Entretiens d’Inxauseta 2023 : logement pour tous et transition écologique, l’impossible équation ?
Les Entretiens d’Inxauseta de 2022 s’intitulaient « Habitat, logement : ne perdons pas de temps ». Nous manquons de logements abordables, la production est insuffisante et il est urgent de réellement mettre en œuvre la transition écologique dans un secteur à fort impact sur le climat. Pourtant, le traitement de la question du logement semble être à l’arrêt et les politiques menées en continuité depuis des décennies largement inefficaces face aux défis actuels. Si les rapports et diagnostics foisonnent et ont bien cerné les enjeux, force est de constater qu’ils ne sont pas suivis d’action, comme si la gravité de la situation et l’ampleur des changements à opérer paralysaient les politiques publiques, co-écrivent Jean-Luc Berho
Président @ Les Entretiens d’Inxauseta (rendez-vous annuel sur le logement) • Président @ Soliha Pays Basque • Directeur Analyses Débats et Tribunes Cities @ News Tank (NTN) • Président @ Supastera…
, président du comité d’organisation des Entretiens d’Inxauseta, Marie Defay
Enseignante @ ENSA de Paris-Belleville
, enseignante à l’ENSA
École nationale supérieure d’architecture
Paris Belleville et consultante en développement urbain, et Isabelle Sery, membre du comité d’organisation, dans une tribune adressée à News Tank le 06/04/2023.
Les enjeux et ambitions pour une politique du logement fondée sur la transition écologique nécessitent de réinterroger les modes et les niveaux de financement public, et questionnent les modalités d’organisation des décideurs et des opérateurs. Ils exigent une refonte des politiques publiques et des choix face aux urgences. Comment revoir la politique du logement pour tous, à l’aune de quels critères, pour une transition écologique juste et rapide ? C’est cette question que les Entretiens d’Inxauseta se proposent de poser le vendredi 25/08/2023 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques).
Voici la tribune du du comité d’organisation des Entretiens d’Inxauseta.
Rapports et diagnostics à foison non suivis d’action
Les Entretiens d’Inxauseta en 2022 s’intitulaient « Habitat, logement : ne perdons pas de temps ». Nous manquons de logements abordables, la production est insuffisante et il est urgent de réellement mettre en œuvre la transition écologique dans un secteur à fort impact sur le climat.
Pourtant, le traitement de la question du logement semble être à l’arrêt et les politiques menées en continuité depuis des décennies largement inefficaces face aux défis actuels. Si les rapports et les diagnostics foisonnent et ont bien cerné les enjeux, force est de constater qu’ils ne sont pas suivis d’action comme si la gravité de la situation et l’ampleur des changements à opérer paralysaient les politiques publiques.
Une offre de logement qui se contracte dangereusement
Les difficultés de logement se multiplient. La Fondation Abbé Pierre • Statut : fondation reconnue d’utilité publique• Mission : agir pour le logement des défavorisés • Création : 1988 • Présidente : Marie-Hélène Le Nedic • Délégué général : Christophe… dénonce des prix du logement devenus insoutenables non seulement pour les ménages modestes, mais maintenant pour la majorité des ménages dans certaines zones. Dans un sondage de l’IFOP pour Sud-Ouest Pays Basque, le logement occupe la 3e place des sujets de préoccupation de la population : 35 % de citations derrière le pouvoir d’achat (56 %) et le dérèglement climatique (46 %), les trois sujets étant fortement imbriqués, mais avant la santé, la sécurité et l’emploi.
Production de logements sociaux en deçà de 100 000 agréments »La production de logements neufs est en panne sous les effets conjugués de l’inflation, de la hausse des taux des prêts, de la flambée de la valorisation du foncier (qui peut atteindre jusqu’à 60 % du prix final d’un logement dans les zones les plus prisées) et de la réduction des moyens financiers des organismes Hlm. Fin janvier, les mises en chantier sur trois mois avaient baissé de 3,3 % par rapport à la même période en 2022, et les autorisations de 22 %, selon la Fédération française du bâtiment. La production de logements sociaux a, quant à elle, terminé 2022 en deçà de 100 000 agréments.
Les constructeurs de maisons individuelles font état d’une baisse de 38,2 % des ventes entre le dernier trimestre 2021 et le dernier trimestre 2022. Sur la même période, la Fédération des promoteurs immobiliers constate une chute des réservations de logements par les particuliers de 39,1 % et de 33,1 % des ventes en bloc aux organismes HLM et aux investisseurs institutionnels. Jamais le « choc de l’offre » tant annoncé n’a paru si loin.
500 000 logements pourraient sortir du parc locatif d’ici à six ans »L’offre locative tout comme les ventes dans l’ancien, sont également impactées par le début de l’entrée en vigueur de l’interdiction de location des passoires thermiques. Sur le site d’annonces Bien’ici en janvier 2023, le nombre de logements à louer était en baisse de plus de 30 % par rapport au même mois de l’an dernier. Sur le site SeLoger, la part des ventes des passoires thermiques a été multipliée par quatre à Paris depuis 2021 et a presque doublé en zone rurale (de 15 % à 26 %). Selon la Fnaim Fédération nationale de l’immobilier , plus d’un tiers des bailleurs privés envisagent de retirer leur logement du parc locatif. Elle estime que 500 000 logements pourraient sortir du parc locatif d’ici à six ans.
Nous pouvons ajouter à cette rétractation importante de l’offre de logement, les dix millions de maisons individuelles construites sur des sols argileux et menacées en raison des sécheresses successives, et potentiellement 50 000 logements concernés à terme par le recul du trait de côte.
Inquiétude et scepticisme
Plus que jamais, logement, climat et environnement sont liés. Près de 5 millions de résidences principales nécessitent une rénovation énergétique. Il est urgent de stopper l’artificialisation des sols de même que de restaurer la biodiversité et de produire une ville adaptée au réchauffement climatique. Il faudra nécessairement résoudre l’équation des besoins en logements abordables pour tous, et de la transition écologique, rechercher des convergences, et inventer de nouveaux modèles de production de logements.
Mais la politique actuelle ne semble pas en mesure d’y parvenir. Les mesures récemment mises en œuvre ou en projet en la matière suscitent inquiétude, scepticisme voire une franche opposition :
- incitatives (MaPrimeRenov', accession sociale), elles sont trop timorées, mal financées, parfois illisibles et peinent à enclencher la dynamique nécessaire ;
- règlementaires (normes, ZAN Zéro artificialisation nette - Objectif de réduction de la consommation d’espace à zéro unité nette de surface consommée en 2050, fixé par le plan Biodiversité du Gouvernement en juillet 2018 , interdiction de la location des passoires thermiques), elles risquent d’aggraver la situation sociale et économique.
Pourtant, le besoin de transition face au défi du réchauffement climatique est une formidable opportunité de repenser un modèle à bout de souffle.
Rénover le parc existant en profondeur
La rénovation énergétique constitue à la fois une marge de manœuvre importante dans la lutte contre le réchauffement climatique et un outil de lutte contre la précarité énergétique.
Le besoin de rénover en profondeur une partie de notre parc de logement est avéré depuis de nombreuses années : la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments date de 2002. Les objectifs sont multiples : limiter la déperdition d’énergie et donc l’émission de GES Gaz à effet de serre pour les bâtiments chauffés au gaz et au fioul notamment, lutter contre la précarité énergétique des ménages les plus fragiles, assurer le confort des habitations. Malgré les renforcements législatifs, et l’objectif affiché d’un parc bâti neutre en carbone et aux normes basse consommation en 2050, les dispositifs mis en œuvre par les collectivités comme par l’État peinent à produire des résultats convaincants. Souvent en deçà de leurs objectifs en volume, ils ont aussi d’importantes lacunes en matière d’efficacité.
Préserver les sols
La mise en œuvre du ZAN Zéro artificialisation nette - Objectif de réduction de la consommation d’espace à zéro unité nette de surface consommée en 2050, fixé par le plan Biodiversité du Gouvernement en juillet 2018 , le Zéro artificialisation net, répond à plusieurs objectifs fondamentaux. En effet, l’extension de nos villes et la transformation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers en espaces « artificialisés » a de multiples conséquences bien connues.
- C’est la première cause de perte de biodiversité,
- Cela contribue au réchauffement climatique car le sol artificialisé n’absorbe plus le CO2 Dioxyde de carbone . Des îlots de chaleur se créent rendant difficiles les conditions de vie en ville,
- Artificialisation et imperméabilisation amplifient le ruissèlement des eaux de pluie, augmentent le risque inondation et contribuent à appauvrir les sols et les nappes phréatiques alors que les épisodes de sécheresse se multiplient.
Au-delà, le modèle urbain très étalé de ces dernières décennies est très coûteux en réseaux et infrastructures, contribue à paupériser des ménages dépendant de l’automobile et augmente les fractures territoriales. Enfin, il contribue à détruire la capacité de production agricole et donc notre autonomie alimentaire.
Néanmoins, le vote du ZAN suscite de nombreuses inquiétudes dans un contexte déjà tendu. Les prix des logements ont poursuivi leur hausse, les prix de la construction ont également été impactés, notamment par la hausse des prix de l’énergie. La spéculation foncière semble une conséquence inéluctable de la mise en œuvre de cette nouvelle politique, pourtant indispensable.
Concevoir une production nouvelle de logements
La production neuve reste une nécessité dans les territoires en croissance et un moteur économique important de nos territoires. De nombreuses solutions pour une production neuve ayant un impact réduit sur le climat et les écosystèmes ont été développées. Elles permettent de limiter l’émission des gaz à effet de serre aussi bien dans la phase de construction que dans l’occupation des logements. Elles peuvent aussi se révéler vertueuses pour le développement de filières et d’emplois locaux. Mais les premiers labels développés ont un impact majeur sur les prix de sortie (20 à 40 % de surcoût estimé).
Flambée des prix de sortie »Ces montants sont incompatibles avec les marchés aux prix encore modérés de certains territoires. Dans d’autres, ils risquent de contribuer à la flambée des prix de sortie qui excluent déjà la majorité des ménages de l’accession dans le neuf. Au-delà de la production de logements neufs, de nombreux projets permettent de réduire l’empreinte carbone et d’accroître l’offre : des initiatives de recyclage de matériaux et de transformation d’usage de bâtiments voient le jour et donnent des perspectives. Mais là encore, ces nouveaux modes de faire cherchent leur modèle économique et appellent de nouveaux partenariats.
Logement et transition écologique, l’équation impossible ?
Tous ces nouveaux enjeux et ambitions pour une politique du logement fondée sur la transition écologique nécessitent de réinterroger les modes et les niveaux de financement public, ainsi que les modalités d’organisation des décideurs et des opérateurs. Ils exigent une refonte des politiques publiques et des choix face aux urgences. Comment revoir la politique du logement à l’aune de quels critères pour une transition écologique juste et rapide ?
À cet égard, le contexte économique et budgétaire semble peu propice. Avec un niveau de dette à hauteur de 111 % du PIB
Produit intérieur brut
, l’heure est au resserrement des finances publiques. Le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici
Président @ Cour des comptes • Président @ Haut conseil des finances publiques
, a cité le logement comme source possible d’économies. Et des économies sont déjà en cours puisque les aides publiques sont passées de 42,2 Md€ en 2016 à 38,2 Md€ en 2021. Dans le même temps les recettes fiscales liées au logement sont passées de 70,6 Md€ à 88,3 Md€…
Le coût de l’inaction à intégrer
Dès lors, concilier les besoins de développer et d’améliorer le parc de logements et la nécessité de lutter contre le réchauffement climatique implique-t-il de renoncer à certains objectifs ou est-il possible de résoudre l’équation ? Avant tout, le coût de l’inaction est à intégrer. Les non choix budgétaires d’aujourd’hui seront les dépenses contraintes de demain. À titre d’exemple, en 2022, les dépenses liées au retrait gonflement des argiles représentent déjà plus du tiers des dépenses catastrophes naturelles des assurances [1].
Compte tenu de la fréquence des épisodes, la Cour des comptes recommande de sortir la sécheresse des catastrophes naturelles. L’étalement urbain des dernières décennies a créé un immense potentiel de restructuration et de densification, parfois avec des équipements et des services déjà en place. La rénovation est rentable sur du long terme, il est donc possible de développer un modèle financier adapté et les bénéfices collectifs sont aussi à intégrer dans l’équation.
Mais pour activer ces leviers, il faut revoir en profondeur nos modes de faire. Ce sont ces questions que les Entretiens d’Inxauseta se proposent de poser le 25/08/2023 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques).
- La matinée sera consacrée à l’identification des enjeux, des facteurs facilitateurs et des freins avec des opérateurs et des chercheurs, sur les trois volets fondamentaux que sont la rénovation énergétique, la sobriété foncière et la production d’une offre nouvelle de logement.
- L’après-midi abordera la recherche des solutions à l’équation logement pour tous/transition écologique avec les politiques et les professionnels.
[1] Il est estimé que le coût cumulé de la sinistralité sécheresse entre 2020 et 2050 représenterait un coût de 43 Md€, soit un triplement par rapport aux trois décennies précédentes (Sénat, février 2023)
Entretiens d’Inxauseta
• Association Supastera / Les Entretiens d’Inxauseta
• Création : 1982
• Mission : organiser des événements culturels et sociétaux dans le village de Bunus (Pyrénées-Atlantiques) au cœur du Pays Basque
• Président : Jean-Luc Berho
• Tél. : 05 59 37 81 49
Catégorie : Association, Fondation
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Fiche n° 7547, créée le 29/08/2018 à 12:35 - MàJ le 12/11/2024 à 15:43