LLI : de quoi est-il le nom et quelle cohabitation avec le logement locatif social ? (M. Ménard, FOPH)
De quoi le LLI
Logement locatif intermédiaire
est-il le nom et quelle est la nature de sa « cohabitation » avec le logement social ? Nous insisterons sur la concurrence entre le LLI et le logement locatif social (LLS
Logements locatifs sociaux
), au détriment de ce dernier., écrit Michel Ménard
Président @ Fédération des Offices Publics de l’Habitat (FOPH)
, président de la Fédération des Offices publics de l’habitat
• Organisation professionnelle nationale • Adhérents : 180 offices• Parc immobilier : 2,2 millions de logements sociaux • Implantation : dans tous les territoires-métropoles, villes moyennes, bourgs…
(FOPH
• Organisation professionnelle nationale • Adhérents : 180 offices• Parc immobilier : 2,2 millions de logements sociaux • Implantation : dans tous les territoires-métropoles, villes moyennes, bourgs…
), dans une tribune adressée à News Tank le 19/09/2025.
Le LLI bénéficie d’avantages fiscaux et économiques significatifs, le rendant plus facile à équilibrer que le logement social : TVA à 10 %, diminution (ou crédit) d’impôt sur les sociétés à hauteur de l’exonération de TFPB
Taxe foncière sur les propriétés bâties
sur 20 ans, vente en bloc de la moitié des logements après 10 ans, accès à 5 milliards de prêts de la CDC… Or son développement entre en concurrence avec la construction de HLM dans les zones tendues, au détriment du pouvoir d’achat des classes moyennes.
Si le LLI peut répondre à une partie, mineure, des besoins en logement de la classe moyenne, c’est bien le LLS, sous ses trois formes, qui correspond le mieux aux revenus de nombreux travailleurs.
Voici la tribune de Michel Ménard avant l’ouverture du 85e Congrès HLM du 23 au 25/09/2025 à Paris.
Quelle concurrence avec le logement social ?
À quels coûts s’observe l’irrésistible ascension du logement intermédiaire ? Pour qui ? Quelle concurrence avec le logement social ? Depuis le début des années 2000, l’écart entre les prix du parc locatif privé et ceux du parc locatif social ne cesse de croître. L’élection d’Emmanuel Macron
Président de la République @ Présidence de la République (Élysée)
a opéré un choix politique fort pour tenter de débloquer la crise de la production de logements, contraire au « choc de l’offre » promis lors du premier quinquennat. Les logements locatifs intermédiaires sont apparus comme la solution de nature à combler cet écart, en s’appuyant sur les investisseurs institutionnels (les « zinzins ») qui s’étaient retirés du secteur résidentiel à la fin du siècle dernier, en raison de sa faible rentabilité comparativement à d’autres actifs immobiliers (¹).
Il s’agit ainsi de développer cette nouvelle offre « abordable » en ayant recours aux deux puissants financeurs et opérateurs du logement social que sont Action Logement
• Missions : faciliter l’accès au logement pour favoriser l’emploi
• Création : 1953 (Participation des Employeurs à l’Effort de Construction dit 1 % logement)
• Organisation :
- Action Logement…
, Caisse des Dépôts Habitat et leurs filiales, ainsi que les bailleurs sociaux. Une dynamique puissante se met en place, traduite par l’évolution lexicale : on passe du logement social au logement « abordable » sans définir précisément ce qu’il recouvre. Mais de quoi le LLI
Logement locatif intermédiaire
est-il le nom et quelle est la nature de sa « cohabitation » avec le logement social ? Nous insisterons sur la concurrence entre le LLI et le logement locatif social, au détriment de ce dernier.
Mobilisation d’outils parapublics pour un produit très coûteux
Le pari gouvernemental du développement d’une offre locative intermédiaire s’appuie sur des outils financiers préexistants à l’élection présidentielle de 2017 : en 2014, une filiale de la Caisse des dépôts, Ampère, lance le 1ᵉʳ Fonds pour le logement intermédiaire et lève 1,7 Md€ pour financer le logement intermédiaire. En 2019, le FLI
Fonds de logement intermédiaire
(2) lève 1,2 Md€. Action Logement, de son côté, crée en 2017 une filiale pour produire du logement intermédiaire avec In’li
• Filiale d’Action Logement dédiée au logement intermédiaire • Mission : permettre aux salariés et les jeunes actifs d’accéder au logement, faciliter la mobilité professionnelle, participer à la…
. Mais, entre 2014 et 2020, ce sont seulement 8 000 logements intermédiaires qui sont construits par an, contre un objectif de 50 000. La production de logements intermédiaires s’accélère depuis 2021, avec près de 18 000 LLI en 2022, plus de 30 000 en 2023 et 37 000 en 2024, en lien avec la crise de la promotion privée.
CDC Habitat Social
Entreprise sociale pour l’habitat (ESH) née de la fusion de 13 ESH historiques du groupe CDC Habitat (Osica, Efidis, La Plaine Normande, La SAMO, Nouveau Logis Centre-Limousin, Coligny, Le Nouveau…
s’est récemment engagé à acheter 17 000 logements invendus à des promoteurs afin de les transformer en 12 000 LLI et en 5 000 logements sociaux. Action Logement s’est engagé à acquérir 30 000 logements auprès de promoteurs privés en mobilisant la participation des employeurs à l’effort de construction (Peec
Participation des employeurs à l’effort de construction - Impôt versé par les employeurs sous forme d’investissements directs en faveur du logement des salariés. Appelé également le 1 % logement.
, ex-1 % logement) : le secteur demeure contracyclique, mais produit désormais principalement du LLI, au détriment du logement social, contrairement à la crise de 2008.
En effet, après 2008, les bailleurs sociaux ont été appelés à racheter des biens invendus des promoteurs pour les transformer en logements sociaux, amorçant un mode de production de logement social aujourd’hui intégré par les bailleurs sociaux et les promoteurs : la Vefa sociale. Aujourd’hui, c’est bien la « Vefa Vente en état futur d’achèvement - Contrat de vente « sur plan » intermédiaire » qui est promue. Enfin, le développement de certains produits (résidences étudiantes, mobilité professionnelle…) pourrait permettre au LLI de se développer là où il n’avait pas encore sa place.
Avantages fiscaux et économiques significatifs
Le LLI bénéficie d’avantages fiscaux et économiques significatifs, le rendant plus facile à équilibrer que le logement social : TVA à 10 %, diminution (ou crédit) d’impôt sur les sociétés à hauteur de l’exonération de TFPB Taxe foncière sur les propriétés bâties sur 20 ans, vente en bloc de la moitié des logements après 10 ans, accès à 5 Md€ de prêts de la CDC… Or le coût de la TVA à 10 % est estimé à 100 M€, coût qui croît avec la hausse du nombre de LLI produits. Le coût de la réduction d’IS Impôt sur les sociétés n’a pas encore pu être chiffré, mais il sera supérieur à ce que coûte l’exonération de TFPB de 25 ans, « couverte » par l’État pendant moins de 10 ans.
Par ailleurs, le LLI n’est pas soumis au surloyer, ni à la gestion en flux, et il est exonéré de la réduction de loyer de solidarité (RLS Réduction de loyer de solidarité ). Enfin, le niveau des loyers y est toujours supérieur à celui du PLS Prêt locatif social - Les bailleurs bénéficient d’une TVA à taux réduit (taux identique aux PLUS et PLAI) et d’une exonération de Taxe foncière de 25 ans, contre conventionnement APL avec l’État (les HLM dont les loyers sont les plus élevés) et, en moyenne, seulement inférieur de 10 % à 15 % à celui du parc privé. Son accès est soumis à des conditions de revenus qui n’ont pas l’obligation d’être contrôlées par la suite, contrairement au logement HLM.
Construire du LLI peut être utile, construire du LLS, c’est indispensable »Le LLI est présenté comme une réponse au « logement des classes moyennes » qui ne parviennent pas à accéder ni à un logement locatif, ni à la propriété dans certains territoires, comme les métropoles ou les zones touristiques… Cependant, environ 3 % seulement des demandeurs d’un logement HLM ont des ressources supérieures aux plafonds PLS. Et parmi les « travailleurs clés » en Île-de-France, seuls 12 % sont éligibles à un LLI.
Part infime des locataires du parc social
Si le LLI peut répondre à une partie, mineure, des besoins en logement de la classe moyenne, c’est bien le LLS, sous ses trois formes, qui correspond le mieux aux revenus de nombreux travailleurs. Après avoir stimulé l’offre de LLI, le Gouvernement a souhaité stimuler une demande pour cette offre avec le projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables (DOLA) en mai 2024. Deux principales mesures y avaient été prévues : l’affaiblissement du droit au maintien dans les lieux, pilier du logement social, en abaissant le seuil de déclenchement de 150 % à 120 % des plafonds de ressources des ménages locataires, et le durcissement du supplément de loyer de solidarité (SLS Supplément de loyer de solidarité (SLS) - Majoration du loyer pour les personnes occupant un logement locatif social dont les ressources sont supérieures aux plafonds définis pour y avoir accès ), qui serait applicable dès le premier euro de dépassement des plafonds de ressources.
Ces deux mesures ne concernent qu’une part infime des locataires du parc social. Le choix politique est clair : on crée une demande pour le LLI en visant les locataires du parc social qui participent de la mixité sociale, souvent des travailleurs clés dont l’action a été valorisée pendant le Covid. Le parallèle avec le durcissement des règles de l’assurance-chômage est limpide : les bénéficiaires de l’État-providence doivent intégrer les règles du marché, au détriment de la protection incarnée par le logement social, « la propriété de ceux qui n’en ont pas ».
Un produit qui concurrence le logement social
Son développement entre en concurrence avec la construction de HLM dans les zones tendues, au détriment du pouvoir d’achat des classes moyennes. Il contribue à augmenter le prix des Vefa (et du foncier), les promoteurs préférant vendre leurs opérations « au prix » du LLI plutôt qu’« au prix » du LLS. Ce faisant, la production de LLI crée un effet d’éviction sur la production de logements sociaux, les gisements fonciers se raréfiant. Le « bilan promoteur » conduira à substituer une partie de l’offre sociale par des LLI.
Les investissements nécessaires, estimés entre 2 et 4,5 Md€ par an (3), contribueront à opérer des choix stratégiques chez les bailleurs sociaux, entre une offre sociale et une offre intermédiaire exonérée de la RLS. Certes, le logement locatif intermédiaire n’a rien d’une alternative au logement social et il s’adresse, par définition, à des publics aux revenus plus élevés. Toutefois, au vu de l’engorgement de l’accès au logement social, les programmes de LLI accueillent aussi, au terme de circuits de commercialisation plus souples (plateformes numériques, absence de commission d’attribution…) et au prix de taux d’effort plus élevés, des ménages dont les revenus relèvent du parc HLM.
1 logement intermédiaire pour 3 logements sociaux en 2020 »En 2016, on produisait 1 LLI pour 9 logements sociaux en Île-de-France (4) pour un total de près de 40 000 logements abordables produits. La proportion est passée à 1 LLI pour 3 logements sociaux en 2020, pour un total de 30 000 logements abordables produits, dont seulement 20 000 logements sociaux. Le LLI ne stimule pas la production de logements sociaux, il tend à la cannibaliser.
Au niveau européen, le service d’intérêt économique général logement social est adapté au modèle du logement social français, qualifié de « généraliste ». L’intégration du LLI dans un éventuel SIEG « logement abordable » accentuerait la concurrence entre le LLI et le LLS, au détriment de ce dernier. La réflexion actuelle sur le contenu du plan européen pour le logement abordable vise à augmenter significativement les soutiens financiers et les garanties européennes. Cette réflexion est la bienvenue. Mais elle doit garantir le développement d’une offre sociale qui réponde aux besoins européens, de plus en plus pressants.
[1] https://www.ihedate.org/IMG/pdf/logement_le_retour_des_zinzins_antoine_guironnet.pdf
[2] Développement de l’offre de logement locatif intermédiaire par les investisseurs institutionnels. Rapport public IGF et CGEDD Conseil général de l’environnement et du développement durable , Avril 2021.
[3] Développement de l’offre de logement locatif intermédiaire par les investisseurs institutionnels, CGEDD-IGF, 2021. https://igedd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/notice ?id=Affaires-0012381
[4] « Retour sur vingt ans de production de logements sociaux », Le Moniteur, 12 août 2021.
Rubrique dirigée par Jean-Luc Berho
La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. La dernière édition le 29/08/2025 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) a été dédiée au logement en Europe. Jean-Luc Berho est président de Soliha Solidaires pour l’habitat, réseau PACT et réseau Habitat & Développement Pays basque, président du conseil de surveillance de la Coopérative de l’immobilier à Toulouse, administrateur de l’association Aurore, administrateur d’Espacité et membre du Conseil national de l’habitat. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.

Michel Ménard
Président @ Fédération des Offices Publics de l’Habitat (FOPH)
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Parcours
Président
Conseiller départemental, président du groupe socialiste
Député de Loire-Atlantique
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Conseiller
Président
Fiche n° 35753, créée le 01/07/2019 à 11:35 - MàJ le 30/09/2025 à 14:55
Fédération des Offices Publics de l’Habitat (FOPH)
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• Président : Michel Ménard
• Directeur général : Laurent Goyard
• Directeur général adjoint : Jean-Christophe Margelidon
• Contact : 01 40 75 78 00
Catégorie : Fédération professionnelle
Adresse du siège
14, rue Lord Byron75008 Paris France
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Fiche n° 6297, créée le 22/01/2018 à 04:43 - MàJ le 01/10/2025 à 10:54