Élection présidentielle : « Éclairer les débats et démonter les controverses » (Romain Biessy, La CSF)
En cette rentrée d’année présidentielle, pouvoir se réunir à nouveau avec les acteurs de l’habitat au congrès HLM de Bordeaux a permis de partager de nombreux constats. En premier lieu, la baisse de production et d’entretien du parc HLM occasionnée par la ponction de 10 Md€ durant ce quinquennat. Secondement, période électorale oblige, le besoin exprimé d’un appel à des États généraux du logement afin que l’ensemble des candidats se mobilisent sur la principale préoccupation de nos concitoyens. À savoir le problème de l’accès ou du maintien dans le logement pour eux-mêmes et leurs enfants, écrit Romain Biessy
Secrétaire général @ Confédération Syndicale des Familles (CSF) • Président du conseil social @ Union sociale pour l’habitat (USH) • Membre @ Conseil national de la transaction et de la gestion…
, président du conseil social de l’USH
Union sociale pour l’habitat - organisation représentative du secteur HLM : 720 organismes à travers 5 fédérations
, dans une tribune adressée à News Tank le 14/10/2021.
S’il est urgent que les candidats s’emparent de cette question, il est aussi de notre devoir de les éclairer en démontant les controverses qui polluent le débat depuis des années. En la matière, la Cour des comptes
• Juridiction indépendante, à équidistance du Parlement et du Gouvernement.
• Missions : veille à la régularité, à l’efficience et à l’efficacité de l’usage des fonds publics (missions précisées…
n’est pas en reste. En juin 2021, son rapport concernant « une stratégie de finances publiques pour la sortie de crise » avait suscité la plus vive réaction du mouvement HLM. Il y était, une fois de plus, question de sa volonté d’orienter le parc HLM vers l’accueil des publics les plus précaires, au prétexte que les 38,5 Md€ dépensés pour le logement seraient un montant élevé par rapport à celui de nos voisins européens. Cette vision résiduelle de la fonction du parc HLM est une constante chez cette institution.
Romain Biessy est secrétaire confédéral de La Confédération syndicale des familles (CSF), association engagée dans les quartiers populaires (logement, consommation, éducation, loisirs) et président du Conseil social de l’USH (2019-2021). Il a dirigé les travaux de l’Avis n° 5 « Oui, mais… à la VEFA
Vente en état futur d’achèvement - Contrat de vente « sur plan »
Hlm » et l’Avis n° 6 « Habitat de demain : nouveaux usages, nouveaux modèles ».
Voici la tribune de Romain Biessy.
Pour que les candidats à la présidentielle s’emparent du débat sur l’habitat sans controverses
En cette rentrée d’année présidentielle, pouvoir se réunir à nouveau avec les acteurs de l’habitat au congrès HLM de Bordeaux a permis de partager de nombreux constats. En premier lieu, la baisse de production et d’entretien du parc HLM occasionnée par la ponction de 10 Md€ durant ce quinquennat. Secondement, période électorale oblige, le besoin exprimé d’un appel à des États généraux du logement afin que l’ensemble des candidats se mobilisent sur la principale préoccupation de nos concitoyens. A savoir le problème de l’accès ou du maintien dans le logement pour eux-mêmes et leurs enfants.
S’il est urgent que les candidats s’emparent de cette question, il est aussi de notre devoir de les éclairer en démontant les controverses qui polluent le débat depuis des années.
Vision résiduelle de la fonction du parc HLM
En la matière, la Cour des comptes n’est pas en reste. En juin 2021, son rapport concernant « une stratégie de finances publiques pour la sortie de crise » avait suscité la plus vive réaction du mouvement HLM. Il y était une fois de plus question de sa volonté d’orienter le parc HLM vers l’accueil des publics les plus précaires, au prétexte que les 38,5 Md€ dépensés pour le logement seraient un montant élevé par rapport à celui de nos voisins européens. Cette vision résiduelle de la fonction du parc HLM est une constante chez cette institution.
Déjà, le 22/02/2017, son rapport préconisait 3 mesures dites « chocs » sous prétexte de permettre aux plus démunis d’obtenir plus rapidement un logement social. Il y était question d’instaurer un bail « social » à durée déterminée dans les zones tendues, de baisser les plafonds de revenus d’accès au logement social et d’augmenter les surloyers.
Quelques années plus tard, le 07/01/2021 son référé adressé au Premier ministre au sujet de la politique menée en faveur « du logement d’abord » préconise la même politique de « gestion de la pénurie » pour atteindre un objectif juste (réduire les délais d’attente des publics précaires en demande de logement) mais avec des moyens néfastes pour la cohésion nationale. L’inquiétant dans ce « jusqu’auboutisme » de la Cour des comptes est la déculpabilité avec laquelle elle affirme vouloir orienter le parc HLM vers la constitution de ghetto de pauvres.
La question de l’habitat est globale
Nous touchons ici le point fondamental du débat. D’autant plus que l’habitat est déterminant pour l’identité sociale d’un individu. Comment une institution de la République peut se permettre de préconiser des politiques qui, en définitive, contribuent à spécialiser les territoires et donc à renforcer leur relégation ?
Des choix politiques du passé ont renforcé des mécanismes de marché et font apparaître comme inévitable les dérives du mal logement ou de l’habitat inadapté que nous subissons actuellement. Réforme de l’Aide à la pierre de 1977, libération des loyers de 1986, facilité d’accès aux crédits des années 2000, prolifération des zones périurbaines à la suite de la circulaire Guichard de 1973, érosion des services publics de proximité à partir des années 1990. Pour finir par le modèle des métropoles créatrices d’exclusion et reliées entre elles par des lignes TGV et des autoroutes qui traversent une ruralité en perte de sens.
Le locataire HLM est captif de son logement »La question de l’habitat est globale, ses politiques doivent être pensées dans un tout qui comprend nécessairement la régulation du parc privé et la fonction généraliste du parc social. Or la Cour des comptes a beau jeu d’observer un système de manière parcellaire, sans intégrer l’influence néfaste de la spéculation qui éloigne du parc privé des couches de plus en plus importantes de la population.
Les travaux de l’économiste Jacques Friggit font apparaître que depuis 2002, le rapport entre le prix des logements et le revenu par ménages a doublé pour atteindre en 2008 un plafond haut qui perturbe toujours. Nous n’avons jamais assisté dans l’histoire, en un temps aussi court, à une telle « surchauffe » du marché immobilier. L’accélération a été si soudaine qu’elle a entraîné dans les territoires tendus l’effondrement du taux de rotation du parc HLM et le recul de l’accès à la propriété des primo-accédants modestes.
Autrement dit, le locataire HLM est captif de son logement en raison du défaut d’une offre abordable dans le privé. Cette contrainte tend à tendre considérablement les rapports familiaux en cas de conflit. Elle est la source d’une forte angoisse pour nos concitoyens.
Production de logements plus petits avec des loyers plus chers
C’est bien la problématique du logement cher, de l’accès au foncier et du désengagement financier de l’État qui doit être au cœur du débat. Les processus de défiscalisation, pour capter l’épargne des ménages, afin de se substituer au financement de l’État, font apparaître l’investissement locatif comme un dopant intoxiquant le marché privé, incapable de s’en sevrer.
Les facilités de crédit « historique » enferment les ménages dans un endettement à très long terme, et limitent à terme leur capacité d’entretien de leur bien ou de financement des études de leurs enfants. Les contraintes budgétaires exercées sur les bailleurs sociaux entraînent une production de logements plus petits avec des loyers plus chers. Enfin, c’est toute l’économie qui est impactée par la baisse du pouvoir d’achat des ménages en raison du poids trop important du poste de dépense du logement dans leur budget.
La problématique étant globale, les solutions sont multiples certes, mais une priorité politique doit être définie pour rendre cohérentes les mesures à prendre. L’aménagement du territoire doit-il être sous l’influence du marché privé ou de la puissance publique. Le logement, qui est un droit fondamental parce qu’il représente la principale contrainte incompressible (son absence réduit considérablement l’espérance de vie et son coût est permanent), devrait bénéficier d’un modèle d’économie administrée comme la santé. Concernant l’habitat, l’attractivité d’un territoire se renforce par la qualité de l’offre scolaire, de transports en commun et de services publics de proximité.
La question du pouvoir des acteurs
Les bailleurs sociaux sont des acteurs important de l’économie comme l’a démontré leurs capacités à absorber la crise immobilière de 2008, et plus récemment l’accompagnement des ménages en difficulté de paiement lié à la crise de la Covid 19. Ils sont des partenaires du marché privé avec la vente HLM et la production en VEFA Vente en état futur d’achèvement - Contrat de vente « sur plan » . Ils sont mobilisés pour redynamiser les centres des villes moyennes en déperdition. Bref, ils ont une fonction contracyclique reconnue par tous les acteurs.
Atteindre l’objectif par la régulation de l’ensemble des coûts »Au-delà de la question primordiale du financement de la politique du logement, c’est la question du pouvoir des acteurs qui doit être tranchée afin de définir qui donne le la. Il n’est pas question ici d’une confrontation stérile entre un monde public et privé mais l’affirmation du pacte républicain qui organise les acteurs en fonction de l’intérêt général.
Je conclurais ici avec l’une des recommandations d’un expert auditionné par le Conseil social. « Hier, la décision d’une opération de construction dépendait de son équilibre économique, demain cette décision doit être partagée avec le bilan carbone de l’opération ». Assurément, seule la puissance publique a les moyens d’atteindre cet objectif par la régulation de l’ensemble des coûts.
Rubrique dirigée par Jean-Luc Berho
La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. L’édition 2021 a eu lieu le 27/08/2021 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) sur la thématique : « Présidentielle 2022 : plaçons l’habitat au cœur du projet politique ». Jean-Luc Berho est également président de la Coopérative de l’immobilier, à Toulouse. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.
Romain Biessy
Secrétaire général @ Confédération Syndicale des Familles (CSF)
Président du conseil social @ Union sociale pour l’habitat (USH)
Membre @ Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières (CNTGI)
Membre @ Comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable
Membre @ Conseil national de l’habitat
Membre du conseil social @ Union sociale pour l’habitat (USH)
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Parcours
Secrétaire général
Président du conseil social
Membre
Membre
Membre du conseil social
Secrétaire confédéral
Consultant
Assistant parlementaire, en charge de la veille des politiques du logement et de la réforme des retraites
Chef de projet Ingénierie sociale, insertion par le logement
Conseiller d’Yves Contassot, adjoint au maire, en charge du Logement et des affaires sociales
Établissement & diplôme
DEA de Sociologie du travail
Fiche n° 37145, créée le 22/11/2019 à 12:13 - MàJ le 18/04/2024 à 10:12
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