Demandez votre abonnement gratuit d'un mois !

L’abonnement à News Tank Cities est payant, merci de respecter la propriété intellectuelle et de ne pas transférer cet article sans autorisation préalable de News Tank Cities.

Le marché n’offre pas de réponses adaptées pour des millions d’Européens (Alain Régnier, Soliha)

News Tank Cities - Paris - Tribune n°406715 - Publié le
- +
©  Square 1200
Alain Régnier, président de la Fédération Soliha - ©  Square 1200

Absente des débats et des traités, la question de l’accès à un logement abordable pour tous les citoyens européens prend place, peu à peu, dans l’agenda de l’Union européenne. La nouvelle compétence (ou pour le moins cette nouvelle orientation politique) résulte d’une nécessité de cohésion sociale alors que l’Europe s’est construite en premier lieu comme un grand marché. Il est clair, désormais, que le marché ne permet pas d’offrir des réponses adaptées pour des dizaines de millions d’Européens qui restent sans solution pour se loger, écrit Alain Régnier Président @ Soliha • Président @ Pari solidaire
• Chevalier de la Légion d’honneur (mai 2005)
, président de la Fédération Soliha • Fédération nationale• Statut : réseau associatif au service de l’habitat privé à vocation sociale avec 123 organismes d’aide aux particuliers, collectivités locales et institutions… , dans une tribune adressée à News Tank le 24/07/2025.

L’Europe doit s’engager résolument dans l’approche logement d’abord, de vrais logements abordables au plus grand nombre et aux ménages les plus modestes, sans passage obligé par l’étape de l’hébergement. Dans cette perspective européenne, les territoires ultramarins ne doivent pas être oubliés. Cela suppose un investissement européen massif dans la rénovation thermique et l’adaptation des logements. C’est l’ambition de la politique de l’Europe verte au plus près des territoires. L’autre ambition est celle de l’Europe sociale. Elle doit s’assurer de la disponibilité d’une offre de logements économiquement abordables.

Voici la tribune d’Alain Régnier en vue des Entretiens d’Inxauseta le 29/08/2025 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) sur le thème de la « Crise du logement abordable, une urgence européenne ».


Pour une Europe au service de ses citoyens

Absente des débats et des traités, la question de l’accès à un logement abordable pour tous les citoyens européens prend place, peu à peu, dans l’agenda de l’Union européenne. Cette nouvelle compétence, ou pour le moins cette nouvelle orientation politique, résulte d’une nécessité de cohésion sociale alors que l’Europe s’est construite en premier lieu comme un grand marché.

Il est clair désormais que le marché ne permet pas d’offrir des réponses adaptées pour des dizaines de millions d’européens qui restent sans solution pour se loger.

Dans l’histoire de l’Union européenne, la première date à retenir, me semble-t-il, est la conférence de consensus sur les personnes sans-abris organisée, sous présidence belge, en décembre 2010. Plus de deux cents personnes venues de toute l’Europe, pour débattre et aboutir à cinq préconisations. Il faut noter le soutien de la France à cette initiative de la Fédération Européenne des Associations Nationales Travaillant Avec les Sans-Abris • Fédération Européenne des Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abri• Missions :- mettre un terme au sans-abrisme en Europe,- engager un dialogue avec les institutions européennes, les… (FEANTSA).

C’est en 2010 que le Gouvernement français crée la Dihal Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement , la délégation interministérielle pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans-abris ou mal logées. Ce qui est vraiment intéressant à noter c’est le rôle joué par les ONG Organisation non gouvernementale dans le plaidoyer vis-à-vis de la Commission européenne et plus tard vis-à-vis du Parlement européen. Parti de la question des personnes à la rue, le débat s’est progressivement élargi aux ménages précaires et aux familles monoparentales. Et dès la conférence de consensus de 2010, la question des migrants est devenue une composante incontournable des questions d’hébergement et de logement. Face à une précarisation en progression, la question de l’accès à un logement abordable s’est imposée dans les débats d’abord des spécialistes, puis du grand public.

Vision minimaliste des politiques sociales du logement

Si le sujet est désormais partagé, la situation est cependant extrêmement hétérogène au sein de l’Europe. Tout d’abord dans les compétences et la vision des politiques du logement dans les institutions européennes. Comme je le disais plus haut, l’UE Union européenne s’est construite sur une vision libérale où l’objectif premier était de permettre la création d’un grand marché où la concurrence serait non faussée par les politiques des Etats membres.

La France a été souvent mise en cause »

Il en résulte une vision minimaliste des politiques sociales du logement des États membres. La France a ainsi été souvent mise en cause, considérée comme ayant une conception trop large du logement social. Le modèle mis en avant était celui des Pays-Bas où le niveau de revenus permettant d’accéder à un logement social concerne un tiers de la population contre deux tiers chez nous. D’autres différences existent comme la durée d’occupation, de conventionnement ou d’acquisition de son logement social. Le rôle des ONG diffère aussi sensiblement d’un état à l’autre, que ce soit dans l’hébergement ou dans la structuration des acteurs du logement social.

En France, la place des associations est importante tant dans le plaidoyer que dans la gestion ou la construction de logements très sociaux. Elles sont en première ligne pour la mise en œuvre du Logement d’abord depuis 2017. Ainsi le mouvement SOLIHA : Solidaire pour l’Habitat, gère 60 000 logements et accompagne chaque année plus de 250 000 ménages. Nous affichons fièrement notre mission comme celle de bâtisseurs de solutions logement.

En dehors de la conception même des politiques du logement, l’Europe présente très majoritairement une organisation décentralisée des politiques publiques du logement. La France fait figure d’exception avec le poids important des politiques nationales et une décentralisation inaboutie depuis 2004.

Par ailleurs, la grande complexité de l’organisation française rend peu lisibles les responsabilités de chacun vis-à-vis des Français. Les stop et go sont nombreux, ils fragilisent les acteurs qu’ils soient publics ou privés. Les dernières péripéties récentes du dispositif Ma prime Rénov’ en sont, hélas, une bonne illustration. Pour terminer ce focus France, il faut rappeler que la seule loi de programmation en matière de logement remonte au Plan de Cohésion sociale de Jean-Louis Borloo en 2005.

Des territoires devenus des « No Go Zones »

Après ce bref panorama, quelle pourrait être les attentes d’un mouvement comme Soliha vis à vis d’une politique européenne de l’habitat ? En premier lieu, la reconnaissance des spécificités de ce que nous pouvons appeler le modèle français, il ne serait pas acceptable de nous faire imposer un vison minimaliste des politiques publiques du logement qui mettraient en cause les organismes HLM et le rôle des ONG.

En second lieu, cette politique européenne ne peut avoir pour corollaire le transfert des responsabilités de l’État français vis-à-vis de l’UE. Pour être clair, il ne s’agit pas de mettre en avant une mobilisation des moyens de l’UE pour justifier d’un désengagement de l’État français. Les derniers échanges avec le Gouvernement ne sont pas rassurants sur ce point.

S’opposer à une marchandisation abusive et illégale »

Pour être concret, une fois passés ces préalables, un mouvement tel que Soliha est très favorable à une politique volontariste de l’UE pour répondre aux défis qui sont les nôtres. On ne parle pas assez des conséquences démocratiques de l’absence de réponse en matière de logement pour les jeunes qu’ils soient étudiants, en mobilité ou qui souhaitent tout simplement s’installer en famille. Certains territoires sont devenus des « No Go Zones » pour bon nombre de ménages. La situation du Pays basque est malheureusement exemplaire en la matière. Mais il n’est pas le seul. Heureusement des initiatives existent pour s’opposer à une marchandisation abusive et illégale par certains propriétaires de ces zones tendues.

Ainsi l’Europe doit s’engager résolument dans l’approche logement d’abord, de vrais logements abordables au plus grand nombre et bien sûr aux ménages les plus modestes, sans passage obligé par l’étape de l’hébergement. Dans cette perspective européenne, les territoires ultramarins ne doivent pas être oubliés. Cela suppose un investissement européen massif dans la rénovation thermique et l’adaptation des logements. C’est l’ambition de la politique de l’Europe verte au plus près des territoires.

L’autre ambition est celle de l’Europe sociale, elle doit s’assurer de la disponibilité d’une offre de logements économiquement abordables. Il s’agit enfin de lutter contre les discriminations dans l’accès au logement et de prévoir des réponses adaptées pour les personnes réfugiées ou migrantes.

Les quatre propositions opérationnelles de Soliha

Pour conclure, la Fédération Soliha fait quatre propositions opérationnelles.

• La 1e est celle d’établir un diagnostic. En partant des territoires, il s’agit de faire un état des lieux des obstacles à la lutte contre le mal logement et des pistes de réponse à mettre en œuvre. Les prochaines élections municipales pourraient être l’occasion de prendre des engagements en la matière.

• La 2e est celle d’interroger les personnes concernées. Notre pays mobilise peu les personnes concernées dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques les concernant. Il pourrait être intéressant de choisir des territoires d’expérimentation en la matière.

• La 3e est de sensibiliser tous les acteurs. Notre pays est très cloisonné, la complexité de la politique du logement n’aide pas chacun à sortir de son couloir. Ce n’est pas faute d’avoir moult comités thématiques mais il manque une vision globale politique et pas technocratique comme notre pays l’aborde trop souvent. Mieux prendre en compte des situations réelles que des discours et des plans qui finissent pour beaucoup sur les étagères des différentes collectivités et de l’État territorial.

• La dernière est budgétaire. Il nous semble important de mieux cibler les fonds européens FSE Fonds social européen - Créé en 1957 par le traité de Rome, il est le principal levier financier de l’Union européenne pour la promotion de l’emploi parmi 5 fonds structurels de cohésion européens + et Feder Fonds européen de développement économique et régional et, en particulier, le très social dans le FSE+. Il s’agit de rendre plus simple la mobilisation des fonds européens. Enfin, une aide dédiée aux têtes de réseaux serait la bienvenue.

En conclusion, les ONG et Soliha tout particulièrement se félicitent des dernières annonces de la Commission, de la nomination d’un Commissaire et des premières mesures proposées. En lien étroit avec le Gouvernement, nous souhaitons être impliqués dans les choix et la mise en œuvre des actions qui seront retenues. L’engagement de l’UE doit être un plus et non un moyen de trouver des sources d’économies budgétaires pour la France, bref soyons ambitieux !

La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. La prochaine édition est prévue le 29/08/2025 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) sur le thème du logement en Europe. Jean-Luc Berho est président de Soliha Pays basque, président du conseil de surveillance de la Coopérative de l’immobilier à Toulouse, administrateur de l’association Aurore, administrateur d’Espacité et membre du Conseil national de l’habitat. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.

Soliha

• Fédération nationale
• Statut : réseau associatif au service de l’habitat privé à vocation sociale avec 123 organismes d’aide aux particuliers, collectivités locales et institutions sociales
• Missions : améliorer les conditions d’habitat des populations défavorisées, fragiles et vulnérables et revitaliser les bourgs et quartiers dégradés
• Création : 1942
• Président : Alain Régnier
• Directrice générale : Juliette Laganier (départ annoncé en septembre 2025)
• Effectif : 3 550 salariés
• Contact : Thomas Bachelet, responsable du pôle communication
• Tél. : 06 60 18 44 36


Catégorie : Association, Fondation


Adresse du siège

10, rue du Plâtre 75004 Paris
75009 Paris France


Consulter la fiche dans l‘annuaire

Fiche n° 6341, créée le 24/01/2018 à 05:12 - MàJ le 06/08/2025 à 13:08


© News Tank Cities - 2025 - Code de la propriété intellectuelle : « La contrefaçon (...) est punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. Est (...) un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur. »

©  Square 1200
Alain Régnier, président de la Fédération Soliha - ©  Square 1200