Nouveaux types de financement : pour l’accès des jeunes à la propriété de leur logement (X. Lépine)
Une étude des Caisses d’Épargne auprès de 5 000 personnes âgées de 18 à 34 ans a confirmé qu’être propriétaire est un idéal pour 81 % d’entre eux. Mais 43 % pensent qu’ils ne pourront pas l’être. Ils évoquent de nouvelles formes de propriété qui n’existent pratiquement pas : 83 % souhaiteraient une LOA
Location avec option d’achat
, 68 % une forme de viager, 48 % évoquent la dissociation foncier-bâti, 67 % une propriété temporaire, 68 % l’acquisition d’une partie du logement. Il n’y a pas de solution unique, ni miracle, et celle que nous développons répond à trois objectifs structurants, écrit Xavier Lépine
Président @ Paris Île-de-France Capitale Économique • Président-fondateur @ Société des Nouveaux Propriétaires (néoproprio)
, président de Néoproprio, dans une tribune adressée à News Tank, le 12/05/2025.
Les avantages sont multiples selon les acteurs. Les maires sont généralement favorables à ce système qui évite la vente en bloc à des bailleurs pour du locatif. Les immeubles peuvent ainsi être achetés par des propriétaires occupants qu’ils soient en pleine propriété classiquement ou néopropriétaire, garant d’une gentrification douce et d’une mixité sociale.
Voici la tribune de Xavier Lépine.
Pour l’accès des jeunes à la propriété de leur logement
La problématique est bien connue. Pour de multiples raisons en l’espace de quelques décennies l’accès au logement est devenu très difficile pour les générations montantes (loyer comme acquisition), en particulier dans les zones tendues, là où les bassins d’emplois sont aussi les plus importants.
Une étude menée par les Caisses d’Épargne auprès de 5 000 personnes âgées de 18 à 34 ans a confirmé qu’être propriétaire est un idéal pour 81 % d’entre eux mais 43 % pensent qu’ils ne pourront pas l’être. Ils évoquent de nouvelles formes de propriétés qui n’existent pratiquement pas : 83 % souhaiteraient une LOA Location avec option d’achat , 68 % une forme de viager, 48 % évoquent la dissociation foncier-bâti, 67 % une propriété temporaire, 68 % l’acquisition d’une partie du logement. Il n’y a pas de solution unique ni miracle et celle que nous développons répond à trois objectifs structurants.
- Du côté des particuliers accédants, c’est de bénéficier des fondamentaux de la propriété (sécurité d’être propriétaire, générer une épargne, ainsi qu’une plus-value quand elle a lieu) pour un coût comparable, voire inférieur à celui d’un loyer.
- Créer les conditions d’un retour des institutionnels sur le résidentiel (non-géré).
- Refaire du logement un actif d’efficacité économique et non pas de rareté, qui n’a pas fondamentalement besoin de subventions publiques (pour les utilisateurs comme pour les investisseurs).
Les possibilités du bail emphytéotique
Juridiquement, il s’agit d’un bail emphytéotique, un acte notarié, pour la durée maximale d’un crédit, soit 25 ans. Le bail emphytéotique est un droit réel immobilier qui concède une propriété totale à l’acquéreur pendant la durée du bail et la liberté contractuelle entre les parties permet de répondre aux objectifs et contraintes des parties.
Pour les jeunes, c’est d’être propriétaire pour un coût abordable tout en conservant la flexibilité d’un locataire.
- Le Néopropriétaire est juridiquement chez lui, il a le même logement et les mêmes droits et obligations qu’un acheteur en pleine propriété (AG Assemblée générale et charges de copropriété, taxe foncière..). Il n’a pas besoin d’un apport et il acquiert son bail emphytéotique via un crédit immobilier pour un coût mensuel (remboursement du crédit et paiement d’une redevance) parfois inférieur à un loyer (le PTZ Prêt à taux zéro permettant de réduire le coût du financement pour les primo-accédants). Il n’a pas d’indexation dans le temps du coût à la différence d’un loyer, donc une charge de logement qui diminue dans le temps.
- La mobilité est un facteur très important pour les jeunes, qu’elle soit professionnelle ou familiale. Il est très rare que des jeunes restent plus de 8-10 ans dans le même logement, sauf à y être contraint pour des raisons économiques. Le Néopropriétaire a la flexibilité de partir à tout moment pendant les 25 ans de la durée du bail : l’investisseur bailleur est engagé à racheter à tout moment le bail sur la base d’une formule qui garantit au particulier une épargne minimum égale au prix de rachat diminué du remboursement du solde restant dû sur son crédit ; son épargne est majorée d’une fraction de la hausse éventuelle du prix de son logement.
- Ayant pu acheter dès le début le logement qui lui convient et qu’il n’aurait pas pu acquérir totalement à l’origine, le Néopropriétaire a la possibilité d’acheter à tout moment la propriété définitive de son logement à son « bailleur ». Le bien est réévalué sur la base d’une expertise et le Neopropriétaire achète le solde sur la base du nouveau prix. Il a donc la possibilité d’acheter en deux fois.
- Si finalement, il est resté pendant les 25 ans, il n’est plus titré et sauf meilleur accord, il doit partir et récupère 50 % du montant du crédit d’origine (alors qu’il ne doit plus rien à la banque), 50 % de la plus-value éventuelle et s’il avait fait un apport à l’origine, ce dernier est réévalué, soit au total plus de 60 % du total des loyers qu’il aurait payé sur les 25 ans.
Pour les familles mono-parentales et recomposées
Outre les jeunes, les cibles sont aussi les familles mono-parentales comme recomposées et d’une manière plus générale tous ceux qui veulent habiter quelque part et non pas simplement se loger. Le dispositif ne s’adresse donc qu’à ceux qui ont un horizon de temps d’au moins 5 à 6 années et, idéalement, à partir de 8 ans, même si une sortie anticipée est toujours possible mais moins attractive.
Se constituer un apport pour une acquisition ultérieure »Au total, le Néopropriétaire économise entre 25 et 40 % selon le nombre d’années d’occupation de tout ce qu’il a payé, tout en payant la même chose, voire moins qu’un loyer, et peut se constituer un apport pour une acquisition ultérieure, qu’elle soit en pleine propriété ou en Néopropriété. Exemple de comparaison de coût mensuel pour un logement de 250 000 € (chiffres estimés car les conditions du PTZ Prêt à taux zéro dépendent de la zone, des revenus du foyer fiscal et de la composition de la famille) :
Pour le coût d’un loyer (à fonds perdus), le Neopropriétaire s’il revend au terme de, par exemple 10 ans net du remboursement du crédit restant dû, il aura généré une épargne de 29 000 € (hypothèse d’inflation immobilière de 2 % en moyenne par an), soit l’équivalent de 35 mois de loyer ou l’équivalent de 30 % du total de ses dépenses sur 10 ans.
Focus sur les investisseurs institutionnels
Du côté des investisseurs institutionnels, il s’agit de retrouver un rendement « normal », attractif, dans un rapport juridique apaisé. Les institutionnels ont globalement vendu leur parc de logements depuis une trentaine d’années pour de bonnes raisons.
- Rendement brut locatif trop faible (2,5 à 4 %) par rapport aux autres classes d’actifs immobiliers ou actifs financiers liquides.
- Pas de récupération de la TVA (20 %) payée à l’achat de logements neufs locatifs contrairement au tertiaire ou résidentiel géré (soumis à la TVA sur les loyers et récupérée par l’investisseur).
- Coûts de gestion très élevés (0,75 à 1 %).
- Diminution croissante du droit de propriété :
- bail résidence principale de 1989 (répartition des charges et taxes)
- encadrement des loyers (la détention d’immobilier est motivée par la protection de l’inflation sur le long terme et donc l’indexation des loyers)
- risque d’image en cas d’impayés
- impact de la loi Aurillac sur la vente à la découpe.
- Un TRI Taux de rentabilité interne - outil de mesure des flux négatifs et des flux positifs de long terme qui repose essentiellement sur la plus-value.
En concédant un bail emphytéotique de 25 ans, l’investisseur bailleur :
- n’investit en net que 50 % du montant (l’autre moitié étant la valeur initiale du bail de 25 ans acquis et financé par le néopropriétaire).
- La redevance non indexé et non imposable cumulée avec la baisse annuelle de la valeur de rachat au Neopropriétaire lui procure un rendement triple net comptable de 4 à 5,5 %.
- En cédant juridiquement la propriété pendant la durée du bail, il n’a aucune gestion administrative, ni frais de gestion, ni taxes.
- Lors de la sortie du bail, il a un effet de levier automatiquement embarqué puisqu’il récupère la moitié de la plus-value sur la fraction détenue par le Neopropriétaire.
Au total, il obtient un rendement triple net compris entre 4,5 et 8 % selon l’évolution des prix du logement sur le moyen long terme avec un impact social très significatif. Pour un montant X investit l’investisseur institutionnel peut donc acquérir deux fois plus de logements.
Les maires à l’écoute
Les avantages sont multiples selon les acteurs. Les maires sont généralement favorables à ce système qui évite la vente en bloc à des bailleurs pour du locatif. Les immeubles peuvent être achetés par des propriétaires occupants qu’ils soient en pleine propriété classiquement ou néopropriétaire, garant ainsi d’une gentrification douce et d’une mixité sociale. Typiquement sur un programme neuf, seuls les deux derniers déciles de revenus de la population peuvent acheter sans apport ; avec Neoproprio, les particuliers peuvent acquérir à partir du 5° décile. Autrement dit, la classe moyenne, c’est-à-dire celle qui aujourd’hui n’a plus les moyens.
Du côté des promoteurs, la fin du dispositif Pinel permettait, hors vente aux bailleurs sociaux, de céder un logement neuf sur deux à des personnes physiques subventionnées pose à l’évidence le problème de la solvabilité de la demande et donc de la production. Le statut du bailleur privé semble vouloir pallier la situation mais est une autre forme de subvention. Le système Neoproprio s’adresse aux investisseurs institutionnels et n’a pas besoin intrinsèquement de subventions publiques spécifiques et permet de vendre plus de logements à des propriétaires occupants.
Les difficultés rencontrées
Il a fallu une quinzaine d’années pour que le leasing automobile passe d’un système destiné originellement aux flottes d’entreprises à la généralisation (1 voiture sur 2) pour le particulier avec une proposition systématique de tous les réseaux bancaires (pendant plus de 10 ans, seules les banques de financement des constructeurs - Renault Finance, Fiat Finance, Volkswagen… ) proposaient ce mode de détention… et personne ne se demande comment s’organisent les réseaux bancaires lorsqu’ils récupèrent l’automobile… qui a perdu 60 à 80 % de sa valeur…
- Les banques à réseau sont d’une manière générale peu enclines à l’innovation financière mais excellentes dans la mise à l’échelle une fois le dispositif bien installé ; le leasing automobile (avec le crédit à la consommation) constitue les deux premières sources de profitabilité de l’activité retail des banques commerciales.
- Les investisseurs institutionnels ont beaucoup, voire beaucoup trop, investi dans l’immobilier tertiaire qui ne tient finalement pas ses promesses : effet de levier trop important de leur part, excédent structurel de l’offre de bureaux, impact du décret tertiaire, retour à la normale des taux d’intérêt. À la différence des pays Anglo-saxons, leur attrait pour l’investissement résidentiel est très faible, pour ne pas dire le plus souvent sous la pression publique.
Neoproprio résout largement ces objections mais dans un contexte hostile à l’immobilier sous toutes ses formes. Les premiers résultats sont encourageants (Tassin-la-Demi-Lune, Marseille…) et sa mise à l’échelle progressive est à l’étude avec Action Logement
• Missions : faciliter l’accès au logement pour favoriser l’emploi
• Création : 1953 (Participation des Employeurs à l’Effort de Construction dit 1 % logement)
• Organisation :
- Action Logement…
et le soutien de la Banque des Territoires
• Groupe Caisse des dépôts• Activités : conseil et ingénierie, prêts à l’habitat et au secteur public local, investissements en fonds propres, opérateur de logement social, services bancaires…
. Cependant, sa mise véritable mise à l’échelle et son adoption par un grand nombre d’acteurs (chacun pouvant l’adopter selon ses contraintes car en matière d’ingénierie financière il n’y a pas de brevet) qui permettrait de résoudre une partie significative de la crise du logement nécessiterait une implication beaucoup plus forte de l’État pour amorcer le dispositif : rôle de CDC Habitat
• Missions : Logement social et intermédiaire, gestion locative, accession, à la propriété gestion d’immobiliers publics
• Création : 1961 (en 2018, le groupe SNI devient CDC Habitat)
• Forme…
et ses filiales, la Banque des Territoires, adaptation du dispositif en secteur QPV
Quartiers prioritaires de la politique de la ville
…
Chacun y trouverait son avantage : plus de propriétaires, plus de logements par les partenaires investisseurs (pour la même somme investie, le double de logements…), un équilibre social plus harmonieux, et un investissement rentable y compris pour les partenaires financiers… et des jeunes qui peuvent se projeter en investissant dans leur logement.
Chaque territoire a ses spécificités
N’oublions pas que chaque territoire a ses spécificités et le modèle économique peut effectivement être paramétré et adapté avec une implication différente des partenaires privés comme publics. Rendre financièrement abordable l’acquisition du logement repose toujours sur un modèle dissociant en ayant recours à un tiers cofinanceur/investisseur. C’est le cas du BRS Bail réel solidaire - dispositif créé par la loi ALUR : le ménage est propriétaire de sa maison mais locataire du terrain. Contient des clauses de prix de revente et des plafonds de ressources des… avec un bail emphytéotique de 99 ans rechargeable où la dissociation se fait entre le foncier qui est loué et le bâti acquis par le particulier. Un OFS Organisme de foncier solidaire - Créé par la loi ALUR, agréé par le préfet de région et dédié au portage foncier pour réaliser des logements en accession ou location à usage de résidence principale permet de réduire le coût du logement à un niveau abordable au prix d’un rendement du foncier qui n’est pas attractif pour un investisseur privé et donc un modèle qui fait appel d’une manière ou d’une autre à la subvention.
La dissociation peut également se faire grâce à un co-investisseur du type Virgil ou Duoprimmo (Groupe Arkéa) qui co-investit au côté du particulier pour une période limitée (généralement pas plus de 10 ans) et au lieu de percevoir un loyer le partenaire encaisse une fraction plus importante (générale 1,5 fois sa mise) lors de la revente. Néoproprio propose une dissociation dans le temps de la propriété en donnant le maximum d’agilité et de liberté au particulier à travers les options d’achat et de vente dont bénéficie le particulier.
Rubrique dirigée par Jean-Luc Berho
La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho
Président @ Les Entretiens d’Inxauseta (rendez-vous annuel sur le logement) • Président @ Soliha Pays Basque • Directeur Analyses Débats et Tribunes Cities @ News Tank (NTN) • Président @ Supastera…
(berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. La prochaine édition est prévue le 29/08/2025 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) sur le thème du logement. Jean-Luc Berho est président de Soliha
Solidaires pour l’habitat, réseau PACT et réseau Habitat & Développement
Pays basque, président du conseil de surveillance de la Coopérative de l’immobilier à Toulouse, administrateur de l’association Aurore, administrateur d’Espacité et membre du Conseil national de l’habitat (CNH
Conseil national de l’habitat
). La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.