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Le logement doit-il répondre à une demande de dé-métropolisation ? (J.-A. Steinfeld, JAS Consultant)

News Tank Cities - Paris - Tribune n°249330 - Publié le 22/04/2022 à 10:00
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Jean-Alain Steinfeld - ©  D.R.

Le logement est par excellence un « produit » long qui, jusqu’ici, était en évolution toujours lente, très lente. On peut même faire le parallèle avec ces études anthropologiques et géographiques qui tendent à démontrer, de Fernand Braudel à Hervé Le Bras, que tout se passe toujours un peu de la même façon sur les mêmes territoires au fil des siècles qui passent, quels que soient les humains qui les peuplent et les traversent. L’accélération de l’histoire, des mouvements économiques et démographiques peut changer cette donne du temps lent et en apparence immuable du logement, et donc en rebattre les priorités, écrit Jean-Alain Steinfeld Président @ JAS Consultant • Directeur interrégional @ CDC HABITAT - Île de France
, président de JAS Consultant, dans une tribune adressée à News Tank le 21/04/2022.

Car ce qui reste fixe (mais peut évoluer), c’est le temps de construction d’une opération de logement et a fortiori d’aménagement et nous oblige à une prévision fine et précise,
Le choc accélérateur le plus récent est, bien sûr, celui de la pandémie Covid-19 qui a interrogé fortement la métropolisation qui allait bon train, au travers de la généralisation du télétravail et des réunions en mode distanciel qui vont avec.

Voici la tribune de Jean-Alain Steinfeld.


Quelles priorités pour le logement ?

Le logement est par excellence un « produit » long qui, jusqu’ici, était en évolution toujours lente, très lente. On peut même faire le parallèle avec ces études anthropologiques et géographiques qui tendent à démontrer, de Fernand Braudel à Hervé Le Bras, que tout se passe toujours un peu de la même façon sur les mêmes territoires au fil des siècles qui passent, quels que soient les humains qui les peuplent et les traversent.

L’accélération de l’histoire, des mouvements économiques et démographiques peut changer cette donne du temps lent et en apparence immuable du logement, et donc en rebattre les priorités. Car ce qui reste fixe (mais peut évoluer), c’est le temps de construction d’une opération de logement et, a fortiori, d’aménagement. Cela nous oblige à une prévision fine et précise.

Le choc accélérateur le plus récent est, bien sûr, celui de la pandémie Covid-19 qui a interrogé fortement la métropolisation qui allait bon train, au travers de la généralisation du télétravail et des réunions en mode distanciel qui vont avec.

Le logement doit-il répondre à une demande de dé-métropolisation ?

Au-delà de la question des relations au travail, s’est manifesté au début 2020 un vaste mouvement de recherches immobilières de cadres en recherche d’un second domicile provincial ou/et péri urbain éloigné, en recherche affichée de la « qualité de vie ». On ne sait pas si ce courant de dé-métropolisation perdurera. Il fait sérieusement écho à la question de la démondialisation que semble indiquer la baisse des échanges physiques et marchands internationaux sous les effets pandémies et conflits. Les premières études sont en cours en comparant les données fiscales, postales, les commandes de déménagement… Elles ne sont pas encore clairement conclusives pour donner un solde final stabilisé et analysable. Mais un solde net existera, sans aucun doute, en ce sens.

Les migrations verts le littoral ouest est une tendance lourde »

La question du logement repose d’autre part sur celle de l’accompagnement à l’emploi et tout le travail de la parité employeurs - syndicats vise à accompagner en amont, en temps réel et en aval ces mouvements, y compris pour répondre à al diversité des besoins, au-delà des migrations géographiques de l’emploi. On sait que les migrations verts le littoral ouest est une tendance lourde, que l’on est au terme de 60 ans de métropolisation (villes nouvelles, clusters, Grand Paris…) et que les programmes de reconversion de zones rurales et minières n’ont pas suffi, malgré l’action des pouvoirs publics à enrayer le déclin démographique et les pertes d’attractivité.

Le programme « Cœur de ville », qui est un acte politique novateur et à forte visibilité au sentiment d’abandon de la « France périphérique », entend y répondre. Mais son effet sera toujours contingenté par celui du développement de l’activité économique de ‘l’emploi et des infrastructures publiques (éducation, transports, santé…) jugées indispensables.

Logement, propriété et retraites

Le questionnement en cours sur les retraites, quelle qu’en soit l’issue à court ou moyen terme, posera celui de l’épargne longue individuelle et mettra en concurrence la capitalisation individuelle et la propriété de son bien « résidence principale » sans dette au moment de la retraite. Nous avons affaire à une contradiction qui ne manquera pas d’animer le débat. Les moyens de l’épargnant, même cadre supérieur visé par les projets assuranciels collectifs, ne sont pas illimités.

Écarts de 20 à 30 % de revenu disponible hors charges immobilières »

Tout démontre que les comparaisons entre retraités propriétaires sans dettes et propriétaires locataires révèlent des écarts de 20 à 30 % de revenu disponible hors charges immobilières, et pourtant on encourageait dans le projet abandonné de retraites par points des fonds de capitalisation collectifs assurantiels au-delà d’un certain plafond (120 000 €/brut annuel dans le projet initial) va dans le sens d’une non priorité de l’accession à la propriété. La généralisation du bail réel solidaire (BRS) qui permet de façon politiquement très consensuelle de développer une offre sociale d’accession en zones tendues et d’œuvrer à la mixité, semble aussi défier les tendances historiques à la « patrimonialisation » du logement puisque l’accédant achète un droit réel très long mais n’est pas pleinement propriétaire in fine vis-à-vis des génération futures.

Sans jugement de valeur cet achat d’un droit d’usage, de type voisin du leasing et de la location avec option d’achat dans d’autres secteurs est une évolution pas entièrement prévisible de la conception même de propriété par rapport à la tradition latine et française.

Bien sûr, cette formule de l’achat d’un droit d’usage long est appelée à se développer, à se modifier, et intéresse les collectivités locales qui veulent être maîtresses de leur équilibre et de leur développement notamment par les OFS (organismes de foncier solidaires), mais on voit bien que cette question des retraites à long terme et de l’accession, sociale ou non, à la propriété nécessite un travail de  recherche sociale autant qu’économique.

Faire accepter la construction de logements neufs

Tous les acteurs du logement et tous les élus le savent bien, c’est le retour des soucis pour les maires bâtisseurs et la multiplication des recours contre toutes les opérations collectives de construction neuve, sociales ou non.

L ‘évocation environnementale de ces apôtres du « not in my backyard » paraît souvent dilatoire car la requête exprimée est en générale bien plus celle de ne pas avoir de voisins que d’économies d’énergie et de qualité environnementale. On ne peut demander aux élus de terrain un courage sacrificiel et, pourtant, il faut réagir face à ce malthusianisme virulent, qui repose sur des craintes de pertes de valeur et de déclassement sociales auxquelles on sait pourtant répondre, quand bien même elles seraient fondées.

Risque d’une inévitable et forte pénurie »

Il est probable que l’organisation du droit à construire, victime de la décentralisation renforcée, sera interrogée quant au rôle de l’État, garant de l’ intérêt général et de la cohésion sociale, la démographie immobilière, sous l’effet conjugué de la réduction de la taille des ménages, du vieillissement à domicile, (souhaité et encouragé), d’une démographie crée un besoin fort, qui sans réponse quantitative ni politique publique créera une inévitable et forte pénurie, avec des conséquences sociales et une inflation spéculative  de rareté hautement prévisibles naissances-décès qui reste favorable, des besoins de mobilité croissants…

En première conclusion, on voit poindre deux types de questions liées, d’une part, au développement collectif de l’activité économique et des tendances territoriales longues et, d’autre part, aux changements de comportement individuels, à la fois en tendances lourdes et en réponse aux impacts des crises (notamment sanitaires) actuelles. S’il paraît indispensable de continuer la recherche économique et technique sur les coûts et les matériaux, le suivi des besoins à moyen et long termes rééquerrera nécessairement une place priorité évidente à ces pistes de recherche, relatives aux comportements de nos concitoyens par rapport au logement. Le temps de la relance de la recherche urbaine est peut-être arrivé.

La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. La prochaine édition a eu lieu le 26/08/2022 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) sur le thème de l’urgence à agir. Jean-Luc Berho est également président de la Coopérative de l’immobilier, à Toulouse. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.

Jean-Alain Steinfeld


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Fiche n° 39181, créée le 09/04/2020 à 18:44 - MàJ le 22/04/2022 à 08:37

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