Habitat, foncier et énergie : « Gagnons la bataille du logement ! » (Jean-Luc Lagleize, député)
La crise sanitaire que nous affrontons depuis plusieurs mois a profondément bouleversé notre économie et notre modèle social. Elle fait émerger nos faiblesses structurelles et de nouvelles fractures. Malgré l’incertitude qui pèse sur les ménages, les collectivités et les entreprises, cette crise accélère aussi la prise de conscience quant aux limites de nos politiques publiques en matière de logement, d’habitat, de construction ou d’urbanisme. Saisissons donc cette opportunité unique pour construire une nouvelle politique de l’habitat ambitieuse, juste et écoresponsable, sans quoi à une crise sanitaire, économique et sociale s’ajoutera une crise du logement dans les mois et années à venir, écrit Jean-Luc Lagleize
Président de la Commission aménagement et politique foncière @ Toulouse Métropole • Conseiller métropolitain @ Toulouse Métropole • Conseiller municipal @ Ville de Toulouse
• Né le 9 septembre 1958 …
, député de la 2e circonscription de la Haute-Garonne (Région Occitanie), dans une tribune adressée à News Tank
Pour ce faire, je préconise d’agir sur 3 volets :
• la rénovation énergétique des bâtiments,
• la sobriété foncière,
• la réforme de la fiscalité et du droit du logement.
Voici la tribune de Jean-Luc Lagleize, secrétaire de la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, auteur d’un rapport remis au Premier ministre (Édouard Philippe) en novembre 2019 (« La maîtrise des coûts du foncier dans les opérations de construction ») et porteur d’une proposition de loi visant à réduire le coût du foncier et à augmenter l’offre de logements accessibles aux Français.
Gagnons la bataille du logement !
La crise sanitaire que nous affrontons depuis plusieurs mois a profondément bouleversé notre économie et notre modèle social. Elle fait émerger nos faiblesses structurelles et de nouvelles fractures. Malgré l’incertitude qui pèse sur les ménages, les collectivités et les entreprises, cette crise accélère aussi la prise de conscience quant aux limites de nos politiques publiques en matière de logement, d’habitat, de construction ou d’urbanisme. Saisissons donc cette opportunité unique pour construire une nouvelle politique de l’habitat ambitieuse, juste et écoresponsable, sans quoi à une crise sanitaire, économique et sociale s’ajoutera une crise du logement dans les mois et années à venir.
Pour ce faire, je préconise d’agir sur trois volets.
Pour la rénovation énergétique des bâtiments
La conjoncture actuelle doit nous encourager à nous saisir de ce serpent de mer de nos politiques publiques afin d’engager une rénovation massive des bâtiments sur tout le territoire.
N’oublions pas que ce secteur représente 45 % des consommations énergétiques nationales et peut représenter une manne importante d’emplois, de croissance et d’innovations en tout genre, tant d’un point de vue des matériaux que des techniques. Le plan France Relance prévoit à cet égard des moyens importants en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments privés, publics et tertiaires, notamment à travers le dispositif MaPrimeRénov’.
Ce chantier de la rénovation énergétique doit s’inscrire dans un cadre plus large de transition environnementale et numérique du secteur du bâtiment, de la construction et de dématérialisation des procédures d’urbanisme. Le numérique doit nous permettre d’accélérer toutes les procédures afin de construire plus vite !
Mais les aides à la rénovation ne doivent pas se limiter aux travaux énergétiques : elles doivent inclure également les adaptations des logements pour une plus grande autonomie des personnes âgées et dépendantes. Car le vieillissement de la population a déjà débuté et s’accélérera dans les années et décennies à venir. Au-delà des moyens, nous devons impérativement améliorer la lisibilité et l’accessibilité des nombreux dispositifs existants afin que le plus grand nombre de nos concitoyens s’en saisisse.
La sobriété foncière
Il nous faut bâtir des villes moins étendues, plus denses. Nous devons apprendre à reconstruire la ville sur la ville, à réhabiliter les friches à l’abandon et à surélever les bâtiments afin de limiter l’étalement urbain et la consommation de foncier naturel et agricole. L’objectif de zéro artificialisation nette ne doit pas constituer une entrave à la relance de la construction, mais nous pousser à changer de paradigme et à promouvoir un urbanisme circulaire pour des villes plus durables et désirables.
À ce titre, 2 mesures du plan France Relance permettront aux collectivités de faire émerger ce type de projets vertueux et de construire plus sans artificialiser.
- La 1e, la création d’un fonds de 300 M€ pour financer des opérations de recyclage des friches urbaines et industrielles dans le cadre de projets d’aménagement urbain de revitalisation des centres-villes et de relocalisation d’activités.
- La 2é, la création d’un dispositif financé à hauteur de 350 M€ sur 2 ans pour aider les collectivités locales à construire plus dense en versant une prime aux maires accordant des permis de construire permettant de limiter l’artificialisation et l’étalement urbain.
Avec ces 2 mesures que je défends de longue date, il s’agit de soutenir la construction de logements et le développement d’équipements publics et autres aménités urbaines en utilisant de manière optimale les surfaces disponibles.
Celles-ci seront accompagnées d’adaptations de la taxe d’aménagement favorables à la sobriété foncière et à la lutte contre l’artificialisation des sols, comme l’exonération pour certaines places de stationnement ou l’élargissement à certaines actions de renouvellement urbain ou de renaturation.
A mon sens, nous devons même aller au-delà de ces 1e mesures pour construire plus vert et stopper définitivement l’étalement urbain, par exemple en interdisant toute construction sur un terrain vierge si une friche n’est pas réhabilitée, ou encore si une surélévation d’immeuble n’est pas entreprise. Car sans une densité minimale, nous ne parviendrons pas à offrir d’alternative à l’usage de la voiture individuelle, à développer des réseaux de transports en commun denses, accessibles et efficaces.
La réforme de la fiscalité et du droit du logement
Ce volet est en vérité une conséquence des 2 premières priorités puisque même s’il nous faut encore transformer, simplifier et accélérer l’acte de construire, la relance du secteur du logement ne sera à terme possible que si nous mettons en cohérence notre fiscalité et notre droit avec nos objectifs. Or certaines règles ne sont pas cohérentes avec nos objectifs de sobriété foncière, de rénovation et de maîtrise des prix.
Je l’ai souligné en 2019 dans mon rapport au Premier ministre sur la maîtrise des coûts du foncier dans les opérations de construction, avec des zonages liés à nos politiques du logement insuffisamment pertinents et trop éloignés des réalités de nos territoires, avec une fiscalité encourageant la rétention du foncier ou avec des dispositifs contribuant parfois au renchérissement du prix du logement de nos concitoyens. Nous devons donc adapter notre fiscalité et notre droit afin de construire pour tous et d’accroître la mixité sociale et la mixité d’usage.
- Premièrement, en passant d’une logique punitive à une logique incitative. Cela pourrait se traduire par une exonération d’impôt sur la fortune immobilière (IFI Impôt sur la fortune immobilière (taxation des valeurs mobilières et immobilières au-delà du seuil de 1,3 M€ de patrimoine) ) pour les logements considérés comme « vertueux », c’est-à-dire ceux loués sur du long terme, conformes aux normes énergétiques, et respectant l’encadrement des loyers. Une telle mesure, accompagnée d’un alignement de la fiscalité des revenus fonciers, inciterait à l’investissement dans l’immobilier locatif, trop peu rentable comparativement aux locations meublées. De même, pour mettre fin aux incitations à la rétention du foncier, nous devons revoir de fond en comble la fiscalité sur les plus-value immobilières.
- Deuxièmement, nous devons faire évoluer notre droit afin de permettre à tous les Français de se loger comme bon leur semble. Cela peut être facilité au travers du développement de la dissociation entre le foncier et le bâti, qui doit devenir un véritable troisième mode d’accès au logement, en sus de la location et de l’accession classique. En plus d’être un excellent moyen de lutter contre la spéculation foncière, l’élargissement de la dissociation initiée par les organismes de foncier solidaire (OFS Organisme de foncier solidaire - Créé par la loi ALUR, agréé par le préfet de région et dédié au portage foncier pour réaliser des logements en accession ou location à usage de résidence principale ) permettrait à tous les Français de se loger dignement et librement.
Réinventons donc ensemble notre action publique pour une politique de l’habitat ambitieuse, juste et écoresponsable !
Rubrique dirigée par Jean-Luc Berho
La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. L’édition 2020 a eu lieu le 28/08/2020 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques). Il est également président de la Coopérative de l’immobilier, à Toulouse. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.
Parcours
Président de la Commission aménagement et politique foncière
Conseiller métropolitain
Conseiller municipal
Député MoDem de la 2e circonscription de Haute-Garonne
Adjoint au maire
Président départemental
Conseiller délégué de la Communauté urbaine
Conseiller municipal
Établissement & diplôme
Doctorat en informatique
Fiche n° 34866, créée le 05/04/2019 à 16:03 - MàJ le 23/08/2022 à 17:29