’entends construire sera la France du droit au logement garanti. Pour cela, j’entends agir sur trois leviers.
D’abord, produire du logement social. La France compte un peu plus de 4 millions de logements sociaux et 11 millions d’habitants y vivent. C’est un atout incontestable. Nous avons ceci de spécifique que nous avons fait le choix de lui conférer une dimension dite « généraliste ». J’y tiens. Le logement social n’est pas réservé aux plus pauvres uniquement. Il n’a pas chez nous une vocation résiduelle. C’est aussi le logement des salariés. C’est d’ailleurs ce qui a conduit à impliquer le monde du travail dans le financement du logement via le 1 % patronal devenu Action Logement. Je suis attaché à cette dimension « grand angle » du monde HLM. Elle doit être défendue et renforcée car elle constitue la meilleure garantie contre le risque de « ghettoïsation » du logement social.
La loi SRU mérite d’être renforcée »Elle est aussi essentielle dans la mesure où elle permet d’apporter une réponse concrète aux classes moyennes de nos grandes métropoles qui, sans une offre de logements sociaux qui les inclue, seraient purement et simplement empêchés de vivre à proximité de leur lieu de travail, au vu des prix de l’immobilier privé. Le logement social doit donc s’adresser au plus grand nombre. Et en toute logique, il en faut donc en nombre beaucoup plus important.
C’est la raison pour laquelle je propose la construction de 200 000 logements sociaux par an, soit un peu plus du double du rythme actuel. Pour ce faire, il convient de donner de l’air aux bailleurs HLM qui ont été asphyxiés par les ponctions du gouvernement sortant. J’entends leur rendre les moyens de bâtir de nouveaux logements sociaux. La loi SRU Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, du 13/12/2000, dont l’article 55 impose un quota de 25 % de logements sociaux en 2025, dans chaque commune de 3 500 habitants , quant à elle, mérite d’être renforcée.
Votée en 2000, alors que Jean-Claude Gayssot était ministre (PCF) de l’équipement, des transports et du logement, elle a eu le double intérêt de dynamiser la construction de logements sociaux et de rééquilibrer leur répartition sur le territoire national. Paris comptait 13 % de logements sociaux en 2001 et quasiment le double aujourd’hui. La renforcer, c’est sanctionner plus durement les élus qui décident sciemment de ne pas la respecter lorsqu’ils auraient pourtant les moyens de le faire. A contrario, j’entends aider les maires bâtisseurs en redonnant des moyens aux communes qui ont, elles aussi, été largement touchées par les baisses de dotations de l’État.
Le niveau des loyers dans le parc privé
Ensuite, je préconise une politique de régulation plus stricte du marché immobilier privé. C’est le cas en particulier du niveau des loyers dans le parc privé. Adopté dans le cadre de la loi ALUR, l’encadrement des loyers devait initialement s’appliquer dans l’ensemble des grandes métropoles où le marché est tendu. La loi ELAN l’a rendu optionnel, et il ne s’applique qu’à titre expérimental dans un nombre d’agglomérations réduit. J’entends pour ma part l’étendre et le renforcer. Je propose qu’il s’applique à toutes les grandes métropoles sans exception, tant le niveau des loyers y est devenu excessif. Je veux le rendre plus efficace en abaissant le niveau maximum autorisé.
Il est calculé en majorant de 20 % le loyer médian du quartier concerné. C’est trop. Il sera abaissé à 10 %. Surtout, son application devra être mieux contrôlée et ceux qui y contreviennent seront sanctionnés. Qui imaginerait la mise en place de vitesses maximales sur nos routes sans radars ni amendes pour ceux qui les dépassent ? C’est pourtant ce qui se passe avec l’encadrement des loyers. Je mettrai fin à cette impunité et les loyers s’ajusteront.
Pour un nouvel aménagement du territoire
Enfin, et c’est sans doute le levier le plus important, je souhaite inscrire ma politique du logement dans le cadre plus large d’un nouvel aménagement du territoire. La métropolisation à marche forcée qui concentre emplois et richesses dans nos très grandes villes contribue très largement au renchérissement des logements qui s’y trouvent. C’est néfaste pour nos grandes métropoles qui finissent par payer le prix de leur attractivité. Trop chères, elles deviennent inaccessibles à ceux qui les font vivre. C’est néfaste pour le reste des territoires qui perdent de leur vitalité.
« Dé-métropoliser » la France et redynamiser nos villes moyennes »Je souhaite au contraire « dé-métropoliser la France », redynamiser nos villes moyennes et nos villages en leur donnant les moyens de se développer. Tout cela n’est possible qu’à la condition d’y remettre du service public, d'organiser le retour de l’État là où il a trop souvent reculé voire disparu. Il faut rouvrir des hôpitaux, des maternités de proximité, des petites lignes de chemins de fer, des bureaux de postes… C’est ainsi que pourra se dessiner un aménagement du territoire plus harmonieux, plus équilibré, dans l’intérêt de tous.
Le logement, à l’évidence, mérite mieux que le sort que le dernier Gouvernement lui a réservé. Mieux aussi que ce début de campagne qui l’a pour le moment laissé de côté. Je me mobiliserai de toutes mes forces pour qu’il y trouve la place qui lui est due. Puissent ces quelques pistes y contribuer.
Rubrique dirigée par Jean-Luc Berho
La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. L’édition 2021 a eu lieu le 27/08/2021 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) sur la thématique : « Présidentielle 2022 : plaçons l’habitat au cœur du projet politique ». Jean-Luc Berho est également président de la Coopérative de l’immobilier, à Toulouse. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.
Fabien Roussel
Secrétaire national @ Parti Communiste Français (PCF)
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Fiche n° 45037, créée le 10/01/2022 à 17:46 - MàJ le 10/01/2022 à 17:53