
Immobilier : évoluer dans son modèle économique plutôt qu’attendre son salut de l’État (X. Lépine)
Comment une activité parmi les plus réglementées, dont les besoins en bureaux comme en logements sont fortement prévisibles (démographie, sociologie…), peut-elle déboucher sur une situation où 9 millions de m2 sont déjà vides et 15 millions le seront d’ici à 10 ans, sans compter les cessions de l’immobilier de l’État, alors même que la crise du logement, sous toutes ses formes, ne fait qu’augmenter ? Comment notre organisation sociale, politique, économique et financière peut-elle produire une telle inefficience ? interroge Xavier Lépine
Président @ Paris Île-de-France Capitale Économique • Président-fondateur @ Société des Nouveaux Propriétaires (néoproprio)
, président de l’IEIF
• Centre d’études, de recherche et de prospective spécialisé en immobilier
• Création : 1986
• Mission : soutenir les acteurs de l’immobilier et de l’investissement dans leur activité et leur…
(Institut de l’épargne immobilière et foncière
• Centre d’études, de recherche et de prospective spécialisé en immobilier
• Création : 1986
• Mission : soutenir les acteurs de l’immobilier et de l’investissement dans leur activité et leur…
), de Paris Île-de-France Capitale Économique et cofondateur de Neoproprio, dans une tribune adressée à News Tank Cities le 26/11/2025.
L’éco-système de l’immobilier, de par son organisation économique, politique et sociale, n’a pas évolué dans son modèle économique et ne semble pas vouloir le faire. Il préfère attendre son salut de l’État… Quitte à ce que le refus de sortir de cet immobilisme se fasse à son propre détriment et, plus globalement, celui de la France.
Or il s’agit, comme ce fut le cas lors des grandes évolutions du XXe siècle, d’adapter notre système financier. L’immobilier peut être une des solutions qui puissent infléchir positivement la situation des Français.
Voici la tribune de Xavier Lépine.
L’immobilier face aux défis anthropologiques
Ce n’est pas en améliorant la bougie que l’on a inventé l’électricité
En avril 2025, Valérie Létard
Députée de la 21e circonscription du Nord @ Assemblée nationale
, alors ministre du logement, nous confiait, à Nadia Bouyer
Directrice générale @ Groupe Action Logement • Directrice générale @ Seqens • Directrice générale @ Domaxis et Pax‐Progrès‐Pallas
, directrice générale d’Action Logement
• Missions : faciliter l’accès au logement pour favoriser l’emploi
• Création : 1953 (Participation des Employeurs à l’Effort de Construction dit 1 % logement)
• Organisation :
- Action Logement…
, et moi-même la mission de proposer des modèles économiques facilitant la transformation de bureaux obsolètes en logements. La mission, outre qu’elle m’honore, a été pour moi source de nombreuses interrogations qui vont bien au-delà du sujet que nous avions à traiter.
Comment une activité parmi les plus réglementées qui existent, dont on peut dire que les besoins en bureaux comme en logements sont fortement prévisibles (démographie, sociologie…), peut-elle déboucher sur une situation où 9 millions de m2 sont déjà vides et 15 millions le seront d’ici à 10 ans, sans compter les cessions de l’immobilier de l’État, alors même que la crise du logement, sous toutes ses formes, ne fait qu’augmenter ?
Comment notre organisation sociale, politique, économique et financière peut-elle produire une telle inefficience ? Comment le logement, qui était pendant les 40 années post-1945 le facteur de réduction des inégalités sociales, est-il devenu un des plus forts marqueurs d’inégalités sociales et intergénérationnelles ? Comment en est-on arrivé en 2015 à construire en Île-de-France l’équivalent de 44 m2 de bureaux pour chaque emploi créé ? Comment en est-on arrivé à avoir des taux de vacance de bureaux de 30 % à Saint Ouen comme à Saint-Denis dont une partie significative de bureaux neufs ? Comment en est-on arrivé à ce qu’une des premières puissances mondiale en termes de PIB Produit intérieur brut par habitant, et même si la mixité sociale est totalement indispensable au « bien vivre ensemble », aie 70 % de sa population éligible au logement social alors que le ratio devrait être l’inverse (il ne faut pas confondre, le parcours résidentiel, et le nécessaire continuum de la mixité sociale avec le fait d’être financièrement éligible au logement social du fait du coût du logement libre) ?
« It is difficult to get a man to understand something when His salary depends upon his not understanding It ! » (Paul Krugman)
Est-ce la faute des municipalités qui auraient un intérêt politique et économique plus important à autoriser la construction de bureaux que de logements ? Des promoteurs qui dans le modèle Vefa Vente en état futur d’achèvement - Contrat de vente « sur plan » - Befa Bail en l’état futur d’achèvement trouvaient des investisseurs (foncières, SCPI Société civile de placement immobilier - Structure d’investissement de placement collectif dont l’objet est l’acquisition et la gestion d’un patrimoine immobilier professionnel , OPCI Organisme de placement collectif immobilier ) ne se préoccupant pas de qui allaient occuper tous ces bureaux (les existants comme ceux qui seront construits) ? Des taux d’intérêt trop bas alors que les prix de l’immobilier n’arrêtaient pas de monter ? Des effets de bords du Grenelle de l’environnement et des lois Climat et résilience qui ont attiré les capitaux sur les nouvelles constructions tertiaires plutôt que sur l’existant où les investissements n’étaient considérés au mieux que comme un moyen de protéger le capital ? Des politiques publiques nationales ou locales de soutien au logement insuffisantes ou inadaptées (feu Pinel, encadrement des loyers, statut du bailleur privé), conduisant à sortir le logement de l’allocation d’actif des institutionnels car le logement n’est plus un actif d’efficacité économique, sans pour autant résoudre structurellement le problème ?
La polarité sur les extrêmes bat son plein
Plus j’observe la stratégie des différentes parties prenantes et, comme dans beaucoup de domaines, plus je m’aperçois que la polarité sur les extrêmes bat là également son plein… Je m’interroge sur ce que nous avons compris de cette crise protéiforme et je m’inquiète pour le futur proche comme lointain de l’immobilier… qui représente en même temps la première dépense des ménages et 62 % de la richesse des Français, et singulièrement le logement, ce besoin primaire pour habiter, développer sa famille et s’épanouir.
Qui va gagner le combat entre le maintien, voire l’augmentation des inégalités liées au logement, et les contraintes, réduction du droit de propriété, taxations confiscatoires de l’autre côté qui se traduisent par un désintérêt croissant des investisseurs pour le logement alors que l’on en manque ?
« How many times can a man turn his head pretending he just doesn’t see ? » (blowin’in the wind) (Bob Dylan)
Les prix des loyers de bureaux dans Paris intra-muros crèvent les plafonds, les hôtels de luxe affichent des taux d’occupation supérieurs à 97 % et c’est la fête dans le mercato de l’acquisition avec des chambres valorisées à 1 M€… alors que la mairie de Paris, comme d’autres villes, non seulement n’a plus tellement de choix autre que d’encadrer les loyers résidentiels, et réduit tous les ans un peu plus le droit de propriété jusqu’à considérer que l’immobilier est un bien commun de main morte comme sous l’ancien régime (le communisme remplace le seigneur), provoquant par là même l’augmentation de la baisse de l’offre locative qu’elle déplore !
Peut-on sérieusement penser que Paris, la ville monde aux 2 millions d’habitants d’une surface de 100 km2, occupée à la fois par les plus prestigieux bureaux, commerces, hôtels et une minorité de riches et d’ultra-riches ne s’effondrera pas si elle est entourée de 10 millions d’habitants dont une large partie à des difficultés à se loger et des bureaux souvent vides, parfois neufs, qui ne trouvent pas de preneurs à bail au tiers du prix parisien ?
Quand ferons-nous en sorte qu’habiter ou travailler dans beaucoup de banlieues ne soit plus considéré comme une relégation ? Peut-on tout aussi sérieusement penser que des capitaux privés comme institutionnels vont massivement s’investir dans l’immobilier résidentiel quand les perspectives de rendement locatif sont de plus en plus faibles, que sa fiscalité instable et le droit de propriété sont devenus un enjeu politique pitoyable qui n’a d’égal que l’incompétence de certains.
Comment peut-on critiquer la loi Kasbarian sur les squatteurs dont on se demande comment on a pu arriver à devoir légiférer pour que le propriétaire récupère son bien alors que sur une voiture la question ne se poserait pas… À l’inverse, comment Philippe Juvin, pourtant député de droite, peut-il raisonnablement penser que donner gratuitement à son locataire le logement social qu’il aura loué pendant 20 ans aurait un sens aussi bien sur le plan de l’équité que de la pérennité même du logement social ? Seriously ? Faute d’évolution des modèles économiques, c’est la décadence de notre société au détriment de tous qui se met actuellement en place à bas bruit.
S’interroger sur la notion de temps
Apporter des réponses, aurait dû commencer par s’interroger sur la notion de temps : l’immobilier ce serait du long terme. L’immobilier locatif serait l’idéal pour se protéger de l’inflation : un actif réel générant des loyers perpétuels indexés sur l’inflation (formule de Gordon-Shapiro)… sauf que c’est largement faux. Le rendement qu’il va générer dépend de la permanence d’un locataire, du prix qu’il peut payer et de l’environnement juridique et fiscal. Les investisseurs, y compris personnes physiques, se sont ainsi rués sur des fonds evergreen, les SCPI, sans réaliser l’impermanence de ces facteurs. Le réveil a été brutal en 2022.
À l’opposé, les entreprises qui fabriquent des biens dont le coût est très élevé pour l’utilisateur ont adapté leur modèle économique : du jour où le prix de l’automobile a dépassé six mois de salaire, les établissements financiers des constructeurs de voitures puis les banques à réseaux ont proposé du leasing aux particuliers (1 voiture neuve sur 2 aujourd’hui), idem pour le Smartphone qui est pratiquement toujours commercialisé avec un abonnement.
Mais l’éco-système de l’immobilier, de par son organisation économique, politique et sociale, n’a pas évolué dans son modèle économique et n’a pas l’air de vouloir le faire. Il préfère toujours attendre son salut de l’État… Quitte à ce que le refus de sortir de cet immobilisme se fasse à son détriment et, plus globalement, celui de la France.
Logement : nous sommes restés à la saison 1 de Netflix
Les immeubles tertiaires sont préférablement loués via des baux fermes à neuf ans… Ce qui sécurise l’investisseur comme le locataire. Cela fait très années 1980 des grandes entreprises, époque de la financiarisation de l’immobilier de bureaux liée à la tertiarisation des économies. Mais qu’elles sont les ETI Entreprises de taille intermédiaire , les PME, les start-up qui ont une visibilité sur leur besoin en bureaux sur une période aussi longue ? Alors les mesures d’accompagnement, jusqu’à trois ou quatre ans de franchise de loyers, foisonnent, l’immeuble est toujours valorisé sur le loyer facial et non pas économique… ou alors en coworking à des prix souvent hors sol au titre de services qui sont tout sauf indispensables. Tout plutôt que de s’adapter au réel besoin d’une grande partie des entreprises.
Quant au logement, nous sommes resté à la saison 1 de Netflix : locataire ou propriétaire, soit « tu payes un loyer à fonds perdu », soit « si tu y arrives financièrement et tu es propriétaire ». Ce qui est devenu quasi impossible pour le plus grand nombre s’il n’est pas déjà propriétaire. Cela pousse les municipalités à encadrer les loyers avec le cercle vicieux qui va avec : moindre rentabilité locative, sortie des institutionnels du logement remplacé par des particuliers qui doutent, la pénurie et les coûts de construction continuent d’entretenir parallèlement des prix inabordables, des besoins supplémentaires de logements sociaux… et in fine un CSP Catégorie socioprofessionnelle + Catégorie d’audience qui regroupe les chefs d’entreprises, artisans et commerçants, cadres, professions intellectuelles supérieures et professions intermédiaires - loue son logement à un CSP + qui lui, si tout se passe bien, s’enrichit en remboursant son crédit et le tout est subventionné par l’État…
Le pire est qu’en l’absence de changement de modèle économique, il n’y a pas d’autre issue sauf à socialiser totalement le logement. Ce qui aurait un coût encore plus élevé. Il est temps de relire les articles 2 et 17 de la déclaration des Droits de l’Homme sur le droit de propriété. [1]
S’interroger sur le besoin réel des particuliers
La réponse a consisté à remplacer les investisseurs institutionnels par des personnes privées : « préparez votre retraite en achetant un 2e logement, le loyer perçu vous permet de rembourser partiellement votre crédit pendant votre période d’activité puis à la retraite, vous aurez un complément de revenu. Et pour vous inciter à le faire, vous avez un avantage fiscal (donc un coût pour la collectivité) ».
Et l’on se retrouve 30 ans plus tard dans la situation suivante (source Insee 2023) : près de 7 millions de foyers locataires de personnes privées. Sachant qu’il n’y a que 1,2 million de Français qui ont un patrimoine supérieur à 1 M€, il est dès lors logique que beaucoup de personnes privées possèdent plus de 5 logements locatifs… ce qui à l’évidence augmente les inégalités. C’est irritant pour beaucoup. D’où l’impôt qui va finir par tuer l’impôt.
De fait, cette industrie n’a pas fait l’effort de s’interroger sur le besoin réel des particuliers et donc de l’adaptation nécessaire de son modèle économique : un besoin de flexibilité pour le particulier de plus en plus fort : mobilité professionnelle, divorce, recomposition familiale, héritage tardif le cas échéant… et ne pas verser un loyer à fonds perdu quand ce dernier représente plus du quart de son revenu. Après un enfant tu campes, deux enfants tu décampes, la réponse est désormais : zéro enfant !
Historiquement, les crises pétrolières des années 70 nous ont amenés à faire évoluer en profondeur notre modèle économique : pas de pétrole, mais des idées. Ce qui s’est traduit par plus d’usines, des bureaux… et in fine la financiarisation de l’immobilier économique (bureaux, puis commerces, hôtellerie, entrepôts et aujourd’hui les data centers et les résidences gérées). Le modèle économique fonctionne à plein régime, toutes les parties prenantes précitées y trouvent leur compte. Les utilisateurs ne sont plus les propriétaires et ces derniers trouvent dans cette classe d’actif (relativement nouvelle), la promesse idéale d’un actif réel dont les revenus, optimisés fiscalement, seront éternels et indexés sur l’inflation (formule de Gordon-Shapiro initialement créée sur la valeur des actions - actualisation des dividendes à l’infini, appliquée aux loyers de l’immobilier). Le taux d’actualisation retenu est le taux des emprunts d’État majoré d’une prime de risque censée représenter le coût de l’illiquidité, le risque de vacance locative, les Capex à venir, la volatilité du taux des emprunts de l’État. Manifestement, le temps passant, des paramètres ont été oubliés.
Un cercle vicieux s’installe et s’auto-réalise
Symétriquement inverse, le logement est avant tout privilégié pour sa valeur d’usage par les particuliers et acheter coûte que coûte son logement reste un objectif naturel - loyer à fonds perdus, épargner en remboursant son crédit, ne plus avoir de loyer à payer à la retraite…- poussant les prix à hausse. Les prix montant beaucoup plus vite que les loyers, d’autant plus que la seule solution pour les municipalités n’est bien souvent que de les encadrer, le logement devient un actif de plus-value. Ne le voyant plus comme un actif d’efficacité économique, les institutionnels le fuient, la production est insuffisante et le cercle vicieux s’installe et s’auto-réalise pour de multiples facteurs plus ou moins indépendantes les unes des autres.
- Facteurs sociologiques. L’allongement sans précédent de la durée de la vie : âge moyen du décès en 1970 est de 69 ans pour les hommes et 76 pour les femmes, contre 79 ans pour les hommes et 85 ans pour les femmes. Les décohabitations (40 000 divorces en 1970 contre 230 000 ruptures officialisées sans tenir compte des ruptures d’unions libres). La mobilité professionnelle a fortement augmenté avant l’âge de 40 ans (tous les deux ans en moyenne pour les moins de 30 ans, six ans pour la tranche d’âge 30-40 ans). Enfin, l’impact des 30 glorieuses sur le nombre de résidences secondaires (de 600 000 en 1970 à 3,4 millions en 2025).
- Facteurs économiques. Une inflation des coûts de construction très supérieure à celle de l’inflation générale des prix. Depuis 1990, l’indice des coûts de construction a grimpé de 30 % de plus que celui des prix à la consommation (source Insee). À ce coût lié inéluctablement au caractère non délocalisable de la production s’ajoute celui de la rareté du foncier qui en 1990 représentait 15 à 20 % du prix total (35 à 45 % aujourd’hui).
- Facteur financier. L’augmentation de la durée des prêts (de 15 à 25 ans) dans un contexte de baisse des taux d’intérêts a été un puissant facteur d’augmentation générale des prix et d’endettement des ménages : en 1990, 550 000 prêts octroyés pour 45 Md€ (82 K€ en moyenne par emprunteur) ; en 2000, 750 000 prêts pour 80 Md€ (110 K€ en moyenne) ; en 2020, 1,15 million prêts pour 235 Md€ (en moyenne 205 K€).
Au total, la France utilise toujours les deux mêmes énormes marteaux - la fiscalité et le déficit - qui font que tous les problèmes ressemblent à des clous. Après un long cycle économique de Kondratiev nous avons amorcé un changement anthropologique qui impacte en profondeur l’immobilier et plus largement la ville et l’urbain, sans pour autant modifier nos modèles économiques, ce qui n’est plus tenable.
Des mouvements tectoniques à leur commencement
Les transitions démographiques liées à l’allongement de la durée de la vie et l’inversement progressif de la pyramide des âges (pour la première fois dans l’Histoire, il y a en France plus de personnes de plus de 60 ans que de moins de 20 ans), l’accélération de la digitalisation et l’impact de l’Intelligence artificielle sur le nombre d’emplois et le télétravail, la transformation des attentes sociétales que ce soit le rapport au travail comme à l’évolution des compositions familiales, la transition environnementale et son coût, l’évolution de la mondialisation et la géo-politique qui affaiblissent l’Europe, et enfin les conséquences des déséquilibres financiers accumulés depuis la première crise pétrolière. Autant de mouvements tectoniques qui n’en sont qu’à leur commencement et ne pourront pas être gérés uniquement par les mêmes méthodes.
Le coefficient de Gini, qui mesure les inégalités de revenus, en période de forte croissance, avait chuté de 0,35 à 0,25 entre les années 50 et 80 reflétant la baisse des inégalités et l’avènement de la classe moyenne. Avant impact de la redistribution, et dans le cadre d’une croissance économique faible, il serait remonté à 0,45 mais grâce au modèle social français, sa remontée est très modérée à 0,29 mais créant une situation non pérenne car au prix d’un surendettement qui ne peut qu’augmenter vu la pyramide d’âge.
De fait, avant redistribution l’écart de revenus entre les 20 % des ménages les plus riches et les plus pauvres est de x8, il chute à x4 après impôt et redistribution (source Insee). Au prix d’une fiscalité très élevée, de déficits budgétaires et d’un endettement public très important.
Si la redistribution est efficace sur les écarts de revenus par contre elle est inefficace sur les écarts de patrimoine ayant singulièrement augmenté. Les 20 % les plus pauvres affichent un patrimoine médian de 4 000 € contre 1,6 M€ pour les 20 % les plus riches l’écart provenant pour l’essentiel de l’immobilier et de l’envolée de son prix. Pour autant, la surface de leurs biens n’a pas augmenté et tout impôt, notamment sur la détention ou la transmission est dès lors perçu comme confiscatoire.
Adapter notre système financier à ces évolutions
La tentation de la vieille recette (taxer le patrimoine et les revenus du patrimoine notamment immobilier) est utilisée à foison… et résoudra encore moins le problème avec l’augmentation de la proportion de retraités qui auront de moins en moins de revenus pour payer ces taxes et cette redistribution. Il en est de même pour une extension significative des modèles d’acquisition (type BRS Bail réel solidaire - dispositif créé par la loi ALUR : le ménage est propriétaire de sa maison mais locataire du terrain. Contient des clauses de prix de revente et des plafonds de ressources des… ) dont le coût total pour la collectivité serait juste insupportable financièrement et créerait une injustice supplémentaire pour ceux qui ne seraient pas dans le système.
De même, il est illusoire de penser qu’avec une population active proportionnellement de plus en plus réduite, la croissance économique permettra de résoudre les multiples problématiques accumulées et singulièrement celles du logement. Il s’agit donc, comme lors des grandes évolutions du XXe siècle sur le logement, d’adapter notre système financier. L’immobilier peut être une des solutions qui pourrait infléchir positivement la situation des Français.
« There is a crack in everything, That’s how the light gets in » (Leonard Cohen)
Comment financer les travaux nécessaires à la mitigation et l’adaptation de millions de logements, comment financer les services dont auront de plus en plus en plus besoin les seniors au fil des années, comment permettre aux futurs héritiers d’acquérir leur logement à l’âge où ils en ont besoin ? la réponse est à l’évidence une monétisation partielle des 3 800 Md€ d’immobilier détenus par les seniors via des prêts avances mutations à l’instar de nombreux pays, dont l’Angleterre où 10 % d’une classe d’âge monétise une fraction de leur patrimoine (tant par souci de ne pas peser sur les finances publiques que de faciliter l’acquisition par leurs enfants de leurs logements).
Cela permet à l’État de focaliser son aide sur ceux qui ne sont pas en situation de bénéficier d’un héritage futur. Soyons réalistes, le travail payait plus que le capital pendant très longtemps et cela d’autant plus qu’une partie de cette situation provient de la hausse de l’immobilier et non pas de gains de productivité, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il faut en monétiser une fraction de ce patrimoine virtuel plutôt que de taxer encore plus les revenus du travail ou du capital. De manière ultime, la monétisation de cette fraction de son patrimoine devrait pouvoir également se faire sous forme de rente - tirage sur son crédit hypothécaire venant compléter sa retraite mensuelle.
L’intervention d’un tiers investisseur
Comment permettre aux centaines de milliers d’exclus de l’acquisition de leur logement de rentrer dans un parcours résidentiel de propriétaire sans peser plus sur les finances publiques ? La réponse est évidente, puisque le logement n’est plus financièrement abordable en pleine propriété, que son prix de construction va continuer de monter, le rendre abordable sans coût, c’est forcément partager avec un tiers la propriété. C’est l’objet de Neoproprio
Société à mission afin de libérer l’accès à la propriété immobilière. • Activités : Contrat de propriété d’un bien pour une durée déterminée entre un acquéreur particulier et un fonds…
: permettre d’acquérir son logement pour une durée limitée de 25 ans (sachant que la réalité est qu’en zone tendue, la durée de détention est inférieure à 10 ans) pour un coût comparable à un loyer.
Avoir toutes les caractéristiques de la propriété : être chez soi, épargner en remboursant un crédit, participer à une partie de la plus-value éventuelle. Parallèlement redonner à l’investisseur institutionnel qui co-investit un rendement normal pour de l’immobilier sans les inconvénients d’avoir des locataires. D’autres modèles peuvent co-exister. Ce qui est essentiel c’est l’intervention d’un tiers investisseur qui permet de rendre abordable le logement et cela sans coût pour la collectivité et un partage équitable des risques et rendements. C’est ce qu’on fait les constructeurs automobiles avec le leasing lorsque les prix des voitures a dépassé six mois de salaires et cela alors même qu’une voiture perd l’essentiel de sa valeur assez rapidement. Ce n’est pas le cas pour l’immobilier.
Il est temps que l’industrie du financement de l’immobilier (promoteurs, investisseurs, banques, assureurs, État…) s’adapte à ces mutations profondes et durables et réinvente leurs modalités d’interventions. Le changement anthropologique est en cours depuis plusieurs années et c’est déjà traduit par une crise de l’offre et de la demande de logement, la sortie de cette crise ne se fera que par une adaptation de nos modèles économiques.
[1] Article 2. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression.
Article 17. La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.
Rubrique animée par Jean-Luc Berho
Rubrique dirigée par Jean-Luc Berho
La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. La dernière édition le 29/08/2025 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) a été dédiée au logement en Europe. Jean-Luc Berho est président de Soliha Pays basque, président du conseil de surveillance de la Coopérative de l’immobilier à Toulouse, administrateur de l’association Aurore, administrateur d’Espacité et membre du Conseil national de l’habitat. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.
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