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Autopromotion accompagnée : du logement abordable sans gaspiller les moyens publics (Denis Caraire)

News Tank Cities - Paris - Tribune n°347010 - Publié le
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Denis Caraire, cofondateur de Villes Vivantes - ©  D.R.

Le logement abordable - et bien situé - est en train de devenir un problème d’une ampleur inouïe dans notre pays. Après plus de 35 ans de carrière dans le monde du logement, j’ai plus que jamais cette conviction : arrêtons de gaspiller les moyens publics et notre énergie sur des solutions qui ne peuvent pas être passées à grande échelle. Renonçons à ce qui ne peut qu’être anecdotique. Ne construisons pas des symboles d’un monde parfait. Soyons pragmatiques et mettons tous nos efforts sur ce qui peut former une réponse viable pour le grand nombre, écrit Denis Caraire
, cofondateur de Villes Vivantes • Société• Mission : propose aux collectivités des opérations de développement et de renouvellement urbain en filière courte (offre nouvelle de logements et de locaux sur mesure)• Création … , dans une tribune adressée à News Tank le 06/12/2024.

Que nous reste-t-il si nous renonçons à ce rêve, inabordable financièrement, de complète maîtrise du devenir d’une ville ou d’un territoire par le maire et son urbaniste ? Il nous reste l’option de faire confiance aux acteurs, aux habitants, à leur capacité d’investissement et de portage de projets, en grande partie en auto-promotion.

En 2023 et 2024, Villes Vivantes a accompagné, dans le cadre d’un échantillon d’une petite dizaine d’opérations, sur le territoire national, un peu plus de 2 000 projets de création de logements chaque année, avec un taux de transformation à cinq ans se situant entre 20 et 40 % de réalisations selon les territoires et la situation conjoncturelle du marché.

Voici la tribune de Denis Caraire.


Autopromotion accompagnée ou comment produire du logement abordable à grande échelle

Le logement abordable - et bien situé - est en train de devenir un problème d’une ampleur inouïe dans notre pays. Après plus de 35 ans de carrière dans le monde du logement, j’ai plus que jamais cette conviction : arrêtons de gaspiller les moyens publics et notre énergie sur des solutions qui ne peuvent pas être passées à grande échelle. Renonçons à ce qui ne peut qu’être anecdotique. Ne construisons pas des symboles d’un monde parfait. Soyons pragmatiques et mettons tous nos efforts sur ce qui peut former une réponse viable pour le grand nombre.

Les solutions qui nécessitent des acquisitions foncières publiques massives, des financements publics importants de déficits d’opération ou l’engagement de moyens publics démesurés par rapport au nombre de logements produits, ces solutions formidables, mais trop chères, ne sont, par définition, pas “scalables”. Ni hier, ni aujourd’hui, comme nous le voyons, ni demain alors que les débats sur les économies budgétaires seront sans doute prédominants dans les 10 prochaines années en France, elles ne peuvent pas être passées à l’échelle.

Que nous reste-t-il si nous renonçons à ce rêve, inabordable financièrement, de complète maîtrise du devenir d’une ville ou d’un territoire par le maire et son urbaniste ? Il nous reste l’option de faire confiance aux acteurs, aux habitants, à leur capacité d’investissement et de portage de projets, en grande partie en auto-promotion.

Offre de logements sur mesure en intensification urbaine

Ces 50 dernières années, la maison individuelle construite à maîtrise d’ouvrage habitante, c’est-à-dire en autopromotion, sur un terrain de lotissement ou en diffus, a assuré entre 30 et 50 % de la production de logements en France, pourvoyant largement le segment du logement abordable, en complément d’une part du logement social et d’autre part de la production d’appartements en promotion immobilière “libre”, laquelle s’est fortement appuyée sur les dispositifs de défiscalisation de l’investissement locatif.

Cette production massive de logements abordables s’est faite, essentiellement, sous forme de maisons familiales construites en étalement urbain. À l’heure du ZAN Zéro artificialisation nette - Objectif de réduction de la consommation d’espace à zéro unité nette de surface consommée en 2050, fixé par le plan Biodiversité du Gouvernement en juillet 2018 , une nouvelle famille d’opérateurs a élaboré une offre de service afin de faire transiter cette filière : d’un déploiement de typologies assez uniformes en extension urbaine, en 1e et 2e couronnes des agglomérations, vers le déploiement d’une offre de logements sur mesure, réalisés en intensification urbaine, sur des terrains déjà bâtis des villes comme des villages, au sein des tissus déjà urbanisés, viabilisés et équipés.

Démonstration avec une vingtaine d’expérimentations »

Villes Vivantes, dont je suis l’un des cinq associés cofondateurs, est l’un de ces acteurs, qui a pour projet de transformer l’étalement pavillonnaire produits au cours des dernières décennies en un vaste tissu villageois. Premier opérateur de la « densification douce » en France, nous avons démontré, ces 12 dernières années et à travers une vingtaine d’expérimentations, que la voie de l’implication forte et radicale des habitants dans la production de l’offre nouvelle de logements abordables est plus que prometteuse : qu’elle permet tout d’abord de travailler dans tous les territoires, tendus comme détendus, des hameaux ruraux jusqu’au cœur des grandes métropoles ; qu’elle permet ensuite d’accompagner des projets portés par de jeunes de 20 ans comme par des couples d’octogénaires recherchant un plain-pied de rêve dans lequel passer leurs plus belles années, comme par des familles monoparentales qui souhaitent rebondir après un divorce ou d’autres encore, qui voient la famille s’agrandir.

Le modèle économique de l’auto-promotion est aussi simple qu’il est agile, compatible avec des projets sur mesure, et abordable : un particulier possède un terrain ou fait l’acquisition d’un terrain à bâtir issu de la division, sur mesure, d’un terrain déjà bâti appartenant à un autre particulier. Sur ce terrain, il va porter, comme maître d’ouvrage, et grâce à notre accompagnement global, un projet de construction d’un nouveau logement. La plupart du temps, il fera appel à un maître d’œuvre, un architecte ou un constructeur de maison, à un géomètre expert en cas de division, un notaire ainsi qu’un agent immobilier en cas de vente.

Rôle d’interface et réflexions patrimoniales

Villes Vivantes opère à l’interface entre la collectivité, qui souhaite favoriser cette production de logement au sein de son tissu urbain, et les centaines ou milliers d’habitants porteurs de projet potentiels, que nous accompagnons dans leurs réflexions patrimoniales. Intéressés par connaître le potentiel d’évolution ou de transformation de leurs biens, ils nous contactent pour étudier les options, leur faisabilité réglementaire, économique et architecturale, puis pour les aider à prendre la bonne décision et phaser la réalisation de leur projet.

Nous restons ensuite aux côtés de ceux qui décident de passer à l’action, ainsi que de la collectivité et de ses équipes en charge de l’instruction du droit des sols, jusqu’à la concrétisation des projets, et nous sommes rémunérés par la collectivité en fonction des résultats obtenus. Les collectivités peuvent compter sur un opérateur d’un genre nouveau, ni aménageur lotisseur, ni promoteur. Grâce à lui, en temps et en heure, une offre abordable et adaptée à la demande sera réalisée.

Fonds publics en ingénierie et en pilotage de l’opération »

Elle sera réalisée sur des terrains que ni la collectivité ni l’opérateur n’auront eu à acheter, via des projets que ni la collectivité ni l’opérateur n’auront eu à porter : ce sont les particuliers eux-mêmes qui opèrent, en filière courte, dans le cadre d’un accompagnement global prodigué par l’opérateur et la collectivité, qui n’investit de fonds publics qu’en ingénierie et en pilotage de l’opération. Ce modèle est-il prêt, aujourd’hui, à être passé à l’échelle ? Voici les données qui nous autorisent à répondre “oui” avec une certaine assurance.

Un potentiel qui correspond à 50 % des besoins

En un peu moins d’une douzaine d’années de travaux de R&D, les équipes de Villes Vivantes ont co-conçu, dans le cadre d’opérations BIMBY Littéralement « Build in My Back Yard » : concept d’aménagement urbain s’appuyant sur les quartiers pavillonnaires déjà existants pour limiter l’étalement urbain , BUNTI Action, opération ou recherche ayant pour objectif l’adaptation profonde du bâti ancien à la demande contemporaine d’habitat , BAMBA « Beautifull And Made for You Built Area » : projet de recherche & développement visant au déploiement rapide d’une offre massive de maisons abordables et sur mesure et WIBY Densification haute selon un procédé agile et itératif, couplant ingénierie avancée de la définition des droits à bâtir , plus de 14 000 projets de nouveaux logements portés par un peu plus de 10 000 ménages.

En 2023 et 2024, Villes Vivantes a accompagné, dans le cadre d’un échantillon d’une petite dizaine d’opérations réparties sur l’ensemble du territoire national - qui s’égrènent des villages des Vosges Centrales jusqu’aux côtes bretonnes, en passant par la métropole bordelaise et les quartiers nord de Clermont-Ferrand - un peu plus de 2 000 projets de création de logements chaque année, avec un taux de transformation à 5 ans se situant entre 20 et 40 % de réalisations selon les territoires et la situation conjoncturelle du marché. Généralisée à l’ensemble des territoires, ces opérations de densification douce représentent un potentiel considérable pour développer une offre sur mesure et sans étalement urbain, en réponse directe à la demande locale.

Entre 90 000 et 180 000 logements créés chaque année »

À raison d’un taux d’activation de 1 % par an, les 20 millions de maisons individuelles que comptent la France permettraient, par les méthodes de la densification douce, de produire quelque 200’000 nouveaux logements chaque année, par reconfiguration des maisons existantes et/ou construction de nouvelles maisons ou appartements dans les jardins. Soit de l’ordre de la moitié des besoins estimés à l’échelle nationale.

Parmi ces 20 millions de maisons existantes, 9 millions sont situées dans les communes de +10 000 habitants et leurs communes limitrophes : dans ces espaces les mieux équipés et desservis du pays, ce sont donc entre 90 000 et 180 000 logements qui peuvent être créés chaque année, selon le taux d’activation que l’on considère (entre 1 %/an et 2 %/an) tout en respectant le principe du ZAN Zéro artificialisation nette - Objectif de réduction de la consommation d’espace à zéro unité nette de surface consommée en 2050, fixé par le plan Biodiversité du Gouvernement en juillet 2018 .

Conquête des métropoles et secteurs tendus du territoire

La dynamique qui, à Morlaix (Finistère), dans les Vosges, à Lorient Agglomération, à Nancy, à Clermont-Ferrand et ailleurs, a permis de construire les méthodes et la réussite des opérations BIMBY Littéralement « Build in My Back Yard » : concept d’aménagement urbain s’appuyant sur les quartiers pavillonnaires déjà existants pour limiter l’étalement urbain , Bunti et Bamba, est plus délicate à faire émerger là où les besoins en logements sont les plus importants, dans les secteurs tendus des grandes métropoles. L’une des clés pour le passage à l’échelle de la densification douce en France résidera dans notre capacité collective à déverrouiller ces territoires dont le potentiel est immense, lui aussi.

L’une des clés pour emporter l’opinion des professionnels, des élus et du grand public, au sein de ces territoires tendus tout particulièrement, réside dans la réponse à cette question qui est plus complexe qu’il n’y paraît : la densification du tissu urbain est-elle réellement défavorable à la préservation et au renforcement de la biodiversité en ville ? Accueillir plus signifie-t-il nécessairement dégrader la présence de la nature en ville ?

Priorité aux décisions des occupants »

Les recherches scientifiques empiriques conduites dans le monde sur le sujet montrent que le renforcement de la présence de la nature en ville peut aller de concert avec la densification du tissu urbain : ce sont les décisions des occupants de planter, d’entretenir et de jardiner qui sont les facteurs décisifs, bien plus que les caractéristiques physiques intrinsèques des parcelles et de leurs bâtiments. Ces résultats rejoignent les constats empiriques que nos équipes opérationnelles nous font remonter du terrain : la qualité d’un jardin, sa propension à accueillir une diversité d’espèces, dépend avant tout, en ville, du jardinier. Faire d’une maison, deux maisons, selon le processus BIMBY, c’est en réalité, non seulement démultiplier le nombre de logements avec jardins disponibles en France, sans étalement urbain et sans avoir à créer de nouvelles voies et réseaux. C’est aussi démultiplier le nombre de jardiniers qui pourront s’occuper, avec plus d’intensité, de jardins plus petits mais plus soignés, plus riches en biodiversité, et sans doute plus intenses en usages également.

La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. La dernière édition a eu lieu le 30/08/2024 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) sur le thème du logement. Jean-Luc Berho est président de Soliha Pays Basque, président du conseil de surveillance de la Coopérative de l’immobilier à Toulouse, administrateur de l’association Aurore, administrateur d’Espacité et membre du Conseil national de l’habitat (CNH). La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.

Parcours

Office professionnel de qualification des urbanistes Nom de l’entrepriseOffice Professionnel de Qualification des Urbanistes
Président
Villes Vivantes
Associé et cofondateur
Compagnie des Urbanistes (Sarl)
Gérant

Fiche n° 44369, créée le 17/09/2021 à 11:37 - MàJ le 06/12/2024 à 11:17

Villes Vivantes

• Société
• Mission :
propose aux collectivités des opérations de développement et de renouvellement urbain en filière courte (offre nouvelle de logements et de locaux sur mesure)
• Création : 2013
• Implantations : Bordeaux, Dijon, Lyon, Paris, Rennes et Toulouse
• Président : David Miet
• Cofondateur : Denis Caraire
• Tél. : 06 50 89 20 11


Catégorie : Architecture et Urbanisme


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Fiche n° 12638, créée le 17/09/2021 à 14:36 - MàJ le 06/12/2024 à 10:48

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Denis Caraire, cofondateur de Villes Vivantes - ©  D.R.