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Logement : la segmentation de la jeunesse par statut est une faute politique (M. Auffret, Unhaj)

News Tank Cities - Paris - Tribune n°314650 - Publié le 09/02/2024 à 15:30
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Marianne Auffret - ©  D.R.

Le logement représente le premier poste de dépenses des jeunes alors qu’un jeune sur cinq entre 18 et 29 ans se situe sous le seuil de pauvreté. Depuis 2000, les prix de l’immobilier ont augmenté quatre fois plus vite que les revenus des ménages et représentent une dépense difficile à assumer pour les étudiants et les jeunes actifs. Les jeunes ont un taux d’effort net consacré au logement deux fois supérieur à la population générale, écrit Marianne Auffret Directrice générale @ Union nationale pour l’habitat des jeunes (UNHAJ)
, directrice générale de l’Unhaj, dans une tribune adressée à News Tank le 08/02/2024.

En 2023, en Île-de-France, seulement 12 demandes d’entrée en Foyer jeunes travailleurs sur 100 ont pu aboutir. Il y a fort à parier que les 88 % laissés sur le carreau n’étaient éligibles ni au parc privé ni au logement intermédiaire.

La segmentation de la jeunesse par statut est une faute politique. Plus encore qu’une crise du logement, c’est une crise du partage de l’espace et des ressources. Se loger est un besoin vital et, à ce titre, il est partagé par toutes les catégories de population.

Voici la rubrique de Marianne Auffret.


Sois jeune et loge-toi (en même temps)

« La France, ce sont nos jeunes qui osent et qui se lancent » a dit le Premier ministre Gabriel Attal Député dans la 10ème circonscription des Hauts-de-Seine @ Assemblée nationale
lors de son discours de politique générale le 30/01/2024 à l’Assemblée nationale. Si l’idée de cette jeunesse audacieuse est inspirante, la réalité des conditions qui lui sont faites est pour le moins contrastée. De moins en moins de ressources et des logements toujours plus chers constituent une équation fort complexe pour une jeunesse paupérisée et qui peine précisément à “se lancer” quel qu’en soit son désir. Touchés matériellement et moralement par les épreuves successives, les jeunes doivent affronter l’impitoyable effet ciseaux de la baisse de leurs ressources et de la hausse constante de la difficulté à trouver un toit.

Taux d’effort net dédié au logement deux fois supérieur à la population générale »

Le logement représente le premier poste de dépenses des jeunes alors qu’un jeune sur cinq entre 18 et 29 ans se situe sous le seuil de pauvreté. Depuis 2000, les prix de l’immobilier ont augmenté quatre fois plus vite que les revenus des ménages et représentent une dépense difficile à assumer pour les étudiants et les jeunes actifs. Les jeunes ont ainsi un taux d’effort net consacré au logement deux fois supérieur à la population générale. En 2023, en Île-de-France, seulement 12 demandes d’entrée en Foyer jeunes travailleurs sur 100 ont pu aboutir. Il y a fort à parier que les 88 % laissés sur le carreau n’étaient éligibles ni au parc privé ni au logement intermédiaire.

Crise des ressources

Cette crise du logement est aussi une crise des ressources. Depuis les années 1980, les jeunes de moins de 25 ans ont vu leur précarité dans le travail multipliée par trois, alors qu’elle est restée stable pour les autres. Depuis sept ans, ils ont connu la baisse de leurs APL Aides personnelles au logement correspondant à 3 types d’aides : l’aide personnalisée au logement, l’allocation de logement à caractère familial et l’allocation de logement à caractère social , la pandémie Covid qui a interrompu leurs contrats comme leurs formations, les réformes du chômage qui les touchent particulièrement. Les politiques familialistes suppriment de fait leur droit aux minima sociaux comme le RSA Revenu de solidarité active - Il assure aux personnes sans ressources un niveau minimum de revenu variable selon la composition du foyer. et créent des dispositifs dérogatoires moins protecteurs comme le “Contrat d’Engagement Jeunes ”. Injustement considérés comme mineurs socialement, ils sont exclus des dispositifs de consolidation économique auxquels tous les autres ont droit.

Pourtant, même si un rapport parlementaire de 2022 invite à penser la crise comme une « urgence absolue » et propose des solutions transversales, la question est souvent traitée comme un empilement de segments spécifiques et de besoins particuliers  : étudiants, saisonniers, apprentis, jeunes actifs, intérimaires, stagiaires, jeunes de l’ASE Aide sociale à l’enfance - politique publique et service départemental chargé de venir en aide aux enfants et à leur famille par des actions de prévention et de protection contre la maltraitance , jeunes de la rue, jeunes urbains et jeunes ruraux, cette catégorie «  jeunesse » qui fut un temps une « classe pour soi » se dilue dans le fractionnement sans fin des politiques spécifiques.

Chaque ministère y va de son propre plan »

Chaque financeur vient y chercher son petit, la satisfaction de son besoin immédiat et particulier. Non que nous ne pussions le comprendre car les besoins sont considérables dans cette liste à la Prévert  : les étudiants n’ont bien souvent de revenu suffisant pour se loger que s’ils cumulent emploi et études. Les zones touristiques ou agricoles qui ont besoin de main-d’œuvre saisonnière présentent souvent une offre de logement inaccessible. Les emplois en tension ne sont pas pourvus au sein des territoires pour cause d’incapacité de ceux-ci à les loger. L’apprentissage se développe et laisse son lot de jeunes gens sans solutions de logement adaptées à leur besoin en séjours courts et en double résidence. Les stagiaires ou les intérimaires ont des statuts si fragiles qu’ils peinent à rassurer leur potentiel bailleur. Les jeunes issus de l’Aide sociale à l’enfance attendent aux portes du logement alors qu’ils auraient encore plus que d’autres besoin de reconstituer leurs forces dans des lieux sécures.

Bref, partout les jeunesses patientent au portillon car l’accès au logement est absolument déterminant dans toutes ces situations. Chaque ministère y va de son propre plan qui constitue bien plus une liste d’objectifs chiffrés qu’un véritable plan. Avoir un plan, faut-il rappeler, consiste aussi à avoir une stratégie, des leviers et des outils. Le « plan pour le logement des jeunes et des étudiants » qui visait la production de 80  000 logements pour les jeunes s’est finalement avéré largement inefficace, en tout cas suffisamment pour finalement être… abandonné. Ce thermomètre-là ne détectera plus aucune fièvre, c’est sûr.

Coûteuse segmentation des publics spécifiques

Or cette vision est d’abord une faute technique  : la segmentation de ces publics spécifiques est coûteuse. Loger des saisonniers ou des apprentis de façon fractionnée ne peut se faire qu’en accueillant des publics complémentaires sur le temps plus long afin de ne pas susciter de vacance pour les opérateurs. Cette vision oblige à tenir compte de besoins par nature mouvants et fige les réponses dans des dispositifs en silos. Un étudiant qui travaille pour financer ses études n’est-il pas un jeune travailleur ? Un jeune mineur non-accompagné en apprentissage n’est-il pas un étudiant comme un autre ? Les statuts sont devenus poreux et le travail des jeunes a changé de forme : plus de mobilité, plus de contrats courts oblige à penser des projets hybrides et avant tout… abordables !

Peu de problèmes de logement ne sont pas solubles dans l’aisance »

En second lieu, cette segmentation de la jeunesse par statut est sans doute aussi une faute politique. Plus encore qu’une crise du logement, c’est une crise du partage de l’espace et des ressources. Se loger est un besoin vital et, à ce titre, il est partagé par toutes les catégories de population. Besoin universel, il n’en est néanmoins pas aussi problématique pour chacun de la même manière. Il y a peu de «  problèmes de logement » qui ne soient solubles dans l’aisance. Ainsi, les résidences secondaires continuent d’être construites, les logements vides des plateformes touristiques hantent les villes et les villages, produisant des paysages atones et des territoires stériles.

Un moment profondément politique

Alors, faut-il loger les jeunes plus que les autres ? Non. Il faut aider ceux qui y peinent le plus, quel que soit leur âge. Mais aussi noble et impératif que cela fut, le devoir d’un pays de loger sa jeunesse excède très largement le devoir de leur garantir un toit. Et plus encore, cette façon de faire ne doit pas se limiter à une vision utilitariste de catégories de populations comme simple main-d’œuvre, au risque de susciter bien peu de vocation.

Loger la jeunesse, c’est aussi accueillir le commencement de la vie sociale et politique. C’est nourrir le rapport au territoire, à la continuité, à l’altérité, à la construction d’une autonomie qui ne soit ni solitude ni relégation. C’est bien plus qu’abriter, c’est porter de la considération. Habiter n’est pas un processus immobile et univoque : c’est apprendre à quitter et revenir, à supporter ses voisins à travers l’échange et la confrontation à d’autres que soi dans une communauté d’intérêts partagés. C’est donc un moment profondément politique. À trop oublier cet aspect et n’offrir à la jeunesse que bizutage matériel, contrats d’engagement unilatéraux et promesses républicaines fragmentées, on ne lui insuffle ni élan ni audace.

La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. La prochaine édition est programmée le 30/08/2024 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) sur le thème du logement. Jean-Luc Berho est président du conseil de surveillance de la Coopérative de l’immobilier à Toulouse, administrateur de l’association Aurore, administrateur d’Espacité et membre du Conseil National de l’Habitat. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.

Marianne Auffret


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Parcours

Association Elus, Santé Publique et Territoires
Vice-présidente d’honneur
Association Aurore
Responsable recherche et développement
APHP GH Paris Centre
Présidente de la Commission locale de Surveillance
Mairie du 14e arrondissement de Paris
Maire adjointe en charge de l’urbanisme, des grands projets d’aménagement et de la santé
Association Aurore
Cheffe de service
Mairie du 14e arrondissement de Paris
Maire adjointe en charge de la santé mentale, des seniors et des personnes en situation de handicap
Mairie du 14e arrondissement de Paris
Maire adjointe en charge de la petite enfance

Fiche n° 45640, créée le 25/03/2022 à 14:54 - MàJ le 30/08/2024 à 16:41

Union nationale pour l’habitat des jeunes (UNHAJ)

• Association
• Activité : mouvement d’éducation populaire portant des projets « habitat jeunes » dans 650 territoires
• Création : 1955
• Missions : accueillir, informer et orienter des jeunes actifs, étudiants, stagiaires dans l’accès au logement autonomie, proposer des logement en collectif ou en diffus, offrir des services destinés à favoriser l’accès à l’emploi, à la santé, aux transports et loisirs
• Parc : 45 300 logements gérés (801 sites)
• Salariés : 5 200
• Président  : Claude Garcera
• Directrice générale  : Marianne Auffret
• Tél : 06 16 58 21 60


Catégorie : Association, Fondation


Adresse du siège

12, avenue du Général de Gaulle
94307 Vincennes Cedex France


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Fiche n° 9606, créée le 03/02/2020 à 02:55 - MàJ le 09/08/2024 à 11:19


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