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Des élus bâtisseurs, oui, et plus encore des élus rénovateurs (C. Ferrari, Grenoble-Alpes Métropole)

News Tank Cities - Paris - Tribune n°316105 - Publié le 23/02/2024 à 14:00
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Christophe Ferrari - ©  D.R.

« Nous nous devons d’être bâtisseurs, oui. Et nous nous devons d’être encore davantage des maires et des élus rénovateurs. 80 % de la Ville de 2050 est déjà construite. À cet égard, quand bien même notre programme d’aides techniques et financières, dit  »MurMur« , éventuellement complétées d’aides communales et nationales, a permis de rénover plus de 3 000 logements sociaux entre 2017 et 2022, d’accompagner 10 000 logements collectifs et d’en rénover plus de 7 000, il reste encore de nombreux défis à relever », écrit Christophe Ferrari Vice-président en charge du logement social et de la rénovation urbaine @ Intercommunalités de France (AdCF) • Membre représentant de l’Association des maires de France @ Conseil national de l’air… , président de Grenoble-Alpes Métropole • Métropole située dans le département de l’Isère en région Auvergne-Rhône-Alpes • Membres : 49 communes • Population : 450 000 habitants • Superficie : 545,5 km² • Création … et maire du Pont-de-Claix (Isère), dans une tribune adressée à News Tank le 22/02/2024.

« Je ne cache pas mon inquiétude, nos incertitudes à l’heure où, qu’on se le dise, plus nous nous rapprochons des élections locales, plus la tentation peut être grande de regarder ailleurs pour des élus locaux dont l’acte de construire est plus critiqué que réhabilité, et de surcroît, insuffisamment et de moins en moins encouragé financièrement et fiscalement, en dépit de la nécessité d’offrir un parcours résidentiel aux habitants en fonction des étapes de la vie. »

Voici la tribune de Christophe Ferrari, vice-président en charge du logement social et de la rénovation urbaine d’Intercommunalités de France • Fédération nationale des élus de l’intercommunalité (ex-Assemblée des Communautés de France)• Missions : promouvoir la coopération intercommunale, en participant à l'élaboration des lois, à la… .


Première des solidarités et des dignités : avoir un toit

Je le dis souvent, la première des solidarités, des dignités, c’est d’avoir un toit. « Quand il n’y a plus de toit, il n’y a plus de droit », disait l’Abbé Pierre. Le 1er février 1954, alors qu’une femme venait de mourir gelée durant la nuit sur le boulevard Sébastopol à Paris, l’Abbé Pierre lançait son appel. Il pourrait recommencer aujourd’hui, à l’heure où des familles s’apprêtent à coucher leurs enfants sous un carton humide ou dans le réduit glacé de pauvres toiles de tentes. En 2024, notre pays compte 330 000 sans domicile fixe, deux fois plus qu’il y a dix ans. Les structures d’hébergement sont saturées et les bidonvilles ont réapparu dans nos villes.

Il y a aussi tous les autres que nous connaissons parmi nos proches et nos amis. Toutes celles et ceux qui ne peuvent plus faire face à leur loyer, à l’inflation de 20 % des produits alimentaires en deux ans, à leurs emprunts, à leurs factures d’énergie qui ne cessent de grimper à consommation constante. Ce sont très majoritairement des familles monoparentales, des femmes seules avec leurs enfants, qui restent dans l’attente de l’attribution d’un logement social. Triste record, nous comptons 2,6 millions de demandeurs de logements sociaux à l’échelle nationale. Des personnes qui ont reçu au moins deux réponses du Gouvernement sur les deux quinquennats :

  • la poursuite d’une ponction drastique des bailleurs sociaux au travers de la réduction de loyer de solidarité (RLS Réduction de loyer de solidarité ) conduisant à leur étranglement et de fait au tassement, à la décélération de la production de logement social, a fortiori dans un contexte d’inflation des prix du foncier, des matériaux, des taux d’intérêt, qui renchérissent le coût des opérations ;
  • le détricotage de la loi SRU Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, du 13/12/2000, dont l’article 55 impose un quota de 25 % de logements sociaux en 2025, dans chaque commune de 3 500 habitants qui vient réduire sur notre territoire les obligations des maires (taux cible de logements sociaux ramené à 20 % (contre 25 % précédemment) et in fine les incitations à produire du logement social, avec des changements d’objectifs potentiels tous les trois ans pour les communes. Bref la promesse d’un horizon encore plus instable pour un secteur en souffrance. Alors que la situation sociale de notre pays devrait nous amener plutôt à renforcer la loi SRU.

Tentation de regarder ailleurs pour des élus locaux

Dans ce contexte, comment s’étonner que la production nationale de logement social ne cesse de s’écrouler depuis 2017, passant de 105 000 logements par an à 80 000 environ, soit une perte de 25 % ? Cet écart de 25 %, c’est exactement celui que nous constatons localement, sur la même période, entre les objectifs que nous nous étions fixés dans notre programme local de l’habitat - 1 000 logements par an - et ceux réalisés : 750 réalisés. 

Je ne cache pas mon inquiétude, nos incertitudes à l’heure où nous bâtissons notre nouveau PLH Programme local de l’habitat - document stratégique de programmation qui inclut l’ensemble de la politique locale de l’habitat (parc public et privé, constructions nouvelles…) , celui-ci prévoyant notamment, eu égard au contexte social, la production de 1 300 logements sociaux par an : 900 par des constructions neuves, mais aussi 400 par l’acquisition de logements existants et leur transformation en logement social, une des ambitions fortes de notre PLH, un levier également au regard des impératifs de mixité sociale et territoriale tout comme du ZAN Zéro artificialisation nette - Objectif de réduction de la consommation d’espace à zéro unité nette de surface consommée en 2050, fixé par le plan Biodiversité du Gouvernement en juillet 2018 .

Je ne cache pas mon inquiétude, nos incertitudes à l’heure où, qu’on se le dise, plus nous nous rapprochons des élections locales, plus la tentation peut être grande de regarder ailleurs pour des élus locaux dont l’acte de construire est plus critiqué que réhabilité, et de surcroît, insuffisamment et de moins en moins encouragé financièrement et fiscalement, en dépit de la nécessité d’offrir un parcours résidentiel aux habitants en fonction des étapes de la vie.

350 copropriétés en cours d’accompagnement

Nous nous devons d’être bâtisseurs, oui. Et nous nous devons d’être encore davantage des Maires et des élus rénovateurs. 80 % de la Ville de 2050 est déjà construite. À cet égard, quand bien même notre programme d’aides techniques et financières, dit « MurMur », éventuellement complétées d’aides communales et nationales, a permis de rénover plus de 3 000 logements sociaux entre 2017 et 2022, d’accompagner 10 000 logements collectifs et d’en rénover plus de 7 000, il reste encore de nombreux défis à relever. Près de 350 copropriétés sont en cours d’accompagnement par la Métropole, correspondant à plus de 13 000 logements qui sont en passe de se lancer, avec, dans le même temps, 300 chantiers en cours sur des maisons individuelles.

Des chiffres illustrant l’enjeu et la vague de réhabilitation à venir. Clairement, nous sommes sur une phase d’accélération, de massification, avec des rénovations plus lourdes. Il s’agit d’un constat, d’un passage à l’acte des habitants, comme de la résultante d’un choix politique que nous confortons dans notre prochain PLH, avec un accompagnement renforcé des plus modestes et des passoires thermiques, un ciblage spécifique des copropriétés les plus en difficulté, y compris afin d’éviter l’avènement de nouveaux logements vacants.

Mercantilisation de l’accompagnement à la rénovation

À ce propos, je salue :

  • la réorientation récente des aides nationales privilégiant les rénovations lourdes tout en rappelant l’impératif de viser un reste à charge zéro ou minimum pour les plus modestes ainsi que l’enjeu d’une avance des aides publiques (deux cases que nous cochons avec nos aides métropolitaines) : avant les réformes nationales, le reste à charge des plus modestes était de l’ordre de 39 % à l’échelle nationale pour une rénovation globale selon la Fondation Abbé Pierre. À un tel niveau, qui peut s’étonner qu’il faudrait au rythme actuel plus de 2 000 ans pour rénover les passoires thermiques du pays ?
  • les équipes de SOLIHA • Fédération nationale, réseau associatif national au service de l’habitat privé à vocation sociale avec 124 organismes d’aide aux particuliers, collectivités locales et institutions… et de l’Agence locale de l’énergie et du climat (Alec Agence locale de l’énergie et du climat, présidée par un élu local mandaté par sa collectivité ), bras droits de la Métropole, qui font un travail d’orfèvre, neutre, gratuit et indépendant, gages de la confiance que leur accordent les habitants dans leur projet de rénovation. Et je déplore, je le dis avec gravité, la libéralisation et la mercantilisation de l’accompagnement à la rénovation. Cette mise en concurrence avec le secteur privé est rendue obligatoire à compter de cette année par des orientations nationales dont j’aurais espéré qu’elles protègent et renforcent ce qui fonctionne, ce qui est reconnu, ce qui est précieux et s’attellent à des enjeux majeurs, notamment au besoin de redonner de l’attractivité aux métiers du bâtiment. Car il y a un mur durable d’investissement et de rénovation devant nous. Sans suffisamment d’artisans et d’entreprises, sans des formations de qualité et remplies, nous ne parviendrons pas à accélérer la transition énergétique. À titre d’exemple, le nombre de façadiers se compte sur les doigts d’une main dans notre territoire.

Besoin d’instruments légaux et fiscaux par le législateur

Pour répondre à toutes nos ambitions sur l’habitat et le logement, la Métropole s’en donnera les moyens :

  • avec une stratégie foncière, notamment pour maîtriser, réguler le prix du foncier (qui a triplé à l’échelle nationale durant les 20 dernières années). Il s’agit d’un enjeu majeur pour la production de logement, à fortiori dans le contexte du ZAN qui pourrait prêter à davantage de dérives spéculatives. Un enjeu majeur qui demanderait la création d’instruments légaux et fiscaux par le législateur. L’engouement de nombreux maires et de primo-accédants pour le bail réel solidaire démontre tout l’intérêt d’une régulation publique et d’outils en la matière ! Sur notre territoire, le BRS Bail réel solidaire - Créé par la loi ALUR : le ménage est propriétaire de sa maison mais locataire du terrain. Contient des clauses de prix de revente et des plafonds de ressources des acheteurs est bien souvent favorisé en complément des logements sociaux et non « à la place de ».
  • Mais aussi avec 10 M€ supplémentaires chaque année jusqu’en 2030, soit près de 25 M€ par an, pour faciliter la rénovation et la construction de logements, notamment sociaux. Pour aider aussi son bailleur métropolitain, les bailleurs plus largement, y compris avec davantage d’outils métropolitains à l’avenir pour que le territoire dispose davantage des moyens de ses ambitions en matière de logement social, de rénovation, comme d’accession libre.

Avec quelle aspiration ? Celle de demeurer un territoire d’accueil, d’hospitalité, deux qualités qui ont fait l’histoire de ce territoire, son dynamisme, sa richesse. Celle aussi de conjuguer transition écologique et justice sociale.

La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. La prochaine édition est prévue le 30/08/2024 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) sur le thème du logement. Jean-Luc Berho est président du conseil de surveillance de la Coopérative de l’immobilier à Toulouse, administrateur de l’association Aurore, administrateur d’Espacité et membre du Conseil National de l’Habitat. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.

Christophe Ferrari


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Parcours

Intercommunalités de France (AdCF)
Vice-président en charge du logement social et de la rénovation urbaine
Conseil national de l’air (CNA)
Membre représentant de l’Association des maires de France
Le-Pont-de-Claix
Maire
Université Grenoble Alpes (2016-2020) (UGA)
Professeur

Établissement & diplôme

Université Grenoble Alpes (2016-2020) (UGA)
Doctorat en chimie

Fiche n° 40021, créée le 20/07/2020 à 11:53 - MàJ le 22/02/2024 à 21:26

Grenoble-Alpes Métropole

• Métropole située dans le département de l’Isère en région Auvergne-Rhône-Alpes
• Membres : 49 communes
• Population : 450 000 habitants
• Superficie : 545,5 km²
• Création : 01/01/2015
• Budget consolidé (2023) : 851 M€ M€ (586 M€ en dépenses de fonctionnement, 265 M € en investissements)
• Conseil : 20 vice-présidents et 119 conseillers métropolitains
• Président : Christophe Ferrari, maire (DVG) de Pont-de-Claix réélu en 2020
• Contact : Emmanuel Chion, directeur de la communication / 04 76 59 56 26
• Tél. : 04 76 59 59 59
Plateforme opendata


Catégorie : Collectivités


Adresse du siège

Le Forum
3, rue Malakoff
38031 Grenoble Cedex 1 France


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Fiche n° 6326, créée le 24/01/2018 à 09:49 - MàJ le 05/04/2024 à 15:42

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