Logements : prendre à bras le corps ce véritable « chantier » foncier (Jean-Luc Lagleize, député)
Le manque de logements en France est une problématique centrale qui s’accentue depuis des décennies. Les métropoles et les grandes villes subissent une tension foncière à la limite du soutenable : alors que le prix des logements augmente de façon exponentielle, les indicateurs de la construction sont en déclin dans ces mêmes territoires tendus. Construire de nouveaux logements abordables est devenu un impératif politique et social qui ne peut plus attendre, écrit Jean-Luc Lagleize
Président de la Commission aménagement et politique foncière @ Toulouse Métropole • Conseiller métropolitain @ Toulouse Métropole • Conseiller municipal @ Ville de Toulouse
• Né le 9 septembre 1958 …
, député de la 2è circonscription de Haute-Garonne (Occitanie), dans une tribune adressée à News Tank le 01/06/2022.
Alors que la politique foncière a trop longtemps été négligée, la majorité présidentielle autour d’Emmanuel Macron a eu le courage de prendre à bras le corps ce véritable « chantier » foncier à travers une volonté commune affichée de réduction du coût du foncier, d’augmentation de l’offre de logements et de transition écologique du secteur. Ensemble, nous avons entamé la relance de la construction de logements à prix abordables. C’est donc ensemble que nous devons poursuivre ces efforts.
Face à cette crise du logement multifactorielle, il est nécessaire d’engager un nouveau paquet de grandes mesures afin de parvenir au choc nécessaire entre offre et demande de logement. Ces mesures doivent être guidées par trois objectifs clairs.
Voici la tribune de Jean-Luc Lagleize.
Engager un nouveau paquet de grandes mesures
Le manque de logements en France est une problématique centrale qui s’accentue depuis des décennies. Les métropoles et les grandes villes subissent une tension foncière à la limite du soutenable : alors que le prix des logements augmente de façon exponentielle, les indicateurs de la construction sont en déclin dans ces mêmes territoires tendus. Construire de nouveaux logements abordables est devenu un impératif politique et social qui ne peut plus attendre.
Alors que la politique foncière a trop longtemps été négligée, la majorité présidentielle autour d’Emmanuel Macron a eu le courage de prendre à bras le corps ce véritable « chantier » foncier à travers une volonté commune affichée de réduction du coût du foncier, d’augmentation de l’offre de logements et de transition écologique du secteur. Ensemble, nous avons entamé la relance de la construction de logements à prix abordables. C’est donc ensemble que nous devons poursuivre ces efforts.
Face à cette crise du logement multifactorielle, il est nécessaire d’engager un nouveau paquet de grandes mesures afin de parvenir au choc nécessaire entre offre et demande de logement. Ces mesures doivent être guidées par trois objectifs clairs :
- inciter la construction et l’investissement dans les logements neufs,
- remettre aux normes écologiques les logements inadaptés et vacants,
- engager une réflexion sur l’aménagement du territoire afin de rendre acceptable cette nécessaire densification.
La politique du logement doit permettre à chacun de pouvoir habiter au plus près de ses lieux de vie (travail, activités culturelles et sportives, lieu d’études de ses enfants…). Il n’est plus acceptable que la majorité des Français vivent à 15 ou 20 km des centralités auxquelles ils ont recours de façon quotidienne ! Par ailleurs, la politique foncière doit permettre à nos concitoyens de pouvoir librement acheter ou louer leur logement. Dès lors, les mesures favorisant la construction de logements à prix abordable ainsi que l’accès à la propriété doivent être renforcées et complétées.
Tendance mécanique à augmenter les prix
Tout d’abord, toutes les mesures conduisant mécaniquement à l’augmentation des prix de l’immobilier doivent être repensées. Prenons l’exemple du dispositif Pinel, qui est a priori une excellente mesure pour favoriser la construction. Ce dispositif entraine une tendance mécanique à augmenter les prix car les promoteurs immobiliers intègrent la réduction d’impôt permise par la loi Pinel dans le prix de vente final du bien immobilier. Autre exemple : la mise aux enchères des fonciers publics, qui entraîne une surenchère des promoteurs pour acquérir ces terrains, conduisant tout un quartier à avoir des références de prix à la hausse.
Face à ces mesures qui doivent être révisées, il faudrait préférer la généralisation de dispositifs comme le Loc Avantages, qui ouvre des réductions d’impôts conséquentes à des propriétaires-bailleurs proposant des loyers inférieurs aux prix du marché.
Ils retirent leur logement du marché de la résidence principale au profit de celui de la location meublée »Par ailleurs, il faut inciter l’investissement dans le logement locatif nu à titre de résidence principale. Pour cela, il est urgent de mettre fin à la différence de traitement fiscal flagrante entre les revenus des logements nus à titre de résidence principale et les logements meublés. Ces différences de traitement fiscal incitent une part non négligeable de propriétaires à retirer leur logement du marché de la résidence principale au profit de celui de la location meublée de type AirBnb, entraînant de fait un renchérissement de l’immobilier en général, et des prix de l’investissement locatif en particulier.
D’autres mesures fiscales comme l’exclusion de l’immobilier proposé à la location en tant que résidence principale de l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) est une autre forme d’incitation à investir.
Rétention du foncier
D’autres dispositifs doivent être repensées afin de fluidifier le marché immobilier. Je pense au mode de calcul des plus-values foncières. La loi actuelle incite à la rétention du foncier car elle met en place des exonérations fiscales pour des détentions longues. Il serait bien plus efficace mais également plus juste que toute plus-value donne lieu en la perception d’un impôt (sauf évidemment pour la cession d’une résidence principale).
De même, il est nécessaire de trouver un nouveau mécanisme permettant aux bailleurs sociaux d’acquérir des logements pour leurs locataires au prix du marché afin d’éviter que, dans un même immeuble, les accédants à la propriété paient le rabais consenti par les promoteurs aux sociaux. La relance de la construction de logements neufs ne doit pas pour autant se faire au prix d’un étalement urbain sans limite, d’une densification urbaine étouffante ou d’une mise à l’écart des petites et moyennes villes ou des ruralités.
La lutte contre l’étalement urbain est un point sur lequel j’ai particulièrement insisté dans mon rapport sur la maîtrise des coûts du foncier dans les opérations de construction, remis en novembre 2019 au Premier ministre. La loi Climat et Résilience a permis de la concrétiser en mettant en place le dispositif vertueux du « Zéro artificialisation nette des sols » (ZAN).
Le fonds Friches devra être élargi à la réhabilitation de logements vacants »Toutefois, il est nécessaire de moduler son application selon les territoires. Le ZAN Zéro artificialisation nette - Objectif de réduction de la consommation d’espace à zéro unité nette de surface consommée en 2050, fixé par le plan Biodiversité du Gouvernement en juillet 2018 est adapté aux métropoles, permettant de favoriser la réhabilitation de friches en centre-ville plutôt que d’artificialiser des sols nus en périphérie. Au contraire, ce dispositif est bien moins adapté aux petites communes, dont les objectifs de construction sont plus modestes mais indispensables à leur développement. Néanmoins, le ZAN permet à chacun d’intégrer la nécessité de réutiliser le foncier déjà bâti plutôt que d’artificialiser des sols.
La réutilisation du foncier déjà bâti est permise, entre autres, par le fonds Friches, que j’avais proposé dans mon rapport et qui a été mis en place en suivant par le gouvernement. Ce fonds devra impérativement être pérennisé et abondé, car rendre économiquement possible des restructurations de friches au cœur des villes est indispensable pour éviter la tentation d’aller urbaniser des terrains nus. Aussi, ce fonds Friches devra être élargi à la réhabilitation de logements vacants. Nos centres villes en regorgent : ceux-ci sont estimés à 8,2 % en France ! Face au manque de moyens des propriétaires pour réhabiliter leurs biens, il apparait donc nécessaire de les aider afin de maximiser les possibilités de réutilisation du bâti.
Rapport sur « La maîtrise des coûts du foncier dans les opérations de construction »
Depuis 2017, le mandat législatif de Jean-Luc Lagleize a été marqué par son implication sur les sujets liés au logement, à l’habitat, à la construction, à l’immobilier et à la politique de la ville. À ce titre, il a remis au Premier ministre en novembre 2019, Édouard Philippe, un rapport sur « La maîtrise des coûts du foncier dans les opérations de construction ». Il est aussi l’auteur d’une proposition de loi visant à réduire le coût du foncier et à augmenter l’offre de logements accessibles aux Français et a été rapporteur pour l’évaluation de la loi ELAN Évolution du logement et aménagement numérique - Loi « Logement » adoptée le 23/11/2018 par le Parlement en février 2022.
Densification urbaine et ambition urbanistique
Conséquence logique de cette lutte contre l’étalement urbain : la densification des villes. Ce mot peut effrayer car il renvoie à une vision étouffante de l’espace urbain. Il me paraît donc nécessaire d’accompagner cette indispensable densification urbaine d’une ambition urbanistique soucieuse de l’amélioration du cadre de vie des citoyens. Les plans locaux d’urbanisme (PLU) devront imposer des contraintes architecturales écologiques afin de rendre tous nos quartiers plus agréables à vivre (terrasses ou balcons, connexion inter quartier, espaces verts, transports en commun).
Enfin, toute réflexion sur le logement devra impérativement s’effectuer dans le cadre d’une réflexion plus large sur l’aménagement du territoire afin de permettre aux habitants des petites et moyennes villes de pouvoir aussi bénéficier de centres urbains dynamiques. Aujourd’hui, ce sont les métropoles qui concentrent l’emploi et, même si le recours au télétravail a connu une forte progression pendant la crise sanitaire, il ne peut pas être la seule manière d’envisager un lien entre l’aménagement du territoire et le dynamisme économique et social des métropoles.
Pour conclure, je souhaiterai rappeler que même si les pouvoirs publics doivent être à l’initiative de ces mesures qui permettront de mieux loger les Français, nos concitoyens doivent également porter le sujet du logement. Cela permettra d’éviter que, tous les six ans, les grues disparaissent de notre paysage urbain au moment des élections municipales. C’est un travail de coopération qui doit s’installer, afin que l’urbanisme devienne un facteur d’amélioration du cadre de vie.
Rubrique dirigée par Jean-Luc Berho
La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. La prochaine édition a eu lieu le 26/08/2022 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) sur le thème de l’urgence à agir. Jean-Luc Berho est également président de la Coopérative de l’immobilier, à Toulouse. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.
Parcours
Président de la Commission aménagement et politique foncière
Conseiller métropolitain
Conseiller municipal
Député MoDem de la 2e circonscription de Haute-Garonne
Adjoint au maire
Président départemental
Conseiller délégué de la Communauté urbaine
Conseiller municipal
Établissement & diplôme
Doctorat en informatique
Fiche n° 34866, créée le 05/04/2019 à 16:03 - MàJ le 23/08/2022 à 17:29