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ExclusifPolitique du logement et modèle HLM : 6 ans de réflexion en partage (François Rochon, ENPC)

News Tank Cities - Paris - Tribune n°280337 - Publié le 17/02/2023 à 11:00
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François Rochon, devant l’ENPC, en janvier 2023 - ©  D.R.

La politique du logement et le modèle HLM sont admis comme des sujets difficiles d’accès, marqués par leur complexité parfois rebutante. Mais vus de l’intérieur du secteur, ils n’en deviennent que plus passionnants. C’est pourquoi, j’ai choisi de passer six ans de ma vie à les travailler dans le but d’en tirer une thèse. Curieuse idée… Dans cette tribune, je partage les raisons de fond qui m’ont poussées à me lancer dans cette démarche, les interrogations qui m’ont confortées dans cette voie sur le long terme. Finalement, que retirer de cette expérience intellectuelle ?, questionne François Rochon Chargé de mission / CIFRE @ Union sociale pour l’habitat (USH) • Projet de recherche doctorale : « Le modèle hlm existe-t-il ? Le logement social dans la politique du logement contemporaine en… , docteur de l’École nationale des Ponts & Chaussées, dans une tribune adressée à News Tank le 13/02/2023.

Une décennie après ma prise de conscience citoyenne de la question du logement et autant d’années d’activité professionnelle dans le secteur, j’ai le sentiment que le débat retombe. Or les acteurs que j’ai observés durant tout ce temps restent mobilisés sur le terrain, j’en comprends mieux les logiques, j’en perçois aussi mieux les contradictions. Si le débat national s’appauvrit sur logement, emporté dans un mouvement plus général de régression, le secteur, lui, continue d’agir. Je considère qu’il peine à cultiver sa nécessaire autonomie quand l’État, faute de véritable politique du logement, le réduit à une variable financière.

C’est pourquoi, avec la candeur du citoyen et le désenchantement fatal qui met fin à la jeunesse, j’ai la volonté de tenter une contribution individuelle, pour résoudre, à mon échelle, ce problème.

Voici la tribune de François Rochon.


Une décennie d’observation

La politique du logement et le modèle Hlm sont admis comme des sujets difficiles d’accès, marqués par leur complexité parfois rebutante. Mais vus de l’intérieur du secteur, ils n’en deviennent que plus passionnants. C’est pourquoi, j’ai choisi de passer six ans de ma vie à les travailler dans le but d’en tirer une thèse. Curieuse idée… Dans cette tribune, je partage les raisons de fond qui m’ont poussées à me lancer dans cette démarche, les interrogations qui m’ont confortées dans cette voie sur le long terme.

Finalement, que retirer de cette expérience intellectuelle ? La nécessité que les quelques centaines de pages ne calent pas des armoires déjà pleines de rapports empilés.

Montée en puissance du renouvellement urbain »

L’idée de me lancer dans cette thèse vient au départ d’une insatisfaction qui a couvé pendant une décennie exactement. J’ai été formé à la politique du logement et au logement social en 2007, lorsque le président Sarkozy arrive au pouvoir. À l’époque, la montée en puissance du renouvellement urbain impulsé par les partenaires sociaux et Jean-Louis Borloo est déjà spectaculaire. Jacques Chirac vient d’annoncer le droit au logement opposable et la volonté de l’accession à la propriété pour tous s’affirme. Le logement est clairement inscrit à l’agenda des hauts dirigeants politiques de droite.

À gauche, un débat démocratique et donc critique s’exprime clairement avec d’autres options programmatiques : la revendication d’un plus fort soutien au logement social, la régulation des loyers dans le secteur privé, par exemple. Je suis heureux de commencer à travail dans ce secteur porteur et vivant sur le plan intellectuel. Le sujet recoupe aussi des intérêts plus personnels sur le rapport à la maison et au territoire, leurs imaginaires, tandis que je commence ma vie professionnelle à Paris, loin de Rochefort et des mes origines.

La crise du logement n’est pas passagère mais structurelle »

L’alternance de 2012 arrive et met en œuvre les mesures que la gauche avait annoncées. Mais le bilan général au terme de la législature, comme celui de la législature précédente, reste très insatisfaisant : la crise du logement n’est pas passagère mais structurelle, le message de la Fondation Abbé Pierre est désormais incontournable. L’idée de la crise du logement est installée, une crise paradoxale car de longue durée. Si bien que le débat public sur le logement est devenu confus, ses propositions floues, il finit même par disparaître des programmes politiques.

Une décennie après ma prise de conscience citoyenne de la question du logement et autant d’années d’activité professionnelle dans le secteur, j’ai le sentiment que le débat retombe. Or les acteurs que j’ai observés durant tout ce temps restent mobilisés sur le terrain, j’en comprends mieux les logiques, j’en perçois aussi mieux les contradictions. Si le débat national s’appauvrit sur logement, emporté dans un mouvement plus général de régression, le secteur, lui, continue d’agir. Je considère qu’il peine à cultiver sa nécessaire autonomie quand l’État, faute de véritable politique du logement, le réduit à une variable financière.

La nécessité de comprendre

C’est pourquoi, avec la candeur du citoyen et le désenchantement fatal qui met fin à la jeunesse, j’ai la volonté de tenter une contribution individuelle, pour résoudre, à mon échelle, ce problème. J’ai toujours été persuadé que le style français a quelque chose d’un peu grandiloquent… Mais l’exercice du doctorat a l’intérêt d’en tempérer les travers grâce à l’austérité et l’humilité qu’impose la démarche scientifique. Je dois dire que j’étais loin d’en mesurer les difficultés ; une inconscience d’ailleurs bien utile pour oser se lancer !

Une piètre culture scientifique »

Elle comporte une limite externe, caractéristique à notre pays. Nos dirigeants accusent aujourd’hui une piètre culture scientifique. Le scandale des prestations publiques aux cabinets de conseils étrangers révèle à sa manière la position marginale accordée à nos docteurs, qui pourtant, obligation nouvelle de l’année, prêtent serment d’intégrité lors de leur soutenance. Cette ressource pour l’action publique est très déséquilibrée en comparaison de l’Allemagne, où sept fois plus de docteurs occupent des postes dans la haute fonction publique, comme le notait une tribune du Monde (E. Jouini, 19/01/2022). Je devais donc prendre garde à la professionnalisation incertaine qu’amènerait immanquablement ce qui apparaîtrait seulement comme une parenthèse intellectuelle.

Aussi, durant tout le processus d’élaboration de la thèse, j’ai été attentif à conserver mon identité professionnelle d’acteur du secteur, sous la forme de tribunes ou comme secrétaire de rapports pour l’Union Hlm. J’entends mon travail de recherche comme une contribution au « monde du logement » dont je fais partie. Cela a été une grande motivation. Mais celle-ci ne résout pas la question pratique des modalités de partage de mes résultats de recherche. Les thèses sont le plus souvent assimilées à des curiosités peu lisibles aux titres biscornus ou à des souvenirs de mémoires très loin de leur nature réelle. Il faut y être attentif.

De la publication à l’action

Or, au début de ma recherche lors d’un entretien, Julien Damon m’avait fait une recommandation incidente, elle disait en substance : « Ne vous arrêtez pas à la thèse, faites un livre ». Autrement dit, la formalisation d’un document académique ne permet pas à lui-seul de « socialiser les résultats », pour reprendre la prudente expression du monde universitaire. Cet objectif a été mon autre motivation durant la phase de rédaction. J’écrivais en répondant aux exigences scientifiques, mais en m’adressant avant tout aux acteurs, organisant la démonstration en deux parties distinctes, à la logique implicitement kantienne dans ses grandes lignes.

Comprendre le sujet de la politique du logement »

Première partie, une dialectique, autrement dit : comprendre le sujet de la politique du logement et en cerner les limites internes à partir des connaissances disponibles. Pour cela, je synthétise environ 200 références, dont plusieurs ouvrages injustement oubliés, qui révèlent une acuité très forte de la période contemporaine. Je fais démarrer cette période avec la grande référence historique qui parle à tous les acteurs : la réforme Barre de 1977. Un premier livre paraîtra au printemps 2023 tiré de cette partie, mais complété de recommandations plus personnelles aux acteurs, aux éditions de l’Aube.

Le choix de l’éditeur est important, l’Aube entretient de longue date une tradition de relation entre la recherche et l’action, avec des thématiques qui touchent au territoire et à l’actualité politique au sens large. Mais pour aller plus loin dans cette volonté d’échange, un partenariat original a été imaginé aussi entre le livre et la presse spécialisée, avec la Lettre Habitat et Collectivité Locales (HCL) de Guy Lemée, où paraîtra à la suite du livre plusieurs articles d’intervention, qui en prolongeront les propositions. J’espère que ces initiatives susciteront des débats concrets avec les acteurs.

Un condensé de lecture et d’observations

La deuxième partie de la thèse ressemble à une analytique, qui regarde ce que ne voient pas les connaissances à elles seules, c’est-à-dire la réalité empirique du logement et en particulier son système d’acteurs. Ce monde du logement étant très vaste, je prends pour angle de référence le logement social, avec le but de reconstituer le modèle Hlm à travers le décryptage des discours. Je plonge dans nos représentations.

Cette opération a été assez délicate sur le plan technique, ce qui a conduit mon neveu de huit ans, sidéré, à me lancer « Mais tonton à ton âge, pendant les vacances, tu prends encore des cours de math ! ». En effet, un travail statistique a pour but d’objectiver les composantes du modèle Hlm et d’articuler ses différentes visions qui cohabitent. J’espère en faire un deuxième livre pour l’an prochain, qui pourrait avoir des applications plus pratiques dans le domaine du logement social.

Avec cette thèse, je partage un condensé de lecture et d’observations, pour retourner plus vite encore à l’action. Les livres permettent certes de sortir du cercle académique, mais il faut les entendre seulement comme des impulsions pour susciter auprès des dirigeants du logement des actions, autour de leurs stratégies, de l’élaboration de leurs visions d’ensemble, afin de nourrir in fine le sens politique global qui nous manque aujourd’hui cruellement.

La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. La prochaine édition est prévue le 25/08/2023 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques). Jean-Luc Berho est également président de la Coopérative de l’immobilier, à Toulouse. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.

François Rochon


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Parcours

Union sociale pour l’habitat (USH)
Chargé de mission / CIFRE
Laboratoire Techniques Territoires et Sociétés
Projet de recherche doctorale : « Le modèle hlm existe-t-il ? Le logement social dans la politique du logement contemporaine en France »
Association laboratoire français pour la politique de l’habitat
Rapporteur / Cycle de concertation
Union sociale pour l’habitat (USH)
Chargé de communication / CAP Hlm
Confédération Nationale du Logement
Chargé de mission / 51e Congrès
Cabinet HQB
Coordination des rencontres nationales du logement et de l’habitat

Établissement & diplôme

Université Paris-Est
Recherche doctorale en urbanisme, aménagement communautaire et régional
École d’urbanisme de Paris (UEP)
M2 Programmation architecturale et urbaine
Université de Poitiers
Maîtirse de géographie

Fiche n° 36313, créée le 10/09/2019 à 14:23 - MàJ le 08/10/2021 à 15:05

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François Rochon, devant l’ENPC, en janvier 2023 - ©  D.R.