« Vouloir une France de propriétaires, elle l’est au deux tiers, est un contresens » (Patrick Kamoun)
La France a besoin d’un parc social locatif important pour répondre aux enjeux de l’emploi et aux enjeux de la précarité. Vouloir une France de propriétaires - elle l’est déjà au deux tiers - est un contresens. Mais aussi, faire de l’accession à la propriété un moyen de financer le logement social est dangereux à moyen ou long terme. Le marché de l’emploi exige une capacité de mobilité beaucoup plus importante que par le passé. Un volant important de logements locatifs est plus que nécessaire, écrit Patrick Kamoun
, historien de la vie quotidienne au XIXe et XXe siècles, spécialiste du logement social, dans une tribune adressée à News Tank, le 18/12/2020.
La vente HLM, si elle permet de moins peser sur les finances publiques, est d’une part dangereuse - nous préparons sans doute les copropriétés dégradées du futur beaucoup plus difficiles à traiter que le parc social - et d’autre part, inadaptée dans les zones de marchés tendus.
Les réformes dans le domaine des attributions ne se comptent plus. Comme si le logement n’était qu’une marchandise comme les autres, sans la moindre considération pour ceux qui y vivent, des pions que l’on peut bouger à souhait. Un examen tous les 6 ans ! L’indignation confortable de ceux qui ne connaissent rien au secteur fait encore des ravages.
Voici la tribune de Patrick Kamoun.
La France a besoin d’un parc social locatif important
La France a besoin d’un parc social locatif important pour répondre aux enjeux de l’emploi et aux enjeux de la précarité. Vouloir une France de propriétaires - elle l’est déjà au deux tiers - est un contresens. Mais aussi, faire de l’accession à la propriété un moyen de financer le logement social est dangereux à moyen ou long terme.
Le marché de l’emploi exige une capacité de mobilité beaucoup plus importante que par le passé. Un volant important de logements locatifs est plus que nécessaire. Or la vente HLM, si elle permet de moins peser sur les finances publiques, est d’une part dangereuse - nous préparons sans doute les copropriétés dégradées du futur beaucoup plus difficiles à traiter que le parc social - et d’autre part, inadaptée dans les zones de marchés tendus.
Les réformes dans le domaine des attributions ne se comptent plus. Comme si le logement n’était qu’une marchandise comme les autres, sans la moindre considération pour ceux qui y vivent, des pions que l’on peut bouger à souhait. Un examen tous les six ans ! L’indignation confortable de ceux qui ne connaissent rien au secteur fait encore des ravages. Les locataires HLM sont constamment sous surveillance, montrés du doigt, évalués, suspectés et examinés à la loupe comme s’ils jouissaient d’un bien indu. Des sous-citoyens en somme ! Or en France, presque tous les logements sont aidés et la part de la dépense publique au secteur privé est supérieure à celle qui va au logement social. Qu’on les laisse donc en paix ! Une politique non pas de peuplement mais de discernement est plus que jamais nécessaire. Et seule la commission d’attributions des logements est compétente pour le faire.
27 % de petits logements (studios et 2 pièces)
Car c’est la structure même du parc Hlm qui pose question. Aujourd’hui près de 40 % des locataires Hlm sont des personnes seules alors que le parc ne dispose que de 27 % de petits logements (studios et 2 pièces). De plus, dans les zones de marché tendu, une part très importante de la demande est composée en grande partie de personnes seules.
Quant aux jeunes, ils sont les grands oubliés. Sur ce sujet, un point rarement évoqué est celui de l’aménagement du territoire. La demande reste très importante dans des régions bien déterminées. Le reste du pays connait une certaine détente et quelquefois même une vacance importante. Il n’y a pas pénurie de logements en France, il y a inadéquation localement entre l’offre de logement et la demande. Or, par exemple, si l’on examine la carte du « mal logement », elle est pratiquement calquée sur celle des universités. Dernier exemple délirant, était-il bien raisonnable de créer un pôle universitaire énorme à Saclay, où l’on parle de 75 000 étudiants et chercheurs dans une région où il est déjà très difficile de se loger et de se mouvoir par les transports en commun ou en voiture ?
De nombreuses villes moyennes se désertifient et la vacance de logements, y compris dans le parc social, y est criante. Déconcentrer réellement les pôles universitaires coûterait bien moins cher que de construire des logements dans les zones très tendues et permettrait de donner un nouveau souffle à ces nouveaux déserts urbains. Quant à ceux qui prétendent que là où sont les étudiants, il n’y a pas d’emplois étudiants, qu’il aille faire une tour dans les grandes universités américaines, car rassembler 40 000 à 50 000 personnes sur un même site induit des emplois de services très conséquent.
Il s’agit bien de traiter de parcours résidentiels
Le système a fonctionné pendant près d’un siècle sur 2 socles : la stabilité de l’emploi et la stabilité familiale qui permettaient d’avoir au cours de sa vie un parcours promotionnel de l’habitat. On passait successivement du logement inconfortable, voire du taudis au logement social qui permettait pour de très nombreux ménages, après quelques années, d’accéder à la propriété. Or aujourd’hui la stabilité de la famille et celle de l’emploi ne sont plus ce qu’elles étaient. Il s’agit bien de traiter de parcours résidentiels, mais chaotiques, et dans le même temps de favoriser la mobilité professionnelle.
Le slogan « une France de propriétaires » lancé en 1847 par le futur Napoléon III a fait recette… Nos politiques, de gauche comme de droite, en ont fait un objectif prioritaire et pour certains une obsession idéologique. Les deux tiers des ménages sont aujourd’hui propriétaires de leur logement en France alors qu’ils ne sont que 52 % en Allemagne et 35 % en Suisse. Le logement social est toujours perçu par nos hommes politiques comme un logement de transition vers l’accession à la propriété, parcours ultime et réussi d’une vie. Ce système a fonctionné pendant de très nombreuses années. Aujourd’hui, il se désagrège et nos politiques n’en ont toujours pas pris la mesure.
Plus le logement social rend service à la Nation, moins il est financé. Depuis 1985, la tonalité sociale de la mission des organismes HLM a été poussée à l’extrême. Or depuis 1977, les moyens affectés au logement social ont été réduits de manière drastique. La seule question, en somme, qui devrait se poser est : que coûte le logement social et que rapporte-il ?
Rubrique dirigée par Jean-Luc Berho
La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. L’édition 2020 a eu lieu le 28/08/2020 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques). Il est également président de la Coopérative de l’immobilier, à Toulouse. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.
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Fiche n° 42305, créée le 21/12/2020 à 16:27 - MàJ le 21/12/2020 à 16:41