Logement : attendre du chef de l’État des réformes qu’il n’a pas annoncées (Catherine Sabbah)
Pas assez partisan ? Pas assez clivant ? Trop technique ? Complexe car il faut intéresser des électeurs propriétaires, locataires ou bailleurs, urbains ou ruraux, aux intérêts divergents… Le sujet du logement, d’une actualité brûlante puisqu’il mixe écologie et pouvoir d’achat, a peu habité la campagne présidentielle 2022. Ce n’est pas faute de propositions pourtant, il faut lire les programmes. Selon sa couleur et son ouverture, le nouveau Gouvernement pourra donc aller piocher chez les uns ou chez les autres. Mais pour quoi faire ? écrit Catherine Sabbah
Déléguée générale @ IDHEAL
, dans une tribune adressée à News Tank le 05/05/2022.
C’est à celui qui en a le moins parlé, Emmanuel Macron
Président de la République @ Présidence de la République (Élysée)
, qu’il va falloir s’adresser. Et attendre du chef de l’État, ancien et nouveau président de la République, et de son Gouvernement, des réformes qu’il n’a pas annoncées. Ce n’est pas inédit : la ponction opérée sur les ressources des opérateurs de logement social en 2017 ne figurait nulle part dans les promesses (ou menaces) de campagne. Il est d’autant plus difficile d’imaginer ce qui adviendra qu’au fil des convocations des candidats à la présidentielle ou de leurs représentants, organisées par les différentes fédérations, du bâtiment, du logement social, des architectes… Emmanuel Macron est, sans doute, celui qui a le moins dévoilé ses ambitions.
Alors que les uns et les autres présentaient des plans d’action, pour construire plus et surtout rénover le parc de logements, sa ministre du Logement, Emmanuelle Wargon
Présidente @ Commission de régulation de l’énergie (CRE)
et Olivier Klein
Recteur @ Académie de Strasbourg • Maire @ Ville de Clichy-sous-Bois
, le maire de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), président de l’agence de rénovation urbaine (ANRU
Agence nationale pour la rénovation urbaine
), qui lui succèdera peut-être, promettaient, d’une tribune à l’autre, un futur dans la continuité. Que faut-il en comprendre ?
Voici la tribune de Catherine Sabbah.
Logement, et maintenant ?
Pas assez partisan ? Pas assez clivant ? Trop technique ? Complexe car il faut intéresser des électeurs propriétaires, locataires ou bailleurs, urbains ou ruraux, aux intérêts divergents… Le sujet du logement, d’une actualité brûlante puisqu’il mixe écologie et pouvoir d’achat a peu habité la campagne présidentielle. Ce n’est pas faute de propositions pourtant, il faut lire les programmes. Selon sa couleur et son ouverture, le nouveau Gouvernement pourra donc aller piocher chez les uns ou chez les autres. Mais pour quoi faire ?
C’est à celui qui en a le moins parlé, Emmanuel Macron, qu’il va falloir désormais s’adresser. Et attendre du chef de l’État, ancien et nouveau président de la République, et de son Gouvernement, des réformes qu’il n’a pas annoncées. Ce n’est pas tout à fait inédit : la ponction opérée sur les ressources des opérateurs de logements social en 2017 ne figurait nulle part dans les promesses (ou menaces) de campagne.
Emmanuel Macron est sans doute celui qui a le moins dévoilé ses ambitions »Il est d’autant plus difficile d’imaginer ce qui adviendra qu’au fil des convocations des candidats à la présidentielle ou de leurs représentants, organisées par les différentes fédérations, du bâtiment, du logement social, des architectes… Emmanuel Macron est sans doute celui qui a le moins dévoilé ses ambitions. Alors que les uns et les autres présentaient des plans d’action, pour construire plus et surtout rénover le parc de logements, sa ministre du logement, Emmanuelle Wargon et Olivier Klein, le maire de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), président de l’agence de rénovation urbaine (ANRU), qui lui succèdera peut-être, promettaient, d’une tribune à l’autre, un futur dans la continuité.
Logique budgétaire traduite en économies forcées
Que faut-il en comprendre ? Que, comme au cours des derniers mois du quinquennat, la manière dont sont logés les habitants de ce pays sera enfin prise au sérieux et, autant que la quantité, la qualité de ce qui est construit, regardée de près ? Les émissions de carbone mais aussi la taille des cuisines, celle des chambres et la possibilité de ventiler naturellement des logements traversants, dotés si possible d’espaces extérieurs ? Ou bien, comme au cours des quatre premières années, que c’est plutôt à une logique budgétaire traduite en économies forcées et une redistribution contestable que le Gouvernement obéira ? Quelques hypothèses apparaissent en pointillés dans l’un des rares entretiens filmés sur le sujet, au début de cette campagne éclair.
Le chef de l’État l’avait accordé à Christophe Robert
Délégué général @ Fondation Abbé Pierre
, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, enjambant les corps intermédiaires et les acteurs institutionnels classiques, pour s’adresser au secteur associatif, devenu depuis une vingtaine d’années l’un des puissants agitateurs d’un système sclérosé, aussi, par son corporatisme.
Le remplacement de l’ISF par l’IFI
Si Emmanuel Macron y regrette - et il l’a reconnu à plusieurs reprises- la baisse de 5 € des aides au logement (APL) désormais jugée non nécessaire, il réfute l’idée que ses réformes aient dégradé l’accès au logement pour aucun citoyen. La « réduction de loyer de solidarité », qui a privé le secteur HLM de 1,3 Md€ par an, en 2019, 2020 et 2021 est ainsi présentée comme une rationalisation des ressources, sans douleur au contraire, pour les capacités d’investissement des bailleurs sociaux. Faut-il entendre que l’on pourrait ne pas s’arrêter en si bon chemin et que la clause de revoyure prévue déboucherait sur une reconduction ?
La pérennisation de 200 000 places d’hébergement est à saluer »Le remplacement de l’ISF Impôt sur la fortune par l’IFI Impôt sur la fortune immobilière (taxation des valeurs mobilières et immobilières au-delà du seuil de 1,3 M€ de patrimoine) , l’impôt sur la fortune immobilière, n’est pas non plus un cadeau fait aux plus aisés : le chef de l’État explique que cette mesure concentre la taxation sur la part non productive de la richesse. Tout comme la suppression de la taxe d’habitation, y compris pour les 20 % des ménages les plus riches, est décrite d’abord comme une mesure en direction des classes moyennes… La pérennisation de 200 000 places d’hébergement est à saluer, tout comme la mise en place du « logement d’abord » qui considère qu’un « chez-soi » est la première marche vers la réinsertion sociale.
Toutes ces mesures n’ont pourtant pas permis à un nombre conséquent de citoyens d’accéder plus facilement à un toit qui leur coûte, lorsqu’ils en ont un, de plus en plus cher. En cinq ans, les prix ont continué d’augmenter dans les métropoles. Habiter en remboursant son emprunt ou en payant son loyer tout en s’acquittant de ses charges, pèse en moyenne 26 % dans le budget des ménages, 40 % dans celui des plus pauvres.
La crise n’est pas récente, elle dure depuis des décennies. Mais le choc d’offre promis, censé faire baisser les prix, n’a pas eu lieu. Faut-il en rendre responsables la politique du Gouvernement ou la pandémie et/ou le malthusianisme de certains élus. La production de logements privés et sociaux, en tout cas, a plutôt diminué.
Une industrie productive porteuse d’innovations
SI l’on s’en tient à l’indicateur, essentiel mais rarement mesuré, du nombre de personnes logées, en capacité financière de choisir l’endroit où elles souhaiteraient habiter, la politique du logement du dernier quinquennat n’est pas un succès. Celle du prochain reste à définir. Peut-être en commençant par octroyer à ce sujet, dans la hiérarchie gouvernementale une place analogue à celle qu’il occupe dans la société : centrale et essentielle pour les ménages, les acteurs économiques et les décideurs politiques,
Des aides au logement considérées comme à bout de souffle »Emmanuel Macron n’en faisait pas mystère, il y a quelques mois. Il évoquait sinon une fusion, du moins l’intégration des aides au logement considérées comme à bout de souffle, à un revenu universel d’activité, contractualisé autour de droits et de devoirs. La stratégie d’En Marche consiste à activer deux leviers pour reformer la société et lutter contre les inégalités : le travail et la prévention de la pauvreté, via l’éducation et des aides publiques dont le récent « quoi qu’il en coute » fait partie.
Pourquoi ne pas considérer que le logement pourrait en être un troisième ? Il est « en même temps » une industrie productive porteuse d’innovations en matière de transition écologique ; un gisement d’emplois non délocalisables et susceptibles de monter en compétence via les nouvelles filières de rénovation. Enfin quoi de mieux qu’un chez-soi, un refuge, pour se construire, se reconstruire et prévenir des accidents de la vie ?
Rubrique dirigée par Jean-Luc Berho
La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. La prochaine édition a eu lieu le 26/08/2022 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) sur le thème de l’urgence à agir. Jean-Luc Berho est également président de la Coopérative de l’immobilier, à Toulouse. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.
Parcours
Déléguée générale
Commissaire de l’exposition Hotel Metropole depuis 1818
Journaliste
Établissement & diplôme
Sciences politiques
Journalisme
Territoires en Europe
Fiche n° 39697, créée le 08/06/2020 à 18:09 - MàJ le 02/09/2024 à 15:26
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