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« Toute politique de la ville doit être à plusieurs entrées » (S. Buffetaut, élu local, dirigeant ESH)

News Tank Cities - Paris - Tribune n°206775 - Publié le 01/02/2021 à 12:00
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Stéphane Buffetaut - ©  D.R.

Le mot séparatisme est devenu à la mode. Mais, à dire vrai, ne serait-il pas plus exact de parler de sécession et même de sécessions au pluriel tant il semble que divers groupes humains font sécession les uns par rapport aux autres, à commencer par les nomenklaturas polico-administratives des pays occidentaux. Les déracinés mondialisés qui peinent à comprendre les enracinés dans les dures réalités de la vie concrète. Ainsi, à la sécession de certaines communautés religieuses et culturelles s’en ajoutent d’autres. Celle des « élites », celle de la classe moyenne qui subit une forme de déclassement, celle du monde ouvrier dont plus personne ne se soucie puisque l’industrie a été rejetée, un peu vite, dans l’enfer de la vieille économie, écrit Stéphane Buffetaut 1e adjoint au maire @ Apremont (Vendée)
• Juriste de droit international public et de droit européen
, élu local en Vendée et administrateur de plusieurs ESH Entreprise sociale pour l’habitat (Batigère en Ile-de-France, Érigère, Logement urbain SA…), dans une tribune adressée à News Tank, le 29/01/2021.

Fragmentation, séparation, incompréhension : malheureux triptyque qui se traduit aussi dans la géographie humaine, dans la ville et l’habitat qui en sont le révélateur inscrit dans la pierre et le béton. Dès lors, il est légitime de se poser la question de savoir si les politiques de la ville et du logement seraient des instruments efficaces pour contribuer à recoudre le tissu social.

Toute politique de la ville, c’est-à-dire des banlieues en difficulté, mais aussi des petites villes de province en déshérence, doit être à plusieurs entrées : économique, sociale, culturelle, éducative, urbaine et architecturale.

Voici la tribune de Stéphane Buffetaut.


Politique du logement : instrument pour lutter contre les fractures françaises ?

L’histoire de France a trop souvent été celle de nos divisions. De la guerre de cent ans à nos jours le récit de nos querelles politiques et idéologiques emplit nos livres d’histoire. Mais aujourd’hui la France « éclatée » a pris le pas sur la France « affrontée ». Ce délitement du tissu social, du sentiment d’appartenance à une aventure commune est sans doute plus inquiétant que nos vieux litiges politiques où, en fin de compte, s’affrontaient deux conceptions de notre commune destinée, en tant que peuple constitué en nation, c’est-à-dire en corps politique et social uni.

De Christophe Guilluy (auteur de la « France périphérique, Flammarion) à Jérôme Fourquet (auteur de  »Bloc contre bloc« , aux éditions du Cerf), les observateurs sont nombreux à faire le constat des fragmentations françaises et à mettre en garde contre ses effets délétères. Phénomène inquiétant, il n’est plus rare d’entendre de modernes Cassandre évoquer une forme de guerre civile comme hypothèse repoussoir, certes, mais pas nécessairement illusoire.

Politiques de la ville et du logement

Le mot séparatisme est devenu à la mode. Mais, à dire vrai, ne serait-il pas plus exact de parler de sécession et même de sécessions au pluriel tant il semble que divers groupes humains font sécession les uns par rapport aux autres, à commencer par les nomenklaturas polico-administratives des pays occidentaux. Les déracinés mondialisés qui peinent à comprendre les enracinés dans les dures réalités de la vie concrète. Ainsi à la sécession de certaines communautés religieuses et culturelles s’en ajoutent d’autres. Celle des  »élites« , celle de la classe moyenne qui subit une forme de déclassement, celle du monde ouvrier dont plus personne ne se soucie puisque l’industrie a été rejetée, un peu vite, dans l’enfer de la vieille économie.

À cette fragmentation s’ajoute en effet une incompréhension, si ce n’est pire, que traduit bien la très malheureuse phrase du Président de la République à propos des gares, lieux où  »l’on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien« .

Fragmentation, séparation, incompréhension, malheureux triptyque qui se traduit aussi dans la géographie humaine, dans la ville et l’habitat qui en sont le révélateur inscrit dans la pierre et le béton. Dès lors, il est légitime de se poser la question de savoir si les politiques de la ville et du logement seraient des instruments efficaces pour contribuer à recoudre le tissu social.

 »La qualité urbaine pour tous« 

Pendant une 1e phase, la politique de la ville a souvent été d’abord orientée vers les bâtiments dont on améliorait l’efficacité énergétique, dont on reprenait l’apparence, dont on refaisait les cages d’escalier et les entrées, que l’on rasait parfois pour restructurer tel ou tel quartier. Mais le problème ne réside pas tant dans les bâtiments que dans les habitants leur chômage, leur mal-être, leur inoccupation forcée ou non, leurs difficultés éducatives et scolaires, les obstacles à leur intégration, leur repliement identitaire, leurs dérives délictuelles ou criminelles.

Toute politique de la ville, c’est-à-dire des banlieues en difficulté, mais aussi des petites villes de province en déshérence, doit être à plusieurs entrées : économique, sociale, culturelle, éducative, urbaine et architecturale. Le tout accompagné d’une politique responsable en matière d’immigration et d’intégration. Faute de quoi il ne s’agit que d’un puits sans fond pour les finances publiques, sans efficacité avérée. Un aspect trop souvent oublié de cette politique est la qualité esthétique des bâtiments. La beauté, le charme de l’architecture ne devrait pas être réservé à une certaine catégorie de la société. Les cœurs anciens de nos villes nous disent que ce ne fut pas le cas par le passé, même si les faubourgs n’eurent jamais bonne réputation.

Le beau doit être accessible à tous et notamment dans nos villes. Il est significatif que le 1e programme des 19 que comportait le plan Borloo était intitulé  »la qualité urbaine pour tous« . L’enterrement de celui-ci, au motif qu’un plan piloté par  »deux mâles blancs«  n’était pas recevable pour des quartiers peuplés en grande partie par des personnes d’origine étrangère, entrait, par le motif invoqué lui-même, dans la logique d’une France transformée en archipel où l’origine ethnique, voire le sexe, créerait en elle-même une sorte de barrière infranchissable, un mur d’incompréhension. Idée radicalement contraire à une conception républicaine, ou chrétienne au demeurant, de la vie en société.

Un moyen de s’enraciner

En fin de compte, il s’agit non seulement de procurer un logement décent et confortable mais encore d’offrir un cadre de vie et un environnement dont on puisse être fier et non pas se sentir déclassé par le seul fait d’y habiter. C’est une façon de se rappeler de façon quotidienne et naturelle que l’on n’est pas considéré comme un citoyen de seconde zone mais comme une personne participant de façon pleine et entière à la communauté nationale. C’est aussi un moyen de s’enraciner pour ceux qui viennent d’ailleurs, l’ailleurs pouvant être l’étranger mais aussi la région déshéritée. Le déracinement heureux est un truc de riche. Passer des salons business des aéroports aux hôtels internationaux et aux réunions où l’on retrouve ses alter ego avec lesquels on communique en mauvais anglais international, n’est pas source de stress. Pour les pauvres, il en va autrement. Le déracinement est source d’inquiétude voire d’angoisse, de difficulté à communiquer, de peur du lendemain. C’est bien pourquoi le rêve migratoire est souvent synonyme de drame.

Ainsi donc une vraie politique d’aménagement, d’urbanisme et de logement est un élément nécessaire, mais non suffisant, pour empêcher que la France devienne une sorte d’agrégat archipélagique instable mais au contraire une patrie où chacun puisse se sentir chez lui sans voir en son voisin un  »autre" dangereux et menaçant.

La rubrique est animée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. L'édition 2020 a eu lieu le 28/08/2020 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques). Il est également président de la Coopérative de l’immobilier, à Toulouse. La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.

Stéphane Buffetaut


• Juriste de droit international public et de droit européen

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Parcours

Apremont (Vendée)
1e adjoint au maire
Cilgère SA
Président
Erigère (groupe Action Logement)
Président du conseil d’administration
Association des petites cités de caractère de Vendée
Secrétaire
Batigère Ile de France
Administrateur
Versailles
Maire adjoint
Parlement européen
Député européen

Fiche n° 42753, créée le 31/01/2021 à 20:43 - MàJ le 31/01/2021 à 22:35

Batigère en Ile-de-France

• Entreprise sociale pour l’habitat (ESH) sur l’ensemble des départements d'Île-de-France et départements limitrophes
Création : 1958
Statut : SA d’HLM
Président du directoire : Claude Knapik
Directeur général : Stéphane Wallon
Chiffre d’affaires (2017)  : 104 M€
Parc : 35 000 logements
Effectif : 520 personnes
Tél. : 01 44 29 84 00

Catégorie : Bailleurs sociaux


Adresse du siège

2, rue Voltaire
92300 Levallois-Perret France


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Fiche n° 9335, créée le 12/11/2019 à 08:29 - MàJ le 31/01/2021 à 22:19

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Stéphane Buffetaut - ©  D.R.