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Pays Basque : territoire pionnier de la régulation des résidences secondaires ? (Julien Watine, ÉUP)

News Tank Cities - Paris - Tribune n°398479 - Publié le
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Julien Watine - ©  D.R.

Années après années, le Pays Basque occupe les premières places aux classements des territoires où il fait bon vivre. Le revers de la médaille est aujourd’hui connu, au point que certaines collectivités, qui se battaient un temps pour obtenir ces labels, souhaitent s’en débarrasser. Au premier rang des problématiques liées à cette attractivité figurent les questions d’accès au logement, alors que l’afflux touristique et l’arrivée annuelle de 3 000 nouveaux habitants exacerbent la pression sur l’offre disponible, écrit Julien Watine Chargé d’enseignement @ École d’urbanisme de Paris (UEP) • Doctorant en Urbanisme et Aménagement (Lab’Urba) @ Université Paris-Est Créteil (UPEC)
, enseignant à l’École d’urbanisme de Paris • Établissement d’enseignement supérieur français • Mission : formation aux métiers de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire. Elle est issue de la fusion entre l’Institut français… , dans une tribune adressée à News Tank le 15/05/2025.

À l’heure où les possibilités de construire sont limitées par la hausse des prix du foncier et les objectifs de lutte contre l’étalement urbain, et que la densité demeure peu acceptée dans un territoire marqué par la maison individuelle, le Pays Basque fait face à une équation particulièrement complexe. Face à ce cumul de facteurs pesant sur les marchés du logement, l’usage du parc existant, notamment celui des résidences secondaires, devient un enjeu d’action publique majeur. Outre la fiscalité, plusieurs outils réglementaires peuvent réguler les flux de résidences secondaires.

Voici la tribune de Julien Watine.


Le Pays Basque peut devenir un territoire pionnier en matière de régulation des résidences secondaires

Un territoire doublement attractif

Années après années, le Pays Basque occupe les premières places aux classements des territoires où il fait bon vivre. Le revers de la médaille est aujourd’hui connu, au point que certaines collectivités, qui se battaient un temps pour obtenir ces labels, souhaitent désormais s’en débarrasser. Au premier rang des problématiques liées à cette attractivité figurent les questions d’accès au logement, alors que l’afflux touristique et l’arrivée annuelle de 3 000 nouveaux habitants exacerbent la pression sur l’offre disponible.

À l’heure où les possibilités de construire sont limitées par la hausse des prix du foncier et les objectifs de lutte contre l’étalement urbain, et que la densité demeure peu acceptée dans un territoire marqué par la maison individuelle, le Pays Basque fait face à une équation particulièrement complexe.

Face à ce cumul de facteurs pesant sur les marchés du logement, l’usage du parc existant, notamment celui des résidences secondaires (1), devient un enjeu d’action publique majeur. Les récentes mesures prises par la Communauté d’agglomération, notamment le règlement de changement d’usage, ne freinent que partiellement le phénomène : pour cause, elles ne régulent que les résidences secondaires - minoritaires - qui sont louées sur les plateformes de courte durée. Alors que le PLH Programme local de l’habitat - document stratégique de programmation qui inclut l’ensemble de la politique locale de l’habitat (parc public et privé, constructions nouvelles…) anticipe la création de 900 nouvelles résidences secondaires chaque année (chiffre supérieur à celui de la croissance annuelle du parc locatif social ou privé), ces chiffres interrogent au regard des difficultés structurelles d’accès au logement d’une part croissante de la population.

Du droit au logement à la préservation des terres agricoles

Le Pays Basque compte environ 45 000 résidences secondaires (plus de 20 % du parc de logements). Si leur part reste relativement stable ces 30 dernières années, leur très forte concentration dans certaines communes littorales (entre 40 et 50 % des logements à Biarritz, Ciboure, Guéthary ou Saint-Jean-de-Luz) accroît les tensions au sein des marchés immobiliers. Elles contribuent à produire des effets inflationnistes, par manque d’offre disponible, mais surtout par une forte distorsion entre le pouvoir d’achat immobilier des habitants et celui des acquéreurs de résidences secondaires.

Préservation du droit au logement et des terres agricoles »

En effet, en Pyrénées-Atlantiques, le revenu disponible de ces derniers est plus de deux fois supérieur à celui du reste de la population, et ces forts écarts engendrent une surenchère sur les prix qui ne correspondent plus aux revenus locaux. Ces dernières années, les exemples les plus marquants ne se situent plus sur la côte, où les prix avoisinent déjà souvent ceux du marché parisien, mais dans les terres. On observe ainsi la revente de corps de ferme à des prix décuplés par rapport à leur valeur initiale, pouvant atteindre plusieurs millions d’euros. Deux problématiques se rejoignent ici : celles de la préservation du droit au logement et des terres agricoles. En effet, ces ventes destinées à la villégiature menacent à la fois la vocation nourricière des sols et celle d’habitation des logements ; elles risquent, par effet d’entraînement, de normaliser des prix excluant de fait habitants et exploitants locaux.

Néanmoins, si ces phénomènes semblent inacceptables d’un point de vue social et environnemental, rien ne s’y oppose au regard du fonctionnement des marchés, et vendeurs et acquéreurs se trouvent dans leur bon droit. Se pose alors la question d’une régulation publique de ces acquisitions et d’un arbitrage politique entre libertés individuelles et intérêt général.

Quels instruments d’action publique pour réguler les résidences secondaires ?

Les leviers permettant aux exécutifs locaux de réguler le parc de résidences secondaires sont limités. La fiscalité, à travers la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires appliquée dans les 24 communes de la zone tendue du Pays Basque, ne semble pas suffisamment dissuasive pour orienter les pratiques des propriétaires. Par ailleurs, bien que légitime au regard du droit au logement, un potentiel déplafonnement de cette taxe pourrait générer des tensions dans un territoire où certaines résidences secondaires sont des maisons familiales, héritées et porteuses d’une forte valeur symbolique. En ce sens, de nombreuses propositions de régulation, fiscales comme réglementaires, portent sur les mutations et non sur la détention.

Moduler les droits de mutation et les frais de succession »

À ce titre, des propositions portées en 2021 par la maire de Guéthary entendent moduler les droits de mutation et les frais de succession en fonction de l’usage du bien en tant que résidence principale ou secondaire. Ce dernier point semble essentiel, alors qu’une majorité du parc, détenue par des ménages de plus de 60 ans, fera l’objet de mutations dans les années à venir. Ces mesures posent toutefois des enjeux en matière de contrôle, alors que le caractère principal ou secondaire d’un bien relève d’une simple déclaration faisant l’objet de nombreuses fraudes.

Faut-il élargir le règlement de changement d’usage ?

Outre la fiscalité, des outils réglementaires peuvent réguler les flux de résidences secondaires. C’est le cas des servitudes prévues par la loi Le Meur-Echaniz du 24/12/2024, qui permettent à certaines communes de définir dans leurs documents d’urbanisme des zones où toute construction neuve devra être à usage exclusif de résidence principale. Cette mesure récente représente une avancée symbolique majeure. Toutefois, sa portée semble limitée alors que la majorité des acquisitions de résidences secondaires ont lieu dans l’ancien.

À ce jour, les mutations dans le parc existant ne sont pas régulées. Pour pallier ce manque et contenir l’érosion de l’habitat permanent, des acteurs préconisent d’élargir le règlement de changement d’usage, à savoir de soumettre la transformation d’un logement en résidence secondaire à une autorisation dans les zones les plus tendues. Cette mesure, ambitieuse, ne manquerait pas de renouveler les contentieux opposant les doctrines du droit au logement et du droit de propriété. Si le fait de posséder plusieurs résidences relève d’une liberté individuelle, les conséquences collectives de cette pratique doivent néanmoins être interrogées et devraient alimenter les débats lors des prochaines élections municipales. Face à l’urgence sociale de la crise du logement, la question du “droit d’avoir un logement avant celui d’en avoir deux” doit être posée.

Alors que les initiatives visant à réguler les résidences secondaires n’en sont qu’à leurs débuts et que la portée des leviers existants demeure limitée, le sujet fait son chemin parmi la société civile et les pouvoirs publics locaux. À l’image des manifestations ayant réuni plusieurs milliers de personnes à Bayonne pour le “droit de vivre et se loger au Pays”, les actions menées en Pays Basque contribuent à une prise de conscience collective sur la question. Le territoire, de par ses spécificités territoriales et culturelles, est souvent associé à une terre de revendications et à un « laboratoire » de l’action publique, dont les idées essaiment bien au-delà de ses propres frontières. Il peut devenir un acteur majeur de l’émergence des politiques de régulation des résidences secondaires.

(1) Julien Watine prépare une thèse intitulée « Face à la saturation des marchés locaux du logement : quelles politiques de régulation des résidences secondaires ? »

La rubrique est dirigée par Jean-Luc Berho (berhoji@laposte.net), créateur des Entretiens d’Inxauseta, événement annuel dédié aux politiques du logement et de l’habitat. La prochaine édition est prévue le 29/08/2025 à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) sur le thème du logement. Jean-Luc Berho est président de Soliha Solidaires pour l’habitat, réseau PACT et réseau Habitat & Développement Pays basque, président du conseil de surveillance de la Coopérative de l’immobilier à Toulouse, administrateur de l’association Aurore, administrateur d’Espacité et membre du Conseil national de l’habitat (CNH Conseil national de l’habitat ). La rubrique a vocation à mettre en exergue des avis experts sur l’accès au logement, le parcours résidentiel, la politique de la ville, l’urbanisme et l’aménagement des territoires, en France et à l’international.

Julien Watine


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Parcours

École d’urbanisme de Paris (UEP)
Chargé d’enseignement
Université Paris-Est Créteil (UPEC)
Doctorant en Urbanisme et Aménagement (Lab’Urba)
ICF Habitat
Chargé d’opération

Fiche n° 54061, créée le 16/05/2025 à 11:38 - MàJ le 16/05/2025 à 11:43


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Julien Watine - ©  D.R.