La prolifération des logements inoccupés est un véritable fléau (J. Baudrier, adjoint à la maire de Paris)
La reconquête des logements inoccupés, en particulier des résidences secondaires, doit devenir une priorité politique. La prolifération des logements inoccupés est un véritable fléau dans les zones du territoire se caractérisant par un fort déficit en logement, où plusieurs millions de logements ne servent pas à loger de manière pérenne les habitantes et habitants. Adjoint à la maire de Paris, il s’agit de ma première priorité afin de garantir à toutes et tous la possibilité de se loger dignement, écrit Jacques Baudrier
Adjoint en charge du logement et de la transition écologique du bâti @ Ville de Paris • Conseiller métropolitain délégué au déploiement des pistes cyclables @ Métropole du Grand Paris (MGP)
• Né le…
, maire adjoint à la Ville de Paris
• Commune et département (statut particulier), situés en région Île-de-France• Population : 2 087 577 habitants• Superficie : 105,4 km2• Intercommunalité : Métropole du Grand Paris• Maire : Anne…
en charge du Logement et de la transition écologique du bâti, dans une tribune adressée à News Tank le 30/04/2025.
Les chiffres sont dramatiques. La France compte 3,1 millions de logements vacants et 3,7 millions de résidences secondaires et occasionnelles (contre 2,3 millions en 1982). Sur ces 6,8 millions de logements partiellement ou totalement inoccupés, une forte proportion se trouve en zone tendue, là où se loger est particulièrement difficile.
Paris est tout simplement le département de France où le nombre de logements inoccupés progresse le plus vite. Il faut que ce nombre recule.
Voici la tribune de Jacques Baudrier.
France urbaine
• Association d’élus qui porte les intérêts des grandes villes et métropoles françaises dans les politiques publiques
• Création : 01/01/2016, à l’issue de la fusion de l’association des maires de…
Remettre sur le marché 1 million de logements inoccupés, c’est possible et ce doit être une priorité
La reconquête des logements inoccupés, en particulier des résidences secondaires doit devenir une priorité politique. La prolifération des logements inoccupés est un véritable fléau dans les zones du territoire se caractérisant par un fort déficit en logement, ou plusieurs millions de logements ne servent pas à loger de manière pérenne les habitantes et habitants. Adjoint à la maire de Paris chargé du logement et de la transition écologique du bâti, il s’agit de ma première priorité afin de garantir à toutes et tous la possibilité de se loger dignement.
Les chiffres sont dramatiques. La France compte 3,1 millions de logements vacants et 3,7 millions de résidences secondaires et occasionnelles (contre 2,3 millions en 1982). Sur ces 6,8 millions de logements partiellement ou totalement inoccupés, une forte proportion se trouve en zone tendue, là où se loger est particulièrement difficile.
Les villes transformées en zone de villégiature »Paris est tout simplement le département de France où le nombre de logements inoccupés progresse le plus vite. Il faut que ce nombre recule. Il ne s’agit pas dans mon esprit d’interdire de manière absolue d’avoir une résidence secondaire. Il s’agit seulement de réguler leur présence dans les zones de forte attraction où il est devenu impossible de se loger et dont la prolifération des résidences secondaires transforme les villes en zone de villégiature. À Paris, 20 % des résidences secondaires sont détenues par… des Parisiens, 40 % par des Franciliens. Nous sommes bien loin de la maison de vacance !
Dans la capitale, la situation est devenue extrêmement préoccupante. Le nombre de logements vacants et surtout de résidences secondaires est en hausse perpétuelle. En 2021, la ville comptait 268 502 logements inoccupés. Nous estimons ce nombre à 300 000 en 2025. Paris compte 8 000 logements locatifs privés en moins par an et 7 000 résidences secondaires et logements vacants en plus, et cela depuis 10 ans. Le marché privé est donc totalement asséché par la captation de ces logements pour en faire autre chose que de la résidence principale. Il n’y a plus que 350 000 logements locatifs privés à Paris au lieu de 600 000 il y a une trentaine d’années. Et ce nombre pourrait encore fortement reculer si aucune régulation n’est engagée par l’État.
Les chiffres qui illustrent le blocage à Paris
Les aides d’État pour la rénovation des pires passoires énergétiques (les logements en DPE Diagnostic de performance énergétique - évaluation pour un logement ou d’un bâtiment, en évaluant sa consommation d’énergie et son impact en terme d’émissions de gaz à effet de serre G) sont très insuffisantes. Résultats : nous rénovons beaucoup se logements en DPE Diagnostic de performance énergétique - évaluation pour un logement ou d’un bâtiment, en évaluant sa consommation d’énergie et son impact en terme d’émissions de gaz à effet de serre D et E et peu de G. Nous rénovons surtout des logements qui ne sont pas interdits à la relocation. Des dizaines de milliers de logements en DPE G devraient sortir du marché locatif privé en France en 2025 de ce fait. À Paris le recul du nombre de logements locatifs privés devrait être compris entre 15 000 et 20 000 unités juste cette année. Et le nombre de logements inoccupés augmenter comme jamais.
Cet assèchement du marché privé vient bloquer les parcours résidentiels. Désormais, les ménages ne sortent plus du parc social car c’est pour eux impossible d’intégrer le marché privé : absence d’offres, prix exorbitants. À Paris, les chiffres illustrent ce blocage : alors que nous produisons toujours plus de logement social (123 000 depuis 2001), nous n’avons jamais attribué si peu de logements, moins de 9 000 logements par an. Le taux de rotation ne dépasse pas les 3 %. Plus personne ne quitte le logement social et donc très peu de gens l’intègrent.
Développer d’autres formes de logement abordable »Face à cette réalité, il y a à mon sens deux choses à faire. La première, c’est ce que nous faisons à Paris et ce que font de nombreuses villes, c’est de développer l’offre publique. Pas seulement le logement social, mais le logement abordable dans ces différentes composantes afin de répondre aux besoins d’une très large part de la population. Tout d’abord, il convient de rappeler que 70 % des Françaises et Français sont éligibles au logement social. C’est donc un logement qui s’adresse très largement à tout le monde.
De plus, nous développons d’autres formes de logement abordable, comme le bail réel solidaire, qui permet d’accéder à la propriété, sous conditions de ressources, à moindre coût. À Paris, nous commercialisons plusieurs centaines de logements à 5 000 € le m2 (contre 10 000 m2 en moyenne sur le marché). En complément, la Ville de Paris vient de créer cette année une société foncière afin de développer du logement intermédiaire.
Désengagement de l’État sur la question du logement
Seule une volonté politique farouche et des moyens colossaux permettent d’atténuer les effets de la crise du marché privé. Paris possède les deux. Le budget que consacre la Ville de Paris au logement est cette année de 800 M€, soit près du double qu’il y a cinq ans. Pourtant, la crise s’accélère. En cause un désengagement de l’État sur la question du logement, des attaques répétées contre les bailleurs sociaux, une incapacité à réguler le marché privé pour des raisons purement idéologiques.
Les taux sont très loin d’être dissuasifs »En effet, notre pays compte une explosion des logements inoccupés. Si nous n’arrêtons pas leur prolifération dans les zones de fort déficit, alors des millions de personnes continueront d’être en situation de mal logement. Nous connaissons les solutions. La première d’entre elle est la fiscalité, une fiscalité renforcée afin de rendre réellement incitatif la remise sur le marché de la résidence principale. Aujourd’hui, la fiscalité se compose de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, la taxe sur les logements vacants dans les zones tendues et la taxe d’habitation sur les logements vacants dans les zones détendues. Seulement, les taux sont très loin d’être dissuasifs. À l’instar de Paris, de nombreuses communes de gauche comme de droite demandent la possibilité d’augmenter drastiquement ces taux, en créant une taxe unique à la main des collectivités territoriales.
Ce projet a fait l’objet de deux amendements au projet de loi de finances 2025 portés par des parlementaires de tout bord et l’association France Urbaine. Le Sénat a été jusqu’à les adopter, une partie du dispositif allant jusqu’à la commission mixte paritaire. Malheureusement, sous pression du Gouvernement, cette disposition a été retirée. Une aberration car cette mesure aurait permis de libérer 100 000 logements à Paris, 1 million à l’échelle nationale. Et elle aurait rapporté plusieurs milliards d’euros à l’État en impôt sur les revenus locatifs ! Refus de nouvelle fiscalité, refus de donner une quelconque autonomie fiscale aux collectivités territoriales : le dogmatisme du ministère des Finances est très préjudiciable au droit au logement pour tous.
Un préalable à la relance globale du secteur du logement
Pourtant, d’autres États ont mis en place une fiscalité beaucoup plus forte avec des résultats très probants : la Belgique, le Canada (en particulier Vancouver qui ne compte quasiment plus de logements inoccupés) ou la Suisse, pourtant pas réputée pour ses taux confiscatoires ! Il y a urgence à ce que l’État nous laisse enfin augmenter la fiscalité sur les logements inoccupés. Il y a urgence à ce que les aides de l’État pour la rénovation des logements en DPE G soient beaucoup plus importantes, que les aides soient calculées sur la base d’un plafond de travaux de 70 000 € et non de 25 000 €.
Il y a urgence à agir, la crise s’accélère, fragilisant les ménages, les communes, des secteurs économiques entiers comme le bâtiment et la construction. L’adoption de ces mesures fiscales est pour moi un préalable à la relance globale du secteur du logement.
Rubrique dirigée par Jean-Luc Berho
La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. La prochaine édition est prévue le 29/08/2025 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) sur le thème du logement. Jean-Luc Berho est président de Soliha Solidaires pour l’habitat, réseau PACT et réseau Habitat & Développement Pays basque, président du conseil de surveillance de la Coopérative de l’immobilier à Toulouse, administrateur de l’association Aurore, administrateur d’Espacité et membre du Conseil national de l’habitat (CNH Conseil national de l’habitat ). La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.
Jacques Baudrier
Adjoint en charge du logement et de la transition écologique du bâti @ Ville de Paris
Conseiller métropolitain délégué au déploiement des pistes cyclables @ Métropole du Grand Paris (MGP)
• Né le 11/06/1966
• Membre du Conseil national du Parti communiste français (PCF)
• Auteur de « Paris n’est pas à vendre », avec Ian Brossat (Éditions Arcane 17 - 2013) et « L’ABC de la stratégie », avec Christophe Bouton (Éditions Poyot - 1989)
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Parcours
Adjoint en charge du logement et de la transition écologique du bâti
Conseiller métropolitain délégué au déploiement des pistes cyclables
Adjoint en charge de la construction publique, du suivi des chantiers, de la coordination des travaux sur l’espace public et de la transition écologique du bâti
Collaborateur de cabinet
Conseiller
Directeur de l’aménagement du territoire
Établissement & diplôme
Fiche n° 43199, créée le 11/03/2021 à 18:20 - MàJ le 30/04/2025 à 14:05