Crise du logement : amplificateur de la fracture économique, politique, sociale (Robert Yakan)
Le modèle français du logement et de l’habitat social est dépassé. Il ne permet pas de produire assez de logements et n’offre plus un accès à un logement décent et abordable pour tous. Cette situation résulte d’une inadéquation entre l’offre et la demande, d’excès de réglementation et de décentralisation, d’un émiettement des processus décisionnels, d’un surplus de financiarisation de l’immobilier et de l’habitat social et des effets négatifs de la « métropolisation », écrit Robert Yakan
Président @ Birdim Immobilier
, président de Birdim Immobilier & Habitat social, dans une tribune adressée à News Tank le 21/03/2024.
La lutte contre l’exclusion, la précarité, l’insertion et la cohésion sociale de notre pays ; le logement, l’emploi, la sécurité, l’économie, le développement durable ; l’esprit des lumières, la renommée de notre Nation, l’image et l’influence de la France dans le monde, sont liés. Alors que certains demandent à l’État un énième plan d’action, que d’autres proposent un plan Marshall, je crois profondément que la France et notre secteur d’activité ont avant tout besoin d’idées, de propositions, d’une vision et de planification de l’aménagement du territoire.
Voici la tribune de Robert Yakan.
Crise du logement : amplificateur de la fracture économique, politique, sociale
La fracture sociale
La France et l’Europe traversent une crise du logement d’une ampleur inédite et dont les racines sont profondes. Et ce, bien plus que ne l’imaginent le Gouvernement, les acteurs politiques, les responsables économiques, les fédérations professionnelles et les intellectuels en vogue [1]. « Le peuple a perdu confiance. Son désarroi l’incite à la résignation. Il risque de l’inciter à la colère. » [2]
Lors de la campagne pour les élections présidentielles de 1995, le Président Jacques Chirac avait bien perçu la « gravité de la fracture sociale qui menace - et je pèse mes mots, disait-il - l’unité nationale ». [3] Au-delà des débats professionnels, au-delà des clivages politiques, « au-delà de la nécessité de porter secours à ceux qui sont dans le besoin, il y a celle de restaurer la cohésion du pays ». [4] Je crois profondément que cela passe par une réponse forte à la crise du logement. Je ne sais pas si cet objectif est professionnel ou politique, de droite ou de gauche, en tout cas, c’est le mien ! Force est de constater que la fracture sociale qui touche la France depuis les années 1970 s’est amplifiée et qu’elle est extrêmement profonde ; que les injustices et les inégalités sociales progressent ; et qu’ici ou là, accentuée par des renoncements et des compromissions coupables, elle s’est muée en séparatisme et fragmentation communautaires et identitaires au sein de la société française. Un logement, un travail, une famille, la gestion du temps, la santé physique et mentale, l’éducation, l’accès à la culture, à la consommation de biens, à une citoyenneté, à la liberté de culte, le respect de la nature et de notre environnement représentent un cadre humain, naturel et social équilibré, propice à un développement durable et intégral de l’humanité.
Ce cadre humain évolue dans le temps et peut différer d’une communauté, d’une société, d’une civilisation à l’autre sur notre planète. Dès lors, nous comprenons la nécessité que représente la recherche permanente d’un équilibre dans les modalités d’insertion de la population, de nos concitoyens et de tout homme ou femme de sa naissance à la fin de sa vie. À partir des années 1970, apparaissent aussi les premières prises de conscience de la destruction effrénée et massive de notre planète.
Répondre à la crise du logement, relancer l’économie, réparer la fracture sociale
Un modèle de logement obsolète
Birdim, entreprise de l’immobilier et de l’habitat social, est né en 2017 d’un constat simple : le modèle français du logement et de l’habitat social est dépassé. Il ne permet pas de produire assez de logements et n’offre plus un accès à un logement décent et abordable pour tous. Cette situation résulte d’une inadéquation entre l’offre et la demande, d’excès de réglementation et de décentralisation, d’un émiettement des processus décisionnels, d’un surplus de financiarisation de l’immobilier et de l’habitat social et des effets négatifs de la « métropolisation ».
La lutte contre l’exclusion, la précarité, l’insertion et la cohésion sociale de notre pays ; le logement, l’emploi, la sécurité, l’économie, le développement durable ; l’esprit des lumières, la renommée de notre Nation, l’image et l’influence de la France dans le monde, sont liés. Alors que certains demandent à l’État un énième Plan d’Action, que d’autres proposent un plan Marshall, je crois profondément que la France et notre secteur d’activité ont avant tout besoin d’idées, de propositions, d’une vision et de planification de l’aménagement du territoire.
Affranchir l’économie immobilière des aides et réformer la décentralisation
Pour relancer durablement la production de logement nous devons progressivement et rapidement affranchir l’économie immobilière des aides fiscales et des aides à la pierre. De fait, la politique du logement est inflationniste et constitue une grande part du problème. Dans un premier temps, nous devons supprimer 18,2 Md€ sur les 38,2 Md€ par an que coûte la politique du logement en France. Et ce jusqu’à ce que nous ayons collectivement produits ou rénovés assez de logements pour loger tous nos concitoyens. Dans un second temps et un délai raisonnable d’une vingtaine d’année, nous pourrons supprimer les 20 Md€ d’APL Aides personnelles au logement correspondant à 3 types d’aides : l’aide personnalisée au logement, l’allocation de logement à caractère familial et l’allocation de logement à caractère social .
Pour l’instant, cette suppression ne peut être envisagée, compte tenu du niveau de l’inflation, de la baisse constante du pouvoir d’achat depuis près de 40 ou 50 ans et du prix très élevé du logement. Enfin, pour être précis et parfaitement clair, nous ne ciblons et souhaitons supprimer que les aides qui ne favorisent pas directement l’accession à la propriété des Français. Ainsi, et à l’inverse - pour ne pas dire à l’opposé - du président de la République et de ces Gouvernements successifs, nous sommes favorables à l’APL accession, supprimée en 2018, et à un élargissement du PTZ Prêt à taux zéro progressivement restreint depuis 2017.
S’agissant notre organisation institutionnelle et administrative, nous devons aller vers État stratège centré sur ses missions régaliennes : sécurité, justice, défense, affaires étrangères, finances, éducation. Nous devons réformer en profondeur la décentralisation qui date des lois Defferre (1982-1983) et réformer notre organisation territoriale et institutionnelle pour aller vers une organisation plus lisible, des collectivités locales plus agiles, dotées de compétences claires, de moyens financiers réels et d’élus locaux considérés et respectés par le pouvoir en place.
Le logement, un besoin primaire, un droit fondamental
La France traverse une crise du logement d’une ampleur inédite, qui risque de durer 7 à 8 ans, dont les conséquences économiques et sociales sont déjà considérables et alimentent le risque politique et institutionnel que nous voyons venir pour 2027. Cette crise est inédite car elle touche à la fois l’offre, la demande et l’accès au logement. Les ménages ne peuvent plus emprunter pour acheter, les promoteurs ne peuvent plus vendre leurs programmes, le marché locatif est saturé, les transactions dans l’ancien sont grippées et le secteur de construction est à l’arrêt.
Cette crise, nous l’avons pressentie en 2016 et annoncée dès 2017. [5] Les prix du logement et de l’immobilier ont très fortement augmenté depuis le début des années 2000, alors que les revenus de nos concitoyens n’ont pas progressé au même rythme. Les dépenses de logement représentent le 1e poste budgétaire des ménages français, allant de 24 à 40 % des dépenses totales selon les configurations familiales. [6]
Sans que cela nous surprenne, les « ménages les plus modestes dépensent davantage pour leur logement et les plus aisés pour leur transport. La part des dépenses de logement, hors remboursements d’emprunts immobiliers, est plus élevée pour les ménages modestes, plus souvent locataires, les familles monoparentales et les personnes seules. Sur les 40 dernières années, la part des dépenses d’alimentation à domicile converge selon le niveau de vie et la catégorie socioprofessionnelle, tandis que les écarts s’accroissent sur le logement ». [7]
De retour de la conférence Housing crisis in Europe [8], organisée par le Conseil économique et social européen, un constat s’impose : la crise du logement est une réalité préoccupante dans tous les pays européens. Les classes populaires, les classes moyennes et en particulier les jeunes générations rencontrent les plus grandes difficultés pour accéder à un logement locatif et a fortiori à la propriété.
Fondée le 01/03/2017, Birdim fête en 2024 ses 7 ans. L’entreprise a été créée pour anticiper, penser, construire, proposer un nouveau modèle ; pour relancer le marché immobilier et répondre à la crise du logement ; le tout mis en œuvre par un entrepreneur désintéressé motivé par le bien commun de notre pays et de nos concitoyens ; en particulier des classes moyennes et des plus démunis. Le modèle de Birdim permet d’accélérer la production foncière et immobilière ; de fluidifier les parcours résidentiels et la mixité sociale ; de favoriser l’insertion des personnes exclues ; de créer des emplois, de relancer l’économie française ; de financer et sécuriser les retraites.
Créé pour relancer le logement en France, le modèle de Birdim est également exportable en Europe et ouvert en partage pour les pays émergents. Il favorise leur développement et permet ainsi de réduire les flux migratoires non souhaités, que nous ne pouvons pas accueillir. Pour y arriver, nous souhaitons construire des ponts et fédérer des bâtisseurs d’avenir.
Birdim, un modèle de promoteur-foncière innovant et disruptif
Birdim est une entreprise innovante, disruptive, mais notre modèle est simple. C’est celui d’un promoteur et d’une foncière intégrés. Sur un plan opérationnel, nous achetons et portons du foncier, des immeubles, des friches industrielles ou d’activités pour les transformer en logement. Nos acquisitions sont menées sans conditions suspensives, en risque administratif. Pour compenser les risques, nous achetons au juste prix, avec des décotes significatives.
En amont, des études rigoureuses, juridiques, techniques, urbanistiques, fiscales et financières à 360°, nous permettent d’optimiser nos acquisitions et la vente pour le vendeur. Nous parvenons à convaincre les propriétaires de l’honnêteté de nos offres, du bien fondé de nos évaluations de l’intérêt général et du caractère socialement responsable de la production du logement. Nos opérations dégagent une marge plus élevée, qui permet de rémunérer correctement nos partenaires financiers, et une surmarge qui n’est pas distribuée mais apportée à nos programmes locatifs. Enfin, un modèle mathématique interne, basé sur des algorithmes multidimensionnels avancés, nous permet de limiter fortement les risques et de maîtriser nos acquisitions sans conditions suspensives.
Nous disposons de plus de 7 000 logements en développement et sommes en très forte croissance. Notre développement sera prochainement accompagné par des levées de fonds importantes. Nous souhaitons relancer la production de logements (accession, social, intermédiaire, résidences pour étudiants, jeunes actifs, seniors…) par des prises de positions foncières stratégiques dans les grandes métropoles et les marchés immobiliers tendus, par la transformation d’immeubles de bureaux en logements et par la mutation de friches d’activités en programmes d’habitats. Et en parallèle de la crise du logement, le marché des bureaux traverse une crise très importante et le modèle des zones d’activités commerciales doit être repensé.
Transition écologique et environnementale
Pour reprendre un autre mot célèbre du président Chirac : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». [9] À cet égard, il est urgent d’accélérer la transition écologique et environnementale de notre pays, des collectivités locales mais aussi de tous les pans de nos métiers d’immobilier et du BTP - secteurs qui font déjà des efforts importants pour aller en ce sens.
Cependant, il convient de trouver un équilibre entre des bâtiments, des logements extrêmement performants sur le plan énergétique, l’accumulation excessive de normes qui manquent souvent de bon sens et la nécessité impérieuse de loger nos concitoyens. Il faut le rappeler : le logement est un besoin primaire, un droit fondamental pour tous et essentiel au développement de toute vie sociale et toute activité humaine.
La loi Climat et résilience du 22/08/2021 a créé un objectif de zéro artificialisation nette des sols (ZAN Zéro artificialisation nette - Objectif de réduction de la consommation d’espace à zéro unité nette de surface consommée en 2050, fixé par le plan Biodiversité du Gouvernement en juillet 2018 ). Cet objectif ambitieux, parfois jugé excessif, contraignant et mal réparti sur le territoire, est nécessaire. Il répond à une aspiration légitime de préservation de l’environnement chez nos concitoyens. Cette aspiration et cet objectif sont bien compris par les élus et les collectivités locales qui y répondent avec une certaine célérité, devançant même ici ou là le rythme proposé par l’État. Cette aspiration est également bien intégrée par les opérateurs fonciers, promoteurs et aménageurs. Chez Birdim, cette dynamique est même l’une des composantes de notre modèle global. L’une de nos spécialités est l’achat de friches, de terrains artificialisés et d’immeubles de bureaux, pour les transformer et les revaloriser en logements, dans les grandes métropoles et les secteurs tendus.
Sauver des emplois, sauver notre industrie et toute l’économie immobilière
Enfin, j’observe avec une certaine préoccupation que des confrères promoteurs, de grands acteurs de l’immobilier, de la construction, du bâtiment, des cabinets d’architectes, des notaires, des cabinets d’avocats… tous financièrement contraints, sont engagés dans des processus de réduction d’effectifs et des plans sociaux (PSV) relativement importants. Cette logique de déconstruction, cette spirale mortifère pour notre secteur et notre économie doivent cesser
J’appelle solennellement mes confrères et l’ensemble des filières et acteurs concernés à ne pas à ne pas licencier, à ne pas détruire toute une industrie immobilière, qu’il nous faudra plus de 10 ans à reconstruire.Je le dis avec force : le modèle de Birdim, le modèle que je propose, permet de relancer très rapidement le marché immobilier, la production de logements, de préserver des emplois, de sauver notre industrie et toute l’économie de l’immobilier et du bâtiment.
Rubrique dirigée par Jean-Luc Berho
La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho Président @ Les Entretiens d’Inxauseta (rendez-vous annuel sur le logement) • Président @ Soliha Pays Basque • Directeur Analyses Débats et Tribunes Cities @ News Tank (NTN) • Président @ Supastera… (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. La prochaine édition est prévue le 30/08/2024 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) sur le thème du logement. Jean-Luc Berho est président du conseil de surveillance de la Coopérative de l’immobilier à Toulouse, administrateur de l’association Aurore, administrateur d’Espacité et membre du Conseil national de l’habitat. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.
Parcours
Président
Directeur
Fiche n° 51164, créée le 21/03/2024 à 22:57 - MàJ le 26/04/2024 à 17:17
[1] Inspiré de Jacques Chirac, La France pour tous, Nil Éditions, janvier 1995
[2] Op.cit.
[3] Op.cit
[4] Jacques Chirac, Entretien accordé au Nouvel Observateur, 12-18/01/1995.
[5] Vendredi 17/11/2017, soirée de lancement de Birdim dans le cadre des 150 ans de la Sainte-Trinité.
[6] Étude IRES 2022.
[7] INSEE Focus n° 203 du 15/09/2020.
[8] Housing crisis in Europe : the way forward, CESE, Bruxelles, mardi 20/02/2024.
[9] Jacques Chirac, discours du 02/09/2002 à Johannesburg (Afrique du Sud) devant l’assemblée plénière du IVe Sommet de la Terre
© News Tank Cities - 2024 - Code de la propriété intellectuelle : « La contrefaçon (...) est punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. Est (...) un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur. »