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Lois ELAN et 3DS : aller au bout d’une logique de transfert de compétences (Vincent Bru, député)

News Tank Cities - Paris - Tribune n°283418 - Publié le 17/03/2023 à 09:30
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Vincent Bru, député des Pyrénées-Atlantiques depuis 2017 - ©  D.R.

Les politiques du logement et de l’habitat, structurantes et déterminantes pour le développement d’un territoire qu’il soit national ou local, souffrent aujourd’hui d’une trop grande complexité. Malgré un mouvement de décentralisation engagé depuis une vingtaine d’années et une production législative souvent démesurée, ces politiques ne répondent que partiellement aux impératifs de produire et proposer un logement décent à tous nos concitoyens, aux enjeux de mixité sociale, de solidarité et de transition écologique, écrit Vincent Bru Député (Dem) de la 6e circo. Pyrénées-Atlantiques @ Assemblée nationale
• Né le 29/04/1955 à Bayonne
, député Démocrate des Pyrénées-Atlantiques, dans une tribune adressée à News Tank le 16/03/2023.

Ces difficultés ont déjà été maintes fois relayées par les différents rapports Borloo (2004), Girometti-Leclercq (2021), Rebsamen (2021), remis ces dernières années aux différents Gouvernements. La situation actuelle témoigne de notre incapacité à mettre en œuvre de manière effective les mesures préconisées.

Nous devons mettre en place de nouveaux équilibres et de nouvelles coopérations entre les politiques relevant des compétences de l’État et celles relevant des collectivités, en allant au bout d’une logique de transfert de compétences qui ne se résume pas à un simple acte de déconcentration, mais bien à une réelle et effective décentralisation dans la continuité des lois ELAN Évolution du logement et aménagement numérique - Loi « Logement » adoptée le 23/11/2018 par le Parlement et 3DS Loi du 21/02/2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale .

Voici la tribune de Vincent Bru.


Dilution des responsabilités et efficacité amoindrie des politiques publiques

Les politiques du logement et de l’habitat, structurantes et déterminantes pour le développement d’un territoire qu’il soit national ou local, souffrent d’une trop grande complexité. Malgré un mouvement de décentralisation engagé depuis une vingtaine d’années et une production législative souvent démesurée, ces politiques ne répondent que partiellement aux impératifs de produire et proposer un logement décent à tous nos concitoyens, aux enjeux de mixité sociale, de solidarité et de transition écologique.

Ces difficultés ont déjà été maintes fois relayées par les différents rapports Borloo (2004), Girometti-Leclercq (2021), Rebsamen (2021), remis ces dernières années aux différents Gouvernements. La situation actuelle témoigne de notre incapacité à mettre en œuvre de manière effective les mesures préconisées. Les difficultés s’expliquent pour partie par le fait qu’en matière de logement et d’habitat, l’ensemble des acteurs institutionnels est impliqué : État, Régions, Départements, intercommunalités, communes. Le croisement des compétences favorise la dilution des responsabilités et amoindrit l’efficacité des politiques publiques.

Mais la situation est aujourd’hui critique : le déficit de production de logements, l’inflation du prix des matières première, la multiplication des normes, l’impérieuse nécessité d’accélérer la transition écologique, la raréfaction du foncier et les injonctions contradictoires de certaines dispositions législatives (ZAN Zéro artificialisation nette - Objectif de réduction de la consommation d’espace à zéro unité nette de surface consommée en 2050, fixé par le plan Biodiversité du Gouvernement en juillet 2018 ), tous ces facteurs contribuent à faire de la question du logement une préoccupation majeure, notamment dans les territoires se situant dans les zones dites tendues. 

Député de la 6e circonscription des Pyrénées-Atlantiques, je suis particulièrement sensible à ces difficultés. Les tensions très fortes sur le marché du logement au Pays basque contraignent de nombreux ménages à s’éloigner de plus en plus de leur lieu de travail. Ce sentiment de ne plus pouvoir se loger décemment sur son propre territoire alimente un sentiment d’injustice.

Fongibilité des enveloppes des aides à la pierre ?

Nous devons donc mettre en place de nouveaux équilibres et de nouvelles coopérations entre les politiques relevant des compétences de l’État et celles relevant des collectivités, en allant au bout d’une logique de transfert de compétences qui ne se résume pas à un simple acte de déconcentration, mais bien à une réelle et effective décentralisation dans la continuité des lois ELAN Évolution du logement et aménagement numérique - Loi « Logement » adoptée le 23/11/2018 par le Parlement et 3DS Loi du 21/02/2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale .

La créativité des territoires doit pouvoir inverser la logique de construction des politiques publiques. Nos collectivités sont au plus proche des besoins. Elles ont acquis ces dernières années par le transfert de certaines compétences une expertise véritable. Elles ont mis en place des outils (observatoire des loyers, dispositifs de suivi des copropriétés… ) qui leur permettent d’avoir une connaissance très fine des besoins et de travailler à différentes échelles (agglomération, commune, quartier) pour une plus grande efficacité.

EPCI : le territoire correspond au bassin d’habitat »

La gouvernance et le pilotage des politiques du logement et de l’habitat doivent revenir aux EPCI Établissement public de coopération intercommunale - structure administrative française regroupant plusieurs communes afin d’exercer certaines compétences en commun dont le territoire correspond au bassin d’habitat, là où s’effectuent les choix résidentiels des ménages. La loi 3DS a permis à ces collectivités de devenir sous certaines conditions autorités organisatrices de l’habitat (AOH Autorité organisatrice de l’habitat - compétence reconnue aux intercommunalités signataires d’un PLH, d’un PLUI, d’une convention intercommunale d’attribution et de délégation d’aide à la pierre… ) et donc d’adapter les politiques nationales aux particularités de leur territoire. Allons plus loin dans la logique. Puisque l’État leur délègue les aides à la pierre, permettons-leur à titre expérimental de maîtriser pleinement l’utilisation de ces aides publiques sur leur territoire, en matière d’investissement locatif par exemple. À l’heure actuelle, ces aides sont distribuées sous conditions d’éligibilité relevant de critères nationaux.

Pourquoi ne pas permettre également une fongibilité des enveloppes des aides à la pierre pour une affectation plus fine et plus efficace de ces crédits en fonction des particularités locales, dans le respect bien entendu des grandes orientations nationales ?

Délégation totale des aides à la rénovation énergétique

On peut imaginer une délégation totale des aides à la rénovation énergétique. Dans ma circonscription, le foncier devient de plus en plus rare. Produire du logement suppose donc de multiplier les rénovations et de réduire les constructions consommatrices de foncier. Les EPCI qui seraient délégataires des aides à la rénovation énergétique pourraient flécher davantage ces aides sur des travaux d’isolation de logements vacants. Ces aides pourraient être abondées par la collectivité pour offrir un véritable accompagnement sur un panier de travaux, sous conditions de location. Dans ma circonscription, de nombreux centre bourgs ont des logements inoccupés. Cela permettrait d’encourager leur propriétaire à effectuer des travaux pour les remettre sur le marché de la location, dans un territoire où l’on observe un très grand déficit de l’offre. A l’échelle nationale, on estime qu’il y a 3,1 millions de logements vacants. Il s’agit d’un gisement qu’il faut absolument exploiter, d’autant plus que pour une majorité de logement, les infrastructures sont déjà existantes.

Le télétravail peut libérer 3,3 millions de m2 de bureaux »

Le récent développement du télétravail libère également de nombreux espaces de bureaux qui pourraient être transformés en logement, du télétravail. On estime par exemple qu’en Île-de-France, le télétravail conduira à libérer 3,3 millions de m2 de bureaux. Ces espaces transformés en logement permettraient d’atteindre les objectifs de sobriété foncière fixés par la loi Climat et résilience. Cependant, les contraintes juridiques et techniques sont très fortes pour ce type d’opération, notamment lorsque l’immeuble se situe dans un quartier d’affaires. L’ingénierie et les travaux sont complexes. Les coûts engendrés pour la rénovation et la mise aux normes sont souvent rédhibitoires. Il faudrait donc permettre aux collectivités, au titre de l’expérimentation, de s’affranchir de certaines règles juridiques pour faciliter la mise en œuvre de ces programmes.

Ce principe de différenciation n’introduit pas une rupture dans l’unicité du pacte républicain. Il permet simplement de mieux prendre en compte, dans un souci d’efficacité, les spécificités territoriales. Cette exigence d’efficacité est aussi une façon de répondre à la crise institutionnelle que nous rencontrons et que traduit la colère sociale qui couvent depuis de nombreux mois.

Modèle d’organisation administrative en cause

Cette différenciation n’exclut en rien le travail du législateur. En matière de logement, des propositions législatives, notamment dans le domaine fiscal, doivent permettre de mieux réguler le marché du logement particulièrement en zone tendue.

Engagement de campagne d’Emmanuel Macron, la véritable décentralisation de la politique du logement et de l’habitat est encore à construire. Il y a urgence, d’autant plus que le choc de l’offre promis par la loi ELAN pour résoudre la crise du logement n’a pas eu lieu. Les circonstances n’expliquent pas tout. C’est notre modèle d’organisation administrative qui est en cause.

Le projet de réforme institutionnelle qu’a évoqué le président de la République le 13/032023 devant des représentants d’association d’élus est une véritable fenêtre d’opportunité. Nos collectivités ont démontré par le passé leurs capacités à assumer avec une grande efficience et beaucoup de créativité des compétences qui leur étaient déléguées. Allons, en matière de logement, au bout de la logique engagée par la loi 3DS. La gouvernance et le pilotage des politiques du logement et de l’habitat doivent être confiés aux EPCI.

La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. La prochaine édition est prévue le 25/08/2023 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques). Jean-Luc Berho est également président de la Coopérative de l’immobilier, à Toulouse. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.

Vincent Bru


• Né le 29/04/1955 à Bayonne

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Parcours

Assemblée nationale
Député (Dem) de la 6e circo. Pyrénées-Atlantiques
Ville de Cambo-les-Bains (Pyrénées-Atlantiques)
Maire

Fiche n° 40892, créée le 02/10/2020 à 16:57 - MàJ le 16/03/2023 à 20:03


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Vincent Bru, député des Pyrénées-Atlantiques depuis 2017 - ©  D.R.